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TRAITÉ
DU
RAMOLLI SSEMEN'l
DU U EU VEAU.
;iTiAUi.
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l’iii'is. — Imprimerie île 'inonuT r.t llAL'y^lp.l.^^•
rue lie lu Jlarpc, 90,
TUAJTl'
D13
DU CERVEAU,
FAK
Max. DURAND-FARDEL,
DOCTEUR EN MÉDECINE DE LA FACULTE DE PARIS*
LX-INTERNE LAURÉAT DES HOPITAUX ET HOSPICES DE PARIS ; MEMBRE HONORAIIIL
ET ANCIEN VICE-PRÉSIDENT DE^LA SOCIÉTÉ ANATOMIQUE;
MEMBI^ TITULAIRE DE LA SOCIÉTÉ MÉDICALE d’oBSERVATION ,
ET DE LA SOCIÉTÉ DE MEDECINE DE PARIS.
f)UVU.\GE GOüROMNi: TAI! L’ACAUGMlli liUYALt MG MEDGCIAK.
f^iiœrile et iuvcinelit.
SuNT l,UC.
V O
l’yVniS,
CliliZ BAILIJÈKE,
libraire de l’académie royale de médecine,
RUE DK l’école DE MÉDECINE 17,
•K LOiNDKliS, CHEZ H. BAILLIÈRE, 219, REGENT STREET
1843
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A MESSIEURS
GRUYETLHIER,
Professeur à la Faculté de médecine de Paris,
Médecin de l'hôpital de la Charité,
Membre de l’Académie royale de médecine, etc.
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ROGHOUX,
Médecin de l’hospice de Bicêtre ,
ombre de l’Académie royale de médecino, etc.
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Max. DURAND.FARDEL
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PRÉFACE.
On peut entendre deux choses bien différentes par cette
expression de ramollissement du cerveau : ou bien un état
morbide particulier , une maladie , qui attend un autre nom
lorsque sa nature aura été bien définie, ou bien le fait môme
de la diminution de consistance de la pulpe cérébrale. Or, on
peut après la mort trouver le cerveau ramolli par suite de
putréfaction , ou mécaniquement par l’action directe d’un
corps étranger ; le cerveau peut se ramollir durant la vie par
suite d’une contusion, de la gangrène, de l’imbibition des li-
quides ou de mainte autre cause certaine ou simplement pos-
sible.
Ce que j’étudierai dans cet ouvrage, c’est le ramollissement
considéré comme an état morbide spécial , se développant
spontanément ou sous l’influence de causes plus ou moins
appréciables , et par un mécanisme dont nous aurons à re-
chercher la nature ; c’est cette maladie que M.Rostan a, non
pas indiquée, mais décrite le premier, et qu’on a paru géné-
ralement s’accorder jusqu’ici à étudier isolément de 1 encé-
phalite proprement dite , de l’encéphalite traumatique.
Prenant la science au point où elle en est aujourd’hui , je
suivrai cet exemple, et laissant de côté le ramollissement in-
flammatoire que l’on voit se développer à la suite des plaies
de tête ou à l’entour des productions organiques , le ramol-
lissement purulent qui accompagne habituellement les alté-
rations des os du crâne et de l’oreille interne , l’encéphalite
superficielle qui suit quelquefois les méningites franches des
enfants et des adultes ; je n’étudierai ces altérations que
comme pvoint de comparaison , et bien que leur histoire soit
loin d’ôtre achevée, je pourrai cependant tes invoquer main-
viij PRÉFACE.
l es l’ois pour éclairer par leur rapprochement les faits bien au*
trement obscurs dont j’aurai à traiter.
.le devrai chercher surtout à résoudre cette question : le
ramollissement cérébral est-il une altération toujours identi-
que , ou y a-t-il plusieurs espèces de ramollissement? Car ,
suivant moi , ce que le programme de l’Académie royale
de médecine semblait poser en fait , lorsque cette savante
compagnie a mis l’étude du ramollissement au concours (1) ,
est précisément la chose en question.: nous verrons s’il en
seraencore ainsi à la fin de ces recherches.
Ce travail est le fruit de plusieurs années d’observation :
quelle que soit la valeur que l’on veuille bien accorder aux
conclusions que j’ai posées , j’espère qu’on me rendra cette
justice, qu’aucune assertion n’y est émise qui ne soit appuyée
surdos faits. Et je puis allirmer une'chose : c’est que, dans
mon esprit > ces conclusions ne sont venues qu’à la suite de
l’observation , et ne sont en aucune façon le résultat de ces
idées préconçues qui ne conduisent pas nécessairement à
l’erreur, mais dont il faut, je le sais, se garantir avec le plus
grand soin dans les questions de science.
L’historique du ramollissement cérébral est facile à faire ;
car la connaissance de cette maladie est de date toute mo-
derne , et ne remonte réellement qu’à quelques années. A
peine indiquée par Morgagni et par Lieutaud , puis par Bail-
lie, Leroux, Portai, le grand Dictionnaire des Sciences médi-
cales, etc., M. Rostan est le premier qui ait décrit cette affec-
tion si commune dans la vieillesse , et qui se développe en
dehors des causes traumatiques et des circonstances dans les-
quelleson est habitué à voir se produire l’encéphalite. Aussi, il
(1) Voici quels (‘talent les tei'me.s de la qiie.sliou proposée par l’Acadcûiiie :
M Décrire, les différentes espèces de rnmollissenieiil, des centres nerveux (cer-
veau, cervelet, moelle é])inière) ; en exposer les causes, ies signes et le Irai-
t 'Uient.
PRÉFACE.
ix
faiil le dire, les travaux quionteu pou r objet Thistoire de cette
dernière, entre autres les ouvrages si remarquables à divers
titres de MM. Bouillaud et Lallemand, n’ont que peu avancé
l’histoire du ramollissement considéré en général ; car il est
évident que le livre de M. Rostan comprend une série de faits
dont ces auteurs ne font aucune mention, et qu’ils ne parais-
sent môme pas avoir observés. M. Andral était le seul qui eût
repris, dans sa clinique médicale, cette question du ramollis-
sement cérébral considéré en général , lorsque, assez récem-
ment, MM. Delaberge et Monneret ont analysé, avec le soin
qu’on leur connaît , les travaux et les écrits particuliers, les
observations qui depuis plusieurs années ont été publiés sur
cette partie de la pathologie cérébrale.
Je me bornerai à ces indications qui comprennent les prin-
cipales phases qu’a présentées jusqu’ici, dans sa courte exis-
tence, l’histoire du ramollissement du cerveau. Les divers
travaux qui ont eu pour sujet cette maladie seront longue-
ment analysés , et souvent môme , on me le pardonnera , je
l’espère, critiqués dans le cours de cet ouvrage ; et aux noms
que je viens de citer on verra souvent se joindre ceux de
MM. Raikem, Rochoiix, Gendrin , Cruveilhier, Calmeil, Shé-
del, Foville, Dechambre, etc., dont les recherches nous aide-
ront plus d’une fois à éclairer notre sujet.
La question du ramollissement cérébral , comme du reste,
nous pouvons le dire avec satisfaction, presque toutes celles
qui se rattachent à la pathologie cérébrale , appartient à la
médecine française. Je connais peu, il est vrai, ce qu’ont fait
sur ce point les médecins allemands ; mais cette ignorance
même me fait présumer qu’ils n’ont point créé de travaux im-
portants sur ces matières. Quant aux Anglais , chez lesquels
du reste on trouve plus facilement que chez nous des em-
prunts faits, quand il y a lieu , à la littérature allemande , ils
se sont contentés, relativement au ramollissement cérébral,
X
PRÉFACE.
de répéter ce qu’avaient écrit les médecins français. Ainsi
Copland reproduit simplement les idées de M. Rostan. Le bel
ouvrage de Bright sur les maladies du cerveau n’est qu’un
recueil d’observations très-bien prises du reste, et auxquelles
sont joints des dessins fort remarquables. Quant à Abercrom-
bie , dont le livre est si populaire chez nous , l’essai qu’il a
tenté, en dehors des doctrines françaises , pour substituer ta
symptomatologie à l’anatomie pathologique , comme base de
la pathologie cérébrale, n’a pas été heureux. Ce que je viens
de dire toutefois ne saurait s’appliquer au docteur Carswell ,
auquel nous devons certainement un des meilleurs articles
qui aient été écrits sur le ramollissement cérébral.
L’observation d’un grand nombre de faits particuliers , et
la méditation des écrits publiés sur celte matière m’ayant
■conduit à des résultats fort différents des opinions exprimées
jusqu’à ce jour par la plupart des auteurs , la critique a dû
tenir une assez large place dans cet ouvrage. La plus entière
indépendance a toujours présidé aux jugements que je me
suis cru permis de porter. Parmi les hommes dont j’ai dû
combattre les idées , plusieurs ont été mes maîtres , soit par
les leçonsque j’en ai reçues, soit par les connaissances que j’ai
puisées dans leurs écrits : si j’ai discuté librement leurs opi-
nions , je désire qu’ils .soient convaincus que je n’en ai pas
moins toujours conservé pour eux les sentiments d’estime et
de reconnaissance que l’on doit à ceux à l’école desquels on
.s’est formé.
Je dois des remerciements à plusieurs des médecins et des
internes de l’hospice de la Salpétrière, pour l’obligeance avec
laquelle ils ont mis à ma disposition tous les faits qui pou-
vaient m’aider dans mes recherches ; je les adresserai spé-
cialement à mon excellent maître M. Prus, à MM. les doc-
teurs Bouvier, Dalmas, à MM. Ernest Boudet, Guyton , Mol-
loy, Veyne, Mascarel, Bennett , Ducrest , internes de l’hoS'
PRÉFACE.
xj
pice. Je ne puis malheureusement y joindre un nom qui m’é-
tait bien cher ^ je n'ai plus de remerciements à lui offrir, mais
seulement des regrets à adresser à sa mémoire. Je veux par-
ler de Charles Rogée, qui vient d’être enlevé bien jeune à la
science et à ses confrères. Si Rogée n’eût été que mon ami ,
je n’eusse pas songé à lui rendre ici un dernier hommage ;
mais depuis que ses importantes recherches sur la curabilité
de la phthisie pulmonaire ont été publiées, son nom appar-
tient désormais à la science.
oS.'ÎÛïl^" /
errata.
Page 17. Les infiltre. . . , Usez l’infiltre.
— 70. Avec aréole jaim<1trc. , . , /«ec .• avec tics aréoles
jauniltre
/
DU
UAM0LL1SS£J»1E]NÏ CEREBRAL.
La première division qui se présente à établir dans cette his-
toire, c’est celle du ramollissement aigu et du ramollissement
chronique. Quelque essentielle , quelque classique qu’elle soit,
la plupart des écrits qui ont été consacrés à l’étude de cette ma-
ladie en offrent à peine de traces; et cependant nous verrons
qu’elle est parfaitement naturelle et facile à établir, non-seule-
ment pour les symptômes qui seuls ont encore fixé l’attention
sous ce point de vue , mais encore et surtout pour les altérations
anatomiques. Cet oubli des auteurs , ou plutôt leur ignorance
sur ce côté de la question , est sans doute une des causes qui
ont le plus contribué à retarder les progrès de l’histoire du ra-
mollissement.
Dans un grand nombre de cas , le ramollissement cérébral
se termine dans sa période aiguë ; d’autres fois, après avoir tra-
versé cette période ordinairement bien tranchée et facile à sai-
sir, il passe a 1 état chronique ; dans certains cas , enfin , beau-
coup plus rares , il semble chi’onique dès le principe , non pas
que si une circonstance étrangère à son développement donnait
occasion de 1 etudier à cette époque, on ne dût lui reconnaître
les caracières de 1 acuité ; mais alors sa marche graduelle ne per-
met aucunement de distinguer pendant la vie ces périodes
1 une de 1 autre. On voit qu’au point de vue de la marche
qu il suit , la plus grande analogie existe entre le ramollisse-
ment du cerveau et bien d’autres affections des différents
oigancs. Cette analogie , que nous retrouverons dans bien
^ auties points de son histoire, se remarque encore sous le rap-
xiv DU RAMOLLISSEMENT CEREBRAL.
port cie la difficulté de tracèV dans tous les cas une ligue de
démarcation absolue entre l’état aigu et l’état chronique, quel-
que distincts qu’ils Soient dans l’ensemble de leurs caractères.
INe pouvaitt doiïc’ pfécisep âttefi exabtitnidé où'^ fîmti lé ramol-
lissement aigu et où commence le ramollissement chronique, je
dirai seulement que l’on peut appeler aigu le ramollissement,
lorsqu’il parcourt ses périodes dans un espace de temps peu con-
sidérable, pendant lequel le malade demeure incessamment
sous le coup de l’affection dont il est atteint, et qui n’est pas
assez long pour que l’altération anatomique puisse se dénaturer
et perdre la physionomie qu’elle avait dans le principe. On peut
fixer approximativement du vingt-cinquième au trentième jour
l’époque où se fait la transition du ramollissement aigu au ra-
mollissément chïottiqtoe.
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PREMIERE PARTIE.
RAMOLLISSEMENT AIGU.
CHAPITRE PREMIER.
ANATOMIE PATHOLOGIQUE DU KAMOLLISSEMENT AIGU.
ARTICLE PREMIER.
Le ramollissement cérébral, dans sa pci iode aigue, est .spcda-
lement caractérisé par la rougeur et la dimiiuuion de consi.s-
tance , sans désorganisation, de la pulpe cérébrale. Kous ctu-
clierons successivement :
1° Son siège;
2“ Sa consistance ;
3“ Sa couleur;
4” Les modifications dans la forme du cerveau qui peuvent
1 accompagner ;
5“ L’état des méninges et du reste du cerveau.
S I"- Siège.
Le ramollissement aigu peut se montrer sur tous les points
c U cerveau , mais nulle part aussi fréquemment qu’aux circon-
volm.ons; dans 33 cas de ramolli»se,ne,u observés par moi,
31 fors ces deriuères élaient affectées ; 9 fois elles l'éuieiu seules
ou a b.en peu de choses près ; 22 fois la substance blanche sous-
jaecnte participait dans une étendue notable à leur alléialion ,
4 fois le corps slrié, 5 fois la couche optique. Dans un cas la
substance médullaire était seule ramollie; une fois le rervcletà
sa surlace.
Dans 53 cas qui ne m’appartiennent pas et que j’ai sous les
Hux,cioisis dans des circonstances analogues (I), mais chez
djJtdir.ji u;i, une fuis pour tuiUet.
'pic , 5uuf CAcepiiijii , les r
di'.vef sla-
1
'2 IWMOI.LISSEMIÎWT AKiU. ( AN AT. l’ATH. j
dosiiulivKlus de dilfcirents âges, la recherche du siège du ra-
inollissement aigu nous donne les résultats suivants (1) ;
Circonvolutions et substance blanche.
Circonvolutions seules
Substance blanche seule
Corps strié et couche optique ensemble.
Corps strié seul
Couche optique seule
Protubérance annulaire
Pédoncule du cerveau
Corps calleux
Parois des ventricules, septum. .
Voûte à trois piliers. .... • •
Cervelet
22 fois.
6
5
6
11
4
3
1
1
1
1
1
11 y a longtemps que l’on répète que le ramollissement se ren-
contre beaucoup plus souvent dans la substance grise que dans
la substance blanche ; mais cela est loin d’être aussi vrai qu’on
le pense ; car ce n’est que dans des cas assez peu nombreux qu’on
le trouve exactement limité à l’une ou l’autre de ces substances.
Tl faut convenir cependant que le ramollissement affecte la sub-
•tance grise dans le plus grand nombre des cas, puisque sur 86
€as de ramollissement aigu , 9 fois seulement il avait son siege
exclusivement dans la substance blanche. Les circonvolutions
sont le point du cerveau où l’on rencontre le plus fréquem-
ment le ramollissement aigu ; car , sur ces 86 cas , elles étaient
malades 59 fois ; mais 15 fois seulement l’altération était hini-
lisliqiies et les descriplions qui trouveront place dans ce traiail, ne por
leront (lue .sur des faits de ramollissement indépendant : de lésions trau-
matiques, de maladies des os du crltne, de dcsénére.scences ou cicatrices
lidiuorrliagiqiies du cerveau, de suppuration des méningés, etc. m a paiu
tout à fait nécessaire, surtout pour le ramollissement aigu, d e apier, au
tant que possible, les complications et certaines circonstances d’éiiologie,
afin d’obtenir une liisloire exacte et bien certaine du ramollissement célé-
brai, tel que j’ai entrepris de l’ctudier.
N) Ces faits qui me bcrviroiit spécialement à liaccr l’IiisLoire du rauiol-
«isu, .soDt 18 i H. R., su,,, 9 I, »1. A.ulr«l, li a
■M. Raikem, H à M. Lallemand ( 1™ lettre), 1» à divers recueils.
siÉGi:.
3
tee, ou a bien peu de choses près, à la couche coilicale ; dans
les autres cas, elle pénétrait plus ou moins profondément dans
la substance médullaire. Les circonvolutions sont donc beau-
coup plus souvent atteintes par le ramollissement que les par-
ties centrales ; le corps strié et la couche optique n’ont été
trouvés ramollis que 28 fois, soit isolément, soit simultané
ment , quelquefois en même temps que les circonvolutions.
Lette tendance du ramollissement à se développer vers la su-
perficie du cerveau est intéressante à rapprocher de la tendance
toute opposée de l’hémorrhagie, si rare aux circonvolutions , si
commune au voisinage des ventricules ; on s’est donc trompé
quand on a cru trouver entre ces deux affections une analogie
complété sous le rapport du siège (l).
Quand le ramollissement occupait le corps strié ou la couche
optique , presque toujours la substance médullaire avoisinante
participait à leur altération ; seulement je ne puis indiquer le
• re précis des cas de ce genre , parce qu’un grand nombre
fl observations ne sont pas assez explicites sur ce sujet.
Ce résumé nous montre donc que les deux substances du cer-
veau sont presque toujours simultanément ramollies ^2), et que
par conséquent si la substance corticale est plus souvent alté-
portbn que dans une faible pro-
be ramollissement, dans sa période d'acuité, peut occuper un
espace ties-vanable. Une fois je l’ai vu s’étendre à la supmficie
presquenliere des deux hémisphères et à la surface des deux
re Dans des cas plus rares il occupe presque toute l’épaisseur
une des moitiés du cerveau. D’autres fois on le voit n^affecter
Mc” aÜîsT ;i“ de la ,ab«ance cére-
r duc gros pois, doue noisette. 11 s’en
que les symptôme» se ttoueent toujours en rapport avec des
(f ) Voyez cliap. VI, § V, une e'lude compnratwe du sid-e d, rr
rnenl et de l’ hémorrhagie cdrdbralc. ^ > amollisse-
Jltdi'^oli'c'h’' t "" 1'™''»“"' .11 n’est ,,ss
4 RAMOLLISSKMENX AlGÜ. (ANAT. PAXH. )
différences aussi grandes dans l’étendue de 1 altération anato-
mique.
Lorsque le ramollissement aigu siège dans les circonvolutions,
on le trouve quelquefois exactement circonscrit à la couche
corticale ; mais l’étude du ramollissement chronique montie qus
plus tard il finit presque toujours par gagner la substance mé-
dullaire sous-jacente.
Ç II. Consistance.
f ..
Lorsque l’on étudie un ramollissement cérébral , il est im-
portant de chercher à reconnaître si le tissu malade est com-
plètement désorganisé, ou si sa consistance est seulement dimi-
nuée. Cette distinction est plus facile à faire qu’à décrire : j aurai
occasion de donner de nombreux exemples de désorganisation
du cerveau ; je me contenterai de dire maintenant qu il y a dés-
organisation de la substance cerebrale , lorsque sa textuie
paraît absolument modifiée, que la pulpe nerveuse a elle-même
plus ou moins complètement disparu ou au moins tout à fait
changé d’aspect ; par exemple, qu’elle est remplacée par du tissu
cellulaire , infiltrée par un liquide autre que le sang, etc. Dans
les cas de ce genre , il est certain que le ramollissement est
chronique, parce qu’il faut un certain temps pour que de sem-
blables modifications de texture puissents opérer .Une infiltration
sanguine considérable peut , il est vrai , désorganiser très-rapi-
dement la substance cérébrale , mais d’une façon toute méca-
nique, et d’ailleurs la présence seule du sang suffit pour attester
la date récente de la lésion.
Ainsi quand la substance cérébrale est simplement diminuée
de consistance , sans que son organisation paraisse profondé-
ment altérée, il y a toutes probabilités que le ramollissement est
aigu.
Quelquefois cette diminution de consistance est si légère que
le tissu cérébral paraît à l’œil avoir conservé toute sa cohésion ,
et qu’un courant d’eau ne peut aucunement le pénétrer ni en sé-
parer les fibres. Cependant, lorscju’on le touche, il offre la sensa-
tion d’une gelée un peu fi rme. Ordinairement alors il y a une
rougeur uniforme bien prononcée , de la tuméfaction , et il
présente un aspect ticiulffollant , comme gélaliuiformc. C est
CONSISTA \CH.
5
le plus souvent dans la substance grise que se présente cette ap-
parence, qui indique du reste un ramollissement tout à fait à
son début.
La mollesse du tissu ramolli peut aller jusqu’à celle d’une
bouillie peu épaisse : elle n’atteint guère ce degré que dans la
substance blanche et au centre du ramollissement. On sent quel-
quefois alors de la fluctuation en pressant la surface' du cerveau.
Les angles des coupes que l’on pratique dans une partie ramol-
lie s’arrondissent aussitôt.
Il n’est possible de bien étudier un ramollissement qu’à
l’aide de l’eau. On peut placer la partie ramollie sous l’eau ;
mais cela ne saurait guère servir qu’à en laver la surface. Le
mieux est de projeter sur elle une nappe ou un filet d’eau ,
dont on gradue le diamètre et la force à volonté. Un filet délié
est quelquefois utile pour étudier avec précision les limites d’un
ramollissement ; mais il faut prendre garde , s’il a un peu de
force, qu’il peut produire quelques érosions artificielles. Lors-
qu un ceiveau est sain, il est possible de projeter impunément
de 1 eau sous toutes les formes, à la surface de ses coupes ;
mais si une fois il se trouve éraillé soit par un ramollissement,
soit par une déchirure accidentelle , un filet d’eau peut péné-
trer plus loin que l’alteration existante , et l’agrandir ainsi. Il
est encore une chose fort remarquable : c’est qu’une éraillure
ainsi artificielle de la substance médullaire lui fait perdre sa
blancheur naturelle , pour lui donner une teinte légèrement
grisâtre, et qui pourrait induire facilement en erreur. Je me
suis assure de ce fait dans de nombreuses expériences.
Un courant d’eau un peu large , tombant de 15 ou 20 centi-
mètres de hauteur , pénètre et sépai e les parties ramollies , les
soulève légèrement et mesure la profondeur du ramollissement.
Il est rare que dans un ramollissement très-récent, il entraîne
avec lui des lambeaux de substance nerveuse : ces derniers se
laissent en général détacher d'autant plus aisément que la ma-
ladie est plus ancienne.
Je pense qu’il est impossible de fixer d^me manière précise
le degré de consistance au-delà ou en deçà duquel le cerveau
doit être considéré comme malade. Assurément il est une foule
de conditions dépendant de l’organisation du sujet . de sa der-
nière maladie, delà composition du sang, de l’état almosphé-
6
RAMOLLISSEMENT AIGU. (anAT. PATH,)
nque, du temps écoulé depuis la mort, etc., qui peuvent influer
sui la consistance du cerveau, sans qu’il nous soit permis d’ap-
precier exactement leur mode d agir. On saura bien que lors-
que la putréfaction commence à se développer , la mollesse du
CCI veau tient à la meme cause que celle du reste du corps, on
a pu remarquer encore que dans les temps chauds, le ramol-
lissement SC montre plus hâtivement dans les centres nerveux
qu’ailleurs ; je crois également pouvoir affirmer que chez les
individus hydropiques, lorsque le cerveau baigne de toutes
parts dans la sérosité , la consistance de la pulpe nerveuse est
notablement diminuée. Mais il est en dehors de toutes ces cir-
constances des cas ou^ sans qu’il soit possible de savoir pourquoi,
le cerveau et le cervelet paraissent beaucoup plus mois qu’ils ne
le sont habituellement. Je puis en citer plusieurs exemples. Une
femme de 65 ans , atteinte d’une affection organique du foie ,
mouiut dans le marasme, sans avoir présenté aucun symptôme
du côté du cerveau. Ce dernier était dans un tel état de mol-
lesse que, placé sur la main, les doigts y pe'nétraient par sa seule
pesanteur. Il ne présentait à part cela rien de particulier. L’au-
topsie avait été pratiquée 40 heures après la mort , et par un
temps assez chaud : mais on n’était qu’au commencement de
mai. Le cadavre ne présentait aucun signe de putréfaction. Au
meme moment, un cerveau examiné 70 heures après la mort,
et 24 heures après avoir été retiré du crâne , était loin de cet
état de mollesse.
31. 3'Iillet rapporte que, faisant l'autopsie d’un aliéné atteint
de paralysie générale , 41 heures après la mort , au mois d’août,
il vit la pulpe cérébrale s’écouler sur la table comme une boud-
lie ; les circonvolutions n’étaient plus distinctes. Il y avait au
milieu de cette bouillie des grumeaux plus blancs que le reste ,
comme des caillots dans du lait. On trouva un foyer apoplec-
tique ancien, lout cela répandait une odeur douceâtre et nau-
séabonde très-pénétrante. La substance grise paraissait plus
molle que la blanche. La moelle était également comme putré-
fiée dans les régions cervicale et lombaire. Il y avait à peine
quelques signes extérieurs de putréfaction commençante (1).
31. IMillet a examiné comparativement plusieurs cerveaux
(I) -1nnal,-t d’hygiène rl r/.. medecine légale, I8H. T. XXV, png. 183.
I
COULEUR.
7
conservés à une même températuie. Il a vu que le cerveau d un
individu mort d’une encéphalite, ouvert au bout de 6 jours el 7
heures, représentait assez bien l’état de celui qui vient d’être
décrit. L’état d’un cerveau examiné de 6 à 8 mois après l’inhu-
mation , ( Orfila et Lesueur, Traité des exhumations juridiques ,)
y répond également.
Si l’on ne peut guère avoir une connaissance précise du de-
gré qui constitue l’état normal pour la consistance géneiale des
centres nerveux, il est plus facile et non moins inqiortant d éta-
blir des données assez certaines sur les nuances relatives qui ,
sous ce rapport , existent entre les divers points de ces organes.
Ainsi les circonvolutions de la face inférieure des lobes anté-
rieur et moyen présentent une consistance beaucoup moindre
que celles de la convexité, surtout les circonvolutions de la corne
sphénoïdale dont la mollesse pulpeuse parait souvent au pre-
mier abord annoncer une altération commençante , et dont la
pie-mère entraîne fréquemment avec elle, quand on la détache,
la couche la plus superficielle, sous forme de lamelles minces et
aplaties. A la convexité, les circonvolutions de la partie moyenne
offrent un peu plus de densité que celles des lobes antérieurs, et
celles de la pointe occipitale présentent une dureté toujours très-
prononcée , et quelquefois tout à fait extraordinaire. Ces remar-
ques, auxquelles il faut ajouter celles plus vulgaires du peu de
consistance du cervelet , de la densité au contraire considérable
de la protizbé rance , et surtout du bulbe rachidien, des oli-
ves et des pyramides, je les ai faites constamment sur plus de
cent cinquante cerveaux examinés avec soin, après l’enlèvement
des méninges. Je dois dire que la plupart appartenaient à des
vieillards. La consistance de la substance médullaire pré.sente
des nuances moins tranchées , si ce n’est aux environs des points
de la superficie où elles se trouvent le plus prononcées ; ain.si
elle est plus molle à la base , vers la corne sphénoïdale, beau-
coup plus dense à l’extrémité du lobe postérieur.
§ III. Couleur.
Deux altérations de couleur importantes doivent être étudiées
dans le ramollissement aigu : la rougeur d’abord , et ensuite la
coloration jaune.
La rougeur se montre sous des aspects très-différents, parmi
^ «amollissement aigu. (anat. patm )
rrrrrH-“^“
-uve . eo„.,„e
Séi ? « “iTos "î' excessivement
voit on l'Xu ir^ '““ ”'T O"
" '°"Pe . entre les intervalles des vaisseaux
njectes un grand non, lu e d’aut, es petits vaisseaux rouges une
i nlcCT"' F“ ^ -■■‘-en:
a^, 1 e ; r'“ r"'“ encore à l'en, our
e les, et quelquefois le ramollissement est moins mjecié lui-
que sa ci,. conférence, où Ton voit des vaisseaux'pius ou
son ccntZ - ‘‘"■■ge'- '■■ convergeant vers
clans la ZiT >-en'o“issen,ent aigu , surtout
‘ Jstance gnse, accompagné d’une injection vascu-
a ce congespon sanguine) un peu vive , sans gn’,! se t,.o„“
une certamc quanme de son,, i„y;;,ce dans le tissu ra,.,olli Cette
circonstance qui lien, à ia rupture des parois des petits vaisseaux,
O bsene cgaicnen.andébutde toutesies pblegmasies aiguès des
a., très „,.g„„.s (,). Tantôt on trouve de petit' fojers sangui,::
par unràt T: celui d’un gros
uc.neau) ou des noyaux d’étendue et de forme irrégulière
•ouges violets ou noirâtres, dans lesquels on distingue aisé-
■»ent du sang .uelé à 1a substance cérébrale. C’est là ce qu’on a
‘ osigne sous le nom de ramollissement rouge , amaranthe (2).
- uLiecette infiltration sanguine, on trouve souvent une
a ramollies. C’est là ce qui
' ■ cl su is.ai.ce grise , des circonvolutions surtout, remplace
injection vaiculairc. Ce n’est en effet que rarement que l’on
(f) r.alleaiiiiitl, leures sur V encéphale ^ -fc» lettre, p. 87 et .siiiv,
,-) yr~ chctji. tl,§li lie l’mfiliralirnsanÿuine ihi cerceau.
COULF.Ur,.
9
ilistingue clans la couche corticale de la superficie cpaelques
petits vaisseaux isolés, grêles, transversalement dirigés, ne
paraissant pas se continuer dans la substance médullaire sous-
jacente , et ne se laissant suivre que dans un court trajet. Cette
coloration varie d’un rose pâle à un rouge jamais très-foncé : il
est probable qu’elle est due à une sorte d’imbibition plutôt
qu’à une véritable infiltration de sang, sans rupture des vais-
seaux. Dans la substance médullaire, entourant toujours com-
me une auréole les infiltrations sanguines un peu considéra-
bles , elle se montre quelquefois seule sous forme de mar-
brures ; plus souvent elle accompagne l’injection des vaisseaux
dont elle remplit les vides. Elle m’a paru présenter le même
aspect à la loupe qu’à l’œil nu.
Le professeur Lallemand distingue aussi avec soin la colora-
tion de Vinjeclion et de V infiltration sanguine du ramollisse-
ment. Les nuances diverses de coloration, qu’il étudie surtout
dans la substance grise , lui paraissent le résultat « de la com-
binaison du sang en différentes proportions avec la substance
grise. » Mais on conçoit c[ue cette combinaison du sang avec la
substance cérébrale peut être telle qu’elle se rapproche beau-
coup de 1 infiltration sanguine ; aussi je regarde comme une
contradiction difficile a comprendre cette phrase qui précède
1 explication que je viens de rapporter : «... Les différentes
teintes que pourraient former des quantités de sang variées
n’expliqueraient pas la couleur... brune-noirâtre des deux cou-
ches optiques (n° 21), lie de vin du corps strié (n° 6)... pour-
quoi dans la troisième observation la surface du cerveau était
rouge dans cm-tains points, bruire dans d’autres 5 pourquoi...,
dans la deuxième, clans la substance blanche, le cerveau, quoi-
que tres-injecté, était crun rouge amaranihe, et non pas gris ou
brun... .. Tout cela s’explique aisément par la présence du
sang infiltré dans le cerveau. Mais je me demande quelle dif-
férence existe entre la coloration que pourraient former des quan-
tités de sang variées, et celle qui résulterait de la combinaison
du sang en différentes proportions avec la substance cérébrale.
Smrs doute ici rexpi-e.^sion n’a p.rs rendu heureusement la pen-
see de 1 auteur (1).
(t) Lalleraaml, lettre 1", j). 79
10
RAMOLLISSEMENT AIGU. (anAT. PATH.)
La rougeur, que nous considérons comme un pliénomène
constant au début du ramollissement (1), est, en général, beau-
coup plus prononcée dans la substance grise , dans laquelle je
lui ai presque toujours vu occuper toute l'étendue du ramollis-
sement, Elle ne se montre souvent que dans une partie de la
substance médullaire ramollie, sous forme d’infiltration san-
guine circonscrite ou de marbrures jetées çà et là : quelquefois,
mais rarement, lorsque le ramollissement occupe simultané-
ment et la substance corticale et la médullaire, celle-ci paraît
conserver sa teinte naturelle, tandis qu’une rougeur vive co-
lore la précédente. On remarquera cette circonstance dans les
observations 6 et 12 de la première lettre de Lallemand.
La coloration jaune joue également un rôle important dans le
ramollissement cérébral; mais, avant de décrire les divers as-
pects sous lesquels elle peut se présenter, nous devons nous
occuper un peu de sa nature, ou plutôt de son origine.
Suivant M. Lallemand, la couleur jaune dans le cerveau serait
un indice de la présence actuelle ou passée du pus. C’est sur
cette hypothèse que reposent les idées émises par ce savant écri-
vain sur la suppuration du cerveau. Convaincu que la forma-
tion du pus était un phénomène presque constant, presque né-
cessaire même de l’encéphalite aiguë, il devait naturellement
en chercher les traces dans les cas si nombreux où l’encépha-
lite se montre à nous après avoir traversé ses premières pério-
des. Ces traces, il a cru les voir dans la couleur jaune que l’on
rencontre à peu près constamment dans le ramollissement chro-
nique, conduit ainsi à une erreur fort grave, au moins telle est
ma conviction, pour avoir admis deux faits à priori et sans dé-
monstration directe, à savoir : 1° que la suppuration est un phé-
nomène habituel de l’encéphalite; 2° que la suppuration colore
en jaune la substance cérébrale. La question ainsi posée engage
dans une sorte de cercle vicieux : si la suppuration est un phé-
nomène presque constant de l’encéphalite, la coloration jaune,
presque constante aussi, lui doit appartenir ; car, en général, on
en chercherait en vain d’autres indices ; d’une autre part, si la
coloration jaune de la substance cérébrale est le résultat de la
suppuration, cette dernière doit être très-fréquente, puisque l’on
(1) Voyez cliap, tl, § m.
COULEUR .
H
observe presque coustamment clans l’encéphalite, à une certaine
e'poque, la coloration jaune comme trace d’une altération ac-
tuelle ou passée.
Nous nous occuperons plus loin de la suppuration du cer-
veau (1) : quant à la couleur jaune, je crois devoir remplacer
la théorie du professeur Lallemand par la proposition sui-
vante : que la couleur jaune dans la substance cérébrale est un
indice de la présence du sang, soit que ce dernier vienne d’être
épanché récemment dans un point voisin de celui t[ui est le
siège de la coloration, soit que cette dernière soit la trace d’un
épanchement ou d’une infiltration ancienne.
Les auteurs se sont peu occupés de ce phénomène ; plusieurs
ont reproduit l’opinion de M. Lallemand, comme le docteur
Sims, suivant lequel « la couleur jaune-paille du cerveau est le
résultat du mélange d'’un fluide purulent avec les débris de la
substance blanche ramollie (2) ; » mais sans jamais en faire,
que je sache au moins, le sujet d’une étude spéciale.
Le premier point à rechercher ici, c’est si dans les autres par-
ties du corps on peut établir quelque rapport entre la suppura-
tion et une coloration analogue des tissus. Or, voilà ce que je
crois pouvoir nier comme contraire à l’observation de tous les
jours, tandis que je prétends que partout, ainsi que dans le cer-
veau, on trouve cette même coloration directement liée à la
presence du sang. Ainsi la couleur jaune des ecchymoses, à la
suite des contusions, autour des piqûres de sangsues, dans les
trombus, suites d une saignée, passe, pendant leur résolution,
par toutes les nuances que peut présenter celle qui s’observe
dans le cerveau. Au sein des tumeurs encéphaloïdes, tout le
monde a vu de ces taches jaunes qui résultent de petits épan-
chements de sang dans ce tissu, et dont l’origine ne peut offrir
aucune espèce de doute ; n’est-ce pas même à un état particu-
lier du sang qu’on a comparé à l’ecchymose, que plusieurs per-
sonnes ont cru pouvoir attribuer, dans certains cas, l’ictère des
nouveaux-nés ?
Il n est pas une affection aiguë de l’encéphale peut-être, qui
(1) Voyez chap. VI, §t.
(2) Docteur Sims, Mdmoire sur la guérison du ramollissement du ce/veau.
tiaz, med. 28 juillet 1838,
^2 RAmolussement aigtJ; (anaï. path.)
ne fouinisse aussi 1 occasion de constater avec certitude Tori-
gine c e cette coloration. Ainsi, dans les épanchements sanguins
de 1 arachnoïde (apoplexie, hémorrhagie méningée), ne voit-on
pas deslesecondjonr,d’uncôtélafaceinterned!ladure-mère,
dien^T^ à travers le feuillet arachnoï-
sang? Qui n a vu, dans le tissu cellulaire sous-arachnoïdien, des
suff usions sanguines à demi-résorbées laisser un reflet jaunâtre
sui la partie correspondante de la pie-mère et du liquide séreux
qui y es t in ti e ? Dans l’intérieur du cerveau, on a assez souvent
décrit les périodes de résorption du sang épanché en W
apoplexie, hémorrhagie cérébrale) pour que je n’aie pas à L-
sistei sur ce point. Ainsi la teinte jaunâtre des parties saines
qui environnent les foyers récents; ainsi ce liquide jaune-foncé,
semblable a de la bile, qui remplit l’intérieur de ces foyers (au
bout d un ou deux mois ou davantage), et sans que leurs parois
O fient de traces d’inflammation ; ainsi, dans une période plus
avancée, ces cicatrices ou ces kystes à parois d’un jaune
Dans de fortes congestions cérébrales, j’ai vu quelquefois
une lepre teinte jaunâtre se montrer sur la substance blanche
des hémisphères, résultat de la transsudation du sang encore
contenu dans les vaisseaux (1).
Tout a fait au début du ramollissement, la couleur jaune se
rencontre assez rarement dans la substance corticale, parce que
(t) On rencontre assez fréquemment une coloration jaune du cerveau,
ciezies individus morts sous l’influence d’un empoisonnement lent parle
P omb. « La coloration jaune, terreuse, sale de la substance du cerveau, dit
anquerel des Planclies, dans son excellent ouvrage sur les maladies
-aiuinines, ne peut être regardée que comme un accident lié à un des plié-
nomènes caractéristiques de l’intoxication saturnine primitive, l’iclère sa •
tiirniu. Elle dénoté la présence du plomb dans le cerveau (t. H, p. 360)».
Celle explication est-elle bien certaine, ou doit-elle s’appliquer i tous les
cas.? M. Martin-Solou avait rencontré huit fois (en 1837) , chez des indivi-
dus affectés d’épilepsie saturnine, une hypertrophie du cerveau. Quand ils
avaient eu du délire, il avait trouvé une teinte jaune fort remarquable;
quand ils n en avaient jias eu, le cerveau avait sa coloration normale.
( Bulhun ch Cuicudénh royale de mc'decine 1837, l. 2, pag. 31/,). Je me
suis demandé si celle coloration jaune ne tiendrait pas à d’anciennes con-
gestions, qui auraient elles-mêmes causé le délire observé pendant la vie.
COULE UK.
13
la rougeur y est généralement trop vive ; quelques-unes de nos
premières observations nous montreront cependant, dès les
premiers jours de la maladie, une teinte jaune légère, mais bien
prononcée sur des circonvolutions rougeâtres, tuméfiées et en-
core à peine ramollies. Dans la substance médullaire, la cou-
leur jaune se montre habituellement plus tôt, dans l’intervalle
des points injectés, à l’entour des infiltrations sanguines partielles.
Mais il faut noter que dans le ramollissement aigu la couleur
jaune n’est autre chose que le résultat d’une véritable imbibi-
tion du sang infiltré ou encore contenu dans les vaisseaux ;
aussi la trouve-t-on presque toujours unie à la rougeur. Les cas
où elle remplace déjà complètement cette dernière sont fort
rares : je n’ai vu cju’une fois, le vingtième jour, un ramollisse-
ment colore en jaune sans offrir plus aucune trace de rougeur
(obs. 57). Il en était ainsi dès le onzième jour, dans la 20® ob-
servation de M. le professeur Andral (1). Cependant j’ai montré
a la Société anatomique un cerveau sur lequel non pas un ra-
mollissement, mais une simple infiltration sanguine trauma-
tique avait, dès le sixième jour, pris une teinte jaune d’ocre
foncé sans qu’il restât d’autre vestige de rougeur. Une forte
contusion avait atteint sansfracture la région frontale. L’infiltra-
tion avait eu son siège dans la couche corticale des deux lobes
anterieuis du cerveau et dans la pie-mère qui les recouvre. Cette
dernière était couleur jaune d’ocre comme le cerveau. L^ab-
sence de friabilité et d’adhérences de la pie-mère, et d’aucune
modification dans la forme ou la consistance des circonvolutions
jaunies, montrait qu il n y avait eu là qu’infiltration sanguine
sans développement d’aucun travail inflammatoire (2}.
En etudiant le l’amolhssement chronique, nous retrouver-ons
presque constammen*; la couleur jaune comme trace de la rou-
geur que nous aurons toujours rencontrée dans le ramollisse-
ment aigu; plus prononcée et plus constante dans la substance
corticale, de même qu’au début la rougeur sétait montrée plus
constante et plus vive dans cette dernière (.3).
(1) Andral, ClinUiuc mél. l. V, p. 4(57, 3' édition.
\‘î) Bullr.tinsde la Svciéld aitaloinifiua, tSAOjp. 98.
(3) Ln docteur Carswell a émis sur l’origine delà couleur jaune dans le
cerveau des idées assez conlradicloiros. <r Certaines couleurs annoncent «pie
cl raniollissenicul date d'un temps cousidéraldo , clii-il, plusieurs semaines
14
hamollissemekt aigu. (anAt. i-ath.)
Tels sont à peu près les seuls changements de couleur que l'on
observe dans le ramollissement aigu : la rougeur avec toutes
ses nuances, depuis une teinte rosée jusqu’au ponceau noirâtre,
et la couleur jaune.
La coloration grise doit être fort rare dans le ramollissement
leeent; je ne 1 y ai jamais rencontrée; elle me paraît apparte-
nir a peu près exclusivement à une période plus avancée de la
maladie. La couleur verte, lorsqu’elle n’est pas l’indice d’un
commencement de putréfaction, annonce toujours de la suppu-
ration, phénomène rare, comme nous le verrons, dans la classe
es faits que nous étudions. Dans le ramollissement chronique
la substance médullaire offre quelquefois une blancheur plus
mate qu a 1 état naturel ; j’ai observé ce même fait dans un cas
de ramollissement très-évidemment aigu, où une partie du
ISSU ramolli offrait la rougeur vive si commune à cette
époque.
S 1\ • Modifications dans la forme du cerveau.
Lorsque le ramollissement aigu occupe la superficie du cer-
veau, il s’accompagne ordinairement de tuméfaction : celle-ci,
presque toujours due à l’augmentation d’épaisseur de la couche
corticale, facile à constater à l’aide d’une coupe verticale, donne
heu a 1 aplatissement des circonvolutions , à la tension delà
dure-mère, ci la sécheresse des méninges, précisément comme
Il arrive dans les grandes compressions produites par les épan-
c lemenls sanguins des ventricules ou de la substance médul-
kire. La tuméfaction se remarque aussi quelquefois à la sur-
face des ventricules latéraux, quand le ramollissement a son
smge dans les corps striés; la même chose peut sans doute ar-
river dans le ramollissement des couches optiques, mais je ne
ou plusieurs mois : les principales sont les couleurs brune, jaune ou orange,
^ wn, yello-w O! orange colour) soit isole'es, soit combinées, occupant
soit e ruinollissement lui-mème , soit les parties voisines, soit toutes deux
en meme temps. Ces couleurs tiennent à X effusiondu ja/zg^daiis la substance
cercirae. Puis il dit : « Une Ic'gère teinte jaune-paille ) a pale yellow
stj aw^ coloured... ) résulte aussi ( arises also ) de la présence du pus. Mais
ceci s oiservc rarement, a moins que l.a substance ramollie ne soit en contact
«vec es meinhr.mesdii cerveau. « ( 77ic Cyclop. of praclical med . Vol. IV,
FOUME.
15
l’ai j)as observée. Enfin j’ai vu, rarement il est vrai, des ramol-
lissements circonscrits dans lapuipe médullaire déterminer une
compression de la surface du cerveau, bien que les circonvolu-
tions fussent demeurées intactes,* il y avait alors du sang infil-
tré dans la pulpe ramollie. Cette tuméfaction dans le ramollis-
sement aigu est d’autant plus importante cà noter, que nous
remarquerons un phénomène tout à fait opposé dans le ramol-
lissement chronique , une tendance constante au retrait et à l’a-
trophie.
Lorsque la diminution de consistance des circonvolutions est
considérable , on trouve ces dernières déformées, réduites en
bouillie; mais cela s’observe rarement dans la première pé-
riode de la maladie, à moins qu’il n’y ait suppuration.
Les circonvolutions présentent entr’elles, à l’état sain , de
grandes différences de volume. Celles de la face inférieure du
cerveau paraissent assez volumineuses ; mais il faut tenir compte
de leur aplatissement, qui les fait paraître plus larges qu’elles
ne le sont en réalité. A la convexité, les plus grandes sont celles
de la partie moyenne, surtout ces circonvolutions transversales
qui, placées à la limite des lobes moyens et postérieurs, décri-
vent toute la largeur de la convexité des hémisphères. Les cir-
convolutions des lobes antérieurs sont plus petites , mais sur-
tout celles de la pointe occipitale ; celles-ci sont toujours étroites,
comme ratatinées, et cette disposition, jointe à la dureté que
nous y avons déjà notée, contribue souvent à faire prendre
pour un état d’atrophie ce qui n’est qu’une manière d’être na-
turelle et constante. Les plus petites de toutes les circonvolutions
sont celles auxquelles aboutit la scissure de Sylvius, celles qui
forment Vinsula ou lobule du corps strié, et restent cadrées
sous la saillie du bord antérieur du lobe moyen.
L’épaisseur de la couche corticale des circonvolutions m’a paru
varier notablement chez les différents individus : je ne saurais
rien établir de précis à cet égard. Je dirai seulement qu’elle est
moindre aux circonvolutions de la base qu’à celles de la con-
vexité, et un peu plus grande au sommet des circonvolutions
qu au fond des anfractuosités.
Il est un état particulier des circonvolutions cérébrales qu’il
importe de connaître, parce que, vu sa fréquence chez bs vieil-
lar.ls , et son peu de rapport avec l’olat général des facultés chez
16
UAAIÜLUSSEiMEINX aigu, (ajnat. path.)
ces individus, il est difficile de lui assigne.- un caractéie patho-
logique.
Je veux parler de l’atrophie seiiile. Voici sous quel aspect elle
se présente ;
La couche corticale de la superficie du cerveau prend une
teinte un peu plus pâle et en même temps une densité un peu
plus grande qu’à l’état normal ; sa surface est inégale , bosselée
et comme rugueuse au toucher. Les circonvolutions sont ratati-
nées et diminuées dans tous les sens; lorsqu’on les incise on
trouve la lame de substance blanche qu’elles renferment consi-
déiablernent amincie; cependant il est évident que l’atropbie
porte principalement sur la substance grise.
Cette altération présente des degrés très-variables en étendue.
Quelquefois elle occupe toute la sujierficie du cerveau; anfrac-
tuosités et circonvolutions , tout est inégal, ratatiné et rugueux
autouchei. Cependant, en général, la base ne m’a j>as paru par-
ticipei à cet état. Le plus souvent l’atrophie se montre seule-
ment au sommet des circonvolutions, et encore sur quelques-
unes d’entre elles. L’ordre de fréquence dans lequel je les ai
vues atteintes de cette atrophie , est le suivant ; d’abord les cir-
convolutions de la partie latérale et externe des hémisphères ,
celles de la convexité du lobe moyeu , surtout à sa réunion avec
le postérieur, puis celles du lobe antérieur. Elle se montre ra-
rement sur la face interne des hémisphères. 11 faut bien se gar-
der de prendre pour le résultat d’une semblable atrophie , la con-
formation que nous avons dit être naturelle à l’extrémité des
lobes postérieurs.
§ V. Etat du reste du cerveau et des méninges.
Le ramollissement cérébral , même à son premier degré , est
en général une affection toute locale , bien circonscrite : au
moins c’est ainsi qu’il se présente habituellement à nous. Les
parties environnantes sont quelquefois, comme nous l’avons déjà
dit, le siège d’une vive injection ou d’infiltrations sanguines de
formes diverses : la totalité même du cerveau peut offrir les
traces d’une congestion sanguine plus ou moins prononcée; mais
le plus souvent , le reste de cet organe ne jnesente rien de
semblable , et se montre avec sa pâleur et sa consistance habi-
tuelles.
JIVJJBCXIÜ»’ UES JiÉiXlAGES.
17
Les méninges apparaissent sous des aspects très-variés, et qui
demandent, pour être convenablement appréciés, une étude un
peu miuutieuse.
Je n’ai jamais trouvé dans la cavité de raraclmoïde , aucune
lésion qui nie parût avoir quelque rapport avec un ramollisse-
ment aigu : seulement, lorsque ce dernier détermine une vive
tuméfaction du cerveau , la cavité de l’arachnoïde , soit des deux
côtés, soit seulement au-dessus de l’hémisphère malade, est
sèche et même un peu visqueuse, ce qui arrive toutes les fois
que le cerveau vient à être comprime de dedans en dehors par
une cause quelconque. Cette secheresse et cette viscosité s’obser-
vent alors également sur la pie-mère, très-mince et comme
tassée : il faut prendre garde de ne point voir tlans celte dispo-
sition le résultat d un état pathologique particulier des méninges.
La pie-mere nous présenté à etudier l’injection de ses vais-
seaux , le liquide qui les infiltre et ses adhérences à la surface
du cerveau.
Il faut distinguer soigneusement dans la pie-mère l’injection
des gios troncs veineux, de celle des petits vaisseaux qui se ra-
mifient en si grand nombre dans le tissu cellulaire sous-ara-
chnoidien. La première peut fort bien n’être cju’un phénomène
d agonie, s’être produite mécaniquement par l’embarras de la
respiration et ae la circulation , peut-être même après la mort,
et elle coïncide avec la repletion des sinus, souvent avec l’en-
goigement sanguin de la face et du cuir chevelu : ce ne serait
alors qu’un phénomène d’asphyxie. La seconde est évidemment
le résultat d’une congestion active, faite durant la vie : c’est la
seule qui nous intéresse réellement.
'Voici le résultat que me donne le relevé de 24 observations
dans lesquelles j’ai noté exactement l’état de la pie-mère :
Pas d’injection, ou injection ordinaire I3 fois
Injection assez vive. . ^ \
Injection considérable 4
Injection limitée à riiémisphère malade. . • . . 1
Limitée au point irralade de la superficie d’un
hémisphère . ^
Dans deux cas, je n’ai pas noté l’état des vaisseaux, mais seu-
lement une suffusion générale de cette membrane.
2
18
RAMOLLISSEMEWT aigu. (ANAÏ. I'ATH.)
Dans deux cas ou l’injection de la pie-mère était assez vive, il
y avait un peu de suffusion sanguine ; dans un cas une suffusion
sanguine considérable était limitée au point malade.
Nous avons obtenu les mêmes résultats des observations de
M. Andral. L’état de la pie-mère a été indiqué dans 13 cas de
ramollissement aigu :
Elle était injectée 2 fois.
Assez vivement injectée 1
Vivement injectée 2
Huit fois il est dit expressément qu’elle n’était point injectée,
ou qu’elle n’offrait rien de remarquable. Dans ces derniers cas,
on trouve deux sujets au-dessous de trente ans, un au-dessous
de cinquante.
Ces faits qui comprenuent spécialement des vieillards, mais
aussi quelques individus peu avancés en âge, nous montrent
que dans le ramollissement spontané, la pie-mère semble prendre
une part peu active au développement de la maladie, puisque sur
3T cas, 21 lois elle n’offi'ait aucune injection, 6 fois une injec-
tion seulement assez vive, et qu’en définitive il n’y a eu d’injec-
tion considérable que 6 fois.
Un phénomène dont l’élude offre beaucoup plus de difficulté ,
c’est la présence de la sérosité infiltrée dans la pie-mère. On sait
qu’il est fort commun, chez les vieillards, de trouver une quan-
tité notable de sérosité infiltrée dans le tissu cellulaire sous-
arachnoïdien.
Il s’agit de savoir quelle est la date de cet épanchement, et s’il
tient au ramollissement ou à la cause qui l’a produit.
Voici quelles données m’a fournies sur ce sujet l’examen
d’un très-grand nombre de cerveaux infiltrés de sérosité, chez
des sujets pris dans les conditions les plus variées.
Il faut d’abord examiner avec le plus grand soin les circon-
volutions : si elles présentent cette diminution, ce ratatinement
que nous avons décrit tout-à-l’heure sous le nom d’atrophie sé-
nile, il n’y a pas de doute que l’épanchement séreux est an-
cien : conséquence nécessaire du retrait du cerveau, il s’est
formé pour remplir le vide qui s’était produit entre ce dernier et
le crâne.; il n’a reellenient pas alors de caractèrepathologique. En
outre, on trouve dans ce cas les circonvolutions écartées par la
INFILTHATION SÉREUSli DK5 MÉNINGÉS.
19
sérosité épanchée jusqu’au fond des anfractuosités, et cette re-
marque est delà plus haute importance; car l’on peut établir
qu’en général les circonvolutions sont d’autant plus écartées que
l’épanchement est plus ancien.
Lorsqu’au contraire, les circonvolutions ont leur volume et
leur développement normal ,ou peut être assuré que l'épanche-
ment tient à une cause morbide et ne s’est plus produit simple-
ment pour remplir un espace vide ; si, de plus, les circonvolu-
tions, au lieu d’être écartées par la sérosité, sont rapprochées
les unes des autres, si surtout leur surface est légèrement aplatie
par la compression de dehors en dedans, si quelques-unes d’en-
tr’elles sont partiellement déprimées par la sérosité et forment
comme des godets ou des impressions digitales à la surface du
cerveau , il est à peu près certain que l’épanchement est récent.
Ainsi la forme des circonvolutions et leur degré d’écartement
par la sérosité; telles sont les conditions dont l’examen permet
d’apprécier le plus sûrement la date approximative des infiltra-
tions sereuses de la pie-mere. Jeregrctie beaucoup de ne pouvoir
exposer ici tout au long les raisons et les faits qui m’ont aidé à
établir ces propositions, je le ferai dans une autre occasion;
mais je désire qu’en attendant l’on veuille bien prendre eu con-
sidération ces données , peut-être propres à diminuer un peu
l’obscurité de ce point d’anatomie pathologique.
Il faut encoie noter avec soin la nature du liquide épanché ;
il est ceitain que plus il se rapprochera des conditions de la sé-
rosité normale, aqueuse, transparente, incolore, plus il sera
permis de le négliger. On m’a paru quelquefois , à tort , je
pense, attacher quelque importance a l’aspect gélatineux du
fluide sous-arachnoklieii ; cet aspect tient tout simplement à
1 enlacement des lames et des mailles du tissu cellulaire, qui le
retiennent dans leur réseau. Lorsqu’il y a un peu de suffu-
sion sanguine dans la pie-mère (et cette sufl'usion est en général
bien peu importante, car elle se rencontre chez des individus
morts de toutes sortes de maladies), ou une injection un peu
vive , la sérosité offre parfois une teinte jaune due à une simple
transsudation du sang; cette coloration demeure partielle k
cause (le la disposition du tissu cellulane sous-aualinoï'lieti.
Or, il ne m est pas arrive une seule fois de i eiicon i er un ra-
mollissement aigu accompagné d’une infiltration séreuse de la
20
KAJIULLISSüi'.Ui.VT AIGL . (aAAX. l’AXH. )
pie-mère, dans des conditions telles qu on me parût devoir lui
attribuer une date récente ; dans aucun cas je n’ai trouvé de
pus, m même de sérosité laiteuse ou trouble dans les méninges.
.1 en dirai autant des observations de M. Rostan. Sur les 33 ob-
servations de M. Andral , une seule fois on a trouvé un peu de
sérosité légèrement trouble infiltrée sous l’arachnoïde. Ces ré-
sultats , joints à ceux que nous avait déjà donnés l’étude de l’in-
jection vasculaire du tissu cellulaire sous-arachnoïdien , me pa-
raissent fort remarquables. Ne montrent-ils pas un isolement
plus gland que I on ne serait porté à le supposer, entre le cer-
veau et les méninges, dans le ramollissement aigu. ^ Et notez
bien que, si dans mes observations il y a quelques individus
encore adultes, il y en a encore un bien plus grand nombre,
et des individus très-jeunes, dans l’ouvrage du professeur
Andral.
M. Lallemand n’a-t-il donc pas eu tort de faii e jouer aux
méningés un si grand rôle dans l’inflammation du cerveau? Ne
s’est -il pas un peu laisse abuser, même sur les dispositions
anatomiques qu’elles offrent sur le cadavre? El à ce propos, je
dirai que je ne conçois pas l’importance que certains auteurs atta-
chent à l’épaississement, à l’opacité surtout de l’arachnoïde, pour
expliquer les symptômes observés durant la vie : pour moi , cet
etatde 1 arachnoïde n’a pas en général plus devaleurque les pla-
ques laiteuses du cœur, que les adhérences de la plèvie, etc.
L’origine de ces altérations est commune, leur valeur esi iden-
tique. Je soutiens qu’il est impossible de voir les choses autre-
ment, pour peu que l’on ait ouvert avec soin quelques cada-
vres de vieillards. Et cependant c’est sur ces opacités et épais-
sissements de l’arachnoïde qu’un auteur distingue a basé une
théorie de l’aliénation mentale.
Passons maintenant à l’étude des adhérences. Les adhérences
que la pie-nière peut présenter avec le cerveau, sont de trois
ordres : I» une sorte de viscosité qui s’établit entre leur double
surface, lorsqu’aucun liquide n’est interposé entre elles, ainsi
dans le cas de compression du cerveau et d’aplatissement des
circonvolutions ; 2“ les vaisseaux qui des membranes se ren-
dent au cerveau lui-même; 3“ enfin des adhérences celluleuses
anciennes ou récentes.
A I état noi mal , le degré d’adhérence des incmbianes au
ADHERENCE DES MÉKIKCES.
21
cerveau varie suivant les points. Je crois que l’on peut établir
qu’en général , lorsque Tautopsie est pratiquée avant quarante
heures, et que la température n’est pas trop élevée, ainsi au-
dessous de 20°, l’érosion de la surface du cerveau par l’adhé-
rence de la pie-mère , est un phénomène pathologique. Il faut
tenir compte cependant des cas où la putréfaction marcherait
avec une vitesse inaccoutumée. Il faut également excepter à la
base du cerveau les circonvolutions du lobe moyen ou sphénoï-
dal et quelquefois aussi du lobe antérieur, dont la mollesse
rend la séparation des méninges si difficile, comme nous l’avons
déjà dit.
Les méninges s’enlèvent en général facilement sur toute la
convexité et sur les parties latérales des hémisphères; cependant
on éprouve quelque difficulté sur le bord qui réunit leur face
interne à la convexité, et il est rare que la surface des circon-
volutions ne soit pas artificiellement lésée dans ce point. Les
circonvolutions dures et étroites qui forment la pointe occipi-
tale des hémisphères sont réunies par des adhérences serrées qui
ne permettent jamais à la sérosité de s’y infiltrer, et rendent
l’enlèvement des méninges fort difficile. On peut dire qu’en gé-
néral les méninges se séparent avec d’autant moins de peine de
la superficie du cerveau, qu’elles renferment une plus grande
quantité de sérosité; aussi, je donnerai le conseil, quand le
cerveau a été retiré du crâne, de les détacher le plus
promptement possible, et avant que la .sérosité de la pie-mère
se soit écoulée (1).
fl) La séparation des méninges et du cerveau eu une des parties les plus
imporiantes et en môme temps les plus difficile, de raulopsie de l’encépliale.
Voici comment je procède à cette opération. Après avoir fendu .avec pré-
caution^ le crâne avec im marteau traiicliaut et un peu lourd , je soulève U
durj-mère avec des pinces lï di.sseclion, je fais une petite incision su r lepli
et J introduis dan, s la cavité de 12aracIinoïde un bistouri boutonné, ou .simple-
ment des ciseaux mousse* qui coupent crucinlemeiit la dure-mère ; il faut
avoir soin dïnirodiiirc les cisenuxbà pial, depeurde lé.serla .superficie’du cer-
veau. M. Roeboux a l’habitude d’ixarainer et d’inciser le cerveau sur place -•
je préfère, avec M. Cruveilliier , le deïaclier en le .soulevant avec précaution
d avant en arrière , coupant avec im «cal)'c! les vaisseaux et les nerfs qui 1«
reiieiim-ni è la base du crâne, puis incLsani la protubérance i sa partie
raoyomie, ( e manière à examiner isolément le cerveau , puis le cervelet avec
a moelle alloneée, 11 est absol.iment indi.spensable, si l'on veut tirer quelqu®
AiUr. (A^^T. VATH.)
Ursc|ue la snpcificie du cerveau se décliire sous la pie-mère
I fout chercher distinguer si cela vient de ce que la cohésion
de la substance cérébrale étant diminuée cède aux adhérences na-
turellcs de la pie-mère, oude ce que cesdernièressontplus intimes
qu a Tetat naturel. Celte distinction n’est pas toujours aisée à
laire. En général, dans le ramollissement aigu , excepté lorsque
la maladie était fort récente, j’ai cru trouver de véritables adhé-
rences entre la pie-mère et le point ramolli ; mais je n’ai jamais
vu les adhérences s’étendre au-delà de ce point. Elles étaient en
général peu prononcées , consistant simplement en une aggluti-
nation assez intime de la pulpe ramollie à ia pie-mère ; j’ai ra-
rement distingué quelques filaments blanchâtres de lymphe
plastique.
En résumé, le ramollissement aigu du cerveau est caractérisé
spécialement par une diminution de consistance de la pulpe
céiébrale, sans désorganisation, avec rougeur, par injection ou
par infiltration de sang ou par simple coloration uniforme, par-
tielle ou geneiale de la pulpe ramollie, de plus, avec tumé-
faction et adhérences aux membranes dans la plupart des cas
ou il occupe la superficie du cerveau.
Avant de soumettre ces altérations à une analyse approfon-
die, je vais rapporter une série d’observations propres à mon-
trer les principales variétés qu’elles peuvent présenter, et qu’il
serait impossible d’exposer fidèlement dans une description gé-
nérale.
ARTICLE SECOND.
OBSERVATIONS DE RAMOLLISSEMENT AIGU.
Ces observations sont divisées en deux séries, destinées à faire
connaître le ramollissement aigu de la substance médullaire et
fruit de 1 examen d’un cerveau, d’en séparer avec le plus grand soin la pie-
mère qui 1 enveloppe : la chose offre souvent de grandes diflîcuUés. Il ne
('auI jamais se servir de ses doigts, mais seulement de pinces à disséquer :
.quelque imparfait que soit cet instrument, dans ce sens, c’est le seul que nous
possédions. On ne doit procéder à l'inspcftiou de rinie'rieiir du cerveau
()u’après avoir entr ouvert et examiné soigneusement chaque anfractuosité.
Je signale comme les points les plus im|)ortaiits, le lobule du corps strié , et
les anfractuosités d« la pointe occipitale.
2/»
celui de la aubslance cor,,«dc , c à n.onuov l'injeclim. de l’une
et la simple culora.iouiose de l’autre, coudu.sant, degres par
degrés , à tes ramollisseiueuts considérables ou 1 on voit, com-
binée ou non avec dn sang épanché , la substance nerebrale de
plus eu plus altérée dans son organisation, tendre gradnelle-
ment vers ces transtomiations qui constituent le ramollissement
chronique.
S I Observations pour faire connaître le ramollissement aigu dans la sub-
^ ‘ stance médullaire, avec injection , puis avec infiltration sanguine.
Observation i. - Pneumonie, stupeur, faiblesse du bras droit avec
conservation de la sensibilité; le troisième jour, resolution et insensi-
bilité complète à droite , mort. -’ RamollissemeDl rougeâtre superfi-
ciel peu étendu de deux circonvolutions de la partie interne de 1 hé-
misphère gauche ; injection très vive de toute la substance médullaire
voisine. Disposition remarquable du corps strié. Etat crible du cer-
veau (i).
La nommée Meunier, âgée de 80 ans, présentait depuis quel-
ques jours les signes d’uue pneumonie au second degré de la
partie moyenne du poumon droit ; (matité, absence de respira-
tion sans râle...) Une saignée avait été pratiquée. Le 21 mars
1840, elle fut trouvée dans l’état suivant :
Etat général de stupeur-, la malade reste dans le décubitus
dorsal, ne donnant aucun signe de douleur, parlant à peine;
la langue est sèche. Elle ne peut soutenir son bras droit en
l’air, sans pourtant le laisser retomber comme dans le cas de
résolution complète ; le bras gauche, au contraire, peut se main-
tenir élevé ; déviation de la bouche à gauche à peine prononcée.
Pas de chaleur à la tête. Pupilles un peu dilatées. La sensibilité
est conservée ; l’intelligence n’est pas abolie, mais 1 état de stu-
peur empêche d’obtenir beaucoup de réponses. Legeres inter-
mittences dans le pouls.
Même état le lendemain.
(1) Il est rare de trouver des ramollis.scnients exactement circonscrits dans
la substance blanclie ou grise du cerveau. Je range ici les laits dans lesquel.s
les phe'nomènes anatomiques les plus importants se sont passés dans la sub-
•lance tnédnllaire.
0 4
^ Al/’ T-
(anat. PATH.)
un compte I rllr '*" '^>»s
ou le pincer avec force sans ohm" >’"1"'=‘' P''ofond|!inent
Mort la nuit suivante '
Autopsie 34 heures après la mort Le crânp n(T - •
tres-considérable. On trouve -i 1-,’ f une épaisseur
t^roiie, une e.ostose éhn ' n ù
o^e A ’sa smS "co , rre’ t ,"" 7' — 'on-
Sï Sï
^uneusLs. Les circonvolutions sont rénéralemem n-51» .
'Olmmncnses, médiocrement écartées les ,71 T ,
l’io-o.è.e s’en sépare facile, nent “
volt,u7l\î,“li:777"' Je I■|.é,„isphére gauche, deux circon
senl PI ^lout le Jîord les sépare
rtliemtele :;r£,7hl " t de
™.n,ne une ,'.tee de c,“":, t^Vl t'
prennent Cf u’une partie de 1” • i V ne com-
ieur fond est cVnn,. ' ^1^ la substance corticale ;
snperte e dl " "'■>■ " P“"‘ <>'-■ '■“«Séuf A la
T ‘.“^^'^'-ulutions environnantes.
.uisp7,e dlo,i‘“'""° ■nJdoliaire dn même hé-
senm coT TîT’""
voit un très -rand 7 1 1 '■ “““ ^‘“<*"0, 0“
«U moins Inné ^ ^ J® plus
Pin7,.x 'o, s 7 "'h'"'""' '-J-’ do pVils
liéliés » iento "" '““11° °‘ représentant des vaisseaux
comme'ltne l::”,r7l ï T""* ‘r ™“
rji I ^^®t de compacité du tissu injecté.
Toute la snbstauce corticale avoisinante est d’un ronge assez
Jl ;.' r P^foude^de son
p. , dans quelque, point, on distingue au miliett de celte
OBSERVATIONS.
25
rougeur de petites taches rouges et même quelques vaisseaux
bien distincts. Au niveau des points e'rodés par la pie-mère se
trouve, dans une petite étendue, un léger ramollissement qu’un
filet d’eau soulève en chevelu, sans en entraîner de fragments.
Vers la partie externe du corps strié, on trouve un petit foyer
hémorrhagique, de la grosseur d’un noyau de cerise, contenant
un petit caillot noir un peu mol ; les parois en sont parfaite-
ment lisses et nettes sans aucune coloration. Ce corps strié pré-
sentait en outre quelque chose d’assez remarquable ; on voyait
sur chacune des coupes qu'on y pratiquait, un grand nombre de
trous bien arrondis, quelquefois un peu allongés dans un sens,
à circonférence bien nette, sans aucune coloration, ayant, les
plus grands, plus d’un millimètre de diamètre. Ces trous, qui pa-
raissaient d’abord indiquer l’existence de lacunes nombreuses
dans le corps strié, on reconnut avec assez de difliculté que ce
n’etait autre chose que les orifices de canaux vasculaires très-
dilatés, par suite sans doute de la dilatation des vaisseaux re-
venus sur eux-mêmes dans l’état de vacuité. Le corps strié de
l’autre côté n’olfrait presque rien de semblable. On découvrit
encore dans la substance médullaire des deux hémisphères un
certain nombre de criblures semblables, mais plus petites et
plus rares, et tenant également à la dilatation dos vaisseaux.
Rien à noter dans l’hémisphère droit, non plus que dans le
cervelet et la moelje allongée ; point d’in jection. Quelques
cuillerées de sérosité limpide dans les ventricules.
Observation 2. — Affaiblissement de l’intelligence et des mouve-
ments; faiblesse plus prononcée du bras gauche. Mort le deuxième
jour. — Congestion sanguine des deux bémispbères du cerveau. Très-
léger ramollissement de la substance médullaire du lobe antérieur
droit.
Une femme âgée de 72 ans, d’un embonpoint très-considé-
rable, se plaignait souvent de la tête depuis un mois. Elle vint,
vers le dO novembre 1839, passer quelques jours à l’infirmerie,
accusant des douleurs vagues dans les membres, surtout dans
les reins et dans la tête. On constata qu’il n’y avait du re.sle
aucun symptôme cérébral; les mouvements paraissaient bien
libres, et l’intelligence était en très-bon état.
Le 26 novembre, cette femme revint à l’infirmerie. Je ne la
n AMOU.ISSÏMKNT AIGU. (aNAT. I*ATM.)
vis pas moi-méme le ieudeinain luaiin. Elle étaii plongée dans
un assez grand affaissement, parlant avec difficulté, le bras
gauche manifestement affaibli. On appliqua trente sangsues au
col.
Voici dans quel état je la trouvai à dix heures du soir :
Elle était encore plus affaissée que ce matin, couchée .sur le
dos, demeurant à peu près immobile, les jambes un peu rele-
vées ; la tête seulement se remuait assez vivement. De temps
en temps elle éloignait ses couvertures et restait découverte,
presque nue. Elle était pâle, l’air hébété. Les pupilles étroites
dans l’obscurité, se rétrécissaient encore à l’approche d’une lu-
mière. La bouche était très-légèrement relevée à droite; l’aile
du nez non déviée. Elle éprouvait delà difficulté à s’exprimer,
et demandait qu’on la fît parler plus aisément; cependant,
quand elle se fut un peu animée, elle parvint à prononcer
quelques phrases assez nettement. L’intelligence ne semblait
■qu’engourdie : elle comprenait lentement, mais finissait par
répondre.
Les mouvements des bras étaient lents et pénibles ; elle par-
venait, bien qu’avec peine, à les porter à la tête; après bien desi
essais, elle finit par serrer la main avec une certaine force ; l’in- ■
certitude et l’affaiblissement étaient toujours plus prononcés aui
membre supérieur gauche. Les membres inférieursavaientmieux.
conservé leurs mouvements; la sensibilité était intacte partout..
La langue, bien mobile, était couverte d’un enduit très-sec:
et noirâtre. Chaleur modérée à -la peau, sans sueur. Pouls dé-*
veloppé, très-intermittent, à 94 ; 33 respirations assez paisibles..
Celte femme mourut à la fin de la nuit.
Autopsie. Epaisseur considérable des os du crâne. La dure—
> mère se déchire et demeure adhérente à la voûte crânienne.
Le feuillet arachnoïdien est très-opaque et épaissi ; il est éloignée
du cerveau par une grande quantité de sérosité claire et inco-
lore, infiltrée entre les mailles de la pie-mère. Les circonvolu-
tions sont peu écartées les unes des autres. On trouve à la base
du crâne une grande quantité de sérosité' limpide, mêlee de
sang sorti des vaisseaux.
La pie-mère offre une injection assez considérable portantl
également sur les grands et sur les petits vaisseaux, et vers la^
paftie postérieure de l’hémisphère gauche, un peu de suffusioaa
On'THVVTlOKS.
ÎT
Baaguine. Elle n'adhère en aucun point à la surface du cerveau.
La superheie du cerveau ne présente à noter qu un ratatme-
ment général des circonvolutions, surtout prononce sur les par-
des meyenne e> externe des hémisphères. Elles ne sont plus
lisses et arrondies, inaisun peu inégales et rugueuses au toucher,
•très-pâles ratrophie sénile). La couche cort.ca e des circonvo-
lutions a, dans son épaisseur, sa couleur na^relle.
La substance médullaire présente une injection tres-vive,
grand nombre de pedts points rouges et violacés dont on n
peut guère faire sortir de sang liquide-, les vaisseaux sont gé-
néralement dilatés, on en distingue quelques-uns vides de sang
(état criblé.) Celte injection occupe à peu près egalement es
différents points delà substance médullaire et des deux cotes.
Vers le milieu du lobe antérieur droit, on trouve, dans un es-
pace grand comme une amande dépouillée de son enveloppe,
la substance médullaire rarédée;, molle, comme eraïUeeÿ ce
point ramolli offre un très-léger redel rougeâtre: il n y a
pas plus d’injection à l’entour qu ailleurs.
Les corps striés et les couches optiques ne présentent pas e
même degré de congestion sanguine que la substance medu -
laire. On y trouve plusieurs petites lacunes pisiformes , dans
une ou deux desquelles se distingue une membrane fine. Point
d’altération de couleur à l’entour. Les ventricules latéraux sont
dilatés, surtout dans leur partie postérieure; des vaisseaux vo-
lumineux et pleins de sang se dessinent sur leur membrane in-
terne. Le cervelet est vivement injecté. La consistance de la
pulpe nerveuse est normale, et sans aucune augmentation.
Les poumons sont engoués d’une assez grande quantité de
sang qui colore tout leur parenchyme en rouge. Le cœur est vo-
lumineux, ses cavités larges et pleines de sang liquide : état
normal de ses parois et de ses orifices. La vésicule biliaire cachée
sous de nombreuses adhérences celluleuses, est réduite au vo-
lume d’une noisette ; ses parois ont leur texture normale. Sa
cavité presque vide est cependant perméable à la hile ; les ca-
naux biliaires sont dilatés.
Ces deux observations sont fort curieuses, puisqu’elles nous
permettent de surprendre en quelque sorte le ramolbssemeiit
cérébral au moment même où il se forme , nu sein d’un tissu
28
ramollissement aigc. (anat. patu.)
injecté. Ce ne sont, à proprement parler, que des cas de con-
gestion cérébrale ; car des ramollissements aussi légers ne sau-
raient prendre encore aucune part à la production des symp-
tômes, ni à l’issue des maladies ; mais ces faits nous font voir,
a n’en pas douter, comment les choses avaient dû se passer dans
les cas m'i la date plus avancée de l’altération la montre sous un
aspect différent.
Observation. 3.' — Maladie organique du cœur. Inflammation dm
tissu cellulaire du bras , à la suite d’une saignée. Délire pendant lest
derniers jours delà vie. — Injection vive et ramollissement léger du i
lobe antérieur gauche.
Le nommé Jean Bouchard, âgé de G5 ans, maçon, présentant
encore les indices d’une forte constitution , entra le 1 1 juillet
l83o .à l’infirmerie de Bicêtre , avec tous les signes d’une lésion
organique du cœur, dont voici les principaux traits. Respiration
pénible et fréquente, œdème général peu considérable; la ma-
tité du cœur est assez étendue, son impulsion un peu forte;
sous le sternum, à l’épigastre et à droite du mamelon , un bruit
de souffle fort accompagne le premier bruit ; le second bruit
s’entend à peine ; plus haut, c’est-à-dire au-dessus de la cin-
quième côte et plus <à gauche, les deux bruits s’entendent à peu
près également bien , nets et sans aucun souffle. Le pouls est
petit, peu fréquent, le visage bouffi, livide. Les pours suivants
il y eut de fréquentes hémoptysies, l’orthopnée alla toujours en
augmentant. (Potion éthérée avec teinture de digitale.) Cette
dernière est bientôt suspendue, parce que le malade présente un
peu de disposition au délire.
Le 29 j U illet on pratique une saignée de d eux palettes. Pendant
le jour Bouchard est agité, inquiet, la nuit il délire, parlehaut.
Deux jours après, le bras saigné est gonflé, douloureux, parcouru
par des ligues rouges et tendues ; l’oppression devient plus vive,
le délire est continuel; il succombe dans la nuit du 2 au 3 août.
Autopsie. — La pie-mère est infiltrée de sérosité. A
l’extrémité antérieure de l’hémisphère gauche, le cerveau
présente une coloration rose foncée, dans une étendue de quatre
à cinq centimètres carrés. Celte coloration occupe la substance
médullaire : dans quelques points elle empiète un peu sur la
.substance corticale, et dans deux endroits .s’étend à la surface du
OBSEHV AXIONS.
!29
cerveau. Voici ce que présente une coupe perpendiculaire du
siège de cette coloration. On voit un certain nombre de taches
jj’mj rouge vif, à peu près arrondies j depuis le diametie d une
grosse tête d’épingle jusqu’à un point imperceptible, entourées
d’une auréole d’un rose tendre qui» dans plusieuis points , s é—
tend assez loin dans la substance médullaire. Quelques taches
rouges, des plus larges , se détachent nettement, sans être en-
tourées d’aucune coloration. La substance ceiebrale est légère-
ment ramollie dans toute cette étendue.
En examinant à la loupe , on reconnaît que ces taches rouges
sont formées par un peu de sang coagulé, aplati enferme de
disque , et qu’à chacune vient aboutir un petit vaisseau injecté ,
qui semble l’avoir produite par sa rupture. Dans leurs inter-
valles se distinguent également un grand nombre de petits vais-
seaux rouges, invisibles a l ceil nu. La teinte rose unifoime ne
présente rien de particulier a la loupe.
Le cerveau généralement un peu mou (la température est
très-élevée ) ne présente pas autre chose à noter.
Le cœur est très-volumineux , ses cavités dilatées, sans hyper-
trophie des parois. L’orifice auriculo-ventiiculaire gauche est
considérablement rétréci , pouvant à peine laisser passer le petit
doigt, allongé transversalement. Tout le bord libre de la val-
vule offre un épaississement de un à deux centimètres , dû à la
déposition d’un tissu fibreux sur sa face inférieure, et dans l’inter-
valle des tendonsqui s’y attachent, de sorte qu’ayant perdu toute
mobilité, elle ne peut ni se fermer ni s’ouvrir un peu largement.
Sérosité épanchée dans les plèvres et le péritoine. Les pou-
mons ne sont que légèrement engoués , si ce n’est le droit qui
présente à sa base un noyau apoplectique.
Rien à noter dans l’abdomen Le tissu cellulaire sous-cutané du
bras droit est gonflé, friable et grisâtre. Les veines sont saines.
Cette observation sert en quelque sorte de transition entre
les premières où le ramollissement, à sou début, existait encore
à peine, et les suivantes qui nous le montreront dans tout son
développement.
Orservatkja 4. — Rainollissemeut d’un des hémisphères. Vive in
jection del'anti c. Mouvements couv-ulsifs. Étal coinalcusledernierjoui .
•jÜ HAMOIiLlSSEMEax AUiU. ( AKAT. PATH.)
Une femme de vingt-sept ans présentait depuis une quinzaine;
de jours des signes de congestion cérébrale, céphalalgie fron--
tale, étourdissements, rougeur de la face , engourdissement de: s
membres, insomnie (saignée, trente sangsues à l’anus , sann
aucun soulagement), lorsqu’elle fut prise tout à coup de con--
vulsions violentes dans le membre thoracique gauche ; ces con
vulsions se répétèrent sept ou huit fois le premier jour, puis he
lendemain gagnèrent la face et enfin les quatre membres. D’a
bord le mouvement dans leurs intervalles, et l’intelligence et Ite
sentiment se conservèrent intacts ; mais bientôt une profonde.'
stupeur survint , les convulsions cessèrent et la malade ne tardai
pas à succomber dans le coma , comme asphyxiée.
Juiopsie. — Une sérosité légèrement trouble infiltre la pie-
mère. Les circonvolutions sont saines. A deux pouces envirom
au-dessous du fond des anfractuosités, entre l’extrémité anté-
rieure de l’hémisphère droit et le corps strié, non loin de lai
scissure interlobaire, la pulpe cérébrale est notablement ramol-
lie. Là où elle a perdu sa consistance, elle est en même temps>
d’un rouge assez foncé; ce ramollissement peut occuper environ;
un pouce cube. Autour de lui, la substance cérébrale estt
assez vivement injectée. Dans le lobe antérieur de l’hémi-
sphère gauche, à peu près au même endroit, on observe unee
injection tellement forte du cerveau, que sa substance paraîh
ecchymosée ; dans ce point si fortement hyperémie, elle a d’aill-
leurs conservé sa consistance. Le reste de l’encéphale est assez:
vivement injecté.
On ne trouve rien de remarquable dans les autres organes (1).
« Notez, dit l’auteur de cette observation , que le ramollis-
sement a ici une couleur rouge très-prononcée, et qn’autour de;
lui existe une vive injection de la pulpe nerveuse. On est donc,
porté à admettre que cette rougeur et cette injection ont pré-
cédé le ramollissement ; si la vie se fût prolongée , il est infini-
ment vraisemblable qu’on eût trouvé aussi privée de sa consistance
la portion ecchymosée de l’hémisphère gauche. » Il est impos-
sible de préciser avec plus d’exactitude le mode de formation
du ramollissement : seulement il importe de généraliser ce que'
M . Andral applique ici à un cas particulier.
(t)ÂHdr al, Clinique mc’dicalc , r. v, p. 427.
OBSEKVATÏOJSS.
31
n.»,vAi.o» 5. - Paralysie iu bras gauche; perle incomplète de
la naroTe roc. au bout de du, jours. Aii.érieiiremen, a, laques epl-
éo, O mes - Pamollisseiuent étendu de l'hénuspliere droit , surtout
derircontlutious; rougeur et infiltra, ion sanguine de la subsunce
corticale, injection delà médullaire.
La nommée Rateau, âgée de quatre-vingt-six ans , fut ap-
uortée àl'inamierie le 18 août 1840. On nous apprit que cette
femme forte, etbien constituée, pai aissaitavoir conserve touleson
intelligence ; on ii’avait jamais rien remarque du cote des mouve -
ntnis ou de la parole , si ce n'est que de temps en temps tous
les deux mois ou toutes les six semaines, elle éprouvait des at-
taques épileptiformes; elle reslait sans connaissance pendant
une demi-heure ou davantage , s'agitait convulsivement , n ccu-
malt pas... hc 18 août, à 5 heures du matin, elle se leia dans
son dLloir, puis ne put remonter sur son lit , il fallut aider.
Elle demeura toute la journée très allaissce , parlant a peine.
Elle ne fut portée à l’infirmerie que le soir.
Vue à 7 heures par l’interne du service , elle paraissait avoir
toute sa connaissance, s’exprimait difficilement mais pouvait
se faire comprendre. Elle se plaignait de mal de tête, et indi-
quait surtout le côté droit. Son bras gauche demeurait flasque
et étendu près d’elle ; soulevé, il retombait rapidement- pince,
il restait immobile; mais tout à coup, au moment où on s y
attendait le moins, elle le leva d’elle-même au-dessus de sa tete,
et répéta deux ou trois fois ce mouvement. Une large saignee
fut pratiquée.
Le lendemain malin je la trouvai couchée sur le dos, la tete
un peu tournée à droite , l’air hébété , la face assez rouge , la
bouche légèrement déviée à droite. Les yeux sont égaux ,
ouverts , les pupilles assez étroites et mobiles. Elle ne parle pas,
mais elle murmure quelques s3dlabes inintelligibles. Elle lire
la langue, droite et sèche, lorsqu’on le lui demande.
Le bras gauche est flasque et complètement paralysé. Lors-
qu'on enfonce une épingle profondément dans l’avant-bras , il
demeure immobile, et elle ne donne aucun signe de sensibilité ;
mais lorsqu’on le fait à la paume de la main , celle-ci se re-
tire légèrement et elle témoigne mi peu de douleur. Il n’y
a rien à noter dans la jambe gauche ni dans les membres
32
KAaiüLLISSUMKM’ aigu, (4WAX. 1-AXH.)
du côte droit. Le pouls est assez développé , de fréquence nor-
nale; les La.ten.cnis du cœur assez LL Un pL de êh
eu, a la peau. ( Trente sangeues an col, lacement purgatif .)
-20 ^'>""'=>‘“‘l^°"<‘aa,.ne„,, pas de selul '
rn;è an absoluineiule inèuie. (Gomme-
eu-, e 30 ce, U. Çlane un julep ) Selles abondantes, involontaires.
21 _ Afta,bl,s»eu,ent plus profond, grande pâleur, bouche
tout à fait dessecl.ee ; pouls petit, filiforme. Même état des
inenibies. ( Vésicatoire à la nuque, ]
Mort dans la mut suivante.
yiutopsie trente heures après la mort. - Beaucoup de sang
iqui e dans les sinus de la dure-rnère. La cavité de rarachnoïde
contient un peu de sérosité du côté droit , aucunement à gauche
injectée; épaississement des parois des
Les circonvolutions de l’hémisphère droit sont aplaties •
celles du lobe moyen sont considérablement tuméhées, quelques-
unes ont manifestement plus du double de celles du côte^ op-
pose; on remarque à leur surface quelques taches d’un rouge
violet fonce ; deux situées au sommet d’une circonvolution ont
le diamett-e d’une pièce de dix ou de vingt sous; une autl^e
beaucoup plus etendue occupe toute une anfractuosité; elles
sont formées d un grand nombre de petits points noirs entourés
d une rougeur vive. Toutes les circonvolutions du lobe moyen
celles de la partie antérieure du lobe postérieur et externe du
obe anterieur sont ires-ramollies Quelques-unes ont leur cou-
leui habituelle, d’autres une teinte rose uniforme; toutes,
leTvdnT' '' , présentent une cou-
l’én • corticale dont elle occupe toute
paisseur. Cette rougeur est mêlée de petits points plus foncés
dans \r “e voit point ces derniers
substance médullaire. Très-déliés, ils sont tous dirigés
lansversalement ou obliquement et ne peuvent être suivis que
dans un court trajet. Quelque ramollies que soient ces circon-
vo utions, elles ont cependant toutes conservé leur forme ; mais
la pie-mere entraîne avec elle la couche superficielle d’un bon
nombie d entre elles. Un courant d’eau les pénètre , les soulève
en lambeau , les éparpille.
Au dessous de toutes ces circonvolutions, la substance mé-
OBSERVAIIOSS.
dullaire est ramollie , presque jusqu’au ventricule. Dans beau-
coup de points ce ramollissement n’est appréciable qu’au tou
cher, et ne se laisse pas pénétrer par un courant d’eau ; dans
d’autres, c’est une pulpe molle et déliquescente. Dans une
partie de son étendue , elle n’olFre ni rougeur ni injection ; ail-
leurs une couleur rose assez foncée, ou bien une injection
vive , des vaisseaux longs et volumineux , un pointillé rouge.
On trouve dans la couche optique , dans un espace grand
comme un noyau de cerise, un pointillé rouge , fin et très-serré.
Ce pointillé qui paraît au premier abord tenir à une injection
vasculaire, est attribué à une petite infdlratiou sanguine, à
cause de sa disposition neiteinent circonsciile , de la régularité
de ses limites qu’aucun point ne dépasse. Aucune altération de
couleur ni de consistance autour ou dans l’intervalle des points
rouges.
Dans le corps strié se remarquent plusieurs petites cavités ir-
régulières, tapissées par une membrane très-fine , vasculaire et
cjui se laisse aisément détacher. Couleur et consistance normales
autour d’elles.
L’autre hémisphère ne présente rien à noter ; il est d’une
consistance assez ferme , peu injecté ; peu de sérosité dans les
ventricules.
La partie postérieure des deux poumons est fortement en-
gouée ; leurs lobes inférieurs sont infiltrés de sang. On v re-
marque plusieurs noyaux noirs, mais sans dureté; bien qu’ils
contiennent peu d’air, aucun point n’est friable et ne va au fond
de l’eau. Cœur peu volumineux , sain , sang liquide dans 1rs ca-
vités droites.
OBSEnvATioN 6. — Hémiplégie subite ; coma le lendemain , mort le
troisième jour. — llamollisseinent aigu avec infiltiation sanguine de
l’hémisphère gauche.
La nommée Marie Doucet, âgée de soixante-un ans, fut
prise toutà coup, pendant la nuit, d’une violente céphalahde
avec hémipléi;iegauchc complète et subite. Le lendemain, coina,^
dehre taciturne, réponses tardives mais assez satisfaisantes, cé-
phalalg.c orbitaire très-intense , urines involontaires; héini-
plfgie gaiiclic ; par lulervallcs trisimis cl soubresauts des ten-
.3
hamoi.lissiîmknt aigu. (anat. path.)
dons, mouveincms involontaires des membres du côté droit,
sentimeiu de froid général, pouls petit , irrégulier. Le jour sui-
vant, coma profond. Mort le troisième jour.
Aulopsie. Arachnoïde vouge, ramollissement pultacé de
presque tout l’hémisphère gauche, substance corticale violette,
ecchymosée par intervalles, plus pâle dans d’autres j vers la
par tie inferieure , la substance médullaire du cerveau partici-
pait à cet état et contenait des ecchymoses de la grosseur d’une
noisette. Dans l hémisphère droit , vers la partie antérieure et
moyenne, on tiouva un kyste jaunâtre, assez volumineux , en*
touié d une substance blanchâtre moins compacte que le reste
du cerveau (I \
Obseiivation 7. — Hémiplégie ciroile, altération remarquable des fa-
cnilés intellectuelles, disparition incomplète de ces symptômes au bout
de deux ans; huit ans après, retour des mêmes accidents. Mort le
luiitième jour. — Lésions multiples appartenant au ramollissement
chronique, dans l’hémisphère gauche; ramollissement aigu, et infdtra-
tion sanguine des circonvolutions.
La nommée Reydleux, âgée de soixante ans , est entrée le 8
novembre 1838, au n® 1 de la salle Saint-Antoine (Salpétrière),
afïectée d’une hémiplégie incomplète du côté droit. Voici quel-
ques détails sur ses antécédents.
Celte lemme ( fabricante de couvertures) paraissait jouir
d’une bonne santé, se plaignant de temps en temps d’étourdis-
sements et de céphalalgie, lorsque, au mois de juillet 1830, elle
s’aperçut un jour, en se levant de sa chaise, que sa jambe droite
était devenue tout à coup très lourde, comme si elle traînait
quelque chose de pesant après elle. Elle put aller, avec l’aide
d’un bras , chez un pharmacien du voisinage qui lui conseilla
de s’appliquer des sangsues. Elle n’en fit rien ; le lendemain
matin elle tomba sans connaissance, frappée d'hémiplégie droite.
Une saignée fut pratiquée, et elle recouvra promptement les
sens et la parole. Quelques jours après, elle fut vivement
(t ) Roslan, liechcrchcs sur le ramoLlissemcnl du cerveau, Obs. xv. 2« e'd.
Il y il eu .sans doute dans celle observation une erreur de re'dacliou , car le
1 amol li.ssemenl ))ullacc accoinpiignc' d’ecchyuio.ses , est indifiué du lucrne
côté que l’Iiéniiple'gie , qu’il a sans aucun doute déierminc'e. Si le fait se fût
jMSse! aiu.-.i, il ii’eùl jias niaïujué d’atlirer Pallenlioii de l'milciir.
OUSERVATIOX
ellVayée par mi lasseinblement d’ouvriers, et son iiilelügeuce
en demeura fort altérée. Pendant les deux années suivantes, au
rapport de sa fille, elle fut comme en enfance, restant des
journées entières assise, sans exprimer aucune sensation, aucun
besoin ; elle parlait peu , marchait en traînant sa jambe droite ,
et se servait à peine de son bras paralysé. Au bout de ce temps,
elle commença à reprendre ses facultés : elle montra plus d’ac-
tivi.»i, d’intelligence ; ce fut à cette époque qu’elle fut admise à
la Salpétrière.
A son entrée à l’infirmerie, au mois de novembre J 838, elle
put nous donner elle-même, avec beaucoup de détails et une
grande précision, une partie de ces renseignements que sa fille
nous confirma depuis.
On voit à quel point elle avait recouvré sa mémoire et son
intelligence. Elle nous raconta de plus, que (juatic jours avant,
elle était tombée comme une masse , et que sa jambe droite
était restée beaucoup plus faible qu’auparavant ; elle pouvait à
peine la remuer et soulever les orteils.
Les mouvements du bras droit étaient faibles et incomplets;
les doigts ne pouvaient se fléchir complètement ; il n’y avait du
reste aucune raideur, ni aucune douleur dans les membres pa-
ralyses. La parole était facile, la bouche non déviée. La sensi-
bilité était bien conservée du côté paralysé; le pouls présen-
tait de la force et de la fréquence; la malade se plaignait
d’étourdissements. (Saignée du bras, sinapismes aicx pieds, pur-
patif huileux.)
Quelques jours après, elle se plaignit de douleurs vives dans
tous les membres paralysés, d'abord dans l’épaule, puis dans
la jambe : il ne survint pas de railleur, cependant le mouve-
ment lepaïut dans le membre inferieur droit, et elle put mar-
cher dans la salle , appuyée sur un bras on se tenant aprèsl es
lits
Le 8 decembic, en la menant faire sa courte promenade ,
onia trouva plus faible et.plus lourde qu’A l’ordinaire.
Le 9 au matin, elle ne pouvait aucunement sc tenir sur ses
jambes ; celles-ci fléchissaient aussitôt sous elle sans la moindre
1 esistance ; alors elle se mettait a pleurer , et se plaignait de
ressentir des étourdissemenis. Elle parlait encore avec assez de
iieltete. Je la fis aussitôt coucher , avec des siiia])ismes aux jaiu-
llAMOLUSSIiMJiûx AIGU (anAX. PAXII.)
bes. Dans la matinée on la vit plusieurs fois pleurer et rire sans
laison. Dans 1 après-midi, on put à peine en obtenir une parole:
elle pleurait au heu de répondre, et refusa obstinément de boire,
it-lle urina sous elle pour la première fois.
Le 10 , la physionomie présente une impassibilité extraordi-
naire; les questions les plus pressantes ne paraissent l’impres-
sionner en rien ; seulement son regard hébété prend de temps
en temps 1 expression du rire et du pleurer. Cependant elle
présente la main gauche lorsqu’on la lui demande. Le bras
droit se soulève avec peine, les doigts sont tremblants et à peine
mobiles; la jambe droite demeure complètement immobile,
mémo lorsqu’on la pince , bien que les contractions de la face
et les mouvements des membres gauches témoignent que la
sensibilité n’est pas abolie. La face est très rouge , la peau
chaude et moite , le pouls fréquent et développé {Saignée du
bras, potion avec gomme-gutte , 6 décigrammes ). On obtient peu
de sang par la saignée. ( 30 sangsues aux malléoles. Vésicatoires
aux cuisses. )
e 11 , elle est toujours dans le même état de silencieuse
impassibilité. Elle relire un peu sa jambe droite quand on cha-
touille la plante du pied ; lorsqu’on la pince la face s’anime un
instant. Sa fille est venue la voir : elle a un peu pleuré, mais
sans paraître autrement la reconnaître. Du reste , elle semble
toujours entendre ; le pouls, de fréquence médiocre, offre assez
de résistance. Selles involontaires assez abondantes. Les sang-
sues ont bien donne. {Saignée de deux palettes.)
Le 12 , même état. Les yeux sont presque toujours ouverts ,
un peu mobiles ; les pupilles sont normales. Malgré l’immobi-
ité presque absolue qu’elle garde constannnent , il n’y a pas
d assoupissement , à peine un peu de sommeil la nuit. Quand
on s’approche d’elle, on voit scs traits se contracter légèrement,
tandis qu’on la saignait elle tournait le lancetier entre ses doigts;
elle ramène sur elle ses couvertures lorsqu’on la découvre.
Pouls un peu fréquent , peu développé , régulier; pas de sel-
es. Sang assez séreux, sans couenne. {Gomme-gutte, 6 dé-
cigrammes. )
Le 13 , aucun changement, ]jas de selles; elle n’a avalé que
ia moitié du sa potion {Sangsues au cou).
Lu 1 1, elle a cionnu quehiuu- signes de connaissance. Hier,
OllSEKVATlOKS.
elle a paru voir ses enfants avec plais r; mais elle garde
toujours un silence aussi, absolu : la constipation persiste,
( Gomme-gutte, 6 décigrammes .)
16. Depuis hier elle est plus profondément affaissée , et ne
donne plus aucun signe de connaissance ni d’attention. Ce
matin à neuf heures, elle tombe tout à coup dans un corna pro-
fond , avec résolution de tous les membres , respiration fré-
quente , un peu ronflante , quelques gémissements : la jambe
gauche se retire un peu quand on chatouille la plante du pied.
On peut pincer et piquer tous les autres points du corps sans
qu’elle donne aucun signe de sensibilité. Mort à trois
heures.
Autopsie quarante-quatre heures après la mort { forte gelée).
Os du crâne fort épais , dure-mère adhérente ; sérosité abon-
dante infiltrée dans la pie-mère , circonvolutions écartées ; in-
jection assez notable des vaisseaux , épaississement et opacité
des artères de la base.
Les méninges se détachent assez facilement ; mais à la partie
interne de la convexité du lobe moyen de l’hémisphère gau-
che , près de la grande scissure , la pie-mère entraîne avec elle
des lambeaux considérables de substance cérébrale mollasse et
rougeâtre ; le bord interne de cet hémisphère , dans la grande
scissure, paraît au travers des membranes comme marbré de
rouge. Celles-ci enlevées avec soin , on voit que toute sa partie
interne est très molle , marbrée de points et de stries rouges ;
quelques anfractuosités présentent une coloration d’un rouge
vif , due à une combinaison du sang avec la substance céré-
brale, qui lui donne l’apparence de fraises écrasées. Cette co-
loration s'étend profondément jusque dans la substance blan-
che. Quant au ramollissement, il occupe en profondeur pres-
que la moitié interne de l’hémisphère ; la substance médullaire
ramollie formait un détritus blanc ou grisâtre , plus ou moins
injecté.
A la face supérieure du lobe postérieur , la surface corticale
d’une anfractuosité et des circonvolutions environnantes était
détruite et remplacée par une membrane jaunâtre , mince et
vasculaire ; au-dessous , la substance médullaire était à une pe-
tite profondeur molle et grisâtre ; cette altération, en suivant la
I>*1,0I.USSEME»T *ICU. (an*T. PAtH.)
; la baae du lohe p„a-
Dans le même l.é.nispl,è.e, la membrane renlriculaire élail
nuéen'à '' “"e assez grande éleudue, dissé-
-im e par une destrucuon assez profonde de la substance blan-
e krss^ant une cavité traversée par des brides celluleuses , et
I emplie d un liquide lait de chaux.
Aliéiation semblable, mais moins étendue, du corps strié,
ans ces deux points , la membrane ventriculaire , libre sur
ses eux faces, était jaunâtre et inégalement éjiaissie. Petites
cavités irrégulières dans le corps strié droit. Le cervelet et
la moelle allongée sont intacts. La moelle épinière est saine
et symedique dans ses deux moitiés.
Cette observation intéressante nous fait assister successive-
ment aux suites de deux altérations , sans doute de même na-
Uire. mais dont l’une a été arrêtée par la mort en peu de jours,
tandis que 1 autre a pu passer à l’étal chronique , et parcourir
ses diverses périodes. Les lésions anatomiques qui caractéri-
saient cette dernière appartiennent spécialement à cette période
ultime du ramollissement. Les symptômes paraissent avoir été
les memes ^ns les deux circonstances : deux fois l’on a ob-
serve une hémiplégie droite, accompagnée d’une altération des
facultés intellectuelles , curieuse, insolite, et qui semble s’être
montrée à deux reprises sous le même aspect. On a pu remar-
(]uer que les lésions anciennes étaient multiples , comme les at-
taques l’avaient été au début ; quant à celle dont la date ré-
cente permettait d’apprécier plus facilement la nature, le sang
infiltré, 1 injection vasculaire, le ramollissement, tout annon-
ça suffisamment une congestion , accompagnée d’infiltration
sanguine et suivie du développement d’une inflammation.
Blalgre la ressemblance que sous ce dernier rapport , cette ob-
servation présente avec la précédente, la marche des accidents
a etc bien différente, puisqu’ils ont apparu graduellement dans
un cas, tandis que dans l’antre ils se sont montrés de la ma-
nière la plus instantanée ,
Jbsciivaïio.s 8. — Rnmollixscmeiit aigu avec infiltration .sanguine
chez 11(1 joimc enfaiil.
OBSERVATIONS.
39
Un enfant de trois ans fut pris tout à coup de faible.sse dans
le bras gauche et de douleurs de tête ; il voulut se lever , et
tomba aussitôt sur le côté gauche. Dès lors hémiplégie com-
plète , mais du mouvement seulement, dans les membres gau-
ches. ’he premier jour, agitation, cris , pendant lesquels le cote
droit de la face se contracte seul ^ grande mobilité de la langue
et des paupières , intégrité de la vue et des fonctions intellec-
tuelles , vomissements, pas de fièvre; fièvre le sixième jour ,
diarrhée saignée , sinapismes ; plus l&i à émetique ,
noix vomique). Le vingt-sixième jour, après la troisième prise
de ce médicament , mouvements convulsifs -, dans leurs inter-
valles , raideur marquée , surtout dans les membres paralyses .
perte absolue de connaissance. Ces accidents ne se repioduisent
plus avant les derniers jours de la vie ; mais il survient une
double pneumonie , des symptômes d’entérite. Mort le trente-
troisième jour.
yiutopsic vingt-huit heures apres la mort. Sinus de la dure-
mère remplis , surtout le longitudinal supérieur , de caillots de
sang très volumineux et d’une matière comme fibrineuse, grisâtre
et ramollie à son centre , qui paraissait réduite en putrilage ;
vaisseaux delà pie-mère très injectes, surtout à droite ; espèce
de suffusion sanguine dans plusieurs points de la surface de cet
hémisphère , et même épanchement de plusieurs caillots de
sang près du sinus longitudinal supérieur ; circonvolutions des
lobes antérieur et moyen de cet hémisphère (droit), afiaissées
supérieurement , et tellement adhérentes à l’arachnoïde, qu’on
ne pouvait enlever cette membrane sans arracher en même
temps la substance grise. Dans presque toute l’elendue de la
surface supérieure du lobe moyen , elle offrait un épanchement
ou plutôt une infiltration de sang en caillot , intimement mé-
langé à la substance cérébrale ; cette infiltration, qui ne s’éten-
dait pas à un pouce de profondeur, paraissait avoir eu lieu
d’abord dans plusieurs points isolés, et s’être réunie ensuite.
Ces circonvolutions, ainsi que la substance cérébrale voisine ,
jusqu’au ventricule latéral, étaient extrêmement molles, comme
diffluentes et putrilagineuses ; chaque incision y faisait aperce-
voir une multitude de petits points rouges, résultant de la di-
vision des vaisseaux capillaires sanguins dilatés. Le lobe anté-
rieur de riiémisphèrc droit contenait une autre altération re-
'« K'xm.ussEvia,! xir.u. ph„.)
niisnhèn* (î/i t r '■ ponion saine de chaque hé-
n pl.u ela.t loi-, mjecée, smuout du cô.é droit, et vers le,
t icules ; ceuxc, ne contenaient que peu de sérosité la
P»rç, supérieure du droit était ramollie ,1’arachnoïde Xi îa
brablc dè"'' i""”'»
11 *^°**^*^ louges , surtout vers le septum iucidum et le
COI ps calleux ; les vaisseaux des plexus choroïdes étaient gorgés
< e sang; nen a la base du crâne ni dans le cervelet (1)
(Ubsermion communiquée par M. Thibert.)
La paralysie, ajoute M. Lallemand, commença brus-
quement et sans avoir etc précédée d’aucun symptôme spas-
modicpie et nous trouvâmes du côlc droit du cerveau une es-
pece d infiltraiion ou d’épanchement de sang dans la substance
grise des circonvolutions, une suffusion sanguine de la pie-
meie qui es lecouvre , alte'rations qui ne peuvent avoir été pro-
duites que par une congestion hémorrhagique : celle-ci s’est re-
nouvelée plusieurs fois , et coup sur coup, comme le prouve la
succession des phénomènes paralytiques, et l’altération offre des
traces non équivoques de plusieurs efforts hémorrhagiques.
Les memes symptômes prouvent que la congestion s'est opé-
lee plus rapidement que dans les inflammations, et cependant
d une manière moins brusque et moins violente que dans les
iicmorrhagies complètes et qui constituent les apoplexies ordi-
naires : aussi le sang était-il autant infiltré qu’épanché dans la
sub'-tauce grise. »
L est avec intention que j’ai rapproché ces deux observations,
gi ressemblantes sous le rapport anatomique , et recueillies ce-
]iendant chez un individu âgé et chez un enfant : je saisirai
tonies les occasions de faire de semblables rapprochements,
pour montrer que le ramollissement cérébral , comme la mé-
ningite, comme la pneumonie, etc., est une même maladie dans
les diffci ents âges de la vie, chez les enfants, les adultes et les
vieillaids, en un mot que rien n’autorise à voir dans le raniol-
(t) Lfiüemaïul, Lettre IH', n» <2,
OBSERVATIONS.
il -
lissement des vieillards , une affection spécifique , comme on l’a
dit.
Nous avons eu beaucoup de peine a montrev le i amollisse-
ment aigu limité exactement à la substance blanche : il est fort
rare en effet de rencontrer cette disposition que 1 on ne trouvera
presque jamais mentionnée dans les observations un peu détail-
lées. Nous allons passer à l’étude du lamollissement dans la
substance grise. Nous suivrons le même ordre que dans /les ob-
servations précédentes : nous présenterons d abord les cas ou
le ramollissement vient de se former a peine dans la substance
grise fortement congestionnée, puis ceux où une infiltration
sanguine considérable s’unit à la congestion, et où le ramollisse-
ment, plus avancé, se prépare à ces désorganisations de tissu qui
le caractérisent à l’état chronique.
5 II. Observations pour faire connaître le ramollissement aigu dans la sub-
stance corticale , avec coloration rose, puis avec infiltration sanguine.
Observation g. — Entérite chronique. Coma profond , résolution
générale, sensibilité obtuse, mort au bout de vingt heures à peu près.
— Infiltration sanguine ])artielle , rougeur et léger ramollissement de
presque toute la périphérie du cerveau et des parois des ventricules.
Tuméfaction de quelques circonvolutions; adhérences générales de la
pie-mère.
La nommée Farge Domange, âgée de soixante dix-neuf ans,
était couchée depuis deux mois dans une salle de gâteuses, af-
fectée d’une entérite chronique. Elle s’affaiblissait beaucoup,
mais n’avait jamais présenté aucun symptôme cérébral. Le
4 juin 1838, on la trouva le matin dans l’état suivant, dans le-
qued elle était tombée on ne sait à quelle heure de la nuit. Coma
profond , respiration fréquente ( trente-six inspirations par
minute), légèrement ronflante; paupières abaissées; pupilles
immobiles, dilatées, la droite plus que la gauche; point de
déviation de la face ; résolution générale avec flaccidité des
membres; sensibilité obtuse, grimaces lorsqu’on la pinçait
avec force. La peau était assez chaude, le pouls à quatre-vingt-
six, plein et fort. Domange demeura toute la journée dans le
même état; le soir, à neuf heures, la circulation ne se faisait
plus sentir, une sueur froide et abondante couvrait toute la
peau ; elle expira bientôt après sons mes yeux.
«amollissement aigu. (anat. PATH.)
Autopsie trenle-six heures après la mort. Infiltraiion «élati-
tornie r>l 1 1 . . . 6'^iau
mfonue et .nject.on .nédiocre de la pie-mère, adhérences 1
nerales de cette membrane, mais faciles à détacher. Les circon-
volatmns des deux hémisphères présentent la plupart une co-
loration d un rose vif, ou d’un jaune peu foncé, avec une foule
de nuances miermédiaires; sur quelques-unes, et surtout au
fond des anfractuosités, on remarque des plaques formées d’un
pointillé d un rouge vif ou noirâtre (infiltration sanguine) ova-
laires ou irrégulièrement arrondies. Presque toute’ la surface
e u cerveau est d’une mollesse remarquable, mais sans dif-
lluence. Quelques circonvolutions colorées en rose, sont très-
volumineuses et évidemment tuméfiées. Ces diverses altérations
plus prononcées à droite qu’à gauche, occupent surtout la partie
moyenne de la convexité de chaque hémisphère, mais descen-
dent un peu vers la base. Les parois des ventricules latéraux
sont très-molles à leur superficie, avec une légère coloration
jaunâtre des corps striés et des couches optiques. La coloration
rosée des circonvolutions n’occupe que leur couche corticale. La
substance médullaire présente peu d’injection, mais un peu plus
e mollesse qu’à l’ordinaire. La moelle allongée et le cervelet
n’offrent rien à noter. Inflammation très-vive de tout le canal
intestinal.
y ___
Obsekvation JO. — Cé|)halalgie, étourdissements ; plus tard , gêne
de la parole, puis tout à coup coma, paralysie du mouvement des
membres droits; abolition presque complète des fonctions sensoriales
du même côté ; intelligence à peu près intacte; mort le troisième jour.
Rougeur, gonflement et tendance au ramollissement des circonvo-
lutions en haut et à gauche ; ramollissement du corps strié gauche ;
injection par places de la substance blanche.
La nommée Fort, âgée de soixante-douze ans, éprouve habi-
tuellement, depuis deux ans, de la céphalalgie et des étourdis-
sements ; elle a ressenti pour la première fois, il y a trois mois,
une grande difficulté à s’exprimer, qui s’est dissipée sans trai-
tement, au bout d’une quinzaine de jours. Elle se portait par-
faitement bien, lorsque le 9 octobre 1838, étant au lit, on s’a-
perçut tout à coup qu’elle était paralysée, et on la transporta à
1 infirmerie, où elle présenta l’état suivant :
Femme grasse, bien constituée, plongée dans un coma pro-
OBSERVATIONS.
43
fond ; la joue droite se laisse distendre à chaque expiration ; la
bouche n’est pas déviée-, la langue est un peu tournée à droite.
Le bras droit est résolu sans raideur ; cependant, quand on la '
pince, il exécute quelques niouveinenls ; la jambe de ce côté
est aussi fort peu mobile. Le côté droit de la face est beaucoup
moins sensible que le côté gauche; il est de même de la con-
jonctive et de la pituitaire droites. La malade ne voit un peu
que de l’œil gauche (elle a été opérée de la cataracte à droite).
Le pouls est fort inégal , irrégulier, à quatre-vingt p., seize in-
spirations inégales et irrégulières; peau naturelle, pas de rougeur
de la face, pas de vomissements. La malade entend, mais n’obéit
que lentement aux ordres qu’on lui donne. {Limon. , vingt sang-
sues derrière les oreilles, lav. avec trois gouttes d’huile de croton.)
10 octobre. Pendant la nuit, agitation, plaintes inarticulées.
Déviation de la bouche à gauche; quelques mouvements faibles
à droite ; mouvements presque continuels des membres gau-
ches et des jeux. Stertor, écume à la bouche ; l’intelligence pa-
raît toujours conservée. {Saignée de quatre pal.).
11 octobre. Hier soir, affaissement profond, gêne extrême de
la respiration ; des sinapismes diminuent ce dernier symptôme.
La nuit est assez calme. Ce matin, la respiration n’est plus ster-
toreuse, bien que très-fréquente (quarante inspirations par mi-
nutes). Le pouls est à quatre-vingts. Mort à troiss heures du soir-
Autopsie, quarante et une heure après la mort. Les os du crân e
contiennent beaucoup de sang; les sinus de la dure-mère sont
remplis de sang liquide et coagulé. La pie-mère ne contient pas
de sérosité ; ses veines sont considérablement dilatées et rem'
plies de sang, un peu plus à gauche qu’à droite ; bien qu’elle
offre une couleur rouge presque uniforme, il n’y a pas d’extra-
vasation de sang hors des vaisseaux.
La pie-mère très-friable s’enlève facilement et ne paraît pas
plus adhérente d’un côté que de l’autre. L’hémisphère gauche
est plus volumineux que le droit. Ses circonvolutions, tuméfiées
et pressées les unes contre les autres , sont d’une couleur rose
très-vive , surtout à la partie antérieure , moyenne et ex-
terne de l’hémisphère. Au milieu de la rougeur la plus vive, on
voit de petites plaques claires où la substance grise a conservé
sa couleur normale : la coloration rouge occupe toute l’épais-
seur de la substance corticale. Les circonvolutions semblent un
‘ i RA:wolussemekt aigu. (anat. païii.)
peu mollasses au toucher; cependant un filet d’eau ne les pé-
nétré pas, seulement il dessine quelques franges sur le bord,
d une coupe faite à la substance corticale. La substance blanche
présente un piqueté assez serré; il ne s’écoule pas de sang à la-
coupe, mais on y voit de larges plaques rosées. Le corps strié
est beaucoup plus volumineux que celui du côté opposé : il estt
à sa surface et dans son épaisseur d’une couleur rougeâtre sem-
blable a celle des circonvolutions. Il ne paraît aucunement dés-
organisé; cependant quand on le touche on éprouve une sensa-
tion de mollesse, de rénitence, assez semblable à celle d’une-
gelée un peu ferme ; la substance blanche voisine, quoique à uni
moindre degré, présente à peu près la même altération. La pro-
jection d un jet d eau un peu fort produit sur le corps strié uni
phénomène assez curieux : c’est une énucléation presque corn--
plète de ce corps, de l’espèce de coque qui le renferme, et une
dissection très-déhcate, sans déchirure apparente, des fibres
blanches qui le traversent; à part cela, le jet d’eau altère à peine*
le noyau du corps strié lui-même. La couche optique n’est pas;
sensiblement altérée. L’hémisphère droit ne présente de remai*- •
quable qu’une injection assez prononcée. Petite quantité de sé-
rosité limpide dans les ventricules et à la base du crâne. Con-
gestion assez prononcée du cervelet et du bulbe rachidien.
Epaississement des artères cérébrales. Cœur volumineux. Pou- •
mon infiltré de sang.
OiisERVATioN 11. — Perle de la connaissance et de la parole ; para-
lysie du mouvement du bras droit, du sentiment de la moitié droite
de la face. Mort au bout d’une trentaine d’heures. — Rougeur et tu-
mefaclion d une partie des circonvolutions de l’hémisphère gauche ;
rougeur du corps strié; mollesse gélatiniforme de ces parties. Injection
générale de la substance médullaire.
Une femme âgée de soixante-dix à soixante-quinze ans , de
beaucoup d’embonpoint, était entrée le 12 janvier 1840 à l’in-
firmerie ; elle se plaignait d’étouffements, de maux de tête dont
elle souffrait très- modérément , et qui furent attribués .à une
pléthore accidentelle. Interrogée sur ses antécédents, elle ne
paraît jamais avoir éprouvé d’accidents cérébraux graves. Il pa-
raît c[uedans la nuit du 19 au £0 janvier , son état prit tout à
OBSEnvAXlOXà.
coup uii aspect inattendu , et nous la trouvâmes le lendemain
matin dans l’état suivant :
Elle est couchée sur le dos , la face tournée à gauche , repre-
nant cette direction chaque fois qu’on la déplace. Les paupières
sont fermées, à gauche un peu moins complètement qu’à droite ;
de temps en temps elles s’entr’ouvrent un peu. Les pupilles sont
égales , de dilatation moyenne , toutes deux paraissent très-lé-
gèrement contractiles. La bouche est à peine deviée à gauche ;
l’aile du nez ne l’est aucunement; les mâchoires sont très-for-
tement serrées ; il n’est pas possible de les séparer.
Le bras droit est résolu, mais incomplètement ; il exécute de
temps en temps de légers mouvements spontanés , et quand on
le pince , il se retire vivement. Il y a au coude comme une
certaine tendance à la raideur. Les deux jambes sont également
mobiles et sensibles. Le bras gauche présente une motilité et
une sensibilité normales; il ramène la couverture dès qu’on
découvre la malade. Il se place presque toujours sous la tête. La
main droite, quoique dans le lit, est très-froide , tandis que la
gauche toujours découverte paraît à la température générale du
corps.
Le côté droit de la face , jusqu’à la ligne médiane , est tout à
fait insensible à des piqûres profondes avec une épingle. La
conjonctive et la pituitaire de ce côté sont presque tout à fait in-
sensibles Les deux côtés de la poitrine ont leur sensibilité na-
turelle. On ne peut expérimenter la déglutition à cause de la
raideur des mâchoires. La malade ne donne ancun signe de
connaissance, si ce n’est les mouvements de la main gauche
ramenant le drap sur elle. Les sens paraissent tout à fait
abolis.
Le pouls est à 62, très-irrégulier , d’une force ordinaire.
Rien de particulier à l’auscultation du cœur. Vingt inspirations
par minute , inégales , se faisant également par les deux côtés
de la poitrine ; la respiration est un peu bruyante, sans stertor,
accompagnée d un peu de raie trachéal. La poitrine est sonore
partout ; on y entend un peu de ronchus grave , sans râle mu-
queux.
Mort la nuit suivante.
Jiilopsie trente-deux heures après la mort. Petite quantité de
séiosité limpide dans la cavité de rarachiioide. Injection géiié-
* ^ ^-A.^IOLL]SSi\MK]VX AIGU. (AJVAT# TATH.j
raie de la pie-mère, assez vive et égale partout ; un peu desuf-
(usion sanguine dans quelques points. Cette membrane est à
peu prb sèche et ne contient presque pas de sérosité. Les parois
des artères de la base sont blanches et très-épaisses, sans ossifi-
cation.
La pie-mère s’enlève avec beaucoup de difficulté de la con-
vexité de l’bémisplière gauche; on peut à peine la détacher de
la substance cérébrale sous-jacente; elle se déchire en très-petits
lambeaux et entraîne çà et là des portions minces de substance
cérébrale.
Les circonvolutions de cet hémisphère , surtout celles de la
lace supérieure et de la face interne, présentent généralement
de la tuméfaction , de la rougeur et de la mollesse. Celte rou-
geur est répandue sous forme de marbrures çà et là dissemiirées,
allant en se fondant sur leur bords , formant des plaques irré-
gulières plus foncées et plus étendues au fond des anfractuosi-
tés. Quelques circonvolutions présentent en outre un léger re-
flet jaunâtre. Presque toutes sont renrarquableinent tuméfiées ,
surtout celles de la partie moyenne de la convexité.
Toutes ces circonvolutions sont mollasses au toucher et don-
nent précisément la sensation d’une gelée assez bien prise ; un
courant d’eau projeté de haut glisse sur elles sans en altérer la
forme , et pénètre seulement légèrement les éraillures produi-
tes par l’enlèvement de la pie-mère , sans eu faire flotter de
débris. La mollesse et la tuméfaction ne sont nulle part exacte-
ment liées à la rougeur. Cette rougeur occupe partout l’épais-
seur entière de la couche corticale, qu’elle ne dépasse nulle
part ; elle se montre dans son épaisseur, dans des points dont
la surlace n’était nullement colorée.
La substance médullaire offre une consistance normale, mais
elle est partout vivement injectée ; dans quelques points on y
trouve un pointillé rouge assez serré.
Le corps strié est de couleur rose ; il présente une mollesse
gélatiniforme semblable à celle des circonvolutions. Dans un
point seulement voisin du ventricule, il est jaunâtre, beaucoup
plus mol , et flotte sous un filet d’eau ; on distingue un grand
nombre de petits vaisseaux injectés parmi les fibres soulevées.
La couche optique ne participe point à cette altération.
La pie-mère s’enlève presqu’aussi difficilement de la sujierficie
OBSERVATIONS.
■47
de l’hémisphère gauche , (sans cloute à cause de sa sécheresse,)
mais la couche corticale au-dessous est intacte. Légère injection
de la substance médullaire. Intégrité parfaite de l’hémis-
phère.
Rien à noter au cervelet ni à la moelle allongée.
Ces observations nous font voir le ramollissement de la
Substance corticale, tout à fait à son début, comme les pre-
mières nous avaient montré le ramollissement de la substance
médullaire , à la même période : dans l’une injection pénicillée
et pointillée des vaisseaux , dans l’autre rougeur uniforme; dans
la première leshbres nerveuses semblent se raréfier et se laissent
fendiller par un filet d’eau, dans la seconde elles ofi’rent une
mollesse gélatiniforme tout à fait caractêristicjue. Dans les deux
cas nous trouvons une congestion cérébrale forte , partielle, cir-
conscrite , et de plus quelque chose qui constitue la première
apparition du ramollissement, qui annonce le début d’un nou-
vel état pathologique autre que la congestion. Il me paraît cu-
rieux de rapprocher des faits précédents, une observation de
ramollissement aigu des circonvolutions, chez un petit en-
fant.
Observation 12. — Ramollissement aigu des circonvolutions chez un
petit enfant.
Un enfant mâle d’un an , ayant les fontanelles ossifiées , ne
pouvait soutenir sa tête dont le volume s’était singulièrement
accru depuis quelque temps. Il eut à plusieurs reprises des accès
de mouvements convulsifs avec raideur générale , stupeur lé-
thargique , de courte durée. Ces accès devinrent plus rappro-
ches , et il mourut dans le coma et de violentes convulsions té-
taniques.
Autopsie. Os du crâne minces, compléteinent ossifiés. La
dure-mère leur est fortement adhérente. Les vaisseaux de la
pie-mère sont extraordinairement gorgés de sang. Quelques
gros de sérosité limpide dans les ventricules et à la base du
crâne. La substance corticale du cerveau est dans toute sou
48
HA.MOLl.lSSK.\lEr«X AlUU. (aa’At. rAlH.)
OiisF.nvATioN i5. •— Allaiblissernement de l’intelligence; attaques
de temps en temps. A la suite d’une opcratioiî légère, assoupissement
coma , resolution générale. Mort quatre ou cinq jours après. ^ Ramol-
lissement chronique à la partie postérieure de l'hémisphère gauche.
Ramollissement partiel, rougeâtre et superficiel des circonvolutions des
deux hémisphères. La pie-mère entraîne les parties ramollies.
La nommée Suzanne Lharminot, âgée de soixante-quatorze
ans, maigre, sèche et pâle, entra, dans les premiers jours de
mars 1838, dans le service de chirurgie, pour subir l’extirpa-
tion d’une petite tumeur de la paupière inférieure gauche. L’in-
cision nécessitée pour cette opération avait tout au plus 6 ou 7
millimètres de longueur. Voici les renseignements que j’ai pu
obtenir sur ses antécédents. Depuis un an elle était sujette à des
attaques légères : elle perdait tout à coup connaissance, ne pru-
vait plus parler; on la mettait sur son lit, et, au bout de di.x
minutes, d’un quart d’heure, tout était passé. On assure qu’il
lui était resté une faiblesse assez prononcée du bras gauche.
Depuis les grands froids de l’hiver passé, elle était comme en
enfance ; ses paroles étaient sans suite et ne répondaient pas
aux questions qu on lui adressait. Cependant elle se levait tous
les jours, se promenait, mangeait elle-mcme... Ces accidents
n’avaient jamais été assez forts pour la forcer à entrer à l’infir-
mer ie.
Le lendemain de son operation , elle tomba dans un assou-
pissement avec faiblesse de mouvements, qui ne tarda pas à se
changer en un coma profond, avec résolution générale et com-
plété des membres. Depuis lors elle ne profère pas une parole,
pas une plainte : couchée sur le dos , la bouche ouverte , elle
demeure privée de sentiment comme de mouvement. La respi-
ration est fréquente, un peu slertoreuse; le pouls naturel. La
peau est sèche, d’une température normale. Elle meurt dans
cet étal, quatre ou cinq jours après le début de ces accidents.
Autopsie. Les sinus de la dure-mère contiennent une assez
grande quantité de sang liquide et de caillots allongés. La ca-
(t) Ralkem, Mcnioirc cite, 20'-' Ohsn-\ aiion.
OBSERVATXOXS.
iO
vite de l’arachnoïde renferme un peu de sérosité limpide. La
pie-mère ne présente rien à noter; mais lorsqu’on l’enlève de la
convexité des hémisphères, elle entraîne après elle (malgré
qu’elle n’ait qu’un degré médiocre d’adhérence) la superficie
d'un bon nombre dé circonvolutions. Un filet d’eau étant pro-
jeté sur la superficie du cerveau, on voit que beaucoup de cir-
convolutions, surtout de l’hémisphère gauche, et seulement de
la convexité , présentent à leur sommet un ramollissement peu
profond et facile à limiter. Les points ramollis sont rosés îon
distingue sur quelques-uns d’entre eux de petites taches rouges
et même de très-petits caillots sanguins.
A la partie externe du lobe postérieur gauche, on voit cinq
ou six circonvolutions entièrement détruites et réduites en une
bouillie d’un jaune légèrement fauve. (Ramollissement chro-
nique.) Un filet d’eau pénètre profondément ce ramollissement
qui s’étend presque jusqu’au ventricule, dont une lame mince
de tissu cérébral sain le fépare seule. La partie moyenne du
centre ovale de l’hémisphère gauche présente aussi, dans une
laigeui de 3 centimètres, un ramollissement sans changement
de couleur , et qui va rejoindre deux circonvolutions ramollies
de la convexité. Rien à noter du reste. Les ventricules contien-
nent quelques cuillerées de sérosité limpide.
Observation 4. — Démence. Coma subit ; hémiplégie gauche avec
contracture. Mort au bout d’une vingtaine d’heures. — Adhérences de
la ]ne-mère à la surface de l’hémisphère droit, avec ramollissement
roupatredela plupart des circonvolutions; ramollissement avec in-
jection de la substance médullaire du lobe postérieur.
La nommée Leroux, âgée de quarante-sept ans, très-maigre
de faible constitution, était dans la division des aliénées de la
Salpétrière depuis l’année 1 822. Elle se disait la sainte Vierge,
et entrait en conversation avec les saints.
Le 14 octobre 1839, elle se plaignit d’un peu de malaise,
d inappétence ; elle resta au lit toute la journée. Le 15, il n’y
avait pas de fièvre, la langue était pâteuse, blanchâtre; pas
d appétit, un peu d’affiiissement; diarrhée , point de pêne de la
respiration.
Le soir, à sept heures, elle ne présentait rien de particulier.
4 '
50
HAMOLUSSEMSNT AIGU. (ANAT. PATH.)
Le lendemain matin on la trouva dans l’état suivant, dans
lequel elle était tombée on ne sait à quelle heure de la nuit .•
Coma ; aucun signe de connaissance ; bouche déviée à droite ;
joue gauche soulevée à chaque mouvement respiratoire; salivé
spumeuse, lèvres brunâtres. Paupière supérieure droite abais-
sée, pupille contractée ; à gauche, occlusion complète de l’œil.
Pupille gauche dilatée ; la vue semble abolie. La sensibilité tac-
tile de la conjonctive paraît détruite.
Les membres du cote gauche sont paralysés du sentiment et
du mouvement. Le bras soulevé retombe, lentement il est vrai.
Raideur au coude et à l’épaule , contracture des doigts , raideur
dans l’articulation du genou. Le membre inférieur soulevé re-
tombe comme une masse inerte; aucun indice de sensibilité par
le chatouillement de la plante du pied. Le mouvement et le
sentiment sont bien conservés à droite.
La respiration est fréquente, haute, un peu trachéale; pas de
rougeur à la face; pouls petit, un peu fréquent ; pas de chaleur
à la peau. (Seize sangsues à l’anus y 'vésicatoire à la cuisse. )
A cinq heures du soir, la respiration est plus embarrassée
et plus fréquente ; la tête est renversée en arrière ; le nez , les
les pieds sont très -froids et violacés. Mort dans la soi-
rée (1).
Autopsie quarante heures après la mort. La dure-mère est un
peu tendue. L’arachnoïde ne contient pas de sérosité, non plus
que la pie-mère. Celle-ci est très-mince, ses vaisseaux sont assez
injectés, également des deux côtés.
La pie-mère s’enlève aisément de la convexité de l’hémis-
phère droit; seulement elle détache, sur deux circonvolutions
du lobe antérieur, deux petits fragments moins larges qu’une
pièce de 25 centimes, et comprenant une partie de l’épaisseur de
la couche corticale, sans aucune altération de couleur. La plu-
part des circonvolutions de la partie interne de l’hémisphère
offi’ent une teinte rougeâti’e et adhèrent aux méninges ; cette
rougeur est due sur quelques-unes à une sorte de marbrure ,
sur d’autres à un pointillé plus ou moins serré. Leur forme et
leur volume ne semblent point modifiés. La rougeur occupe
(1) Ces détails m’ont été Ko^muniqués par mon confrère le docteur M«s-
€a^el, médecin à GhatellerauL
OBSERVATIOKS.
51
plutôt les cii'convolutions elles -mêmes que les anfi actuosite's ,
et est limitée à la coucbe corticale. Eu meltne temps, elles sont
mollasses, se laissent érailler par* la pie-mère qui en enlève une
couche mince et inégale, et pénétrer légèrement par un filet
d’eau. Toutes les circonvolutions des faces interne et inférieure
du lobe occipital sont également rouges et ramollies. Sur deux
d’entre elles, dans toute leur longueur, la couche corticale en
suivant la pie-mère se retourne tout d’une pièce, de manière à
montrer à découvert la surface qui était adhérente à la subs-
tance médullaire, d’un gris blanchâtre et tomenteuse, et de l’an-
tre côté à décortiquer ces deux circonvolutions, nettement dé-
pouillées de leur couche grise. Toute la substance médullaire
du lobe postérieur, jusqu au ventricule, est ramollie et se laisse
penetrer par un filet d eau, sans qu’il s’en détache aucun frag-
ment; elle présenté un très -grand nombre de vaisseaux rouges
et déliés, qui y forment un beau réseau d’in jection, et dans les
intervalles desquels elle a conservé une grande blancheur. Tout
le reste de l’hémisphère est fort injecté.
Les ventricules latéraux contiennent environ 100 grammes
de séiosite limpide et un peu rougeâtre- Du côté droit, le corps
strié est uni au corps calleux par des adhérences celluleuses,
blanches, faciles à détacher; on en trouve de semblables au-des-
sus de la corne d’Ammon. Les parois du ventricule présentent
une arborisation rouge très-prononcée, et à la partie postérieure,
quelques marbrures rougeâtres.
L’hémisphère gauche est un peu injecté, surtout dans son
lobe postérieur. Le ventricule présente, comme l’autre, des ar-
borisations rouges, sans marbrures, et aussi quelques adhéreu-
ces^du corps strié au corps calleux.
Rien à noter dans le cervelet, ni dans la moelle allongée.
Observation i5. — Perte de connaissance et hémiplégie gauche.
Mort au bout de deux jours. — Ramollissement aigu du corps strié et
de la couche optique du côté droit.
Un homme, âgé de quarante-trois ans, affecté d’une hyper-
trophie considérable du cœur, et d’une dégénérescence tuber
culeuse des testicules, sujet aux étourdissements, présentait de-
puis quelques jours une tendance remarquable à l’assoupisse
K.VMOI,Llî,Sl:;.''.ri.;-ST AIGC. TAISAi. PAïll.'',
menl, saus ci^phalalgic, lorsqu’un inaliu lo pouls, liabituellemrnl
lorl peut, présenta un développement et une durclé excessive,
la peau une chaleur inaccoutumée. Le soir, il perdit momenta-
nément connaissance, et le lendemain on lui trouva les mem-
bres gauches complètement paralysés, sans contracture, presque
insensibles, la bouche déviée adroite. (Saignée de 500 gram,
purgatif,) succomba deux jours après à une asphyxie gra-
duelle, sans aucun accident cérébral ; jusqu’au dernier moment
1 intelligence avait conservé toute sa lucidité. ’
Autopsie.^ Les méninges nolfraient rien de remarquable : la
rabstance cérébrale , enlevée par tranches minces, fut trouvée
parfaitement saine jusqu’au niveau des ventricules latéraux. A
droite, le corps strié et la couche optique n’existaient véritable-
inent plus. A leur place on trouvait une bouillie d’un blanc
légèrement rosé en plusieurs points, jaunâtre en d’autres.
Cette altération atteignait, dans l’étendue d’un à deux pouces, la
substance nerveuse qui borne en dehors le corps strié et la
couche optique ; on n’y voyait aucune trace d’épanchement
sanguin. Aucune autre lésion n’existait dans le reste de l’encé-
phale.
Les poumons étaient infiltrés d’une prodigieuse quantité de
sérosité spumeuse (1).
Ces dernières observations nous montrent le ramollissement
un peu plus avancé que dans les précédentes; les points ramollis
se laissent arracher par la pie-mère, pénétrerpar un filet d’eau, ils
ressemblent à de la bouillie.... Dans ces cas il y avait bien rou-
geur des parties ramollies, mais pas de sang notablement inlil-
tré. On verra au contraire , dans les observations suivantes , le
ramollissemeiU de la substance grise accompagné d’une infiltia-
l,ion assez considérable de sang.
Observation 1 6. — Hémiplégie subite. Mort quaranle-lmit heures
parés. — Ramollissement avec infiltration sanguine.
Une femme de soixante-quinze ans, qui auparavant ne mar-
(I) Amlrol, Clinique, t. v, p. 483.
OBSERVATIONS.
cliait qu’eu Iremblanl, laissait aller sous elle, mais se servait
librement de ses bras, fut prise tout à coup de paralysie de la
lanfjue avec déviation de la bouche à gauche , rigidité et im-
mobilité du bras droit , intégrité de !a sensibilité, de l’intelli-
gence et du mouvement des membres inférieurs. Le second
jour elle perdit tout à coup connaissance; le pouls était faibb;
et fréquent, les extrémités froides; elle mourut quarante-huit
heures après le début des accidents.
Autopsie. — Ramollissement de la substance grise de plu-
sieurs circonvolutions et anfractuosités de l’hémisphère gauche,
en bouillie lie de vin ou rouge violet foncé, fraises écrasées, se
laissant enlever par les membranes. iJans quelques points, ra-
mollissement blanc de la substance médullaire sous-jacente. Vc
lobe antérieur lui-même était remarquable par son aspect po-
reux et le développement de quelques vaisseaux (1).
OüSEav.cTJOK ly. — Hémiplégie, mouvements convulsifs du coté
opposé. Mort très rapide. — Ramollissement avec infiltration san-
guine.
Une jenne fille de vingt-deux ans éprouva une vive frayeur
qui détermina la suppression des règles, puis de la céphalalgie,
des nausées, un ictère. La céphalalgie persista pendant trois
mois, accompagnée d’idées tristes et de rêves eflVayanls ; à
cette époque elle redoubla d’intensité, puis il survint un jour
des ctourdissemenls , des vomissements; le lendemain le côté
gauche du corps était entièrement paralysé, la sensibilité con-
sei\ce, les memhics di oits étaient lesiege de mouvements con-
vulsifs continuels; la malade poussait des cris étouffés et ne
répondait pas aux questions qu’on lui faisait. Le pouls était
plein et fort, peu fréquent. Malgré un Iraitcmeut énergique mis
en usage ce jour-l.i seulement , la malade succomba dans la
soirée.
Autopsie. — Toute la partie externe des lobes moyen et
postérieur droits du cerveau est ramollie. Vers les limites de
ce ramollissement, et superficiellement, on trouve de petits
épanchements miliaires; un d’eux offre le volume d’un pois ; au
(t) Criu-cilhier, Anat. pal/i. (ht corjis himaiii, avec lig. 20' livraison.
I’AMOLLISSEMENT AIGTJ. ANAT. PATH.;
centre , la substance grise est transformée en une bouillie rouge
tnelee de caillots de sang; profondément , les parois de la moitié
Inférieure du ventricule latéral droit offrent l’altération décrite
sous le nom de ramollissement blanc. On trouve, dans la partie
s^terne du corps strié, et dans le lobe antérieur, près de la
àcissure de Sylvius , un noyau rouge ramolli , de l’épaisseur
tâ’une noisette (1).
' -
CHAPITRE II.
APPRÉCIATION DES ALTÉRATIONS ANATOMIQUES DANS LE RAMOLLIS-
SEMENT AIGU.
En analysant avec soin les lésions anatomiques que nous pré-
sentent les observations de ramollissement aigu consignées dans
cet ouvrage, nous trouvons que, généralement caractérisées
par la rougeur , la tuméfaction , la mollesse et les adhérences
des méninges, elles nous offrent trois éléments essentiels : la
«ongestion, l’infiltration sanguine, l’inflammation.
Ar rêtons-nous un instant sur chacun de ces états morbides,
«onsidéré comme lésion anatomique particulière, et recherchons
quel il rôle joue dans l’altération complexe que nous étudions
§ous le nom de ramollissement aigu du cerveau
§ 1. Congestion.
La congestion cérébrale se caractérise anatomiquement par
des altérations que nous retrouvons expressément dans les
observations précédentes : dans la substance grise , coloration
rose uniforme; dans la substance blanche, injection, pointillé
rouge , quelquefois marbrures rougeâtres. La congestion céré-
brale se rencontre rarement sur le cadavre dans un état de par-
faite simplicité ; d’une mobilité remarquable , elle se dissipe
en général, même après avoir débuté de la fagon la plus ef-
frayante , spontanément ou sous l’influence des moyens théra-
Nivet, JBul. de la soc. anat. Avril IC36, il» année.
CONGESTION CIÈRÉBRALE. 55
peutiques , et si elle persiste quelque temps . elle se localise or-
dinairement et se montre à l’autopsie accompagnée ou même
complètement remplacée par un état de ramollissement du cer-
veau.
Cependant nous possédons assez d’observations pour établir
<îue ce qui distingue essentiellebient la congestion de l’inflam-
mation, dans le cerveau comme dans les autres parties du
corps, c’est la conservation ou une légère augmentation de la
consistance naturelle de l’organe. Ainsi dans les cinq obser-
vations de congestion cérébrale rapportées par M. Andral,
dans sa clinique médicale , il est expressément noté que la con-
sistance du cerveau était normale ; ainsi dans nos deux pre-
mières observations, l’injection partielle de la substance mé-
dullaire se montrait sans aucune modification de consistance , si
ce n’est dans les deux points circonscrits où le tissu injecté
commençait à se ramollir.
D’après M. Bouillaud, la congestion cérébrale s’accompagne'
rait habituellement d’une augmentation de consistance de la
pulpe nerveuse : « La première période de la cércbrite , dit-il ,
est caractérisée par la congestion , la fluxion sanguine , sans lé-
sion notable de structure de la substance cérébrale. La sub-
stance cérébrale est comme injectée de sang rouge, tuméfiée et
sensiblement plus /erme qu’à l’état normal (1). » Cette augmenta-
tion de consistance dans la congestion est du reste loin d’être
constante : si je l’ai trouvée notée dans plusieurs des observa-
tions de M. Bouillaud (2), de M. Gendrin (3), et dans d’autres
publiées isolément , elle n’existait dans aucune des observa-
tions de M. Andral , ni dans les faits que j’ai observés moi-
même ou d’autres plus nombreux recueillis dans les auteurs.
La tuméfaction est encore un phénomène qui s’observe quel-
quefois dans la congestion simple. Notée spécialement par
MM. Bouillaud et Lallemand , c’est à elle qu’est due la séche-
resse des méninges que l’on peut voir accompagner les conges-
tions fortes et très-aiguës, tandis que les congestions lentes et
moins considérables entraînent au contraire une augmentation
(1) Boiiill.iiid, Diction, de méd. et de chir. prnt. t. vu, ]>, 272.
Bien que prc'sentée .'i propos de la oerél)rite, celle description n’en appar-
tlcnl pas moins évidemment à la congestion elle.-mcme.
(2) Bouillaud, Traitd de l’ encéphalite,
(3) Gendrin, Hisl, anal des inflammations.
xiQD.
'“ -“7^ «
compagne égalemcu la sin,ple Tge'srn 'a^gnbri^^p'pLx- '
« la pne„,„„„ie; co.n.ne clans les tu, -es o,gater;pa;e?mp,':
I ans la conjonctive, qui se gonfle également et quand le contLt
cl un corps etranger fait brusquement affluer l sang dZ se.
^a.sseaux , et dans les infiltrations sanguines traumatiques et
aa s la conjonctivite aigue , quelle qu’en soit la cause ’
Kougeur et tuméfaction , tels sont donc , dans le ramollisse-
ment aigu, les cléments qui doivent être rapportés à la con-
gesüon mais les seuls qui puissent lui appartenir; et nous de-
vions chercher, hors de la congestion , l’explication des autres
circonstances anatomiques que nous avons notées. C’est ce
qu ont parfaitement exprimé MM. Delaherge et Monneret en
disant , a propos de la coloration rouge uniforme qui caractérise
1 hypereime de la substance corticale : . la consistance de la
paitie ainsi colorée reste normale , et cette circonstance est très-
imimrtaniea noter, puisqu’ elle seule peut faire distinguer cette
i.spece d hyperemie du ramollissement cérébral. Toutes les fois
que le cerveau est ramolli dans le point occupé par la conges-
tion, on n a pas afîaue à une hyperémie pure et simple... (I), ..
1
5 II- Infiltration sanguine.
I.es diverses altéiatioiis que les troubles rapides de la rbcii-
latrou peuvent laisser dans le tissu d'un organe, peuvent en
geneial etre rapportées aux quatre formes suivantes : conges-
tion sanouiue; infiltration sanguine, hémorrhagie par épanche-
ment et inflammation. Ces divers états s’observent journelle-
ment soit isolés, soit unis ensemble, dans la plupart de nos
organes, et en particulier dans le cerveau. Un d’eux, l’infiltra-
tion sanguine, a été jusqu’ici fort peu étudié dans l’encéphale ,
et comme le rôle qu’il joue dans le ramollissement cérébral est
de la plus haute importance, nous allons nous arrêter quelques
instants a tracer les principaux traits de son histoire. L’on par-
domiera la longueur de celte digression , en raison de la gra-
vite , peut-être de la nouveauté du sujet ; et d’ailleurs ce cha-
I) DHübcrgc et Monneret, Compçndiwn de médecine... t. i, p, 229.
J^FlLXRAXiON .SAîiGlj|^E,
è7
pitié peut être momentanément laissé de côté , ci l’on tient à
suivre sans interruption les faits qui appartiennent directement
à l’histoire du ramollissement aigu.
Étudiée d’abord sous le nom d’apoplexie capillaire par
M. Cruveilhier (1), qui ne la vit que dans le ramollissement
cérébral , indiquée ensuite dans le ramollissement par M. Ros-
tan, dans l’encéphalite , par M. Lallemand , plus tard par
M. Fanlonelli (2), ellen’aété étudiée à part et comme altération
distincte, que par MM. Bravais (3) , Dance (4) , et Diday (5).
Ces travaux, auxquels on peut ajouter quelques observations
dues à MM. Gendrin (G), Denonvilliers (7), Malgaigne (8,\ etc.,
ont été analysés récemment par MM. Monneret et L. Fleury,
qui sont arrivés à celte conséquence : que l’infdtralion san-
guine du cerveau ne serait qu'un phénomène particulier de l’en-
céphalite (9) ; proposition que du reste ils ont eux- tnèiues for-
mellement contredite dans des passages subséquents.
J’ai en I8>i0 réuni dans ma thèse inaugurale (10) , tous les
faits que possédait la science sur ce su jet et d’assez nombreuses
observations recueillies par moi. Ce chapitre est presque entiè-
rement extrait de ce travail.
(1 CruveîJhier, Diction, de mdd. et chir. prat, t. n, art. .\poplexie, cl
yînat. path. du corps humain, avec fig. Liv. 20, 24, etc.
(2) Fanlonelli, Qaz. me'J. t. vi, p. 103.
(3) Bravai.»!, il/e/noire sur T hémorrhagie de la couche corticale du ceireau
( Revue médicale, mars 1827, ). Ce travail e.sl le. premier où l’infiltralion
sanguine du cerveau ait e'ie' bien décrite , et exactement apprécie'e dans .sa
nature, ,Ie regrette de ne l’avoir point cité dans ma ilièsc ; mais je ne le con-
naissais pas encore, à l’époque où elle a été' publiée. Je m’empre.sse de ré-
parer aujourd’hui celle omission.
(4) D.-mce, ohseivations sur une forme particulière d’apoplexie ( Archives
g£n. de niéd. Mars, 1832.)
(5) Diday, Mémoire sur C apoplexie capillaire ( Gaz. niéd., 22 n\ r.l837.)
(fi) Gendrin, Histoire anat. des inflammation^,
(7) Denonvillier.s, Gaz. méd. 1833, p. 62.
(8) Malgaigne, Gaz. méd.
(9) Monneret cl L. Fleury , Compendium de médecine pratinue, r. iii
p. 274. ’ ’ '
(10) Durand-Fardel, Recherches anatomico- palhologit/ues sur t in filtration
(angvine et l'inflammation 'aiguë du reiycaii: TIicscs de Paris 1810
n. 261. ■
58
ramollissement aigü. (anAt.path .)
L’infiltration sanguine , nom que je [crois préférable à celui
d apoplexie capillaire, proposé par M. Cruveilhier , se montre
tantôt unie au raïuollissement , tantôt seule et jouissant d’une
individualité bien évidente, ainsi que dans le poumon l’infiltra-
tion sanguine, tout en accompagnant souvent Tinflammation ,
s’observe isolée et bien indépendante de cette dernière , sous le
nom d^apoplexie pulmonaire. Bien que nous ayons ici plutôt à
nous occuper de 1 infiltration sanguine considérée comme épi-
phénomène du ramollissement , qu’à faire son histoire en l’en-
visageant comme une lésion spéciale et indépendante, je crois
utile de signaler sous ce dernier point de vue les principaux
traits d une alteration qu’il est intéressant de rapprocher de
celle qui constitue le ramollissement aigu.
L infiltration sanguine se montre sous des aspects très-divers :
tantôt ce sont de petits foyers ou de petites taches , plus ou
moins volumineux qu’un grain de millet , répandus çà et là
dans le cerveau ou groupés ensemble, le plus, souvent en forme
de plaques à la surface des circonvolutions ; tantôt ce sont des
noyaux assez arrondis , à peu près du volume d’une noisette ,
uniques ou multiples ; dans une troisième forme enfin , qu’on
peut appeler infiltration diffuse , cette dernière n’a pas d’ap-
parence déterminée et présente les plus grandes variétés d’as-
pect et d’étendue : toutes ces formes sont caractérisées par la
présence du sang en nature , hors des vaisseaux , dans la pulpe
cérébrale , non réuni en foyer , mais mêlé et plus ou moins
intimement combiné avec les molécules de la substance ner-
veuse.
Cette division que j’ai suivie dans ma thèse , dans l’exposé des
faits , ne repose que sur une apparence extérieure et à laquelle
je n’accorde qu’une importance d’arrangement ; elle nous inté-
resse beaucoup moins qu’une autre , basée sur la consistance
des parties infiltrées : or, nous trouvons que cette dernière est
tantôt normale, tantôt augmentée et tantôt diminuée.
Je vais rapporter ici, ou simplement indiquer les faits prin-
cipaux d’après lesquels il m'a été permis de faire de l’infiltra-
tion sanguine une étude spéciale et plus complète qu’on n’a-
vait fait jusqu’ici, faute d’un nombre suffisant d’observations.
INFILTRATION SANGUINE.
59
A. Infiltration sanguine avec'conservation delà consistance normale du
cerveau.
Obs. 18. — Fille de quarante ans, mal réglée; tout à coup
convulsions épileptiformes , générales , se répétant pendant
trois jours par accès rapprochés, sauf quelques rémittences. Mort
au bout de ce temps.
A la surface du cerveau , trois petites taches ressemblant à
une légère ecchymose. On trouve à la partie supérieure de
l’hémisphère gauche une portion arrondie de substance céré-
brale , d’une couleur rouge brun, parfaitement circonscrite , du
volume d’une noix et entourée de substance cérébrale saine ;
elle ne paraissait pas différer par sa structure et sa consistance ,
des autres parties du tissu cérébral. La surface d’une section
pratiquée au travers de cette partie malade, présentait une mul-
titude innombrable de petits points rouges entourés de points
jaunes Dans la partie exactement correspondante de l’hé-
misphère droit , se trouvait une lésion tout à fait identique, si
ce n’est qu’elle était légèrement i-amollie à son centre (1).
Obs. 19. — Femme de vingt-cinq ans, morte dans le coma,
après avoir présenté pendant quelques jours du délire et de l’as-
soupissement.
Tout le corps calleux était sablé de points rouges de la
grosseur d’une tête d’épingle ordinaire, répandus uniformément
dans toute l’étendue et l’épaisseur de cette portion centrale du
cerveau. L’aspect qui en résultait ressemblait assez bien à celui
d’une surface blanche qu’on aurait finement aspergée d’un coup
de pinceau chargé de matière colorante rouge. Examinés toute-
fois de près, on ne pouvait pas dire que ces points fussent du
sang épanché , car il n’y avait pas de caillots visibles à leur
surface; ce n’était pas non plus du sang sortant immédiatement
des vaisseaux, comme il arrive lorsqu’il y a simple engorge-
ment cérébral; car la pression exercée au voisinage n’y faisait
pasafiluer de sang et n’augmentait pas la valeur des taches;
c était un mélange intime de sang avec la substance cérébrale ,
sans (ju on pâl apercevoir de ramollissement ou de destruction dans
(1) Des maladie» Trad. d«M. Geudria;
p. 105, 1)5. XXIV. ,
’^amolussement (anat. path.)
rni'^ f petitesse des tadies. Cette aîié-
lou e ait jornee presque exclusivement au corps calleux (1).
ntr?r' ~ soixante-neuf ans, atteinte d’une
affection du cœur, fat trouvée un matin plongée dans le coma
avec lesolution generale , et succomba bientôt.
On trouva du sang et de la sérosité sanguinolente, dans la ca-
de 1 arachnoïde. Dans le lobe antérieur droit il y avait un
ponctue rouge de trois lignes d’étendue , gagnant supérieure-
ment toute la hauteur de la lame médullaire qui pénétrait dans
cuconvolution, et lui restant exactement limité. Chacun
des points qui concouraient A le former égalait ù peu près
corps dune cpmgle ordinaire. Au milieu de la protubé-
rance on vu un petit nojau rouge, résultat d’un poimilié
ties-fin et tres-serré; il fut impossible d’apprécier s’il était
plus ferme ou plus mou que les parties voisines.
Oas. 21. Une femme de soixante-quinze ans succomba h
une entente compliquée de pneumonie. Elle était dans le ma-
rasme, etn’avait jamais présenté de symptômes du côté du cer-
veau.
La partis postérieure et interne de la couche optique, le
corps genouillé interne, et le tubercule quadri-jumeau anté-
rieur du côté gauche présentaient à leur superficie une co-
loration d’un rose vif, due à la réunion d’un grand nombre
de petits points roses, parmi lesquels on en voyait ressoriir
quelques uns j>lus larges et plus foncés. Cette coloration s'éten-
dait prolondemcnt dans presque toute l’épaisseur de la couche
optique et dans le centre de la protubérance; on la retrouvait
dans le tubercule (piadri-jumeau droit qui était blanc à sa
sui-lace. Il n';)- avaU pas dans ces points d'altération nppréciuUe
de consistance.
Ods. 22. — Cliez un homme de tvente-denx ans, mort dans
une ancinie profonde , à la suite d’bémorrhagies buccale et na-
sale. on trouva l’altération suivante.
Le cervelet présentait un très-grand nombre de petites taches
(1) Dance, Mémoire cité, page ^32.
l>FILTn\T10X SA.RGM NE.
61
rosi.s, rondes, ayant .à peu près un inillimèlre de diamètre.
Klles occupaient prescpie toutes la substance {pise de ses la-
melles , soit à leur surface, soit dans leur épaisseur où elles sc
montraient en nombre infini; il y en avait à peine cinq ou
six dans la substance médullaire. Lorsqu’on cherchait à en-
lever une de ces taches avec la pointe d’un scalpel , on ne dis-
tinguait aucun vaisseau dont elle semblât provenir : elles for-
maient les unes une petite plaque, les autres comme un petit
globule rouge et assez dense, sans aucune coloration de la
pulpe environnante. 11 y en avait un petit nombre de semblables
dans le cerveau , en particulier dans la substance blanche. La
consistance du cerveau et du cervelet était partout normale (1).
^ J’ai observé des altérations analogues chez une aliénée de la
Salpetrierc, et M. Duplay a également rencontré des pétéchies
dans la substance cérébrale, chez un homme mort de maladie
hémorrhagique (2).
Ces laits se rapprochent beaucoup de ceux de simple couges-
üon où la consistance naturelle du tissu cérébral est conservée.
Seulement il y a de plus que dans la congestion , du sang sorti
des vaisseaux et en contact immédiat avec la pulpe nerveuse,
avec aquelle il s’est combiné. L’absence de toute modification
dans la consistance des tissus malades, démontre avec certi-
tude que 1 infiammation ne joue encore aucun rôle dans ces al-
terations.
ration sanguine avec augmenialion de la consistance normale
du cerveau.
Po d,e, , ,l me bonne santé et ne présentant aucune trace d’af-
c ion ceie irale , tomba tout à coup sans connaissance le 17
3ep,e.„b,e 1838. Poctée aussitôt à l'inlinnetie . je la Umve u
bout de vingt minutes , dans 4’élat suivant ;
drd e à
mol les '"“ ouverts, tlirigds du tnêtne côlé et im-
tobiles. La respirât, on est normale , il n'j a pas eu de votnis-
(t) li ochüu, Hullclinsde lu soc. anal , 18 tO, n” (J.
(2) Duphty, .Irchivcs, r. i , 2« série, page 178 ’ 1 833.
62
ramollissement aigu. (anat. path.)
sements. Le bras gauche est raide, tout à fait immobile, la sen-
sibilité y est conservée. La jambe droite est très-raide, étendue,
et ne se laisse fléchir qu’avec beaucoup de peine ; elle se relire
un peu quand on la pince, ou qu’on chatouille la plante des
pieds. Malgré ses efforts apparents pour parler, la malade ne
peut proférer un son ; sa physionomie est sans expression :
lorsqu on lui dit de montrer sa langue , elle ouvre la bouche ,
mais sans la tirer au dehors. La bouche est légèrement déviée
à droite 5 les pupilles sont très-dilatées et immobiles. Elle meut
son bras droit qui n’offre aucune raideur. Deux heures après
elle agit^ la tête, remue les yeux , pousse quelques plaintes
inaiticulées lorsqu on l’excite ; dès qu’on la laisse en repos, ses
yeux se ferment et elle semble s’assoupir; le pouls est plein ,
fort, légulier {Saignée du bras). Le soir, même état; les pu-
pilles se resserrent à l’approche d’une lumière.
Le lendemain elle demeure plongée dans le coma, bien que
donnant de temps en temps quelques légers signes de con-
naissance. Le troisième jour la raideur disparaît au bras gau-
che qui leste en resolution complété, et se montre seulement
à la jambe ; elle est moins profondément engourdie. Les jours
suivants elle prononce quelques paroles, remue un peu la
jambe gauche , ne sort que par instants d’’un assoupissement
assez profond. Secheresse de la langue, quelques vomissements,
embarras de la respiration , pouls irrégulier, plus faible ; le
septième jour, elle tombe dans un coma complet, et meurt le
neuvième au matin.
Autopsie. : Un peu de sérosité dans l’arachnoïde. La pie-
mere est infiltrée d une certaine quantité de sérosité, un peu
plus à droite qu a gauche. Elle présente au-dessus de l’hémi-
sphère droit une suffusion sanguine qui lui donne dans pres-
que toute son étendue une coloration rougeâtre : la pie-mère
s’enlève avec la plus grande facilité. Les circonvolutions ont
leur couleur naturelle, et ne présentent rien à noter dans l’hémi-
sphère gauche. Du côté droit, celles de la corne sphénoïdale
sont volumineuses, rougeâtres et ramollies, sans que la pie-
mère leur paraisse plus adhérente qu’aux autres points de la
superficie du cerveau. Au-dessous de leur couche corticale , la
substance blanche présente sa coloration normale, seulement
un peu de mollesse, et une dilatation notable de ses vaisseaux.
INriLTRATION SANGUINE.
6$
A la partie interne et inférieure du lobe antérieur, immédiate-
ment au-dessous de la couche corticale des circonvolutions, on
trouve un ramollissement de couleur grisâtre , s’étendant en
arrière et en dedans jusqu’à la partie externe du corps strié , et
ayant à peu près le volume d’une grosse noix. Près du corps
strié , on trouve, au milieu de la substance ramollie, deux
points, chacun du volume d’une noisette, rouges, fermes,
paraissant formés par une combinaison intime du sang et de la
substance cérébrale , et offrant une ressemblance remarquable
avec les noyaux d’apoplexie pulmonaire. Ces infiltrations san-
guines sont parfaitement limitées ; la substance ramollie qui les
environne est seulement un peu jaune dans leur voisinage, et
ne présente pas une vascularité plus prononcée qu’ailleurs.
Pneumonie au second degré et passant au troisième, de tout
le lobe inférieur du poumon gauche; engouement du poumon
droit. Rien à noter au cœur, si ce n’est un peu d’épaississement
et une légère ossification de la valvule aortique.
La présence simultanée de trois altérations , les noyaux d’in -
filtration sanguine , le ramollissement rougeâtre des circonvo-
lutions de la corne sphénoïdale, le ramollissement grisâtre
de la substance médullaire sous-jacente, rendent ce fait
un peu compliqué. 11 est évident cependant que les acci-
dents apoplectiformes du début doivent être rapportés à l’in-
filtration sanguine en noyaux, et que le ramollissement rou-
geâtre de la couche corticale des circonvolutions s’est formé
consécutivement, et peut servir à expliquer l’aggravation des
symptômes.
Il ne saurait y avoir de doute que pour le ramollissement
grisâtre plus profond; sa couleur grisâtre, qui ne se rencontre
guère dans la première période du ramollissement (1), m’a fait
penser qu’il pouvait bien préexister aux autres altérations, et
rentrer dans la classe de ces lésions latentes qu’il est si ordi-
naire de rencontrer chez les sujets avancés en âge. Mais j’avoue
que je ne crois pas pouvoir affirmer ce fait.
(1) Si ce n est lorsqu il y a suppuration ; mais je ne pense pas qu’il en fût
ainsi dans ce cas.
6-i RAMOLLISSEMKVt aigü. (a>-at. patu.)
Obs. 24. — Un jeune homme mourut le cinquième jour
d une aftcction fébrile , ayant offert tous les signes d’une inflam-
mation enceplialiqnc (céphalalgie, insomnie, délire, rigidité,
coma , etc. ).
Sérosité lactescente dans la pie-mère. Le cerveau est un peu
plus consistant cju’à l’état normal. Les couches optiques des
deux côtés sont criblées d’une multitude de points noirâtres qui
permettent a pemc de distinguer la substance du cerveau. Elles
ressemblent beaucoup à une partie gangrenée ou ecchymoséc ;
cependant la consistance normale a paru un peu augmentée. Le
cervelet est également criblé d’une infinité de petits points noirs,
sorte d'épanchements capillaires bien plus prononcés dans la
substance grise (1).
Obs. 2j. -- Une femme de soixante-dix ans, hémiplégique
a droite depuis quatre ans, fut prise d’une demi-perte de con-
naissance, avec paralysie, raideur et insensibilité du membre
gauche. Les jours suivants, l’intelligence s’éclaircit, la sensibilité
reparut dans le bras gauche. Mais la mort arriva le quatorzième
joui, avec les symptômes d’un engouement pulmonaire.
Le cerveau était dense et répandait beaucoup de sang sous le
scalpel. Sur une circonvolution de rhémisphère droit, dans la
largeur d’une pièce de dix sols , pointillé d’un rouge brunâtre
très-serré avec augmentation de densité et légère tuméfaction de
la substance cérébrale. Aucun point de cette lésion n’était en-
core décidément ramolli. Du côté gauche , altération ancienne
que l’auteur considère comme un ramollissement guéri (2).
0ns. 26. — Une femme de soixante ans eut, à la fin de sep-
tembre 1824, une attaque d’apoplexie, avec une hémiplégie
droite incomplète et qui se dissipa promptement à l’aide d’une
saignée. Le 8 octobre, nouvelle attaque, sans perte de connais-
sance, suivie d’une hémiplégie gauche qui devint graduelle-
ment complète. Elle paraissait souffrir dans le côté droit de la
(1) Ilaspd, Blcnioirc sur le rainolltssemcnl de la pulpe nerveuse ; {Jouni,
flcsconn. mecl.-chir,, r. ly, page 182.)
(2) Decliaaibre, Me’.noirc sur lu curubilivc du ramollissement cérébral
( Gaz, mdd., J 9 mai 183S.)
lM-lLTr.AïIOJ< SANGülMi.
6^
O
tête ; la coustipatioii était opiniâtre. Les forces diminuèrent peu
à peu, et la mort arriva le 26 décembre , après une semaine
passée dans le coma , dans laquelle la malade perdit la faculté
d’avaler.
La dure-mère adhérait solidement au cerveau, vers le centre
et la partie supérieure de l’hémisphère gauche ; la substance
cérébrale sous-jacente semblait plus ferme que dans l’état natu-
rel : incisée, elle fut trouvée d’un rouge vif. Cette partie malade
avait environ un pouce et demi en tous sens ; la substance céré-
brale environnante semblait plus vasculaire que le reste du
cerveau. Plus profondément, dans le tissu cérébral, on trouva
une portion malade , du volume d’une noisette 5 elle était d’un
rouge plus foncé que l’autre. Le corps strie' du meme côté était
d’une couleur rouge presque purpurine, son tissu était ramolli ;
d .se présenta à la surface de l’incision qui divisait cette partie,
un grand nombre de points vasculaires. L’hémisphère droit
était sain. Les vaisseaux de la surface de l’hémisphère gauche
et ceux qui rampaient entre ses circonvolutions étaient très-
gorgés de sang , et même, dans quelques-unes des circonvolu-
tions les plus profondes , il y avait une légère apparence d’ec-
chymose (1).
Ces cas sont un peu moins simples que les précédents , puis-
qu ils nous ollrent un changement dans la consistance du tissu cé-
rébral. Elle était augmentée. L’induration primitive de la pulpe
cérébrale est un fait trop important et trop peu étudié jusqu’ici,
poui que nous ne nous y arrêtions pas quelques instants.
Dans nos quatre observations, l’infiltration existait sous for-
me de points isolés, ou de plaques à la surface du cerveau, ou
de noyaux dans son intérieur. Dans un cas la durée de la mala
die avait été de cinq jours, dans un autre de neuf, dans le troi-
sième de quatorze jours, dans le dernier de plus de deux mois.
Ces dates si rapprochées dans un cas , si éloignées dans un
autre , du début de l’altération , montrent que dans l’infiltra-
tion sanguine , l’induration peut d’une p.art se montrer dès le
c ebut , d’une autre part persister pendant un temps indéler-
nnne. Elles montrent qu’elle peut préexister au ramollissement,
et aussi ne pas y aboutir nécessairement.
()) Abercroaibic,/oo. cil. p. Il2 , Obs. xxui.
66
ramollissement Aigu. (anAt. pAth.)
Ceüe espèce d induration avait été fort bien remarquée par
M. Cruveilhier ; mais l’attribuant, à tort, je crois, à l’inflamma-
tion , il la compare à l’induration rouge des autres tissus , pé-
riode de leur inflammation queM. Lallemand dit être toujours
remplacée, dans le cerveau, par le ramollissement. Il cite le fait
suivant (1) : Ln homme sur lequel on n’obtint aucun rensei-
gnement, fut apporté dans un état comateux , ronflement, su-
pination, paralysie du côté gauche, air hébété ; il ne paraît pas
comprendre les questions qu’on lui fait, ou du moins ne peut
y répondre. Il meurt au bout de cinq à six jours. Le lobe anté-
rieur gauche présentait une induration rouge , au centre de la-
quelle était une substance molle , jaunâtre , parsemée de vais-
seaux sanguins, qui occupait une grande partie' du lobe anté-
rieur. Le même auteur cite encore l’ob.servation suivante ,
empruntée au livre de M. Lallemand lui-même ( lettre I, n" 2).
IJn homme de soixante-huit ans est apporté à l’IIôtel-Dieu dans
un état simulant une fièvre ataxique, avec affaiblissement
des sens, délire sourd, légère hémiplégie à gauche avec rigi-
dité dans les muscles ; respiration et pouls naturels. Le malade
reste six jours dans cet état , puis tombe dans le coma et meurt.
On trouva au milieu de l’iiémisphère droit une portion de la
substance médullaire réduite en putrilage ; la circonférence de
cette espèce de foyer était injectée , d’un rouge amaramhe , en-
durcie, enflammée.
Ce n'est point cette circonférence qui était enflammée ; tout
y annonçait seulement un baut degré de congestion et d’infil-
tration sanguines ; mais c’était la partie centrale , réduite en
putrilage , qui avait réellement subi un travail inflammatoire.
Il ne sera peut-être pas hors de propos de rechercher ici si
l’induration de la pulpe cérébrale doit être réellement consi-
dérée comme une altération appartenant à l’encéphalite aigue.
Cette question me paraît devoir être résolue par la négative. Je
ne parle pas de cette augmentation légère de densité qu’une
congestion cérébrale intense ]>eul déterminer dans la totalité
du cerveau, et que M. Bouillaud a particulièrement notée,
mais d’une induration partielle, circonscrite , semblable à celle
que nous voyons se former dans les autres organes , semblable,
(1) Dittiçnn, de mdd. et de chir, prat , tome it. art. cité.
rWFlLTRÀTlON SA^GÜINE.
67
en un mot , à celle dont les deux observations citées par
M. Cruveilhier nous offrent un exemple. On sait que le profes-
seur Lallemand nie qu’il puisse en êlre ainsi , se fondant sur
l’absence du tissu cellulaire dans le cerveau. Celte raison a peu
de valeur , je crois , car la pulpe cérébrale contient une assez
grande quantité de tissu cellulaire, comme le démontre souvent
le ramollissement chronique qui le dissèque et le prépare , pour
ainsi dire , de la manière la plus évidente. Pour éclairer cette
question , il suffit d’en appeler à l’observation. Si l’inflamma-
tion aiguë du cerveau , à une certaine période de son dévelop-
pement, s’accompagnait d’induration , celle-ci se rencontrerait
souvent dans ces cas de plaie de tète , de méningite, d’encé-
phalite , où la mort arrive avec assez de promptitude pour qu’il
soit permis de saisir rinflammation du cerveau à sa naissance ;
elle s’observerait aux limites des encéphalites plus avancées, car
on sait que, dans les inflammations partielles que l’on a occa-
sion d^bserver, tandis qu’elles font encore des progrès , rien
n’est plus ordinaire que de trouver leurs degrés rangés , si je
puis ainsi m’exprimer, les uns à côté des autres , depuis la
simple congestion jusqu’à la suppuration. Or, je n’ai rien
trouvé de semblable dans les nombreuses ob.servalions rappor-
tées par MM. Lallemand, Bouillaud, Rostan , Andral , non
plus que dans les histoires de plaies de tète , de contusions du
cerveau, etc. Dans les cas nombreux d’encéphalite à tous les
degrés que j’ai pu observer , je n’ai jamais rien noté de ce
genre. Enfin, MM. Monneret et L. Fleury, dans l’excelleiUe
description qu’ils ont faite de l’anatomie pathologique de l’en-
céphalite aiguë , d’après les meilleurs auteurs (1), n’ont point
trouvé de place pour l’induration. Le ramollissement, au con-
traiie, a toujours été signalé comme le critérium de l’inflam-
mation (aiguë) de la pulpe nerveuse ; ou ne voit point d’in-
flaimuation là où il n’existe pas ; enfin quelques-uns même ont
cru voir de l’inflammation partout où il se montrait.
Il me paraît donc naturel, si, dans les cas rares où l’on a
vu une induration partielle et circonscrite du cerveau se for-
mer rapidement , cette induration s’est toujours trouvée liée
à une infiltration sanguine , d’attribuer cette induration , non
(t) T«me m du Compmdium de mdd. pral., «rt. ENcÉroAutt.
68 lîAVOLUSSKAltM' AlGi;. (\AAT. X-A-Ill.)
pas a 1 lunaiimiatiou , mais à l’iiilihraûon sanjjuino , surtout
SI, ans cl autres organes, nous voyons cette dernière , indé-
pem ante de rinaaimnation , donner lieu à un phénomène seni-
Dlable. ( Apoplexie pulmonaire. )
On me permettra de rapporter ici , à l’appui de ma manière
de voir, le passage suivant, extrait du Compendium de méde-
cine pratique : « Dans la première période de l’infiltration san-
guine , la substance du cerveau subit une espèce de condensa-
tion, surtout dans les points où elle est altérée clans sa couleur :
elle semble avoir subi une légère induration; son tissu est
moins visqueux, plus sec ( p. 268). Nous avons vu que le
premier eflet de 1 infiltration sanguine était d’augmenter la den-
sité de la substance cérébrale dans le point où elle avait lieu.
M. Ciuveilliiei legai de cette induration rouge comme caracté- ■
risant seule la période de rinflammation de la pulpe cérébrale,
et comme étant immédiatement suivie , sans aucun état anato-
mique intermédiaire, de la formation du pus. La plupart des
auteurs pensent au contraire, que cet efiet n’est que passager,
et que la structure du cerveau s opposant, au-delà d’une cei taine
limite , a 1 extension et a la continuation de l’infiltration , le
sang infiltré qui ne peut être repris par le système circula-
toire , ni instantanément résorbé , détermine au bout de peu de
temps , pai sa piesence , une diminution dans la consistance de
la pulpe cérébrale.... (p. 269). L’observation démontre, d’une
manière qui nous paraît incontestable que, dans le cerveau ,
1 induration rouge est séparée de la suppuration par le ra-
mollissement, >• (p. 271). Il me semble résulter bien clai-
rement de ce passage que , dans l’opinion de MM. Monnerct
et L. Fleury , d une paît , 1 induration rouge primitive du
cerveau est un des caractères de l’infiltration sanguine ; d’une
autre part, cette induration rouge n^^ppartient pas à l’inflam-
mation. S’il en est ainsi, la contradiction est flagrante; et si
ces messieurs admettent un état anatomique tout à fait prop'e
à l’infiltration sanguine, et non point à l’inflammation , ils ne
peuvent plus dire que « l’on n’a décrit sous le nom d’apoplexie
capillaire ejue des altérations déterminées , soit par une inflam-
mation de la substance cérébrale , soit par une congestion céré'
braie très intense, n ( p. 274.) (1)
(1) Article cite'.
INriLXlUTlON SA>(1L'1MK.
C. Inliltration sanguine avec diminution de la consistance normale du
cerveau.
Obs. 27. — Une vieille femme gâteuse , à la Salpétrière ,
mourut le jour de son entrée dans les salles du professeur Cru-*
veilliier, sans avoir été observée, au mois d’avril 1839. Cette
femme était plongée dans cet état de torpeur des fonctions sen-
sitives et musculaires , dont ces gâteuses offrent souvent des
exemples. On ne put avoir de renseignements précis sur son
compte.
Voici ce qu'on trouva à l’autopsie de l’encéphale. La dure-
mère est fortement tendue j les sinus sont remplis par des
caillots rougeâtres , friables , quelques-uns jaunâtres , et pré-
sentant de petites masses assez semblables à du pus conci'et ou
inliltré. Dans quelques points ces caillots sont adhérents aux
parois des sinus , qui ne paraissent pas elles - mêmes al-
térées.
L’arachnoïde ne contient presque pas de sérosité. Les grosses
veines de la pie-mère sont distendues par du sang coagulé,
tout à fait semblable à celui qui remplissait ceux de la dure-
mère. La pie-mère est à peine humide de sérosité , mais infil-
trée de sang de chaque côté, sur la partie moyenne de la con-
vexité des deux hémisphères, et latéralement. On trouve à la
surface des circonvolutions plusieurs plaques rouges disposées
ainsi qu’il suit :
A la partie externe et moyenne de la convexité de l’hémi-
sphère gauche , on voit une placjue plus large qu’une pièce de
cinq francs, mais non régulièrement arrondie. Cette placjue est
formée d'un ])iqueté , ou phrlôt d'un moucheté noir très-
serré , dans les intervalles duquel la substance cérébrale est
d’un rose faible ou d’un rouge ponceau , ou violacé ; dans un
point, elle est tout à fait noire ; le sang infiltré a presqu’entiè-
rement pris la place do la substance cérébrale. Les boids de
cette placjue sont dessinés par une ligne \iolette, d’un ou deux
millimètres de large, sinueuse et irrégulière, et représentant
parfaitement ces lignes coloiiéos, ejui sur les cartes de geogra-
pliie, indiquent le contour des îles.
Lnc placjue à px;u près semblable occupe la partie moyenne
de l autre bemisphère. D’auires platjues moins larges se mon-
70
RAMOLUSSEUTEIS-T aigu. (AlfAT. PATM.)
trent sur d autres points de la convexité des hémisphères. Pres-
que toutes sont limitées par une ligne sinueuse semblable à
celle que ] ai décrite. Quelques unes de ces lignes sont seule-
ment formées par un pointillé fin et serré, disposé en forme
-e ruban. Elles sont en général , d’autant plus larges et plus
foncées, que la plaque est plus foncée elle-même. Plusieurs de
ces plaques , étroites et placées au sommet d’une circonvolu-
tion, présentent un pointillé très-fin, autour duquel la substance
cérébrale est cà peine colorée en rose. Quelques-uns de ces
points se trouvent même jetés çà et là sur des circonvolutions
demeurées saines.
Les deux plaques les plus foncées présentent une espèce de
boursouflement parfaitement limité à leur circonférence. C’est
au-dessus d’elles surtout que la pie-mère est infiltrée de sang.
La substance cérébrale offre au niveau des plaques une mol-
lesse d autant plus grande, qu’elles-mêmes sont plus intime-
ment combinées avec le sang ; en même temps la pie-mère pa-
raît plus adhérente et en enlève même quelque part la super-
ficie.
Il y avait, en outre, un foyer hémorrhagique assez considé-
rable, cieuse dans 1 épaisseur de l’hémisphère gauche, au-des-
sous des circonvolutions (1).
Si je ne me trompe , la présence du sang en nature dans la
substance cérébrale, dont il avait, dans quelques poinis,
piesque enlieieinent pris la place, et d’ou il s'était répandu
dans la pie-mère, ces plaques circonscrites, ces lignes bien des-
sinées, ces poinis épars, constituent des altérations que l’on ne
saurait rapporter à rinflainmation , et dans lesquelles on ne
peut voir que du sang purement et simplement infiltré- Il y
avait , il est vrai , du ramollissement, mais il ne me paraît être
que le résultat mécanique de l’interposition du sang entre les
molécules cérébrales, et son intensité se trouvait , sur chaque
point, en rapport avec la quantité de sang infiltré.
Obs. 28. — Femme de soixante-neuf ans. Tout à coup perle
de connaissance, stertor, écume à la bouche, résolution com-
(t ) M. Cruveilhier ayant emporté ce cerveau pour le faire dessiner, je n’ai
pu l’étudier dans ses parties profondes.
INFItTRÀTIOIÏ SANCmiNE. <*
plète du bras droit, rigidité du bras gauche, état analogue des
jambes. Quelques contractions spontanées à gauche ; insensibi-
lité absolue. Mort trente-six heures après.
La substance grise de toutes les circonvolutions et anfractuo-
sités occipitales, de la convexité de l’hémisphère gauche à l'ex-
ception des circonvolutions , présente la couleur hortensia vio-
lacée. Elle a subi un ramollissement mou , qui , toutefois, n’est
pas porté jusqu’à la diffluence; aussi les méninges ont-elles pu
être enlevées sans déchirement de la substance cérébrale. Mais
l’immersion dans l’eau , le moindre contact suffisent pour dé-
tacher la couche superficielle ramollie. La substance grise du
corps strié avait également subi le ramollissement violacé.
Même altération de la superficie de trois ou quatre circonvolu-
tions de la convexité de rhémisphère droit. La substance
blanche au-dessous est plus abond.a murent pénétrée de sucs,
comme œdémateuse et d’un œil jaunâtre (1).
Des cas semblables sont à coup sûr beaucoup plus difficiles à
interpréter que les précédents. Si le ramollissement est le ca-
ractère spécial de l’inffammation de la pulpe cérébrale , ne
faut-il pas attribuer à cette dernière la diminution de consis-
tance que nous trouvons notée dans ces observations , et les
, faits de ce genre ne doivent-ils pas rentrer dans la classe des
ramollissements aigus précédemment étudiés? Mais si l’on
songe qu’il est une série de faits où la conservation ou bien la
simple augmentation de la consistance normale du cerveau ,
dans les points infiltrés de sang, ne permet d’attribuer aucune
part à l’inflammation dans la production de cette infiltration ;
que dans les deux exemples qui précèdent , le cerveau offrait
évidemment bien plutôt une apparence d’hémorrhagie cjue d’in-
flammation ; que la diminution de consistance, par le lait d’une
simple infiltration , peut fort bien s’expliquer par la séparation
des molécules nerveuses auxquelles le sang vient s’interposer;
on ne refusera ]>as, sans doute, d’admettre au nombre des infil-
trations sanguines simples , des cas où il existe une certaine di-
minution de consistance.
Si le ramollissement s’étend au-delà des limites précises de
(t) Cruveilhier, ylnat. pulhol,^ 20* livraison.
P' oyez aussi les Observations des mémoires de M. Diday, de M Bra-
vais, etc.
- ■AMou.issnuai a, eu,
l'ùrtoÀu ^ cdlcc:
Z.. O »“ ™
iîstanc e il 7 diminution de cou-
ramollisÀe ^ P'olntbilné que l’on aura affaire à un
•.•0™^ X ’ ‘■“'■■"P^lind d’inQllraiion san-
„ c, est-a dire a une affection inflam.natoive et non nas une
ftcction simplement hémorih.sgique; mais, si au contraire la
dnninution de consistance est légère et tout à fait limitée è l’i,'.
(il latioii sanguine, s'il n’y a aucune adhérence des méninges
s; les parues environnantes paraissent tout à fait saines, iU,è
s agira sans doute que d’une infiltration sanguine simple et pri-
mttive , eoinnie dans les cas où la consistance du cerveau est de-
meui’ee normale.
^ Je regarde l’infiltration sanguine , telle qu’elle s’est présentée
a nous dans les observations précédentes, comme le résultat
dune congestion sanguine accompagnée de la rupture de
quelques vaisseaux. Voici de quelle manière elle lui succède •
Lorsqu’une congestion se lait dans le cerveau , quelque in-
tense qu elle .soit , le sang peut demeurer dans les vaisseau.x sans
en sortir et alors si la mort n’arrive pas immédiatement, les ac-
cidents disparaîtront aussitôt que le sang aura repris son cours
et II ne restera aucune trace de la maladie; mais lorsqu’elle
existe a un certain degré, ou qu’elle se fait d’une certaine ma-
niéré, ou pour inieux dire, lorsqu’elle trouve le cerveau dans
certaines conditions, les vaisseaux se rompent et il en résulte ou
une hemoiTliagie en foyer, ou une infiltration sanguine. Je crois
que cet efïet différent tient à ce que, dans un cas, il y avait déjà
maladie du tissu cérébral ou de ses vaisseaux , tandis que dans
1 autre , il n’y avait aucune altération antécédente. Mais je me
contente d’énoncer cette proposition , si l’on veut même d’une
maniéré douteuse , parce que je ne veux pas m’engager ici dans
une discussion en quelque sorte étrangère à mon sujet, et qui
poumnt nous mener trop loin. Ce qui se passe dans le cerveau
lorsqu à la suite d’une violente fluxion , les vaisseaux se rom-
pent et laissent le sang s’infiltrer, s’observe aussi dans d’autres
organes, en particulier dans les poumons, lorsqu’à la suite d’un
accès de colère, on voit des individus rejetter le sang par la
bouche, et .succomber atteints d’apoplexie pulmonaire, quelque-
fois même pe'rir instantanément et avant que le sang ail pu se
1NFI.AMM,\.T10X.
73
faire jour au dehors, si l’infiltrallon sauguine est très-étendue (1).
Remarquons du reste que Y infiltration est presque le seul mode
d’hémorrhagie des organes parenchymateux autres que le cer-
veau.
Le sang une fois infiltré dans la substance cérébrale , il se dé-
veloppe en general de l’inflammation à l’enlour de lui. Cette in-
flammation peut se former de deux manières : soit que la con-
gestion , inflammatoire dès sou principe , suive sa marche qui
la conduit naturellement à l’inflammation , soit que le sang y
agisse comme corps étranger et irrite le tissu qui le retient.
Une fois l’inflammation développée, l’infiltration sanguine
n’est plus en général qu’une altération secondaire, et son étude
rentre dans celle de l’encéphalite , du ramollissement dont elle
suit les périodes successives.
Les observations de ramollissement aigu accompagné d’infil-
tration sanguine, rapportées dans cet ouvrage, montrent les di-
vers aspects que revêt cette dernière, lorsqu’elle se trouve mêlée
au ramollissement, et peuvent être utilement comparées aux
observations que nous venons de présenter comme exemples
d’infiltration sanguine simple et non inflammatoire.
§ III. Inllaniniation.
Une altération qui débute toujours par une congestion ou
une infiltration sanguine, cjui se caractérise essentiellement par
du ramollissement et s’accompagne souvent de tuméfaction ,
d’adhéi’ences, etc., ne saurait être considérée autrement que
comme une inflammation , d’après les idées que l’on attache
généralement à ce mot.
Celte proposition, qui ne saurait être, je pense , le sujet
d’une discussion sérieuse, nous permet d’établir la suivante : le
ramollissement cérébral est une maladie de nature inflamma-
toire , puisque dans la période d’acuité, il présente l’ensemble
des phénomènes qui caractérisent l’inflammation.
Ici il importe de bien s’entendre, et afin d’éviter toute confu-
sion , je reviendrai sur ce que j’ai établi dans les premières pages
de ce travail.
(t) Ollivic.r d’Angers, Archives^ tome i, 2e scric, — Alpli, Devcrgie, huU,
<h VAcml. (h nuiil, 12 juin ISIH.
74
«amollissimknt aigu. (awat. path.)
Je n entends pas étudier ici le ramollissement , pris comme
synonyme de diminution de consistance de la pulpe nerveuse :
je veux parler de cette maladie qui a été déjcà maintes fois étu-
diée sous le nom de ramollissement cérébral, parce que la mol-
lesse du tissu du cerveau en a paru au premier abord le carac-
tère le plus frappant ; qui , se montrant à tous les âges de la vie
est surtout commune dans un âge avancé, dont lès premièreè
descriptions enfin ont été faites dans des hospices de vieillards.
Ceci , je crois, pose nettement la question , et je puis dire, avec
la certitude d’être compris :
Le ramollissement cérébral , le ramollissement qu’on observe
spécialement chez les vieillards, est une encéphalite; je ne crois
pas que l’on puisse admettre la division du ramollissement blanc,
et du ramollissement rouge ; je nie qu’il puisse être considéré
comme une altération essentiellement liée aux progrès de l’âge,
comme le résultat de la diminution de la circulation , comme
une lésion sui generis, etc.; je crois que tous les faits présentés
dans ce sens doivent être rapportés à rinflammation , et j’espère
le démontrer.
Non pas, remarquez bien, que je nie qu’il soit possible que
le cerveau vienne a se ramollir sous quelque influence autre que
1 inflammation ; mais je dis que les cas de ce genre sont tout ex-
ceptionnels. complètement en dehors de la grande classe de
faits auxquels je fais allusion, qu’ils n’appariiennent pas à la
maladie observée par M. Rostan et connue sous le nom de ra-
mollissement cérébral... Aux résultats de mon observation gé-
nérale que j’essaie d’exposer dans ce livre , il faudrait opposer
une série de faits contradictoires ; je dis une série, car un fait
unique que l’on exhumerait à grand-peine d’un cahier d’obser-
vations , se récuserait de lui-même. Il n’est à peu près aucune
donnée générale en pathologie, à laquelle il ne soit pas possible
d’opposer quelques contradictions isolées : s’arrêter à chacune
de ces dernières , ce serait renoncer à dogmatiser la science.
Lorsqu’une proposition s’appuie sur un certain nombre de faits
qui se lient et s’enchaînent ensembe , il n’est généralement per-
mis de lui opposer qu’un autre ordre de faits, également réunis
par une observation multiple et intelligente ; et remarquez bien
qu’il ne s’agit pas ici de chiffres , de statistique , mais simple-
IMFLAMMATIOtf.
7S
ment de l’emploi des premiers éléments indispensables pour ap-
puyer une idée générale.
Ainsi , que l’on me démontre que les doutes que j’exposerai
plus loin sur l’existence d’un ramollissement piimitivement
blanc, ne sont pas conformes à l’observation, que l’on me cite
des exemples authentiques de cette espece de ramollissement
que je n’ai jamais rencontrée, je suis très-disposé a reconnaître
que mon observation est demeurée incomplète sur ce point , et
que les cas de ce genre sont plus certains ou un peu moins rares
que je ne pensais : mais je ne verrais nullement dans ce fait la
preuve que j’aie eu tort d’avancer que le ramollissement des
vieillards est une encéphalite; sur ce point, je n’accepterais
l’argumentation que sur les faits contenus dans cet ouvrage ,
presque tous observés chez des vieillards, ou encore, par
exemple, sur ceux rapportes par M. Rostan et par M. Andral :
il ne s’agirait pas de me démontrer qu’il existe quelques faits
dont je n’ai pas eu connaissance, et qui, par exception, ne rentre-
raient pas dans la grande classe de faits que j ai lente de dogmati-
ser ; il faudrait prouver que la doctrine que je soutiens est enta-
chée d’erreur, et que je me suis trompé sur la nature des laits que
j’y ai soumis.
Poursuivons donc l’examen des faits, car c’est d’eux seuls
que l’on doit attendre la justification des propositions que je
viens d’émettre.
Or les faits nous apprennent que le ramollissement aigu est
essentiellement caractérisé par la rougeur des parties ramollies,
et le ramollissement chronique par l’ahsence de rougeur.
Ces deux faits sont en quelque sorte la clé de l’histoire du
ramollissement ; occupons-nous d’abord de les bien constater, et
cherchons à apprécier la valeur des exceptions qu’ils présentent,
11 est difficile d’assigner des limites très-précises au passage
du ramollissement aigu à l’état chronique ; il est dans le cer-
veau comme dans les autres organes, des lésions qui bien, que
de même nature, tantôt marchent avec lenteur, tantôt parcou-
rent leurs périodes avec une giande rapidité. Cependant pre-
nant pour limite l’espace qui sépare le vingtième du trentième
jour, on peut dire, relativement à la rougeur, qu’il est fort rare
qu’elle disparaisse avant le vingtième, ou qu’elle se montre
au-delà du trentième.
7G ®AMOI,LISSf,XIE«T AIGU, (AXAT. PATn.)
On se rappelle quels sont les caractères de celle rougeur-
formée par une simple injection , ou par une infiltration san-
guine, ou par une coloration uniforme , ou des marbrures iso-
lées J très-vive ou peu prononcée ; occupant une partie ou la
totalité de l’altéralion ; mais quelle qu’en soit la forme ou l’in-
tensité, nous la retrouvons toujours, comme trace de la con-r
gestion sanguine qui nous paraît l’origine constante du ramollis-
sement.
Il y a des cas cependant où un l'amollissement aigu se montre
sans lougeui. Dans ces cas, tantôt on trouve une coloration
jaune, tantôt de la suppuration.
Nous savons maintenant que la coloration jaune de la
substance cérébrale est l’indice certain de la présence du
sang à une époque quelconque, dans le point colore : lors
donc que nous rencontrerons un ramollissement aigu avec
une teinte jaune , nous en conclurons nécessairement qu’il était
infiltré ou injecté de sang à son début (l).
Lorsqu’un ramollissement vient à suppurer, il est très-rare
qu’il conserve sa rougeur, et cependant il est impossible qu’il
n’en ait pas présenté au commencement, puisque l’idée de sup-
puration est inséparable de celle de la congestion sanguine
qu’entraîne nécessairement avec elle toute inflammation. Le
cerveau présente cela de commun avec d’autres organes, et
rien n’est plus ordinaire que de voir une pneumonie , au bout
de peu de jours, lorsqu’elle est passée à l’état d’hépatisation
grise, ne plus offrir aucune trace de la rougeur qui y était si
vive à son début,
\oici donc deux exceptions apparentes qui rentrent dans la
règle que j’ai établie : mais il n’est pas toujours facile d’appré- '
cicr si les faits rapportés par les auteurs y peuvent être rame-
nés, car d’une part on voit souvent noter l’absence de rougeur
d’un ramollissement, sans qu’il soit indiqué s’il offre ou non
quelqu’autre coloration ; et d’un autre côté les cararteres de la
suppuration sont loin d’etre toujours clairement definis (1).
Rcste-t-il maintenant des cas de ramollissements aigus, sans
rougeur, sans coloration jaune et sans suppuration ? Je consa-
(I ) V oy. Cil. I, § III, Une étude de la couleur jaune dans le cerveau.
(2) Un me'decin allemiuid , M. Fuclis , prétend que l’on doit conside'rcr le
I
INFLAMMATION.
77
crerai un chapitre parilculier à l’exainen de celte question, et
à l’étude des faits qui ont été présentés comme tels : quanta
moi, je déclare que je n’en ai jamais rencontré.
J’ai dit que le ramollissement chronique était caractérisé jiar
l’absence de rougeur (I).
On ne découvre souvent, dans les ramollissements anciens ,
aucune trace de vascularisation; dansla plupart cette dernière est
infiniment peu prononcée ; quelques-uns cependant présentent
des vaisseaux nombreux et bien développés. Il ne paraît donc
y avoir rien d’impossible à ce qu’on y trouve c|uelquefois une
rougeur plus ou moins analogue à celle qui se rencontre cons-
tamment dans le ramollissement aigu ; le fait est cependant in-
finiment rare, comme on va le voir par les relevés suivants, et
le petit nombre d’exceptions qui se présentent encore à cette
règle, ne diminuent en rien l’importance que nous avons cru
devoir lui attacher.
Afin que l’on puisse apprécier immédiatement la valeur des
propositions que je viens d’émettre, je vais exposer les résultats
que donne, sous ce point de vue, l’analyse de mes observations,
de celles de M. Rostan, de M. Andral, de la première lettre de
M. Lallemand et du mémoire de M. Raikem ; ce cpii donne une
masse de plus de deux cents observations.
ramollissemcni grisâtre comme la forme primitive ; le ramollissement rou-
geâtre doit être regardé comme compliqué avec la congestion. Suivant lui,
la rougeur ne résulterait jamais d une injection vasculaire, mais seulement
d’une extravasation du sang. Les différentes couleurs du cerveau doivent
ctre atitibiiecs au sang cpanclic , qui subit les memes mélamorpboses que
dans les cccliymoscs. G est aussi la cause qui fait que le cerveau ramolli est
blanc dans les cas qui liiiissent par une mort subite, et qu’il se trouve co-
loré si la mort est lente. L’auteur qui rejette toujours l’inllainmation comme
cause du ramollissement, regarde la douleur , etc., comme réaction des par-
ties saines. Ce travail serait fait d’après les propresobservations de M. Fuchs.
Il est impossi’olc de rien trouver de plus opposé que les conclusions de ce
travail, arec ce que j’ai vu et ce qui paraît avoir été généralement observé
en France. ( Bcobachlungcn über Geliivnenvcichung. Leipz., 1838, Ex-
trait des Arohh>e.i gén. de me'd., juin, I 840, page 219.
(1) -M. Carswell dit, en termes exprès : « Lorsipie la rougeur qui accom-
pagne le raraollissemenl vient de la présence de sang épanché, on peut être
certain que le ramollissemcut est de date réçcule. » ( The cyclop. ofpracl.
med. T. iv, page o.)
78
ramollissement aigu. (anat. patm.)
Parmi les trente premières observations de l’ouvrage de
M. Rostan , la couleur du ramollissement n’est indiquée que
dix-sept fois : neuf fois il y avait de la rougeur, huit fois une
couleur dilférenle.
Voici l’indication de chacun de ces faits ; nous commencerons
par ceux où l’on a noté de la rougeur; tous paraissent avoir suivi
une marche aiguë.
Obs. XI. — Une femme chez laquelle on n’avait jamais rien
remarqué qui pût indiquer une affection du cerveau , tomba
tout à coup dans un coma profond avec raideur des bras , et
mourut le troisième jour.
Obs. XV. Une femme venait d’être traitée pour une pé~
ricardite , pendant laquelle on n’avait rien observé du côté du
cerveau. Elle fut prise subitement d’hémiplégie , et mourut le
lendemain.
Obs xviii. — Une femme était entrée à l’inSrinerie pour
une gastrite chronique sans rien de cérébral. Tout à coup hé-
miplégie droite , mort le surlendemain.
Obs. xxiii. — Point de symptômes antérieurs. Perte de
connaissance, hémiplégie droite. Mort le sixième jour.
Obs. XXVI. — Perte de connaissance, hémiplégie, mort le
surlendemain. Les renseignements n’indiquent que de la diffi-
culté à mouvoir les jambes, ce que la malade attribuait à d’an-
ciennes attaques de goutte.
Obs. IX. — Céphalalgie depuis longtemps. Perte subite de
connaissance, hémiplégie. Mort au bout de huit jours.
Obs. VII. — Toul-à-coup céphalalgie, déliré, puis coma, in-
sensibilité et résolution générale. 3Iort au bout de 24 heures.
Obs. X. — Il y a quatre ans , hémiplégie gauche complète-
ment dissipée au bout d’un mois. Depuis lors, sujeite aux ver-
tiges. Tous les ans elle éprouve une congestion cérébrale avec
perte de connaissance. Depuis quelque temps l’intelligence fal-
blii ; cependant elle est toujours gaie et ne se plaint jamais.
Perte subite de connaissance , suivie d’hémiplégie gauche avec
contracture; mort au bout de seize jours. — Traces d’ancien
épanchement dans la substance blanche et le cervelet. Couche
optique en bouillie ; substance environnante rose et injectée ;
substance corticale rosée (du côté droit).— Il me parait certain
INFLAMMATION.
79
que les accidents qui ont terminé la vie de cette femme étaient
de même nature que ceux qui lui survenaient au bout de chaque
annéej seulement, plus intenses celte fois, ils ont été au-delà
de la simple congestion , et ou a trouvé du ramollissement.
Obs. XIV. — Altération de l’intelligence, paral^ysie gra-
duelle du bras gauche 5 mort le quinzième jour. — Il y avait
un ramollissement jaunâtre de l’hémisphère droit , mais la sub-
stance corticale offrit des marbrures rouges.
Cas dans lesquels il n’y avait point de rougeur.
Obs. I. — Depuis un an, engourdissements et affaiblissement
des membres inférieurs; affaiblissement de l’intelligence....,
bouillie grisâtre à la superficie du cerveau.
Obs. V. — Depuis plusieurs mois, la malade se servait *du
bras gauche préférablement au bras droit , ce qu’elle ne faisait
pas auparavant. Mort à la suite d’accidents aigus. — Ramollis-
sement avec aréole jaunâtre du corps strié gauche. C’est surtout
cette disposition aréolaire du ramollissement qui annonce ana-
tomiquement son ancienneté.
Obs. VI. — Ancienne attaque d’apoplexie, depuis laquelle la
malade éprouve souvent de vives douleurs avec perte des mou-
vements dans le bras droit. — Dans l’hémisphère gauche, trace
d’ancien épanchement , entouré d’un ramollissement jaune-
verdâtre, grisâtre à sa circonférence.
Obs. XII. — Démence sénile , hémiplégie ancienne. — Dou-
ble ramollissement jaune.
Obs. XXI. — Incertitude sur le début. — Ramollissement
jaunâtre à l’entour d’un ancien kyste.
Obs. XXIV. — Absence de tous renseignements. — Ramollis-
sement jaunâtre.
Obs. XXVIII. — Accidents datant de vingt jours , mais surve-
nus chez une aliénée paralytique. — Couleur brune noirâtre
du ramollissement.
Obs. xvi. — Mort auboutd^une quinzaine de jours ; ( cause
traumatique). — Ramollissement jaune-verdâtre, paraissant
contenir du pus.
Sur les trente-trois observations rapportées par M. Andral
dans sa clinique, on trouve de la rougeur notée douze fois. Je
vais indiquer rapidement chacune de ces observations.
80
iîAmolljssement Aigu. (anat. patit.)
Ohs. — Mort le troisième jour.
Obs. xr. Mort vers le seizième jour.
Obs. xin . Mort au bout de vingt jours.
Obs. XXII. — Mort le septième jour,
Obs. XXV. Moitié troisième jour.
Obs. XXVI. — Mort le treizième jour.
Obs. XXVII. — Mort au bout de peu de jours.
Obs. xxviii. — Mort le deuxième jour.
Obs. XXIX. — Mort le troisième jour.
Dans 1 observation x , la mort arriva au bout de deux mois.
Un des lobes antérieurs se trouvait réduit en une bouillie sem-
blable à du lait caillé contenu dans du petit lait non clarifié.
Voici un ramollissement bien évidemment chronique. La sub-
stance grise était convertie en une substance d’un blanc sale ,
légèrement rosée. 11 est probable que l’altération de la superfi-
cie était plus récente que celle de la substance médullaire :
cependant , il faut noter que le sujet de cette observation a suc-
combé à une eschare, sans avoir présenté de phénomènes céré-
braux dans les derniers temps de sa vie.
Obs. XII. — Hémiplégie droite graduelle depuis plusieurs mois.
Quelques jours avant la mort, délire, mouvements tétaniques
a gauche suivis de paralysie. — llamollisseinent de couleur cho-
colat eu dehors de la couche optique gauche j dans le lobe an-
térieur, ramollissement en bouillie rosée, au-dessus duquel l’a-
l'achnoide était d’un rouge intense^ ramollissement d’un jaune
rougeiàtre dans le corps strié droit. — Il est naturel de rapporter
l’hémiplégie ancienne au ramollissement chocolat , et les ac-
cidents recents aux ramollissements rosés. Le siège même de ces
lésions est en rapport avec cette interprétation.
0ns. XXXI II. — Hémiplégie gauche survenue, il y a un an ,
par degrés, et sans perte de connaissance. — Trois ramollisse-
ments rougeâtres dans les hémisphères. — Ici il u’y a pas à
douter de la date de ces altérations, et c’est le premier fait qui
nous présente un exemple évident de ramollissement chronique
avec couleur rougeâtre.
Dans les treize cas suivants, il n’y avait point de rougeur et
la marche de la maladie fut évidemment chronique »
0ns. I. — Ramollisseinentblanc sale, — ramollissement latent.
ÜBSi U. — llamollissemenl blanc , — ramollissemenl latent.
TNfLASiMATXO».
81
Obs. III. —Ramollissement blanc sale, —ramollissement latent.
Obs. VI. — Ramollissement blancliûtie, - trente-cinq jours.
Obs. vu. — Ramollissement jaunâtre, — trente jours.
Obs. viii, — Ramollissement jaunâtre, — plusieurs mois.
ÜBS. IX. — Ramollissement blanc grisâtre, — de deux à trois
mois.
Obs. XIV. — Ramollissement gris sale, — trente-cinq jours.
Obs. XV. — Ramollissement gris et jaunâtre, — un an.
Obs, XVI. — Ramollissement blanchâtre, — > huit mois.
Obs. XVII. — Ramollissement gris sale, — ancien.
Obs. XIX. — Ramollissement grisâtre, — deux ans.
Obs. xxiit. — Ramollissement jaunâtre, — quarante-sept
jours.
Deux fois, observation iv, ramollissement latent, et obser-
vation xxxii, ramollissement de trois ans, on a note seulement
l’absence de rougeur.
Dans l’observation xxx , ramollissement gris, on n’a eu au-
cun renseignement sur le début de la maladie, et dans l’obser-
vation XXXI, ramollissement gris et jaune , la date en est fort in-
certaine , bien que i-emontant sans doute à plus d’un mois.
Dans les observations xx et xxi, ramollissement jaune, la ma-
ladie datait de dix-neuf jours et d’un mois.
Dans l’observation xxiv, datant de six jours, la couleur de la
substance ramollie ne paraissait pas altérée, mais il y avait un
grand nombre de points rouges dans les deux hémisphères.
Enfin, dans la xvme observation, où la mort arriva le cin-
quième jour, la substance ramollie avait conservé sa couleur
naturelle, sans aucune injection. C’est le seul cas de ramollisse-
ment où l’on ait constaté l’absence de toute injection ou rou-
geur, avec des symptômes franchement aigus.
La première lettre du professeur Lallemand contient vingt-
une observations : nous laisserons de côté les quatre dernières,
empruntées à Morgagni , et trop incomplètes pour que l’on
puisse en tirer quelques conclusions. Dans treixe cas , on a
trouvé de la rougeur unie à une marche rapide :
IN'o 1.— Mort au bout de quelques jours. Couche optique
gauche ramollie mêlée d’une humeur sanguinolente.
jN» 2. — Durée de six à huit jours. Substance médullaire ré-
duite en un putrilage rouge et ainaranthe.
6
*2 HAMOLLISSKMENT AIGTÎ. (anat. path.)
N® 3. — Mort au bout de quelques jours. Sorte de putrilage
dont la circonférence est rouge, rosée ou brune.
N» 4. — Trois jours. Rainollisseinent avec infiltration de
■ang.
N" 5. — Huit jours. Surface du cerveau ramollie et d’un rouge
foncé en plusieurs points.
N” 6. — Vingt jours. Ramollissement couleur lie de vin,
N° 7. Douze jours. Ramollissement avec deux petits épan-
chements sanguins.
Douze jours. Ramollissement contenant au centre
du sang moitié infiltré, moitié épanché.
Huit jours. Infiltration sanguine dans un point;
ramollissement dans un autre, dont la couleur n’est pas indi-
quée.
No 12. Treize jours. Infiltration sanguine dans le corps
strié ; ramollissement sans changement de couleur de la substance
médullaire voisine.
N” 13. — Quatre jours. Ramollissement brunâtie.
Douze jours. Substance cérébrale très-rouge. Dans
le corps strié , espèce de foyer d’une bouillie grisâtre , d’un
jaune verdâtre à la circonférence ( aucun renseignement sur les
antécédents).
No 16. Trois jours. Ramollissement des circonvolutions
mêle çà et là de quelques gouttes de sang.
L’observation 9 est un cas assez compliqué : la maladie, con-
sécutive à une contusion de la tête , chez un jeune homme, pa-
raissait dater de deux mois; marche irrégulière ; foyer de pus ;
ramollissement amarautlie ; foyer de sang.
Dans 1 observation 10 , il n est pas question de ramollisse-
ment.
Dans l’observation 15, mort dix-sept jours après une der-
niere attaque , corps strié , réduit en une pulpe grisâtre. . . Il y
avait eu déjà auparavant des symptômes cérébraux assez carac-
térisés , et l’auteur de l’observation prévient qu’d n’ose garantir
Vexactitudc des renseignements, ses idées étant fort peu suivies
à l’époque où il les a recueillis. On ne saurait donc tenir compte
de ce fait.
L’observation 17 paraît fournir un exemple certain de ramol-
lissement de la protubérance qui, après un jour et demi, était
inflammation. 83
réduite eu une bouillie blanchâtre âu-dessus , grisâtre au-des-
sous.
Raikem (1), dans son mémoire sur quelques maladies de l’en-
céphale , rapporte douze observations de ramollissement. Sur
ces douze , nous devons laisser de côlé la neuvième , qui est
tout à fait incomplète.
Dans six cas, on a noté de la rougeur, et la maladie a suivi
une marche aiguë.
Obs. I — Mort en dix jours. Ramollissements partiels offrant
une agglomération de petits points rouges.
Obs- V. — Mort en deux ou trois jours. Ramollissement lie
de vin.
Obs. VIII. — Mort au bout de trois jours. Ramollissement lie
de vin.
Obs. XIV. — Mort en quelques jours. Ramollissement par-
semé de. points rouges nombreux et très-rapprochés.
Obs. XV. — Mort vers le deuxième jour. Corps calleux fort
, injecté , transformé en une substance rougeâtre, ramollie.
Obs. XX. — Mort à la suite de convulsions. Ramollissement
rosé de la substance corticale.
Dans deux cas, obs. vi et vu, où la maladie datait de plu-
sieurs mois , le ramollissement était très-rouge.
Dans les obs. ii et x, le ramollissement était ancien et jau-
nâtre.
Enfin , dans I’obs. xiii , la mort survint en quelques jours. Il
y avait suppuration des méninges et des ventricules : la voûte,
le septum et les couches optiques étaient transformés en une
substance pultacée , blanche, semblable à du fromage à la
ciéine. Mais il est dit que le cerveau était plus injecté que de
coutume , et que les parois des ventricules latéraux étaient par-
semées de ramifications vasculaires gorgées de sang.
Dans cent vingt cas de ramollissement observés par moi, j’ai
toujours trouvé le ramollissement rouge dans le premier mois,
privé de rougeur au-delà de cette époque , sauf deux cas; dans
l’un , datant de vingt jours, le ramollissement était jaunâtre (2) •
dans l autre, ramollissement latent, et, par conséquent, comme
(t) Raikem, Répertoire général d’anal, et de physiol. t826, tome i.
(î) Observation 87.
nous le cliroiis pins loin, cei taiiieincnt cljionique; les paili( >
j'aiiiolües étaient d’un ronjje vil’(I^\
Ainsi , sur plus de deux cents laits de ramollissement , noi |
ne trouvons que quatre exemples évidents de ramollissemeM
clironique, accompagné de rougeur (Andral , Raikem et moi ;
et trois cas seulement de ramollissement aigu, sans rougeui'
sans couleur jaune, et sans suppuration (Andral, Lallemand « ;
Raikem ) ; encore, dans le cas de Raikem,. y avait-il des tracte
non équivoques de congestion ou cerveau , et du pus dans Itc
méningés , s il ne paraissait pas y en avoir dans la pulpe rainoli
lie elle-même.
Cette analyse porte sur des cas assez nombreux, je croisa
pour fournir un appui sufiisant aux propositions que j’ai émisti
sur la signification de la rougeur dans le ramollissement céré
bral. Je ne pouvais entreprendre un semblable travail sur tou
les faits publies jusqu’à ce jour sur le ramollissement : moin
encore à cause de sa longueur qu’à cause de l’incertitude on
l’on est sur le degré de confiance que méritent le plus granoi
nombre des observations, que l’on rencontre dans de semblable.:
recherches. J’ai dû me contenter de recourir aux recueils lei;
plus recommandables, pour mettre le lecteur à même de jut-
ger jusqua quel point les résultats généraux de l’observatioi'i:
â 5 auteurs étaient d accord avec ma propre observation.
CHAPITRE III.
SlfllPïÔMliS nu KAMOLLISSEMtKT AIGU.
ARTICLE 1er.
Si les lésions anatomiques dans le ramollissement aigu peu-
vent être facilement rapportées à un type général qui ne pré-
sente guère que des variétés du plus au moins, nous n'en sou—
{ Übservatîoa 109.
ODSKRYATlOy?.
85
rions clive autant dessynipUmies, qui nous oftVent les diflerences
les plus tranche'es, les plus complètes , et dont il serait vérita-
blement impossible de généraliser la description.
Tous les faits de ramollissement aigu peuvent être , sous le
rapport des symptômes, rangés en deux groupes : l’un caracté-
I isé par l’affaiblissement ou l’abolition des fonctions cérébrales;
l’autre par la perversion ou l’excitation de ces mêmes fonctions.
C’est tantôt la marche de l’hémorrhagie cérébrale, tantôt celle
de la méningite. Puis viennent d’autres faits qui, présentant un
mélange des cai'actères de ces deux groupes , peuvent être ran-
gés à peu près indifféremment clans l’un ou dans l’autre.
.1
Il est à remarepter que nous trouvons ici parfaitement isolés,
dans des faits distincts, les deux ordres de symptômes qcie les
auteurs classiques, ayant surtout en vue l’cncéplialite trauma-
tique , nous ont montrés caractérisant l’inllammation du cer-
veau par leur apparition sucesssive; l’excitation d’abord, puis
a2')rès l’abolition des foxrctions cérébrales.
Cette distinction dans les symptômes de l’encéphalite n’est
pas nouvelle, et M. Lallemand a, en particulier , insisté .sur
elle, attribuant ceux d’excitation à l’inflammaiion des ménin-
ges, ceux d’aftaiblissentent ù l’inflammation du cerveau lui-
même. Jliais cet auteur s’est assurément abusé lorsqu’il a cru
])ouvoir etendre cette interprétation à la généralité des faits , et
nous en citerons un bon nombre qui prouvent cjue , contraire-
ment à ses assertions , le délire et les autres phénomènes d’ex-
citation cérébrale, sont souvent complètement indépendants de
toute altération des ménitiges , et le produit de l'inflammation
du tissu cérébral lui-même.
Mais il ne suffit pas de considérer isolément chacun de ers
.symptômes , comme résultat de raiTaihüssemcnt ou de l’excita-
tion des fonctions cérébrales ; ry qu’il importe surtout de faire,
c’est d’étudier séjxarément les groupes parfaitement distincts
([u’ils forment par leur réunion , et de classer les faits de ra-
mollissement aigu suivant la marche générale qu’ils suivent ,
suivant que domine ou l’im ou l’autre de ces deux modes de
lésions lonctionnelles du cerveau. On verra qite cette division,
paifaitemcnt naturelle , est lesetd moyen que nous ayons d’ap-
poiter un peu d’ordre et de clarté dans une description aiiss i
86
ramollissement aigu, (symp.)
nécessairement confuse que celle des symptômes du ramollisse-
ment aigu.
^ Je propose d’appeler ces deux formes, V une apoplectique ^
V&ntie ataxique , ces deux mots rendant parfaitement par l’i-
dée qu on y attache, comme ils l’indiquent par leur étymolo-
gie, le caractère distinctif de chacune d’elles. Je commencerai
par rapporter quelques exemples des nombreuses variétés que
peuvent offrir ces formes symptomatiques , avant de me livrer
à leur description générale.
S I' . Première forme ( Apoplectique. ) — Affaiblissement ou abolition des
fonctions cérébrales.
A. Développement rapide ou instantané des symptômes.
Observation ag. Perte subite et incomplète de connaissance 5 hé-
miplégie droiteavec contracture lepremier jour, puis simple résolution;
plus tai d, raideur du bras gauche. Mort au bout de cinquante-quatre
heures. Rougeur et ramollissement superficiels des circonvolutions
de 1 hémisphère gauche, avec adhérence de la pie-mère et tuméfaction
à peine prononcée.
Thérèse Perchereau, agee de soixante-dix-sept ans, ne portait
aucune trace d affection cercbrale. Sa santé était généralement
bonne; elle ne se plaignait pas de la tête, son intelligence était
bien conservée ; elle s’occupait habituellement à filei-, et mar-
chait sans l’aide d’une canne. Le 13 octobre 1838, elle allait sor-
tir, lorsque tout à coup elle tomba sans connaissance ; je la vis
une heure après, elle était dans l’étal suivant :
Demi-coma, pâleur, face hébétée ; les paupières entr’ouvertes
ne se referment pas quand on en approche le doigt ; la narine
droite est affaissée , la bouche un peu déviée à gauche ; la face
est tout à fait paralysée à droite. Le bras droit est fléchi sur la
poitrine, dans un état de contracture assez forte ; on n’en ob-
tient aucun mouvement, même en le pinçant fortement, bien
que la sensibilité soit à peu près conservée, comme l’indi-
quent alors les mouvements du bras gauche. La jambe droite
est moins raide et un peu plus mobile. Du côté gauche, les
mouvements paraissent assez libres , bien qu’il y ail un peu
de raideur. La malade paraît entendre , elle tourne la télé et
les yeux du côté de la voix qui frappe son oreille, et essaie
OBSERVATIONS.
87
même quelques réponses inarticulées. Les mâchoires fortement
contractées ne laissent pas voir la langue et permettent à peine
d’introduire quelques cuillerées de tisane qui sont avalées sans
beaucoup de difficulté. Le pouls est petit, régulier, à 74; la
respiration normale , la peau froide ; il n’y a pas eu de vomisse-
ments au début. (12 sangsues au cou ) huile de ricin, 50 grammes)
Le soir , le bras droit est dans un état de résolution complète ;
la raideur n’y reparaît pas.
14. Quelques légers signes de connaissance, l’assoupissement
n’est pas très-profond. Quelques selles; émission involontaire
des urines. Le pouls est un peu plus fréquent et plus déve-
loppé qu’hier ; la peau chaude, sans sécheresse. Du reste,
même état qu’hier soir. {Looch avec kermès, §r. 'u/. vèsic. au-
devant du sternum.)
Le soir, coma profond, même résolution du bras droit;
beaucoup de raideur à gauche ; sensibilité conservée partout
15. — Il y a toujours de la raideur à gauche. La respira-
tion est un peu râlante, d’une fréquence normale. De temps
en temps la bouche se remplit de mucosités spumeuses qui ne
sont rejetées qu’avec peine ; alors la malade porte la main
gauche à sa bouche et essaie d’en arracher ce (|ui s’oppose au
passage de l’air ; cependant à peine si la face se colore dans ces
instants; le pouls conserve encore un peu de force. Mort à
deux heures après midi.
JiUopsie vingt heures après la wor/. — Une quantité assez
considérable de sang liquide s’échappe des sinus de la dure-
mère. L’arachnoide contient à peine quelques gouttes de sé-
rosité; la pie-mère n’en est aucunement infiltrée, mais forte-
ment injectée de sang; les vaisseaux également distendus des
deux côtés. Elle adhère à presque toutes les circonvolutions et
anfractuosités de l’hémisphère gauche par de petiis filkments
nombreux ; dans beaucoup de points, elle enlève presque toute
l’épaisseur de la substance corticale. La surface des circonvo-
lutions paraît inégale, comme tomenteuse, par suite de ses
adhérences avec la pie-mère; elles présentent çà et là de petites
plaques d’un rouge assez vif qui pénètre jusqu’à la substance
blanche ; ce sont surtout ces points dont la pie-mère a emporté
des lambeaux. Quelques circonvolutions paraissent un peu
plus volumineuses que celles du côté opposé. La substance
qq
I \5r.IT.
corticale est rose dans toute son épaisseur, très-légèrement
I amollie a sa surface ; un filet d’eau, projeté sur une coupe des
circonvolutions, en détache les bords en forme de franges.
Presque toutes les anfractuosités de la convexité présentent
une coloration framboisée avec un ramollissement assez pro-
noncé. La substance blanche est un peu injectée, d’une consis-
tance normale j le corps strié et la couche optique sont tout à
fait sains. Rien à noter dans l’autre hémisphère. Quelques cuil-
lerées de sérosité dans les ventricules. Le cervelet, la moelle al-
longée et la moelle spinale sont à l’état normal.
Poumons engoués. Un peu d’hypertrophie concentrique du
ventricule gauche du cœur.
OnscRVATios 00. — Cancer del ulérus. Perte de connaissance sans
symptômes précurseurs ; abolition complète dusentiment et du mou-
vement a droite, sans roideur ; mort au bout de quarante heures à peu
p'’èsi dans un coma profond , avec résolution et insensibilité générales.
Rougeur, lumélaclion, ramollissement superficiel des circonvolu-
tions de l'hémisphère gauche ; infiltration sanguine; adhérences de la
pie-mère.
La nommée Gougy, âgée de cinquante-un ans , était couchée
au n 19 de la salle Sainte-Marthe : affectée d’un cancer de l’uté-
rus très-avance', elle sonfirait excessivement et de fortes doses
d opium lui procui'aient a peine un peu de soulagement. Le
12 août 18Ô8, on la trouva dans l’étal suivant, qui pouvait
être survenu la veille dans la journée. Coma profond, la
lace est légèrement contractée, la bouche un peu déviée à
gauche , la narine droite aflaissée. Les pupilles sont normales,
peu contractiles ; les paupières s’abaissent lentement lorsqu’on
en approche la main brusquement; les conjonctives sont éga-
lement sensibles; mais la pituitaire droite semble tout à fait
insensible au toucher : résolution complète avec insensibilité
du bras et de la jambe droite ; partout ailleurs le moindre at-
touchement détermine des signes d’une vive impatience. La
malade ne piofère aucune plainte; l’ouïe parait totalement
abolie. La respiration est haute, peu fréquente, égale des deux
cotés; la peau est assez chaude, le pouls peu développé , d’une
ireqiicuce normale. On ne peut obtenir de renseignements pré*
0nSF.RVAT10SS.
89
fis sur la manière dont ces accidents ont débuté; il paraît que
la veille, dans la journée, on a remarqué qu’elle cessait de parler,
de se plaindre ; mais, par négligence , on n’a pas appelé l’eleve
de garde. Le soir, même état. Le lendemain malin, coma plus
proVond encore, résolution et insensibilité générales, respiration
fréquente et stertoreuse, circulation presqu’éteinte : mort à dix
heures.
Autopsie Angl-ciuq heures après la mort. — Une grande quan-
tité de sang s’écoule des sinus de là dure-mère. La cavité de 1 a-
rachnoïde, bien que très-humide, ne laisse pas écouler une quan-
tité appréciable de sérosité. Les vaisseaux delà base sont sains.
La pie-mère présente une injection sanguine prononcée, surtout
à gauche, sans infilli’ation sereuse.
L’hémisphère gauche paraît plus volumineux que le droit ;
les circonvolutions sont tassées et aplaties. La pie-mère adhère
généralement à la surface du cerveau, et entraîne avec elle une
partie de la substance corticale. Les circonvolutions sont beau-
coup plus volumineuses que celles du côté opposé, moins con-
sistantes, maispeu ramollies, ^car un filet d’eau les pénètre à peine;
cette altération occupe à peu près les deux tiers de ces circonvo-
lutions, surtout celles de la partie moyenne de la convexité, et
en dehors, celles qui avoisinent le lobule du corps strié , et ce
lobule lui-même. On trouve au fond de plusieurs anfractuosités
quelques plaques formées par un pointillé d’un violet presque
noir (apoplexie capillaire); quelques plaques semblables se ren-
contrent sur la convexité de l’hémisphère droit, qui ne présente
aucune autre espèce d’altération. La coloration rose et le ramol-
lissement ne s’étendent nulle part au-delà de la substance corti-
cale, dont ils ne paraissent pas occuper toute l’épaisseur. La
substance blanche est un peu poiritillée , d’une consistance nor-
male. Les ventricules contiennent une petite quantité de sérosité,
et leurs parois sont saines, à part un peu de ramollissement su-
perficiel et légèrement rosé du corps strié et de la couche op-
tique gauche.
Poumons fiasques, à peine engoués, un peu de mucus opaque
dans les bronches. liC cœur est d’un petit volume, les orifices
parfaitement libres. Dégénérescence squirrheuse considérable
du corps de l’utérus et du vagin.
^AMOILISSIMBIIT AlOU. (SYMI*T.)
Observation 3i. - Hémiplégie droite incomplète depuis un bu
Mort'a'u blut > contracture du bras droit.'
avec désorganisation du lobo'ânL^LTgauc heTo!gTurr '
-nollissement superOciel et adbérencelvec la’pilX: “Z:
lutions voisines.
Vautlet àgee de 53 ans , bien constituée, a été Ti appée pour la
première fois d hémiplégie droite, il y a un an; cette paralysie se
dissipa peu à peu et se renouvela siibiieinent, il y a six mois-
depuis cette epoque, il reste de la faiblesse du côté droit sans
céphalalgie. Le 12 août 1853, dans la soirée, Vaudet, causant
gaiement avec ses parents, tombe toiità coup sans connaissance.
Un la trouve le lendemain matin dans l’état suivant.
Elle est plongée dans un coma profond, couchée sur le dos
tout à fan immobile r aucune parole, aucun gémissement n’est
proféré. La bouche est légèrement déviée à gauche ; les paupiè-
res, entr’ouvertes, se referment lorsqu’on approche des yeux
un corps étranger; les pupilles sont normales. L’ouïe paraît
complètement abolie. Il y a. de la raideur et peu de mobilité à
droite ; les mouvements sont libres à gauche ; la sensibilité est
obtuse. La respiration est fréquente, vingt- huit inspirations par
minute; le pouls est large, plein , fréquent, à cent p. Pas de
vomissements au début. (Saignée du bras, .lw., purg.J
14. Le bras clro t, qui hier n’élait qu’un peu raide, est au-
jourd’hui le siège d’une forte contracture, qu’on dit s’étre déjà
montrée au moment de l’attaque.
(Quarante sangsues derrière les oreilles, vésic. aux jambes J
15. Même état à peu près; la pituitaire droite est tout à fait
insensible à l’ammoniaque qui paraît agir fortement sur la
gauche. Le pouls est fort, très-irrégulier; la peau brûlante.
16. Un peu moins de raideur à droite, f Saignée, lav. purg.)
17. Respiration bruyante , embarrassée , se suspendant par
intervalles; la raideur a presque disparu à droite; encore un
peu de sensibilité à gauche ; pouls petit, très-irrégulier. Mort
dans la journée.
Autopsie vingt-deux heures après la mort. — Un peu de séro-
sité sanguinolente dans la cavité de l’arachnoïde. Les artères de
l’encéphale sont partout souples et exemptes d’ossification; mais
celles qui se rendent â la partie aaténeuve de l’hémisphère
OBSBBYATIOIfS.
91
gauche, c’est-à-dire la carotide interne et ses principales bran-
ches, sont remplies par un caillot rougeâtre assez ferme qui les
oblitère. Tout le lobe antérieur de cet hémisphère est afïaissé,
tout à-fait déformé , profondément ramolli ; partout ailleurs ,
mais surtout à la partie interne et moyenne de la convexité de
ce même hémisphère, les circonvolutions sont pressées et apla-
ties. Toutes celles qui avoisinent le ramollissement sont très-
volumineuses, d’une couleur rose, et un peu ramollies, mais
très-superficiellement; la pie-mère qui les recouvre leur est no-
tablement adhérente, tandis qu’ailleurs elle s’enlève avec la
plus grande facilité. Le ramollissement du lobe antérieur est
jaunâtre à l’extérieur, blanc plus profondément, et il occupe
toute l’épaisseur du lobe qui est converti en une véritable
bouillie. Le corps strié et la moitié de la couche optique sont le
siège d’un ramollissement de couleur de rouille; la surface ven-
triculaire du corps strié est étroite, aplatie, froncée. Peu de sé-
rosité dans les ventricules, rien de remarquable dans l’héini-
sphère droit, si ce n’est un piqueté assez prononcé du centre
ovale. Le cervelet et le bulbe rachidien sont à l’état normal. Les
poumons et le cœur ne présentent rien à noter.
Cette femme est affectée à trois reprises, dans le cours d’une
année, d’une hémiplégie droite. Ces trois attaques que, d’après
leur simple indication, ou même la description qui est donnée de
la troisième, on serait tenté de rapporter à des hémorrhagies cé-
rébrales, résultaient pourtant de trois ramollissements bien dis-
tincts. La nature de ces altérations n’est pas douteuse, puisque
l’on ne trouve ni cavité, ni cicatrice.
Le ramollissement du lobe antérieur, probablement le plus
ancien, était blanc dans son centre, ce que nous verrons être or-
dinaire dans le ramollissement chronique, la rougeur de la
substance inédullaiie, dans la période aiguë, n’étant pas habi-
tuellement assez vive pour laisser des traces ineffaçables; mais à
l’extérieur ce ramollissement était jaunâtre , indice de la rou-
geur primitive de la substance corticale, rongeur semblable sans
doute , à une certaine époque, à celle que nous a présentée le
ramollissement le plus recent.
C’est pour la même raison que la couche optique «t le corps
9?
nAMOU.lSSEMKNT AlfiU. (s\mpt.)
Strie, très vascuiaires et formés en {grande partie de substance
f lise, oflraient un ramollissement couleur de rouille, qui sans
doute avait été, à son début, le siège d’un certain degré d’inf.b
tration sanguine.
OESEitvATiON 5a. — Paralysie subite du bras droit et du côté droit de
la face; perte de la parole; raideur légère dans l’articulation du coude-
pneumonie ; mort au bout de cinq jours. — Ramollissement des cir-
convolutions et de la substance médullaire dans l’hémisphère gauche
sans changement de couleur, sauf quelques marbrures rougeâtres ; in
filtration sanguine de la couche optique.
La nommée Minard, âgée de soixante seize ans, d’un asse*
grand embonpoint et bien conservée pour son âge, est d’un ca-
lacteic taciturne , elle passe une grande partie de ses journées â
l’église et ne parle presque jamais. On n’a jamais remarqué chez
elle d’aft’aiblissement ni d’altération notable des facultés intellec-
tuelles. Elle paraît se bien porter, et ne fait aucun usage des
excitants. Sa fille rapporte qu’elle a toujours vu sa nièré sujette
aux coups de sang; elle était sanguine, la face colorée, et per-
dait souvent connaissance. Ces attaques, devenues très-rares
dans ces derniers temps, et dont la dernière remonte à deux
ans, n’auraient jamais été accompagnées de mouvements con-
vulsifs, ni suivies de paralysie.
Le 1er décembre 18.39, après avoir passé une bonne nuit, elle
alla, suivant son habitude à l’église, de grand matin. Elle n’a-
vait présenté rien de particulier les jours précédents. De retour
dans son dortoir, elle alla demander son déjeuner à la surveil-
lante, et s’assit près de son lit. Mais, comme elle commençait à
manger, on s’aperçut tout à coup qu’elle se laissait aller sur sa
chaise; elle ne pouvait plus parler, et son bras droit semblait
paralysé. Un quart-d’lieure apres j’étais auprès d’elle.
.Te la trouvai assise sur son Ut, tournant la tête de côté et
d’autre, toussant et rejetant par des efforts de vomissements
des matières alimentaires; elle avait la face assez colorée, les
yeux ouverts, les pupilles égales et inoyenueinent dilatées. La
bouche et l’aile du nez étaient fortement déviées à gauche; elle
faisait des mouvements de mastication. La physionomie n’avait
aucune expression. Quand on lui parlait, elle ne paraissait faire
auruTj effort pour répondre , et ne prononçait pas tme syllabe;
üüaliiiVMlUiSS.
ns
cependant eile entendait, car elle essayait de üier la langue, à
la vérité sans pouvoir y parvenir: grincements de dents, mâ-
choires serrées. Le bras droit était pendant auprès du corps,
flasque, résolu ; cependant quand on le pinçait il se relirait avec
assez de vivacité, et la main gauche s’y portait aussitôt. Il n’y
avait nulle part de raideur. Il n’y avait rien à noter aux mem-
bres inférieui s ni au côté gauche.
Le pouls était régulier à 70 {Saignée de 3 pal. 40 sangsues au
cou ; julep avec gomme-gutte, 8 décigr.). Elle demeura jusqu’au
lendemain dans le même état. De temps en temps la respiration
devenait un peu bruyante. Elle ne laissa point aller sous elle ;
mais deux fois on la fit descendre sur la chaise où elle urina
copieusement. Il n’y eut point de selles, bien que la potion eût
été prise toute entière.
2. Le bras droit est étendu près du corps; quand on le .saisit,
11 présente une raideur assez forte au coude , mais qui cède
promptement, et il redevient flasque et immobile. Cependant,,
si l’on tient la main quelque temps sur lui , on sent de légers
mouvements spontanés qui le déplacent un peu. La déglutition
se fait bien. L’œil droit demeure toujours fermé; le gauche est
larmoyant et enlr’ouvert; les pupilles sont très-légèrement mo-
biles à une lumière diffuse , peu intense. Elle fait effort pour
parler, pour sortir la langue de la bouche, mais sans y parve-
nir. Le pouls est à 74, comme hier. Les battements du cœur sont
réguliers, accompagnés d’une impulsion médiocre: les bruits
sont brefs et secs , comme si l’on frappait sur un morceau de
bois -, chaleur assez grande de la peau, égale des deux côtés.
Le sang n’est pas couenneux; le caillot est large et entouré
de sérosité. Les sangsues ont bien coulé. {Julep avec jalap ,
12 décigram. , aloës, 3 décigrammes).
Le soir, le bras droit présente toujours quelque résistance k la
flexion; à part cela, il demeure tout à fait immobile. La peau
est couverte partout d’une sueur abondante, assez chaude, vis-
queuse et odorante à la paumé des mains. Le pouls est à 72. Il
n’y a pas eu d’évacuations dans la journée ; mais, dans la soirée,
la malade gâte abondamment. La vessie ne contient pas d’u-
rine.
3. 11 n y a rien de nouveau {Julep avec aloës, 3 décigrammes).
Dans la soirée, le pouls prend plus de développement : ch?i-
94
uàmollissement Aigu, (sympt.)
leur et sueur à la peau ; même état du reste. Elle reconnaît sa
fille et donne des signes évidents d’intelligence, mais toujours
sans prononcer un mot. Quand on parle aupi ès d’elle, elle lève
un peu la tête et prend une pose d’attention , qui donne un sin-
gulier caractère à cette face déviée, immobile et sans regard j
( l’œil droit demeure toujours fermé et le gauche à peine en-
tr ouvert). La tête est toujours tournée du côté gauche, mais
elle se porte à droite quand on appelle de ce côté.
Selles involontaires et abondantes (Saignée de 4 pal.).
La saignée est pratiquée sur le bras paralysée, qui fait quelques
efforts accompagnés de raideur comme pour se dégager.
4. La face est très-pâlej elle exprime raffaissement et même la
souffiance. Le bras droit ne se retire qu’à peine quand on le
pince : les membres inférieurs répondent plus faiblement aux
excitations. Il n’y a plus de raideur. La déglutition est plus dif-
ficile, les mâchoires sont serrées. La malade paraît avoir con-
servé sa connaissance. Le pouls est plus faible ; peu de chaleur
à la peau. On l’a entendue tousser pour la première fois, et la
respiration semble un peu gênée. Le côté droit de la poitrine en
arrière est un peu moins sonore ; le bruit respiratoire s’y en-
tend très-faiblement et mêlé d’un peu de râle muqueux 5 à gau-
che, grande sonorité, bruit vésiculaire, large et sans râles.
Le caillot est étroit, couvert d’une couenne jaune , molle et
assez épaisse.
5. Les yeux sont fermés, la bouche très-ouverte, sèche, les
narines pulvérulentes, la face très-pâle. La respiration est fré-
quente et assez bruyante, sans stertor. Elle éloigne et ramène
sans cesse ses couvertures delà main gauche; l’avant-bras droit
se meut encore très légèrement quand on le pince avec force.
Pouls fréquent, intermittent; chaleur modérée à la peau, sans
sueur.
Mort le soir.
Autopsie quarante heures après la mort (temps de gelée).
Il n’y a point de raideur dans les bras; raideur des jambes
dans l’extension ; point/de rougeur ni de tuméfaction de la
tête.
Li s 03 du crâne sont minces ’effragiles , peu injectés ; il y a
peu de sang dans les sinusjcrâniens ; la dure-mèi'e est tendue
également des deux côtés.
observations.
95
La cavité de l’araclinoide laisse écouler seulement quel-
ques gouttes de sérosité limpide, un peu plus à droite qu’à gau-
che; à travers son feuillet viscéral, qui ne présente que de lé-
gères opacités, on voit les circonvolutions rapprochées les unes
des autres, sans être aplaties, un peu plus à gauche qu’à droite,
et la pie-mère infiltrée d’une très-petite quantité de sérosité
limpide et incolore. Cette membrane est assez vivement injectée,
également des deux côtés; cette injection porte surtout sur les
vaisseaux les plus déliés. On trouve à la base du cerveau, sur
les parois des grosses artères, des plaques jaunâtres, qui ne sont
ni osseuses , ni cartilagineuses.
Une incision pratiquée sur la ligne médiane sépare les deux
hémisphères : les parois des ventricules paraissent intactes; on
y trouve, ainsi qu’à la base du crâne, une très-petite quantité
de sérosité incolore.
La pie-mère s’enlève parfaitement et par larges lambeaux de
toute la superficie de l’hémisphère gauche; cependant les cir-
convolutions externes des lobes moyen et supérieur et celles de
l’insula sont remarquablement molles; elles ne sont ni défor-
mées, ni diffiuentes, un filet d'eau ne les pénètre pas, et la pie-
mère n’en entraîne aucune portion , mais elles se déchirent à la
moindre traction, et offrent au toucher quelque chose degélati-
neux. Rien de semblable ne se remarque en aucun autre point
de la surface de cet hémisphère, ni de celui du côté opposé. Ces
mêmes circonvolutions présentent à leur sommet des mar-
brures d’un rouge livide peu foncé, et au fond de deux anfrac-
tuosités on découvre des taches peu étendues de couleur lie de
vin. Des coupes minces, pratiquées dans ces divers points, mon-
trent que ces marbrures et ces taches pénètrent toute l’é-
paisseur de la couche corticale , les premières n’offrant qu’une
simple coloration, les secondes une combinaison manifeste du
sang avec la substance cérébrale.
Au-dessous de ces points, Ja substance blanche est molle,
comme poreuse; le doigt y pénètre sans peine; un filet d’eau
y creuse un grand nombre de fentes sinueuses, mais sans en en-
traîner aucune portion. La teinte générale de cette partie ra-
mollie est d un blanc mat, sauf quelques marbrures rosées qui
s en détachent i plus prononce au centre qu’à la périphérie, ce
RAMOlLLSSliMliax Alüli. (SiMPX.)
rauioUissemeut occupe toute la partie moyenne et externe des»
lobes moyen et postérieur.
La couche optique est le siège d’une iulillration sanguine
ayant le volume d’une petite noix, et empiétant un peu sur le
corps strié. On y voit une foule de petites taches rouges ou
noires, d’autant plus foncées et plus rapprochées quelles sont
plus au centre de l’altération; dans leurs intervalles, on retrouve
la substance cérébrale avec sa couleur grise naturelle, ou rou--
geàtre, ou rosée, ou jaunâtre; au niveau de cette infiltration,,
qui s’étend un peu dans la substance blanche, la mollesse est.
assez grande, sans difïlueuce. La partie de la couche optique’
qui avoisine la ventricule est intacte ; le reste de l'hémisphère
n’offre qu’une légère injection.
Dans riiémisphère droit, la substance médullaire est assez
fortement injectée, surtout à sa partie moyenne. On remarque
une rougeur assez vive et uniforme de la couche optique à sa
partie exteixie, dans le point qui répond précisément à l’infil-
tration sanguine du coté opposé.
On ne trouve dans aucun point de l’encéphale de traces
d’anciennes altérations; il n’y a rien à noter dans la protubé-
rance, ni dans la moelle allongée. Le cervelet est volumineux,
ferme; ses enveloppes et sa substance sont assez vivement injec-
tées.
Le poumon droit est rouge et infiltré de sang liquide et spu-
meux, excepté à sa partie antérieure et à son sommet ; tout le
centre du lobe inférieur est d’un rouge livide, très-friable, et ne
contenant pas un atome d’air ; le poumon gauche est un peu
rougeâtre, et iuliltre de sérosité oans scs pailies déclives; les
bronches sont rosées â leur surface.
Le cœur est flasque et volumineux, presque vide; il n \ a
point de plaques blanches sur sa face extérieure; ses cavités
droites ne contiennent qu’un peu de sang noirâtre, épais et un
petit caillot blanchâtre non adhèrent; a gauche, ou tiouve un
peu de sang noir, liquide et épais; les parois du cœur sont min-
ces, ses cavités irès-élargies , les orifices et les appareils valvu-
laires sont entièrement sains; point d’altération des pai ois de
l’aorte.
L’abdoruen , examiné avec soin, {ne présente rien à notei.
0BSERVA.X10K9.
97
J’ai raijporté ce fait avec tous ses détails, parce qu’il est rare
de pouvoir suivre avec autant de précision, dès leur début, les
allections cérébrales de ce genre. Arrêtons-nous un instant sur
quelques points importants de cette observation.
Une femme a été sujette pendant une grande partie de sa vie
à des coups de sang ; le dernier date de deux ans. Aucun de ces
accidents n’a laissé de traces matérielles appréciables dans le
cerveau, d’où il est permis de conclure que ce n’étaient que de
simples congestions. Une nouvelle attaque survient; mais, au
lieu de se dissiper rapidement, la paralysie, la perte de la pa-
role, persistent jusqu’à la mort, qui survient le cinquième jour.
Ce dernier accident n’est sans doute, comme les pre'cédents,
autre chose qu’une congestion cérébrale, mais qui, plus grave
que les autres, ou dominée par des circonstances particulièrei
qui nous échappent, a déterminé une infiltration sanguine;
cette he'morrhagie a dû se faire tout à coup, puisque l’attaque a
été sul)ite; la congestion qui l’a produite ne paraît pas avoir été
précédée de symptômes précurseurs ; enfin, à la suite de cette
congestion et de cette infiltration sanguine s’est développée de
l’inflammation , du ramollissement.
On a remarqué la rougeur que présentait la couche optique
dans l’autre hémisphère, au point qui répondait exactement au
siège de l’infiltration sanguine. Il n’est pas très-rare de voir,
dans les affections aiguës du cerveau, les deux mêmes points se
prendre d’inflammation dans les deux hémisphères , mais l’un
ordinairement moins gravement que l’autre.
La marche des symptômes, observée soigneusement, pourra
être étudiée avec fruit. Je signalerai spécialement l’instantanéité
du début, la paralysie toujours limitée au bras droit, au côté
droit de la face, à la parole, la raideur du coude droit. On a
remarqué sans doute que les symptômes cérébraux n’avaient
subi presque aucune modification depuis le début jusqu’à la fin,
la paralysie ne s’étant aucunement étendue, l’intelligence même
ayant paru s’exercer un peu jusqu’au dernier jour. On en a dû
conclure que la mort n’avait pas été le résultat des progrès de
l’affection cérébrale , mais de l’invasion de la pneumonie , que
l’on avait pu reconnaître pendant la vie : on l’a vue, en effet,
s’annoncer le soir du troisième jour par un mouvement fébrile’
7
RAMOLI;lj5£;vU,M i AlGü. (SYMPT.) '
et le lendeui iin pur le clianjfemenl fiappaul qui s’était opéré
dans l’étal général de la malade.
Observation 53. — Céphalalgie, affaiblissement général; tout à coup
perte de la parole, puis coma ; résolution complète du bras droit ; sen-
sibilité obtuse; mort au bout de trois jours à peu près. — Ramollisse-
ment superficiel des circonvolutions de l’hémisphère gauche , d’une
circonvolution de l’hémisphère droit ; injection de la substance médul-
laire sous jacente.
La nommée Moirin , âgée de quatre-vingt-u^ ans, fut appor-
tée à l’infirmerie le 23 février 1838. Voici le peu de renseigne-
ments que j’ai pu me procurer sur elle. Depuis deux ans à la
Salpêtrière , on me dit que son intelligence paraissait passable-
ment conservée; qu’elle ne présentait aucun signe de paralysie,
si ce n’est qu’elle avait un œil fixe et la bouche de travers. (Tl y
avait une opacité complète de l’une des cornées, et l’absence
d’une grande partie des dents avait déformé la bouche.) Depuis
six semaines elle était affectée d’un tremblement général des
membres. Au commencement de lévrier, elle avait passé une
quinzaine de jours à l’infirmerie dans un autre service. Elle se
plaignait beaucoup de la tête et de douleurs vives par tout le
corps. On lui avait donné de la poudre de Dower et des pédi-
luves sinapisés. On n’avait pas remarqué de signes de paralysie;
seulement elle n’avait aucune sûreté dans les mouvements, et
elle laissait souvent tomber ce qu’elle tenait entre les mains. Il
paraît, du reste, qu’elle avait été assez mal examinée.
Elle avait été renvoyée à son dortoir le 16 lévrier. Là on
ti'ouva qu’elle avait l’air plus malade que lorsqu’elle était allée
à l’infirmerie; on remarqua qu^elle soutenait îon bras droit
avec le gauche, comme s’il eût été paralysé.
Le 22 février, dans la soirée, après s’être promenée dans son
dortoir, au moment de se mettre au lit, ses jambes fléchirent,
et elle se trouva mal. Elle revint bientôt à elle, et on la coucha.
Le lendemain matin elle fut portée à l’infirmerie.
Elle avait encore sa connaissance, bien qu’elle parût très-
engourdie; elle essayait de parler, mais sans pouvoir se faire
comprendie Le bras droit était complètement paralysé, sans
raideur, mais offrait encore quelques .signes de sensibilité. Elle
OBSEKVATlOaS. 99
perdit toute connaissance dans la journée, et eut des évacua-
tions involontaires.
.Te vis cette femme pour la première fois le 24, à deux heures.
Elle était pâle, sans connaissance, couchée sur le dos, la pau-
pière droite abaissée, la cornée opaque ; la paupière gauche
entr’ouverle, la pupille légèrement dilatée, immobile ; la vue
complètement abolie. La bouche entr’ouverte et sans raideur
des mâchoires, très-légèrement déviée à gauche, ainsi que Laile
du nez correspondante; la déglutition très-difficile.
Le bras droit est complètement résolu. Les mouvements pa-
raissent libres à gauche, bien qu’assez faibles. Lorsqu’on meut
le bras, on éprouve parfois au coude un peu de résistance, que
l’on attribue à une simple action musculaire sans rapport avec
Lkat cérébral. La sensibilité est bien conservée à gauche et
dans le membre inférieur droit, qui se retire aussi vivement que
l’autre quand on le pince.
Quand on pince avec force le bras droit, il demeure immo-
bile ; mais les mouvements de l’autre semblent indiquer que la
douleur est perçue. Lorsqu’on pique profondément avec une
épingle la paume de la main, il se fait de légères contractions
musculaires ; mais il faut pour cela que l'épingle pénètre au-
delà du derme.
La peau est chaude , moite; le pouls fort et fréquent.
Le soir , tout le corps est couvert d’une sueur froide et vis-
queuse. Le pouls est toujours fort et fréquent , la respiration est
râlante, sans siertor, un peu fréquente et inégale. Sensibilité
obtuse partout, si ce n’est aux extrémités inférieures, qui se re-
tirent très-vivement dès qu’on chatouille un peu la plante des
pieds. Quand ou a chatouillé le pied gauche, il présente un
mouvement d’oscillation qu’il conserve pendant près d’une mi-
nute. et qui se reproduit chaque fois qu'on répète cette expé-
rience. Sensibilité fort obtuse de la muqueuse nasale, normale
des conjonctives. Les paupières se soulèvent à demi d’eiles-
inêmes, et également des deux côtés. La pupille gauche se con-
tracte légèrement à l’approche d’une lumière.
25. Pouls petit, respiration fréquente, sans stertor. Motilité
à peu près éteinte dans le bras gauche, piesque insensible.
Sensibilité encore assez vive dans les membres inférieurs. Mort
à minuit.
100
RAMOLLISSLMENT AIGU. ( STMPT.)
Autopsie trente-quatre heures après la mort. — Les os dui
crâne sont épais et adhérents à la dure-mère. On trouve un
peu de sérosité dans la cavité de l’arachnoïde. La pie-mère
est assez injectée de sang et infillrée d’une quantité notable de
sérosité, également des deux côtés. Les parois des artères sont
jaunâtres et très-épaissies.
Les circonvolutions sont assez volumineuses, un peu écartées'
par la séi'osité, nulle part aplaties. La pie-mère s’enlève par-
tout avec facilité, si ce n’est sur les circonvolutions de la con-
vexité de l’hémisphère gauche qui bordent la grande scissuree
et celles de la face interne de cet hémisphère ; là elle entraîne^
avec elle la superficie de ces circonvolutions qui présentent um
ramollissement considérable, et se laissent pénétrer profondé-
ment par un filet d’eau. Quelques-unes des circonvolutions'
ramollies paraissent plus volumineuses que les autres. Le ra-
mollissement s’étend aux anfractuosités aussi bien qu’aux cir--
convolutions ; ses bords sont assez nettement limités. Il occupe*
soit la seule superficie des circonvolutions, soit toute l’épaisseurr
de la substance corticale, soit un peu de la substance médul--
laire sous-jacente. La couleur de la substance corticale est ài
peine altérée; on y trouve quelques taches violacées peu éten-
dues ; elle est un peu jaunâtre dans d’autres points. La subslance*
médullaire sous-jacente est un peu ramollie, bien qu’elle ne se.'
laisse point pénétrer par un filet d’eau ; elle présente une injec-
tion fine assez serrée ; de plus, au-dessous des parties les plus-
malades, on voit comme de petites houppes de vaisseaux très-
fins, injectés, qui donnent une coloration légèrement violacée
aux points qu’ils occupent, et qui se dirigent vers la substance
corticale dans laquelle on ne peut pas les suivre.
Une circonvolution de l’hémisphère droit, près de la grande
scissure, présente seule un peu de ramollissement jaunâtre,
semblable à celui que je viens de décrire.
Le cerveau est parfois assez vivement injecté ; il n’y a pas
autre chose à noter. Les ventricules contiennent beaucoup de
sérosité.
Le cervelet est remarquablement mou à la surface, avec une
teinte un peu jaunâtre, sans autre altération appréciable. Lors-
qu’on enlève la pie-mère, au devant du bulbe rachidien, elle
OBSEnVATIONS.
IQl
en entraîne avec elle toute la superficie, sans que la blancheur
en paraisse aucunement altérée.
Pneumonie double avec suppuration. Légère courbe pseudo-
membraneuse récente à la surface des points hépatisés. Le cœur
est assez volumineux. 11 ne présente d’autre altération qu’une
ossification de l’anneau fibreux de l’orifice auriculo-ventriculaire
gauche. Calculs delà vésicule biliaire.
La valeur des prodromes qui paraissent avoir, chez cette
femme, précédé l’apparition rapide des symptômes propres au
ramollissemeni , est assez difficile à apprécier , surtout à cause
de l’existence d’une pleuro-pneumonie double dont le début,
ignoré, peut bien avoir précédé celui du ramollissement. Serait-
ce donc à la pneumonie qu’il faudrait l'apporter les prodromes?
Il est cependant un fait qui, s’il avait ete bien obseive, appai-
lenait évidemment au ramollissement et pouvait mettre sui la
voie du diagnostic : je veux parler de la faiblesse dubiasdioit,
qui paraît avoir été remarquée quelques jours avant 1 attaque.
Je dirai en effet plus loin que, lorsque, parmi les signes précur-
seurs d’une attaque apoplectiforme de nature douteuse , on a
observé quelque trouble du mouvement d un ou de deux mem-
bres du même côté, on peut être à peu près certain qu’il s’agit
d’un ramollissement. La couleur jaune des circonvolutions ra-
mollies est encore une raison de croire qu’il existait dès lors une
congestion partielle dans le lieu qui devait etre plus tard le
siège du ramollissement j car il eût fallu probablement plus de
trois jours pour qu’elle remplaçât la rougeur de la substance
corticale à laquelle elle succédait sans nul doute.
Quant aux symptômes de la maladie elle-même, ils ressem-
blaient assez à ceux de l’hémorrhagie pour que l’on n’ait pu
les en distinguer. L’espèce même de progression graduelle qu’a
présentée l’invasion n’offrait rien de caractéristique, car on voit
quelquefois une hémorrhagie se faire par secousses brusques
qui déterminent dans les symptômes des effets tout à fait ana-
logues à ceux que nous avons observés dans ce cas.
Orservation 34. — Hémiplégie droite subite, incomplète le premier
jour ; raideur des articulations, abolition presque absolue de l’intelli-
gence, conservation de la sensibilité. Mort le huitième jour. — Ra-
^ AMOLLlRSRjVrSJXT AlCU. (rYMPT.)
(uolIissecnflQt de? oU'CJonvoln lions et de la snhstance blanche de la par-
tie moyenne de 1 hémisphère cli-oit. Coloration ronge de la substance
corticale , injection de la médullaire.
Un homme âfjé de 69 ans était entré à la clinique dans le ser-
vice deM. Cloquet,au mois de janvier 1839. poursefaii-e traiter
d’un ulcère à la jambe, et en était sorti guéri au bout de trois
mois. Cet homme avait alors été observé avec soin, interrogé
sur ses antécédents; on s’clait assuré, entre autres choses, qu’il
n’avait jamais présenté de trouble des fonctions cérébiales.
Il fil vers le mois de mai un voyage de deux cents lieues à
pied, et éprouva de vives émotions. L’ukère se rouvrit et sup-
pura abondamment, ainsi qu’un cautère. Il se sécha au com-
mencement de juin, et le malade entra alors à la clinique.
Cet homme paraissait bien constitué pour son âge ; il n’avait
pas une constitution apoplectique. Il se plaignait de bourdon-
nements d’oreille et d’étourdissements ; il n’ollrait du reste rien
de particulier ni dans la physionomie ni du côté de l’intelli-
gence ou des membres. {Fésicatoire.)
Le 13, il eut des vomissements, de la diarrhée et quelques
selles involontaires. Le lendemain d allait mieux, on lui mit un
cautère à la cuisse.
Le 18, il paraissait assez bien le matin. A une heure de l’après-
midi, il tomba tout à coup dans l’état suivant r
L’intelligence est presque abolie, il ne prononce que des mots
sans suite. La bouche et les yeux sont déviés à gauche; les pu-
pilles naturelles. Les membres du côté droit sont incomplète-
ment résolus, sans aucune raideur. Le pouls est à 64. Selles
involontaires. ( Fésicatoires aux jambes , sinapismes , purgatif.)
Le soir il paraît y avoir un mieux notable; le malade répond
aux que.il ions. Il tombe sur la tête pendant la nuit.
19i L’hémiplégie est complète, la sensibilité conservée.
J Ipsçnsjbililé de la conjonctive et de la pituitaire à droite ;
stertor,. hoquet. ( Calomel 6 décigr. )
20. Agitation, chaleur vive à la peau, pouls à 76. Tremblot-
tement de la main gauche ; raideur du coude.
21. Les yeux sont fermés, ils s’agitent en tous sens. La joue
droite fôt très colorée, bien que lemalade soit couché du côté
opposé: Il'ne ï-épôbd pas, mais paraît comprendre. Le stertor a
6\s^dit\x: {Fésicatoire à là kI ob ;«
OMERYATIOnS.
lOS
Les jours suivants la raideur persiste dans le braa et la jambe
droite; l’affaissement augmente. Mort le huitième jour.
Autopsie.— Raideur cadavérique seulement à gauche. Petites
ossifications de l’arachnoïde cérébrale; suffusions sanguines de
la pie-mère, non aux points déclives; vers la partie moyenne de
l’hémisphère gauche, adhérences intimes de la pie-mère au cer-
veau; elles enlèvent la substance cérébrale dans l’épaisseur de
quelques millimètres à la convexité, plus eu dehors, de plus de
trois centimètres; là le ramollissement s’étend jusqu’au corps
strié qui est très-ramolli ; la couche optique ne l’est pas. Toute
la substance blanche, dans cette étendue, est très-molle, comme
feutrée, très-injectée ; un filet d’eau l’entraîne en lambeaux, et
au bout d’un certain temps n’en laisse que la trame vasculaire.
La couleur de la substance corticale superficielle et du corps
strié est d’un rouge très-vif.
Une partie de la substance corticale de l’hémisphère droit
est ramollie et rosée. La substance médullaire est très injectée.
La carotide interne gauche est remplie par un caillot rou-
geâtre, dense, friable, adhérent.
Le reste de l’autopsie n’est point pratiqué (1).
Observa Tios 35. — Perte du mouvement complète à droite , avec
abolition presque complète de la sensibilité. Obtusion des sens du
même côté ; conservation de l’intelligence. Mort vers le septième jour.
— Ramollissement général de l'hémisphère gauche ; teinte jaunâtre de
la substance corticale ; coloration lilas partielle et injection pronon-
cée de la substance médullaire.
Marie Boursin, âgée de 45 ans, couturière, blonde, d’un
embonpoint assez prononcé, visage assez coloré, col large, fut
apportée à la Pitié le 20 août 1835. Les gens qui l'amenaient
rapportèrent qu’elle avait été trouvée paralysée dans sa cham-
bre, quatre ou cinq jours auparavant, et qu’elle avait perdu la
parole la veille. Elle avait été saignée au début. Elat actuel, le
21 . Décubitus dorsal ; la tète, tournée à gauche, ne peut être
redressée qu’en faisant des efforts douloureux pour la malade.
Face légèrement colorée, mouillée de sueur; bouche relevée à
gauche , paupières fermées aux trois quarts, la droite un peu
plus que la gauche. Les traits sont immobiles à droite, et se
\ Celle obscrvalicn a e'ié recueillie par monjatni, M. Ernest Boudel.
RAMOLLISSEMKNT aigu, (sympt.)
meuvent ù gauche ; la langue tirée avec difficulté se dévie à
droite.
Le mouvement est complètement aboli du côté droit. Le
bras gauche se meut bien , mais la main est sans force, et ne
serre que très-faiblement. Le membre inférieur gauche ne se
meut qu’incomplètement et ne peut être soulevé d’une pièce.
A droite la sensibilité paraît presque entièrement abolie dans
les membres et dans la moitié droite de la face et du tronc; ce-
pendant un fort pincement fait contracter les traits. A gauche,
le simple chatouillement est perçu sur les différentes régions.
La pal oie est nulle, mais l’intelligence est conservée. La ma-
lade comprend ce qu’on veut lui demander , elle essaie de ré-
pondie, bien qu elle ne puisse produire qu’une espèce de bour-
donnement, et s’exprime par des signes de tête assez intelligibles.
La vue est conservée à droite, mais plus faible. Les deux
yeux se meuvent, les pupilles se contractent des deux côtés
également ; elles ont deux millimètres de diamètre. L’ouïe pa-
raît meilleure à gauche. Du tabac, placé sous les deux narines
et sur les deux côtés de la langue alternativement, est senti des
deux côtés, mais mieux à gauche.
Mouvement de la poitrine égal des deux côtés. 18 inspira-
tions. Battements du cœur réguliers, faibles; pouls régulier,
peu fort, à 96. Température égale des deux côtés. Déglutition
très difticile. Evacuations involontaires.
(Saignée de 300 grammes, lavement savonn.)
Couenne légèrement grisâtre, épaisse de deux millimètres.
1j6 22, même état ; pouls irrégulier, à 104. Un peu de râle tra-
chéal. Le soir, le râle est plus fort. Quand on s’approche d’elle,
elle tire ses draps et cherche à exprimer qu’elle ne veut pas
qu’on la touche.
IMorte le :â3, à 8 heures du matin.
AiaopsUi 36 heures après la mort. — Le cuir chevelu est for-
tement adhérent, sa face interne rougie par le sang.
La dure-mère est humide; les artères méningées moyennes
assez pleines de sang, avec un peu d’inibibition des parties en-
vironnantes. Sinus longitudinal supérieur vide. Pie-mère non
injectée, infiltrée d’une assez grande quantité de sérosité.
Cette nieinhrane s’enlève sans entraîner de substance céré-
brale à droite. Au lobe moyen de l’hémi.sphère gauche, elle en-
observations.
105
traîne une poition des circonvolutions. Palpée en masse, la
substance cérébrale est moins ferme à gauche qu’à droite. La
substance corticale présente à gauche une couleur café au lait.
Coupée par tranches, la substance médullaire paraît occuper un
espace moins large qu’à droite, comme si elle avait été com-
primée par le développement de la substance grise. Superficiel-
lement elle offre quelques stries d’une teinte lilas *, plus pro-
fondément elle est manifestement plus injectée à gauche qu’à
droite. A mesure qu’on s’approche du ventricule, la substance
encéphalique devient plus molle; la couche optique et le corps
strié gauches sont trois fois plus mous qu’à droite. Leur couleur
paraît normale.
Le lobe gauche du cervelet paraît plus mou que le droit, et se
laisse superficiellement éroder par l’enlèvement de la pie-mère.
Les plexus choroïdes sont infiltrés de sérosité.
^La protubérance et la moelle alongée sont saines.
Cœur de volume et d’épaisseur normale, sang coagulé dans
toutes ses cavités. Sérosité dans les plèvres. Poumons bleuStres
à l’extérieur. Leur tissu est souple et donne issue, le long du
bord postérieur, à un liquide spumeux assez abondant (1).
Observation. 3C. Céphalalgie , hémiplégie droite, coma; mort an
bout de deux jours.
Forget, âgé de 39 ans, perruquier, fut pris en novembre
1800, à la suite de chagrins, de maux de tète violents, et après
de surdité de l’œil gauche. Il se plaignit ensuite de malaise,
d’une sensation de froid dans le dos.
Le 28 avril 1801, à deux heures du soir, sa femme s’aperçut
qu’il avait l’air défait, qu’il répondait à peine aux questions
il avait un violent mal de tête. Au milieu de la nuit, il cessa
tout-à-fait de parler, devint froid et pâle. Le lendemain matin
il était rouge et brûlant. Il se leva un instant, puis à peine re-
couché, on s’aperçut lout-à coup que l’œil gauche était demi-
fermé, les membres droits sans mouvement; la connaissance
etaitconservée. Le lendemain il était pâle, dans un coma profond,
la bouche tirée à gauche, tout le côté droit paralysé, la déglu-
(t) Je doi.s cfiup ol).spr\,iilon à l’obligeauce de M. le doctpur Barlli.
106
HAMOLLlSSKMEltT AUiU. (STMPT.)
tition difficile. Le coma augmenta, la respiration devint iitcr-
toreuse, il se couvrit d’une sueur abondante, et mourut le jour
suivant, 48 heures après le d but de la paralysie.
^idopsie — Los vaisseaux et les sinus de la dure-mère
étaient gorgés de sang noir, fj’liémisplière gauche était à
sa surface sec , luisant, comme vernissé , les circonvolutions
aplaties, comprimées — En le pressant légèrement, on sentait
de la fluctuation à la partie latérale et moyenne de la con-
vexité. Les couches les plus supérieures montrèrent une infinité'
de petits points rouges de diverse étendue. Quand on coupait
quelques portions de la substance cérébrale, et qu’on cherchait
à les écraser, elles offraient une consistance très grande, c[ui
donnait une idée de celle de toute la masse. Arrivé au niveau
du corps calleux, on mit à découvert les ventiicules latéraux
qui ne contenaient que peu de sérosité : mais étant parvenu à
l’endroit de la fluctuation indiquée plus haut, on trouva que
la substance cérébrale était bien loin d’avoir la même consis-
tance: c’était un vrai pulrilage diffluent. Lorsqu’on en eut en-
levé une couche de l’épaisseur d’une ligne environ, on décou-
vrit une tache jaunâtre, nuancée de rouge, comme si elle était
le résultat d’une ecchymose causée par un coup. Cette disposi-
tion s’étendait dans une épaisseur considérable de la pulpe
médullaire. Rien à noter du reste (1).
B. Développement graduel des sj'mpiomes ,
Dans certains cas, les phénomènes que nous venons de voir
débuter tout-à-coup et simultanément, se développent peu à peut
et successivement; cette vaiiété, bien que plus caractéristique*
du ramollissement, est beaucoup moins commune que la pré-
cédente.
Observation Sy. — Développement graduel d une hémiplégie gau--
che , avec contracture du membre supérieur. Mort au bout de trente--
(t) Leroux, Cours sur les généralités de la ntedecine praticju: , t. vm ,
page 202, 1825.
La date de celte ob.servalion , recueillie en 1801 , la rend as.se?. inlrres-
sanle. Sur qiialre-vingts observations d’apoplexie ou de paralysie conte--
nues dans celle partie de l’ouvrage de Leroux, c’est à peu près la seule où il
soit question de ramollissement. Du reste, l’auteur, au lieu d’e’tudier ceitet
OBSSTITATION*.
107
cinq jours, des progrès d’une phthisie pulmonaira, — Ramollissement
d’une partie de l’hémisphere droit.
Une femme, âgée de 78 ans, entra à la Pitié, présentant une
liémiplégie gauche complété, avec contractuie du inetuhie su-
per enr. Elle raconta qu’une quinzaine jours avant son entrée
à riiôpiial, elle avait été tout étonnée de voir l annulaire et le
petit doigt de la main gauche se fléchir brusquement, sans
qu’elle pût, avec tous les elToi ts de sa volonté, les ramener dans
l’exteiisioii ; elle nVprouva lien autre chose pendant deux ou
trois joui s; puis toute la main gauche se fléchit avec violence
sur l’avant-bias, et bientôt celui-ci à son tour fut entraîné vers
le bras; en même temps le membre abdominal gauche devint
engourdi, plus pesant que l’autre, et enfin il se paralysa com-
plètement, sans que jamais il lût le siège d’aucune conlractui-e.
Il n’y avait jamais eu ni céphalalgie, ni douleurs dans les mem-
bres, ni troubles de l’intelligence. Cette femme était alors ar-
rivée an dernier terme d’une phthisie pulmonaire. Elle suc-
comba au bout d’une quinzaine de jours, sans qu’aucun nou-
veau phénomène apparût du côté du système nerveux.
Autopsie. — Un peu au-dessous des circonvolutions, à l’u-
nion des lobes antérieur et moyen de l’hémisphère droit, la
substance nerveuse présentait un ramollissement notable, occu-
pant un espace assez grand pour contenir largement une pomme
d’api. Aucune injection n’accompagnait ce ramollissement ; il
ressemblait par sa couleur et sa consistance à une forte solution
d’amidon dans de l’eau (1).
Observation 3y {bis). — Agitation, trouble de l’intelligence puis en-
gourdissement, fourmillement, contracture et paralysie des membres
du côté gauche. Mort au bout de quinze jours.
Une femme, âgée de 83 ans, à la suite d’une forte contrariété
présenta de l’agitation et un désordre notable de l’intelligence;
alteraion qui devait être nouvelle pour lui , n’en parle dans ses réflexions ,
que pour chercher sa fdiaiion à travers quelques circonstances anle'céden-
tes, telles que .syphilis, dartres surdité', etc.
(I) Andral, loc cil., pas-e 406. Bien que, daps celle dernière observation,
le rauiollissenient ne soit |)lus à l’état aigu , elle ne nous en offre pas moins
un exemple intéressant de la marche qu’il peut suivre durant sa première
période.
108
RAMOLLISSEMENT AIGU. (sYMPT.)
elle urinait dans son crachoir, se perdait dans sa salle, mena-
çait de battre, même de tuer les personnes qui l’environnaient.
Il n’y eut pendant plusieurs jours aucun trouble des mouve-
ments ; mais bientôt le bras gauche commença à s’engourdir, il
devint le siège de fourmillements , puis de la contracture ; il
resta longtemps dans cet état, et enfin la contracture fut sui-
vie de la paralysie complète ; la jambe du même côté, étrangère
aux accidents pendant les premiers jours de la paralysie du
bras, commençait à ressentir des fourmillements et à se con-
tracter, lorsque la malade mourut le 14 février, quinze jours
après l’invasion de la maladie.
Autopsie. — Le lobe poste'rieur de l’he'misphère droit était, à
sa superficie, réduit en une bouillie jaunâtre, diffluente; cette
altération pénétrait à un pouce de profondeur environ dans la
substance de ce lobe et commençait à s’étendre en dehors du
lobe moyen ; la substance corticale du reste de l’hémisphère et
celle du côté opposé présentaient dans plusieurs points des mar-
brures rougeâtres (1).
Voyez encore les observations 1, 2 et 13, déjà rapportées au
chapitre de l’anatomie pathologique.
§ II. Deuxième forme (Ataxique). — Excitation ou perversion des fonctions
cérébrales.
De même que, dans les observations précédentes, nous avons
vu l’abolition des fonctions cérébrales porter tantôt sur le mou-
vement seul, l’intelligence étant bien conservée, tantôt surtout
sur l’intelligence et les sens , nous allons voir également, dans
les observations qui suivent , des différences analogues, mais
bien plus tranchées, résulter du point sur lequel aura porté le
trouble des fonctions cérébrales ; ainsi tantôt on observera seu-
lement du délire, tantôt des convulsions épileptiformes , d’au-
tres fois (les modifications variées de l’intelligence , du senti-
ment et du mouvement , en un mot, avec des lésions anatomi-
ques toutes semblables en apparence, lesformessymptomatiques
les plus différentes, les plus opposées.
(») Rostan , loc. cit,, page 63.
obseuvations.
ion
ÜBSEnvATiON 38. — Pneumonie ; délire , mort trois jours après. —
Ramollissement aigu de la couche corticale de quelques circonvolu-
tions.
La nommée Marie Magrod, âgée de 75 ans, entra le 1'' mai
1838 à l’infirmerie. Elle avait une douleur aiguë sous le sein
droit, de la fièvre, de l’oppression. En avant et à droite, ma-
tité incomplète, souffle tubaire, bronchophonie, quelques bul-
les de râle crépitant {saignée de trois palettes). Le lendemain,
la physionomie est étrange, animée ; la malade a eu hier beau-
coup d’agitation, de délire, elle s’est levée plusieurs fois ; elle
dit être dans la salle depuis plusieurs mois j elle parle presque
constamment. Le pouls est petit et fréquent {Tartre stibié 50
centigr.) Le jour suivant, l’intelligence est toujours égarée, mais
la malade, plongée dans un abattement profond, garde le si-
lence. On n’observe rien de particulier du côté des mouvements
ni de la sensibilité générale. Le pouls est très petit et très fré-
quent. Il n’y a pas eu d’évacuations. ( Tartre stibié, 75 centigr.,
selles nombreuses.) Morte le 4 au malin, dans une forte pros-
tration, sans coma.
Autopsie. — Rien de remarquable aux méninges. A la partie
externe et antérieure de l’hémisphère gauche, trois ou quatre
circonvolutions présentent une coloration rose assez prononcée,
et un rainoliissement notable, appréciable au toucher et surtout
à l’aide d’un filet d’eau. La rougeur et le ramollissement sont
tout-à-falt superficiels et ne pénètrent pas au-delà d’un ou
deux millimètres ; ils n’occupent pas les anfractuosités, mais
seulement le sommet des circonvolutions. La pie-mère offre
quelques adhérences molles à leur niveau. Le reste du cerveau
est sain. Un peu de sérosité limpide dans les ventricules.
Pneumonie à droite avec commencement de supputation.
Observation 39. — Délire aigu accompagné de fièvre. Mort le qua
trième jour. — Ramollissement superficiel , avec rougeur et adhé-
rences de la pie-mère sur un grand nombre de circonvolutions de l’hé-
misphère gauche. Sérosité limpide abondante dans les ventricules et
la pie-mère.
La nommée Gillet, âgée de 80 ans, de forte constitution, ne
paraît pas avoir jamais rien présenté du côté du cerveau. Le
110
rAmollissemejnt Aigu, (sympt.)
18 mars 1840, elle sortit de l’hospice (Salpêtrière) et passa la
journée à Paris. Elle rentra le soir, se plaignant de frisson.
Elle fut amenée le lendemain à rinfmnerie. Il n’y avait
point de fièvre, point de céphalalgie. Toutes les fonctions céré-
brales semblaient en bon état.
Le 20, dans la journée, elle commença à délirer, chercha à
s habiller, à se lever — les paroles étaient sans suite, loquacité,
tête chaude, face rouge, langue sèche. {Saignée de 3 pal.)
21. Même état. On est obligé de lui mettre la camisole, pour
la retenir au lit. {Laaement purgatif.)
Le meme état persista le lendemain j le pouls irrégulier, fré-
quent , la langue sèche, le front brûlant; l’agitation était
glande, elle parlait toujours. (40 sangsues au col.) Elle mourut
le 23 dans la journée. On ne remarqua rien du côté du mouve-
ment et de la sensibilité.
Autopsie. — 11 s’écoule peu de sang du côté des sinus de la
dure-mère. Il s’échappe une certaine quantité de sérosité lim-
pide de la cavité de l’arachnoïde, le feuillet viscéral de cette
membrane est opaque dans presque toute son étendue, surtout
près de la ligne médiane. La pie-mère est infiltrée d’une grande
quantité de sérosiié limpide qui écarte les anfractuosités ; elle
est assez finement injectée au niveau du tiers postérieur de l’hé-
misphère. Elle se détache généralement avec la plus grande fa-
cilité, excepté sur l’hémisphère gauche, où elle entraîne avec
elle une partie de la pulpe cérébrale, par plaques très minces,
de la largeur d’une lentille. — Là. le tissu cérébral est rougeâtre
et ramolli, mais non diffluent sous un jet d’eau.
La substance médullaire paraît saine et nullement injectée.
Les ventricules latéraux sont remplis et élargis par une grande
quantité de sérosité limpide. Le septum est distendu et comme
prêt à crever.
L’aqueduc de Sylvius est évidemment élargi.
Le cervelet est sain.
Il s’écoule une assez grande quantité de sérosité du canal ra-
chidien.
On ne remarque aucune lésion dans la poitrine et l’abdomen.
Oi»ia»Ari«» 4o* — Déraenuf. Accèc ppilrptiformc» suivit d'hénii-
OBSEUVAïlOWS.
111
pk'gie; mort quarante-huit heures après leur première apparition. —
Ramollissement chronique du lobe postérieur de l’hémisphère droit;
inflammation aigue des circonvolutions voisines.
La nommée Beaufils, âgée de 62 ans, en démence depuis
plusieurs années, était tombée dans un état d’imbécillité com-
plète. Elle ne présentait aucun signe de paralysie, si ce n’est
une légère difficulté de la parole, et depuis trois mois, l’émis-
sion involontaire de l’urine et des fecès.
Le 2' août 1838, elle fut prise tout à coup d’une attaque d’é-
pilepsie bien caractérisée; les muscles des membres et de la
face étaient agités de fortes secousses convulsives, surtout à
gauche ; la bouche fortement tirée de ce côté ; la face tuméfiée
et violacée. Une écume sanguinolente sortait de la bouche.
Plusieurs attaques semblables se reproduisirent dans la jour-
née, durant un quart d’heure, une demi-heure et furent suivies
d’un état complet de résolution et d’insensibilité. Le pouls était
très-petit et il’une grande fréquence.
Le lendemain, coma profond sans aucun signe de connais-
sance; pupilles immobiles et un peu resserrées; hémiplégie gau-
che sans raideur ; insensibilité générale presque absolue ; respi-
ration fréquente, râle trachéal, pouls à peine sensible.
Moitié 23,juste*48 heures après l’apparition des accidents
épileptiformes.
Autopne 36 heures après la mort. — Les sinus contiennent
un peu de sang liquide et en caillots. Les vaisseaux de la base
du crâne sont sains. La cavité de l’arachnoïde contient une assez
grande quantité de sérosité ; son feuillet viscéral est très trans-
parent. Un peu d’infiltration séreuse de la pie-mère, avec une
injection sanguine très-vive et qui dessine parfaitement ses
vaisseaux les plus déHés. Tout le lobe postérieur de l’hémis-
phère droit est converti en une bouillie blanche à l’intérieur
d’un jaune fauve à l’extérieur, comme infiltrée d’un liquide
blanchâtre, lait de chaux. Les circonvolutions sont tout à fait
déformées. Le ramollissement s’étend profondément jusqu’à la
partie postérieure du venti’icule latéral, dont les parois elles-
mêmes sont intactes.
Au fievant de cette altération, on voit plusieurs circonvolu-
tions de la convexité colorées en rose assez vif, volumineuses et
largement arrondies , superficiellement ramollies. Cette colo-
ramollissement Aigu (sympt.)
ration rose et ce léger ramollissement n’intéressent que la su-
perficie de la substance corticale. La pie-mère, qui partout ail-
leurs s’enlevait avec une grande facilité , présentait au niveau
du ramollissement blanc du lobe postérieur, des adhérences in-
times et impossibles à détacher, et au niveau des circonvolu-
tions rouges et tuméfiées, des adhérences nombreuses , molles,
et qui en laissaient la surface inégalé et comme tomenteuse.
Un peu de sérosité dans les ventricules. Rien à noter dans
le cervelet, la moelle alongée et la moelle épinière.
Poumons sains, à part une infiltration sanguine de la base
du poumon gauche.
Observation — Céphalalgie, faiblesse des membres inférieurs
depuis plusieurs mois. Signes d’une maladie du cœur. Tout à coup
convulsions épileptiformes. Mort au bout de trois jours. — Tumeurs
fibreuses de la dure-mère. Ramollissement aigu du cerveau.
Un homme âgé de cinquante-neuf ans éprouvait, depuis
onze mois, de la céphalalgie, des vertiges, des pesanteui s de
tête; puis ses jambes se sont infiltrées; en même temps il avait
des palpitations, de la dyspnée. Depuis plusieurs mois, il rete-
nait diflicilement ses urines, et, depuis trois mois, il éprouvait
une grande faiblesse dans les membres inférieurs. Un jour il
fut pris tout à coup de convulsions épileptiformes : distorsion
des traits, contorsion des membres, écume à la bouche, perte
de connaissance, etc. Le calme se rétablit après quelques in-
stants. Le lendemain, ces convulsions épileptiformes se mon-
trèrent passagèrement dans la journée, mais beaucoup plus
intenses le soir. Le troisième jour, stupeur, paralysie du bras
gauche presque complètement insensible, contracture de la
jambe ; l’inlelligence n’est pas tout à fait abolie. Mort quelques
heures après.
yfutopsie. — Végétations fibreuses de la dure-mère implan-
tées la plupart sur la face externe et reçues dans des dépres-
sions correspondantes des os du crâne. Une autre considérable
pénètre dans la partie supérieure et postérieure de l’iiémis-
pbère droit du cerveau ; les parois de la cavité cérébrale qui
reçoit cette tumeur sont ramollies dans une épaisseur de quel-
ques lignes, où la substance nerveuse est réduite en une pulpe
OBSERVA nONS.
1 15
rou[;eàtre. Eugouemenl Iiyjiostatique des poianoas. Insuiïisaucc
des valvules auiiculo-ventiiculaires tlu cœur (1).
Obskrvatiok 42. — Céphalalgie, agitation, assoupissement, rauleur
saccadée des membres des deux côtés; conservation de la sensibilité.
Mort au bout de quatre jours. — Ramollissement dans le lobe posté-
rieur droit du cerveau.
La nommée Coutard, âgée de quatre-vingt-trois ans, était
entrée à l’infirmerie le 29 janvier 1838, pour une bronchite
chronique. On n’avait jamais rien remarqué chez elle qui dût
fixer l’attention vers l’état du cerveau.
Le 16 février, elle lut prise de douleurs par toute la tête.
Le lendemain , cette céphalalgie augmenta ; le front devint
chaud, les yeux s’animèrent, la malade s’agita beaucoup, sur-
tout pendant la nuit; elle cherchait à. se lever ; elle avait un
déhre en action très-prononcé. 11 s’y joignit dans la journée
quelques paroles incohérentes; cependant la face n’était pas in-
jectée ; la vue , l’ouïe , la sensibilité générale , n’avaient subi
aucune altération, mais la parole était devenue difficile, em-
barrassée ; le pouls était plein, large, à 90. La poitrine ne fut
examinée qu’en arrière, et l’on ne remarqua rien de particu-
lier dans la manière dont .s’y faisait la respiration. (Seize sang-
sues derrière les oreilles).
Les jours suivants , même état ; la respiration paraît plus dif-
ficile. (16 sangsues aux tempes.)'
20. — Assoupissement profond, plus de réponses. Tremble-
ment dans les muscles inférieurs de la face; les deux joues se
laissent gonfler et affaisser alternativement par le passage de
l’air. Les membres ne sont, à proprement parler, ni paralysés,
ni contracturés , mais ils n’exécutent plus aucun mouvement
bien coordonné, et lorsqu’on cherche à les étendre ou à les flé-
chir, on éprouve de légères résistances par saccades: du reste,
la sensibilité est conservée. Les pupilles sont contractées. Le
pouls est de 90 à 95, beaucoup moins développé. La respira-
(t) l'ovgel, Recherches clinù/ues sur le degré de certitude du diagnostic
dans Uis muhcLes de L'appareil cérébro-spinal. Gazette méd. , 183& ,
n" (4 .
8
114 ramollissement aigü. (sympt.)
lion est fréquente (à 32); la langue est sèche. Mort ^ans la
soirée.
Autopsie 3G heures après la mort. — Quantité assez considé-
rable de sérosité sous l’arachnoïde; quelques taches opalines sur
cette membrane; point d’injection de la pie-mère. Plaques
calcaires sur les principaux troncs des artères cérébrales. La pie-
mère s’enlève irès-aisément de la superficie du cerveau , si ce
n’est au-dessus du lobe postérieur gauche où elle entraîne avec
elle une couche mince du substance corticale ramollie. On
trouve dans l’épaisseur de ce lobe un ramollissement de la sub-
stance médullaire, occupant un espace de 5 centim. d’avant en
arrière, de 3 centim. de haut en bas, séparé du ventricule par
une lame mince de tissu non-raniolli. Un filet d’eau, projeté
sur la partie malade, la réduit instantanément en grumeaux
qui sont entraînés par le liquide , ou qui flottent encore adhé-
rents aux parties voisines. La substance ramollie est blanche,
mais présente par endroits une teinte légèrement rosée. Les au-
tres parties de l’encéphale u’offrent aucune lésion.
Deux noyaux de pneumonie lobulaire, rouges et hépatisés ,
à la partie antérieure du poumon gauche. Un peu d’engouement
à la partie postérieure des poumons. Rien au cœur. Aorte tiès-
dilatée, mais uniformément à son origine et à sa crosse. Les or-
ganes de l’abdomen sont tout-à-fait sains.
OusERvATtoN 43. — Agitation, mouvements désordonnés dans tout
le système musculaire , suivis de paralysie dans la moitié gauche du
corps. Mort vers le huitième jour. — Ramollissement dans le lobe pos-
térieur droit.
La nommée Bézard, âgée de 80 ans, maigre et sèche, fut ap-
portée à l’infirmerie le 11 janvier 1838, dans un état de demi-
connaissance qui ne lui permettait pas de parler. Il y avait un
peu de fièvre. {Saignée de 2 pal.)
Le lendemain, le visage présentait un air de stupeur ; les ^œux
étaient brillants, mais le regard vague et indécis ; la parole
aussi embarrassée que la veille. Chaleur au front, mouvements
désordonnés, agitation, fréquence dans le pouls, langue sèche.
Les membres offraient de la raideur quand on cherchait à les
étendre , ce quipouvaitêtrcdûà une résistance volontaire. {Sina-
observations. 11’5
pismes, 25 sangsues au col ; lav. purgatif. )he jour suivant, sai~
gnée de 2 palettes, 'vésicatoire à la nuque.
14. Somnolence; raideur !dans le bras droit, face contractée
à droite, paralysie de la joue gauche.
16. Somnolence. Hémiplégie gauche. Le bras soulevé re-
tombe comme une masse, mais le pincement y provoque de lé-
gères contractions musculaires; raideur des membres droits.
La vue et l’ouïe ne sont point abolies; les pupilles sont peu
mobiles. La malade répond avec peine à quelques questions;
elle dit souffrir beaucoup dans tout le côté gauche, que tout ce
côté est écorché.
Mort le surlendemain, sans avoir rien présenté de nouveau.
Autopsie. — Ramollissement de la partie inférieure et pos-
térieure de riiémisplière droit, large de 6 centim. environ en
tous sens, de3 centim. de profondeur; la substance ramollie
était convertie en une sorte de détritus rosé ou rougeâtre, aussi
peu consistant qu’une bouillie épaisse. Les membranes offraient
dans le point correspondant , une teinte rouge uniforme.
Un peu d engouement à la partie postérieure du poumon
droit.
Observation ik. _ Céphalalgie, délire, fièvre. Paralysie et rigidité
du bras droit ; soubresauts de tendons. Mort le dixième jour. — Piou-
geur vive et générale des méninges ; ramollissement du lobe gauche
du cerveau et du cervelet.
Un jeune homme de 18 ans fut, après avoir éprouvé diverses
émotions morales , pris de frisson avec violente céphalalgie ,
douleurs dans les membres et fièvre.
Le 8^ jour, la langue et les dents sont sèches et noirâtres, les
yeux fixes; il y a du délire, des soubresauts de tendons; le
pouls est fréquent, facile à déprimer, ventre tendu, épigastre
douloureux ; décubitus sur le dos.
Le 9'’ jour, face animée, pupille droite plus dilatée que la
gauche, paupières abaissées et ne s’ouvrant que dans les mo-
ments de forte douleur; ailes du nez agitées, mouvements
spasmodiques des lèvres ; délire violent , cris plaintifs , impos-
sibilité d’articuler un seul mot; agitation du larynx; soubre-
sauts de tendons, surtout dans le bras gauche, qui est toujours
RAM0LLIS$1ÎME??T AIGL'. ( svmpt.)
en mouvement; rip^idité du bras droit, fléchi sur le ventre; ab-
domen douloureux, diarihee involontaire; pouls très fréquent
et régulier.
Mort le lendemain, dans un coma profond.
Autopsie. — Sinus de la dure-mère gorgés de sang noir.
L’arachnoïde est partout rouge, épaisse et se détache facilement
sans se rompre. Les ventricules ne contiennent pas de sérosité.
La pulpe cérébrale est généralement très injectée. La face
supérieure et interne du lobe moyen et gauche du cerveau pré-
sente à sa superficie une portion de sa substance ramollie , rou-
geâtre, dans une étendue de sept à huit lignes de largeur, sur
deux d’épaisseur. Le lobe gauche du cervelet , dans toute sa
circonférence antérieure et externe, est ramolli dans une éten-
due de quatre à cinq lignes.
Tous les organes du ihorax sont sains. La mucfueuse intes-
tinale est parsemée de plaques rouges élevées, de végétations
ulcérées, principalement au cæcum et au colon (1).
Observation 45. — Pneumonie; hémiplégie gauche complète au
bout de deux jours , puis diminuant graduellement, l emplacée par de
la contracture ; perte incompiète de la parole, conservation de 1 intel-
ligence. Mort an bout de vingt-huit jours, — Légère exsudation san-
guine à la surface de l’arachnoïde. Piamollissement purulent de l’hé-
niisphère droit.
La nommée Tondiit, âgée de 66 ans, avait été affectée, il y a
quatre ans, d’une hémiplégie droite, survenue subitement sans
perte de connaissance, et qui avait fini parue lui laisser qu’un
peu de faiblesse dans le côté droit. Elle entra à l’infirmerie le
18 avril 1839, dans le service de M. Dalmas , pour une pneu-
monie droite. Le 20 , il y avait les signes d’une hépatisation
avec épanchement à la base du poumon gauche; trois saignées
de 180 gram. chacune avaient été praticjuées ; il survint vers
deux heures de l’embarras dans la parole , et un subdelirium
léger. A six heures, la bouche était déviée à droite, la parole
peu intelligible, le pouls toujours fort et fréquent.
21. Même état de la parole et de l’intelligence. L’œil gauche
(Ij Pareut-Diichtttflct et MHriinet, Ti'aîtc Je la nitfniiiÿiic, page L2'.‘.
0BSF.HV.tT10.>'5.
117
i'6st6 fcvuiéj ItiS deux pupilles sont e^sles ^ coiitiîictiles ^ un peu
dilatées; la langue n’est point déviée. Hémiplégie gauche in-
complète ; il faut pincer la peau de ce côté avec beaucoup de
force pour que la malade perçoive quelques douleurs. Elle
soulève un peu le bras^ mais ne peut fléchit les doigts. Pas de
selles depuis deux jours. ( Eau de Sedlitz. )
22. Le bras gauche est tout-à-fait paralysé. Selles involon-
taires. f Saignée.)
23. Agitation, cris pendant la nuit. (5 sangsues derricra cha-
que oreille.)
Les jours suivants, les mouvements reparaissent graduelle-
ment dans le membre supérieur gauche, les doigts seuls de-
meurent immobiles; les yeux sont également ouverts, la parole
un peu mieux articulée. H J a plus de calme, et l’intelligence
paraît assez nette.
2 mai. Air d’hébétude, bien que la malade essaie de ré-
pondre aux questions; les deux bras s’agitent à peu près égale-
ment ; la main gauche serre avec quelque force. La sensibilité a
tout à fait reparu. Des eschares se forment au siège et aux tro-
chanters. Les signes locaux de la pneumonie diminuent ; il y a
moins de fièvre.
10 mai. Contracture du bras gauche; cris et agitation conti-
nuelle ; elle dit qu’elle soufiVe partout. Les yeux sont fixes et
tournés à droite, ainsi que la tête. Pouls fréquent, langue sèche,
jaune, fendillée. Les eschares s’étendent, et finissent par occuper
presque tout le siège. Les mêmes phénomènes se reproduisent
pendant plusieurs jours, puis la malade tombe dans une pros-
tration profonde, et meurt le 18, ayant conservé sa connaissan*
ce jusqu'à la fin.
Jutopsie trente heures après la mort. — Le feuillet pariétal de
l’arachnoïde présente dans plusieurs points, à la base et à la con-
vexité, et des deux cotés, une lame mince de sang rouge, coa-
gulé. L’arachnoïde offre en outre un grand nombre de petites
plaques blanchâtres suivant les vaisseaux. Commencement d’os-
sification des artères de la base.
Sur la face externe de 1 hémisphère droit, à la réunion du
tieis postérieur .avec les deux tiers anteiàeurs, on trouv'o une
surface assez étendue, de couleur jaune grisâtre, très-molle, et
dont on ne peut détacher la pie-mère sans en entraîner la ru-
118
RAMOLLISSEMENT A[GU. (SYMPT.)
perfide. Ce ramollissement, paraissant formé d’un mélange de
pus avec la substance cérébrale, pénètre en profondeur jusqu’au
ventricule laiéral dont les parois sont demeurées intactes. Toute
la partie ramollie est pulpeuse, se laissant pénétrer profondé-
ment et entraîner par un courant d’eau, et d’une teinte grisâtre;
elle est traversée par un grand nombre de vaisseaux injectés.
Rien à noter à l’hémisphère gauche ni au cervelet.
Pneumonie de la base du poumon droit, passant à l’état chro-
nique.
ARTICLE SECOND.
ANALYSE DES OBSERVATIONS PRÉCÉDENTES.
Après avoir présenté une série d’observations suffisante, je
ci*ois, pour faire connaître les variétés princi|)ales du ramollis-
sement aigu, je vais analyser ces observations et soumettre à
une étude spéciale chacun des points de leur histoire sympto-
matique.
Je ne ferai porter cette analyse que sur les faits qui m’ap-
partiennent et qui sont au nombre de trente-deux , savoir :
vingt-quatre déjà rapportés et huit autres qui trouveront leur
place dans le cours de cet ouvrage (1).
Je mettrai cependant en regard des résultats que nous don-
nera l’analyse de ces faits, ceux obtenus par MM. Rostan, An-
dral et Lallemand , car il ne suffit pas de faire assister le lecteur
à ma propre observation , il importe d’en rapprocher celle des
auteurs qui m’ont précédé dans cette carrière. Mais il ne faut
pas oublier que, dans leurs résumés, ils ont à peu près constam-
ment négligé de distinguer le ramollissement aigu du ramollis-
sement chronique : aussi m’a-t-il fallu, pour obtenir des termes
exacts de comparaison, m’adresser non pas aux analyses néces-
sairement confuses et infidèles qu’ils ont dû faire sur des don-
nées aussi incertaines , mais à leurs observations elles-mêmes ,
en sépai’ant soigneusement celles qui présentaient une marche
àiguë , de celles qui semblaient appartenir au ramollissement
chronique.
(0 Observations 58, 65, 66, 69, 70, 78 et <03.
PB.0DTV0M1ÎS.
119
§ I. Prodromes.
.< On peut distinguer deux périodes bien tranchées dans le
ramollissement cérébral, dit M- Rostan : la première se com-
pose de phénomènes précurseurs, tels que céphalalgie, vertiges,
affaiblissement de l’intelligence, modificatioii du caractère, ten-
dance au sommeil, engourdissements, fourmillements, quelque-
fois raideur et douleurs dans les membres , d’autres fois du dé-
lire , de l’agitation ; enün l’aliénation mentale, la démence sé-
nile, précèdent souvent le ramollissement du cerveau (1 ).
« A cela il faut ajouter la diminution de la vue, même la cé-
cité complète , des tintements d oreilles, etc....
« Dans la deuxième période, le malade perd tout à coup ou
graduellement l’usage de quelques uns de ses membres.... »
Cet auteur n’ayant pas distingué le ramollissement aigu du
ramollissement chronique , il est évident que cette division des
symptômes en deux périodes doit être fautive en quelque chose,
si l’on considère la maladie en general ; s applique-t-elle plus
spécialement à l’une de ces formes?
TS^ous verrons, en étudiant le ramollissement chronique, que
ce qui paraît répondre à la première période; de M. Rostan
n’est autre chose que l’état aigu de la maladie.
Quant au ramollissement aigu , suit-il réellement les deux
périodes qu’indique cet auteur? ^
Parmi les symptômes que M. Rostan confond dans sa pre-
mière période, dite de phénomènes précurseurs, il en est certains
qui appartiennent au ramollissement lui-même, c’est-à-dire qui
annoncent que cette altération est déjà formée : ainsi le délire ,
la raideur dans les membres, la perte de la vue....
Il en est d’autres qui constituent de véritables prodromes ,
c’est-à-dire qui précèdent l’époque à laquelle le ramollissement
se forme et s’annonce par des signes caractéristiques. Le ramol-
lissement cérébral présente cela de commun avec la plupart des
maladies aigues. Ces prodromes se montrent immédiatement
avant sou début, comme la céphalalgie, les vertiges ,1a ten-
dance au sommeil , les engourdissements, etc.... Mais ce n’est
pas là une période de la maladie , ce sont des prodromes qui peu-
vent manquer ou exister.
(t) Roïlan, RecJiendirs. png. t2 et .suiv.
«AMOLUSSKMEWT AIGU. (sYMPT.)
Quelques individus frappés de ramollissement étaient sujets
depuis longtemps, depuis des années peut-être, à des maux de
tete, a des étourdissements, à des pertes de connaissance, etc.
Veirons-nous, dans cette céphalalgie, dans ces signes de con-
gestion cérébrale, des prodromes de ramollissement ? non, cer-
tainement, pas plus que nous ne verrions, dans des bronchites
répétées, dans un étoulFement habituel , les prodromes d’une
pneumonie qui viendrait à éclater à leur suite : des bronchites
antérieures peuvent faciliter la production d’une pneumonie ,
comme des congestions cérébrales peuvent prédisposer au ra-
mollissement, mais ce ne sont pas là des prodrômes : encore
moins y verrons-nous une première période de la maladie.
Quant U la demence senile, à l’aliénation mentale, à une
apoplexie ancienne et dont les traces existeraient encore, à un
ramollissement chronique dont les symptômes auraient précé-
dé ceux du 1 amollissement aigu, il est de toute évidence que, si
ces états pathologiques se trouvent liés à l’existence d’un ra-
mollissement , ils ne sauraient en être considérés comme les
prodromes ni comme une période particulière (1).
Il résulte de tout ceci que M. Ptcstan a eu tort de faire une
période particulière du ramollissement, de ces divers phéno-
mènes, dont la plupart ne sont même pas de véritables pro-
dromes.
Les prodromes proprement dits dont nous venons de parler,
et qui ne consistent qu’en un état de congestion du cerveau ,
ont-ils beaucoup de valeur par eux- mêmes, comme signes pré-
curseurs du ramollissement? Je ne le crois pas, car, si je ne me
trompe, il n’est pas une altération aiguë de l’encéphale qu’ils
ne puissent précéder, depuis le coup de sang (qui n’est lui-
même qu’une congestion brusque et intense), jusqu’à l’hémor-
rhagie. Mais nous reviendrons avec détail sur ce sujet, au
chapili c du diagnostic.
(I) Dans lin aiiLrc passage de son livre , M. Rostan convient (pie la dr-
mcnce .se'nile , l’aliénation menlnle qu’il avait dit précéder souvent le ra-
mollissciîiciit, pourraient bien ii’èlre autre chose que les symptômes de cette
allérallon lutenlo et clironiquc ( page 217). Je ferai seulement observer
(ju’ime akeration ([ui déicrmine une aliénation mentale ne saurait être con-
sidérée comme une nllér.ation la ente.
rnoBROMKS,
121
Si de tels symptômes avant-coureurs se montrent fréquem-
ment dans les autres maladies aiguës de l’encéphale, leur cons-
tance peut-elle au moins servir à caractériser le ramollisse-
ment?
Voyons d’abord quels résultats nous donneront les faits con-
tenus dans le livre de M. Rostan.
M. Rostan divise les trente observations de ramollissement
qu’il rapporte, en deux séries : dix-huit cas de ramollissement
suivant une marche reguZ/ere, douze cas de ramollissement pré-
sentant un état anomal.
Dans ces douze derniers, nous voyons totalement manquer
les symptômes précurseurs. Dans trois ou quatre, il s agit, il est
vrai, de femmes alïectées de démence sénile ou d alienation
mentale, mais nous n’avons pas besoin de répéter que ce ne
sont pas là des signes précurseurs. Daus tous ces cas, la maladie
a débuté par une perte de connaissance ou par une paralj'sie
subite.
Dans les dix-huit observations ayant suivi une marche régu-
lière, nous trouvons encore des cas de ce genre : ainsi dans les
quinzième, seizième et dix-huitième, la maladie a débute de la
façon la plus subite et sans aucun prodrome. Dans une autre, on
s’apercevait seulement depuis quelques jours que la malade
ne marchait pas aussi facilement qu’à l’ordinaire; dans l’obser-
vation neuvième, l’attacjne subite avait seulement été précédée
de maux de tête ; enfin, dans plusieurs observations, entre au-
tres la quatrième, les malades avaient eu d’anciennes attaques
d’apoplexie dont elles conservaient des ressentiments, et cjni
avaient laissé des traces matérielles dans le cerveau.
Tout cela ne saurait en rien caractériser une première pé-
riode du ramollissement, et si l’on veut en excepter le cas où
il y a eu des maux de tête, nous ne voyons pas que de véritables
prodromes aient été observés dans aucun de ces faits.
De sorte que , si nous comptons bien , nous trouverons que ,
sur toutes les observations de M. Rostan prises ensemble, les
symptômes précurseurs ont manqué dans un nombre de cas
plus considérable que ceux où ils ont été observés.
J’insiste sur ceci, parce que/ faute d’avoir étudié les obser-
vations avec soin, on a basé presque tout le diagnostic du ra-
mollissement sur un fait qui, à proprement parler, n’existe pas.
122
nAMOLLlSSEMENT AI&U. (sYMPT.)
Le ramolUsseinent cérébral peut, comme toutes les maladies ,
être précédé de phénomènes précurseurs, mais il n’est pas vrai
que ces derniers lui constituent une période particulière, ca-
ractéristique.
C’est ce que démontrent encore mes observations.
Sur trente-deux cas, nous trouvons que les sujets des obser-
vations deuxième, dixième, trente-troisième, trente-quatrième
et cinquante-huitième, éprouvaient habituellement de la cépha-
lalgie, des étourdissements ; dans l’observation onzième, il est
question d’une céphalalgie légère ; dans la cinquième, d’atta-
ques épileptiformes qui se répétaient de temps en temps ; dans
la cent troisième, nous voyons, quinze jours avant l’attaque, des
étourdissements, et depuis, un air de souffrance; le sujet de
l’observation treizième éprouvait de temps à autre des attaques,
l’intelligence s’affaiblissait, mais c’étaient les symptômes d’un
ramollissement chronique, existant depuis longtemps, lorsqu’il
s’est développé un ramollissement aigu ; celui de l’observation
septième éprouva des étourdissements et des douleurs dans des
membres anciennement paralysés ; enfin ceux des observations
soixante-cinquième, soixanle-dixième et soixante-douzième,
avaient présenté de la céphalalgie et d’autres symptômes céré-
braux, mais c’étaient aussi les symptômes d’un ramollissement
chronique. L’affaiblissement général noté dans l’observation
soixante-dix-huitième, tenait sans doute aux lésions anciennes
dont le cerveau s’est trouvé le siège.
Dans tous les autres cas, la maladie a débuté tout-à-fait su-
bitement ou au moins avec une grande rapidité, et s.ans qu’au-
cun prodrome ait jamais été noté. Je sais que, dans quelques-
uns où les malades ont été réduits tout-à-coup à l'impossibilité
de témoigner de leur état , des prodromes ont pu exister et
n’être pas perçus de ceux qui entouraient alors nos malades : il
est même très-probable qu’il en a dû. être ainsi plus d’une fois ;
mais est-il donc permis d’attacher une si granJe valeur à un
phénomène dont on est réduit à supposer l’existence , si l’on ne
veut pas accorder qn’il ne se montre que dans le petit nombre
des cas? Je signalerai comme oftrant le plus de certitude, .sous
le rapport des antécédents , les observations neuvième, vingt-
troisième, vingt-neuvième, trentième, trente-deuxième, etc.
M. Andral ne paraît pas non plus attacher une grande impor-
123
DÉBUT.
tsnc6 îiux signus prccurscurs du. ramollisscmuiit. •* Le ianiollis“
sement des hémisphères, dit-il, peut avoir un prodrome. Celui-
ci est constitué soit par les différents phénomènes qui appar-
tiennent à la congestion cérébrale , soit par de la céphalalgie ,
soit par des troubles légers du côté du sentiment ou du mou-
vement, comme l’engourdissement ou la faiblesse d un mem-
bre..., etc. » (1).
Au commencement de son ouvrage, M. Rostan, comme nous
l’avons vu, présente les phénomènes précurseurs comme cons-
tituant un des caractères essentiels du ramollissement (p. 12).
Il paraît cependant avoir reconnu combien cette assertion était
exagérée^ car plus loin il dit qu’ils peuvent manquer, tout en
paraissant regarder ce fait comme très-rare ( p. 79) ; et, plus loin
encore, il dit que les phénomènes Yuéeurseurs manquent sou-
vent dans le ramollissement ( p. 396).
Lorsque bon compare un grand nombi’e d’obsei'vations de
ramollissement et d’hémorrhagie cérébrale, on ne voit pas que
les prodromes présentent de caractères bien particuliers dans
l’une ou l’autre de ces maladies : cependant l’engourdissement,
les crampes, les fourmillements, la faiblesse, lorsqu’ils demeu-
rent circonscrits à un côté du corps et surtout à un seul mem-
bre, sont de tous ces signes ceux auxquels on peut accorder le
plus de valeur, comme prodromes du ramollissement. Seule-
ment il faut dire que, lorsqu’ils s’observent, ils appartiennent
habituellement au ramollissement déjà formé, et que, par con-
séquent, ils n’existent que rarement à l’état de prodromes.
Il est encore une remarque importante à faire : c^est que,
lorsque des symptômes aigus viennent à se montrer chez un in-
dividu qui se trouvait sous l’influence d’un ramollissement
chronique, il est très-probable qu’ils tiennent à un ramollisse-
ment aigu , parce qu’il est très-rare de voir une hémorrhagie
se faire dans de telles circonstances.
§ II. Début.
Si les prodromes du ramollissement nous paraissent avoir
beaucoup moins d’importance qu’on ne leur en avait accordé ,
soit à cause de leur absence fréquente, soit à cause de leur peu
(t) Audial , Clinifiw, i. v, page 582. Ces divers phe'uoinèncs appar-
tiennent tous égnlemcnt à la congestion ce'rébrale.
flAMOLLJSSnME.\'r AIGU. (SYMPT.J
«3e signification, nous verrons qu'il n’en sera pas de meme du
début, dans un certain nombre de cas.
Quelquefois en effet le ramollissement débute par un affai-
blissement général ou partiel des facultés cérébrales, de l’intelli-
gence, du mouvement, du sentiment, etc., ou par quelques
troubles variés de la sensibilité. Ces phénomènes conduisent
graduellement ou par secousses brusques à l’anéantissement de
ces facultés, que l’on observe presque constamment à un degré
plus avancé de la maladie (1),
Voilà une marche bien caractéristique, dont on trouvera des
exemples dans neuf de ces observations, première, deuxième,
cinquième, septième, treizième, quarante-cinquième, cinquante-
huitième, soixante-douzième et cent troisième.
Dans les cas de ce genre. Userait souvent possible de diviser
la marcbe du ramollissement en deux périodes, lorsqu’à un af-
faiblissement graduel des facultés cérébrales vient brusquement
succéder une abolition complète de ces facultés, autrement
dit une attaque apoplectiforme ; mais il faut noter que cette
pieinieie période ne se composerait plus, comme celle de
M. Rostan , de phénomènes précurseurs.
D autres fois , les symptômes du ramollissement débutent
d’une manière instantanée , et l’on voit alors paraître à la fois ,
piecédcc ou non de prodromes, cette série de phénomènes que
nous avons dit tout à riieure pouvoir se développer graduelle-
ment.
Dans certains cas alors le ramollissement s’annonce dès le
coinincnceinent par des phénomènes d’excitation, des symptô-
mes spasinodicjues, liés ou non à ceux de collapsus ou de para-
lysie : ces phénomènes pouvant affecter les fonctions seules de
l’intelligence, comme dans les observations troisième, trente-
huitième, trente-neuvième, ou celles du mouvement, et, par
exempie, consister en des attaques épileplifonnes, comme dans
l’observation quarantième. Les plus grandes variétés s’observent
du reste sous ce rapport.
Mais il s’en faut que des phénomènes de ce genre se montrent
dans le plus grand nombre des cas.
(I) Nous verrons plus loin que l’iiémorrliagic me'trnge'e suil (juelquefois
une marcbe semblable ; mais 1er. cas de ce genre sont assez rare.s pour qu’il
ne re.sle que peu decliances à rerrour.
DÉBUT.
i2h
Nous voyons en ert’et que, sur nos vingt-quatre premières ob-
servations. dix-sept se rapportent à la première forme ou apo-
plectique, et que, sur ces dix-sept, douze fois le début a été tout-
à-fait subit, et immédiatement caractérisé par la perte de con-
naissance et la paralysie.
De plus , sur trente et une observations de ramollissement
chronique, où j’ai assisté au commencement de la maladie, ou
pu recueillir dés renseignements sur son début , vingt fois ce
dernier a été apoplectique , onze fois il a suivi une marche dif-
férente.
IjCs observations de M. Rostan nous donnent exactement les
mêmes résultats. Sur dix-neuf cas où la maladie paraît avoir suivi
une marche aiguë , quatre fois le déve loppement des accidents
s’est fait assez graduellenient; douze fois il y a eu des symptô-
mes apoplectiques, c’est-à-dire, consistant en une perte soudaine
du mouvement et presque toujours de la connaissance , précé-
dée ou non de prodromes; trois fois le début paraît avoir af-
fecté cette forme, mais les détails ne sont pas suHisamment ex-
plicites.
Les observations de M. Andral ne sont pas conformes aux
précédentes : en elï t, sur vingt-huit cas aigus ou chroniques ,
où le début de la maladie a été indiqué, dix fois seulement elle
a suivi une marche apoplectique.
J’ai analysé sous ce point de vue trente-cinq observations em-
pruntées à différents auteurs, et présentant des indications suf-
fisantes, et j’ai vu que vingt avaient présenté au début une
forme apoplectique, et quinze une forme différente. Je n’ai tenu
compte que des cas où le ramollissement semblait s’être déve-
loppé spontanément, je veux dire sans cause traumatique, sans
méningite ni lésion organique ancienne.
En réunissant tous ces faits au nombre de cent trente-sept,
nous voyons que , dam soixante-dix-neuf cas, le ramollissement
a suivi à son débntune marche apoplectique, que cinquante-huit
fois il s’est accompagné à cette époque de phénomènes dif-
férents.
On a remarqué sans doute la différence que présentaient mes
observations et celles de M, Rostan, recueillies presque exclu-
sivement chez de.s vieillards , avec celles de M. Andral et des
autres auteurs, prises chez des sujets de différents âges : j’ai dû
126
ramollissement Aigu, (sympt.)
me demander si cela ne tenait pas à ce que la forme apoplecti-
que du ramollissement serait plus commune dans un âge avan-
ce. C est aussi ce qu il parait possible de conclure des observa-
tions que je viens de citer : sur \ingl-neuf cas de ramollisse-
ment ayant suivi une marche apoplectique, empruntés àM. An-
dial et a divers auteurs, on ne trouve que onze individus au-
dessous de soixante ans , tandis que sur trente-deux faits
présentant un autre début, vingt-quatre n’avaient |>as encore
atteint cet âge. Je remarque en outre que, tandis que, parmi les
premiers , on ne trouve pas un sujet de moins de vingt ans , il
s’en rencontre six parmi les seconds.
Je me résume en disant que le ramollissement cérébral affecte
à son début une forme apoplectique dans le plus grand nombre
des cas. Il est probable qu’il n’en est ainsi que parce ce que le
ramollissement est une maladie plus commune au-dessus qu’au
qu’au-dessous de soixante ans ( il importe de ne pas oublier que
je parle seulement du ramollissement développé hors des cir-
constances que j’ai déjà maintes fois signalées! : car, chez les
individus au-dessous de cet âge, il suit le plus souvent une
marche différente.
§ III. Troubles du mouvement.
Dans presque tous les cas de ramollissement, on observe la
paralysie, ordinairement limitée à un côté du corps, quelque-
fois a un membre. Complété ou incomplète, elle s’accompagne
quelquefois de contracture. Celle-ci peut n'être qu’une raideur
légère, ou bien consister en une contracture énergique que l’on
a la plus grande peine â surmonter. La raideur des articula-
tions peut se montrer du côté non paralysé 5 il faut prendre
garde alors, ou bien quand la paralysie est tiès-incomplète, de
prendre pour une raideur pathologique une contraction volon-
taire, ou simplement automatique, si l’intelligence est profondé-
ment engourdie.
Au lieu de paralysie, on peut observer des convulsions, quel-
quefois générales et simulant l’épilepsie, quelquefois partielles ;
ce sont d’autres fois des contractions tétaniques, un simple trem-
blement musculaire, etc.
Ces divers troubles des mouvements peuvent alterner avec la
paralysie, la précéder ou la suivre, ou se montrer sans elle.
TROUBLES DU MOUVEMENT.
127
Quelquefois on les observe seulement du côté opposé à la pa-
ralysie.
Nous avons rencontré la paralysie dans vingt-trois cas sur
trente-deux observations de ramollissement aigu.
Cette paralysie a été notée générale deux fois (obs. 9 et 13);
dans un troisième cas (obs. 78), il y avait plutôt affaiblisse-
ment général du mouvement que véritable paralysie. Six fois la
paralysie était limitée aubra.s; quatorze fois elle occupait tout
un côté du corps. Je n’ai jamais vu la jambe plus complètement
paralysée que le membre supérieur, tandis que le contraire
s’observait assez fréquemment. Excepté dans l’observation 32,
j^ai remarqué que la paralysie limitée au bras coïncidait avec
un certain degré de conservation de la connaissance, ou avec
un début un peu graduel. Dans les deux cas où la résolution
fut générale, dès le principe, il y avait obtusion complète de
toutes les facultés; dans l’observation 78, où il y avait seule-
ment affaiblissement général du mouvement, toutes les facultés
offraient un état d’obtusion analogue.
La marche de la perte du mouvement suit habituellement
celle de la perte de l’intelligence. Quand la maladie débute
par une perte subite de la connaissance, en général l’hémiplé-
gie est subite et complète, ou à peu près.
Dans sept cas seulement (obs. 14, 23, 29, 31, 32, 45, 78),
nous avons observé de la raideur dans les membres paralysés;
cinq fois elle s’est montrée au début et a augmenté (obs. 31, 32),
diminué (obs. 25), ou même disparu (obs. 29, 78) dès le len-
demain ; dans l’observation 45 , elle n’est survenue que le
vingtième jour, et à l’époque d’une récrudescence ; car à la
première apparition de la paralysie, plus tard incomplètement
dissipée, il n’y avait pas eu de raideur; dans l’observation 78,
elle était fort légère et n’occupait que les membres gauches,
bien que l’affaiblissement de la motilité parût également pro-
noncé des deux côtés du corps.
Une fois (obs. 11) nous avons noté seulement une tendance à
la raideur. Dans l’observation 34 , on a observé de la raideur
dans le côté non paralysé, le tioisième jour. Dans les observa-
tions 65 et 70, il y avait une raideur générale sans paralysie.
Dans une de nos observations, que nous n’avons pas rapportée,
nous avons observé des convulsions générales, le second jour,
12& nAjMOLLlSSEMüJNT AIGL. ( SYMPT.)
«onséculiveinent à une hémiplégie subite qui s’élait montrée le
premier.
Sur dix-neuf cas rapportés par M. Rostan, et qui paraissent
avoir suivi une marche aigue, trois fois on a noté de la raideur
dans les membres paralysés, une fois des mouvements convul-
sifs généraux , une fois on a noté du trismus ; quatorze fois
enfin la paralysie s’est montrée sans raideur.
M. Andral pense que l’on a établi d’une manière beaucoup
trop générale que le ramollissement produisait dans le plus
grand nombre des cas la contracture des membres. « L’obser-
vation nous a démontré, dit-il ( et il fait allusion à la fois et au
ramollissement aigu et au ramollissement chronique ), que
cette contracture manque peut - être aussi souvent qu’elle
existe (1). » Sur neuf des observations qu’il rapporte , où la
rougeur du ramollissement et la marche des symptômes car-ac-
térisenl une affection aigue, on a noté quatre fois absence de
contracture dans les membres paralysés; mais dans un de ces
cas il y avait alternative de mouvements tétaniques ; quatre
fois on a noté de la contracture ; une fois il y a eu des convul-
sions sans paralysie.
M. Lallemand a obtenu des résultats très différents de ceux
de M. Rostan et des miens : c’est dans le plus petit nombre des
cas qu’il a rencontré la paralysie des membres sans contrac-
ture; encore, dans presque tous, l’apjwrition graduelle de la
résolution des mouvements donnait-elle à cette dernière un ca-
ractère particulier. — La contracture précédait ordinairement la
p.aralysie ; d’autres fuis elle survenait quelque temps après son
début. — Souvent il y eut des convulsions, soit partielles et al-
ternant ou non avec la paralysie, soit générales et simulant des
attaques d’épilepsie.
Il ne faut pas oublier que M. Lallemand a recueilli ses ob-
servations sur des individus de tout âge, sur des enfants, et
surtout sur des adultes ; que beaucoup .sont relatives à des en-
céphalites suppuratives ou consécutives à des méningites puru-
lentes ; que quelques-unes sont traumatiques.... toutes circon-
stances qui établissent de notables différences entre ces faits et
ceux observés par M. Rostan et par moi.
(I) Audral , loc. ctt., page 556.
tholbles vu müuvemeist.
129
Il faut remarquer encore que le plus grand iioiul)re des ob-
servations de IVI. Lallemand ne lui appartiennent pas j oi , il est
certain, et ceci soit dit sans mettre aucunement en doute la
bonne foi de ce savant écrivain, à laquelle personne ne rend ne
hommage plus sincère que moi, C|ue par un sentiment involon-
taire, on accueille plus volontiers les observations étrangères
qui cadrent avec ses propres idées, que les autres : et il est in-
contestable que le livre du professeur Lallemand a été écrit
sous l’influence d’idées théoriques très arrêtées , et qu’il n a
peut-être pas su assez bien accommoder aux faits.
Quoi qu’il en soit , les observations de M. Lallemand ne sau-
raient en rien diminuer la valeur de celles de M. Rostan et des
miennes, dont on a remarqué la concordance parfaite.
M. Andral remarque que l’on ne trouve pas, dans les ou-
vrages de MM. Bouillaud, Lallemand et Rostan, d’observations
où il n’v ait point eu de troubles du mouvement (1), tandis que
cette fonction ne paraît avoir été aucunement lésée dans ses
quatre premières observations et dans quelques autres de MM.
Raikem (2), Lalesque (.3), Fabre (d). H en a été de même dans
nos obseï vations 3,38, 39 et 69, où les facultés intellectuelles ont
paru seules altérées.
Dans plus de deux cents observations de paralysie dépendant
de diverses causes, nous avons toujours vu la perte du mouve-
ment siéger du côté opposé à la lésion du cerveau. Le contraire
paraît cependant avoir été observé; on peut consulter à ce sujet
un mémoire de M. Decliambre (5), et quelques faits réunis par
M. Bayle (6). Plusieurs personnes paraissent disposées à n’ac-
cepter aucun de ces faits ; dans tous les cas , il faut convenir
qu’ils ne constituent que de bien rares exceptions. Je ne com-
prends guère comment iM. Rostan aurait pu dire assez lécem-
ment : « Aujourd’hui nous comptons dans la science huit
ou neuf cas qui suHisent pour nous montrer c|ue souvent la pa-
(1) Andral, loc- cit., page ÔSO.
(2) Raikem, loc. cit. '
(3) Lalesque, Journ. hebJoin., t. iv, page 270.
(4) Falire, r/ièse. 1832, n» 133.
(5) Decliambre, Bulletin clinique, 1'^ août 183K.
(6) Bayle, Revue medicale, janvier 1821, et Traild des maladies du cei<m
veuiti page 318.
9
Ï30 RA.M0LL1SSEMEMT AIGU. ( SYMPT. )
lalysie peut résider du même côté que l’hémorrhagie (1). » Je
pense que ce mot souvent vient d’une rédaction infidèle des le-
çons de ce professeur.
§ IV. Troubles de la sensibilité.
/
Rien n’est plus difficile que l’appréciation de la sensibilité
dans les affections cérébrales aigries; rien n’est plus capricieux,
si je puis ainsi dire, que les lésions de cette fonction, et ce n’est
qu’à l'aide d’une observation aussi patiente qu’attentive qu’il
est possible de les apprécier avec exactitude. Il arrive souvent
en effet de voir successivement renaître et disparaître dans le
même point des signes de sensibilité, et des observateurs diffé-
rents obtenir les résultats les plus opposés, suivant l’heure à la-
quelle ils s’approchent du malade. Il faut noter en outre la
difficulté, dans certains cas, de distinguer des mouvements sim-
plement automatiques, de ceux que provoque la douleur, les
plaintes arrachées par la souffrance, de ces sons inarticulés que
les malades, sous l’influence d’une attaque apoplectiforme, lais-
sent souvent échapper quand on est autour d’eux.
Les manières les plus usitées de rechercher l’état de la sensi-
bilité sont le pincement de la peau, la flexion forcée de la der-
nière phalange des doigts sur la première, la piqûre à l’aide
d’une épingle, le contact de l’eau froide (2) , le chatouillement
de la plante des pieds, etc. Il faut avoir soin de commencer
par les plus doux de ces moyens, et de ne pas insister sur leur
emploi quand ils paraissent déterminer de la souffrance ou de
l’irritation. Outre l’inhuinanilé qu’il y aurait à agir autrement,
il est plus important qu’on ne pense, lorsque l’on veut faire avec
fruit et exactitude l'étude de ces sortes de malades, de se ména-
ger leur bonne volonté; lors même qu’ils sont dans le coma, dès
qu’il leur reste un peu de connaissance ou de sensibilité, ils sont
très-susceptibles de docilité ou au contraire de résistance aux
soins c^u’on peut leur donner, ou aux expériences auxquelles on
veut les soumettre.
(1) Gazelle des hôpitaux^ i2 juin i 841, Ctâiïçue de t Hôtel-Dieu.
(2'i J’ai eutendu dire à M. le docteur Valleix qu’il avait obtenu des ré-
sullair, assez posii'.fs de ce dernier moyen, que j’ai moi-mémefort rarement
cmiiloyc-
TROUBLES DE LA SENSIBILITÉ.
131
Il faut bien distinguer la sensibilité de la peau, de celle des
tissus plus profonds. Il faut étudier cette fonction sur le tronc,
la face, en ayant soin de rechercher sur la ligne médiane les li-
mites des altérations qu’elle peut présenter, sur la conjonctive,
la pituitaire, la langue où l’on pourra expérimenter successive-
ment la sensibilité tactile et la sensibilité spéciale...
La sensibilité, développée d’une manière quelconque dans un
me*i)bre paralysé, peut se traduire de différentes manières : soit
par des plaintes, des grimaces et, ce qui est encore plus carac-
téristique, par le rapprochement du bras du côté sain, soit par
les mouvements du membre paralysé.
Un physiologiste anglais , M. Marshall-Hall , a parfaitement
démontré que ces mouvements ne prouvaient pas toujours la con-
servation de la sensibilité; ils sont, dans un grand nombre de cas,
le simple résultat de l’excitabilité de la moelle épinière, et n’ont
besoin pour se produire de mettre en jeu ni la sensibilité, ni la
volonté, dont le point de départ, le cerveau, est censé frappé
d’inertie. Toutes les fois qu’il pourra s’éiablir au point excité
un double courant d’aller et de retour, passant par la moelle
spinale {excilo-motor sjstem ), ces mouvements se produiront;
ils ij’exigent que l’intégrité de la moelle [trne spinal System),
et des nerfs qui établissent la communication, mais nullement
celle du cerveau. Mais ces phénomènes ne se produisent pas
également bien sur tous les points du corps ; ils s’observent sur*-
tout aux extrémités, au niveau des sphynciers, des orifices,
comme la glotte, les paupières, etc.
Telles sont les idées-mères d’un système que ce physiologiste
a exposé dans une série de mémoires que l’on ne connaît peut-
être pas assez en France (I).
Il est certain que dans un bon nombre de cas où la sensibi-
lité et la motilité étaient assez complètement éteintes dans la
continuité des membres ])Our qu’une épingle pût être enfoncée
impunément dans les chairs, de toute sa longueur, j’ai vu des
mouvements se produire alors qu’on répétait la même expé-
(t)Marîhall-Hall, Lectures on ihe nerwus System and its diseuses, London.
1 8.36.— TtZemo/Vs on tiie ncivous syslem, London, 1837, in-4“. — itfemo/r/ÔK
some pvincipLes qf pallioloÿy in tlie netvous system , London, ISS'Jijin-S,
traduit par M. Gariel, dan.s Areluves gah. de mcd., janvier 1840.
1 62 IlAMOI,LISSKM.E>T AIGU. (SVMPT.)
riencesur la paume <les mains, à la planle des pieds, ou même
à la face interne de l’avant-bras, ou autour des malléoles ; mais
presque toujours, outre le léger mouvement de retrait du mem-
bre , les malades donnaient quelques signes de sensil:dllté,
comme des plaintes, et surtout le mouveirent du bras opposé
qui cbercliait à se rapprocher du point irrité. Il est important
de faire ces remarques, puisqu’elles supposent une liaison entre
la sensibilité et la volonté, et d’une autre part la production
de ces mouvements. 11 m’est arrivé cependant plusieurs fois ,
comme dans les expériences de M. Hall, de ne pouvoir saisir
aucun signe qui laissât soupçonner la moindre conscience des
mouvements qui s’opéraient.
La perte de la sensibilité, ou anesthésie, se montre ordinai-
rement, dans le ramollissement aigu, avec celle du mouvement;
mais cependant un peu moins souvent. Ainsi, sur vingt-trois cas
de paralysie, dans le ramollissement aigu, j’ai vu neuf fois la
sensibilité demeurer intacte; dans ces neuf cas, moins un, la
paralysie était ou incomplète, ou accompagnée de raideur. Deux
fois l’anesthésie n’a paru que le deuxième jour, lorsque l’hémiplé-
gie est devenue complète ; une autre fois, au contraire, je l’ai
vue disparaître le second jour avec la paralysie. L’anesthésie
ne se montre pas toujours également dans tous les points para-
lysés; dans l’observation 11 , où la paralysie occupait le bras et
la face, l’insensibilité ne fut notée que dans cette dernière ; dans
l’observation 34, où il y avait une hémiplégie incomplète, la pi-
tuitaire et la conjonctive étaient seules insensibles. Ce dernier
fait est curieux, car les muqueuses ne perdent généralement
leur sensibilité que les dernières, et dans les cas les plus graves;
aussi leur anesthésie esi-elle d’un fâcheux pronostic.
Du reste, on peut établir qu’en général, dans le ramollisse-
ment comme dans les autres affections aiguës du cerveau,
l’anesthésie suit à peu près la marche de la résolution du mou-
vement et de l’intelligence ; comme la paralysie du mouvement,
elle se montre plus tôt et plus habituellement dans les membres
supérieurs que dans les inférieurs; enfin, je ne sache pas qu’elle
ait jamais été, dans la maladie qui nous occupe, observée indé-
pendamment de toute altération du mouvement, ce qui arrive
souvent dans les affections de la moelle épinière.
La sensibilité , comme les autres fonctions cérébrale», nous
TROtiRU.S DR I-A SENSlim.né. 133
offre à étudier, dans le ramollissement, non seulement son af-
faiblissement, mais encore son excitation.
Cette dernière peut consister simplement en des sensations
insolites, ou aller jusqu’à la douleur.
On observe rarement une exagération de la sensibilité cu-
tanée ou d. s douleurs dans la profondeur des membres, dans le
ramollissement aigu ; nous verrons que ces phénomènes, si com-
muns dans l’innammation de la moelle et de ses membranes,
se rencontrent plus souvent dans le ramollissement chronique.
Cependant nous trouvons des douleurs dans le coté paralyse
notées dans notre observation 43 ; la malade disait avoir ce cote
écorché. Dans une observation rapportée par M. Gaste, la ma-
ladie paraît avoir commencé par une douleur vive dans l’epaule
gauche et le bras, semblant suivre le trajet des nerfs; elle par-
tait de la partie postérieure du col, retentissait fortement au
coude et jusque dans les doigts (1). Le sujet de l’observation
21 de M. Rostan accusait une vive sensibilité dans la peau
d’un bras paralysé: dans les observations 25 et 27 du même
auteur, des douleurs dans les membres paraissent avoir précédé
l'invasion de la maladie; une semblable indication se trouve
dans la 13* observation de M. Andral ; mais il n y avait dans
ces derniers faits rien de bien caractérisé. Dans l’observation 8
de la première lettre de M. Lallemand, on voit que le huitième
jour la malade éprouva dans tout le côié paralysé des douleurs
violentes qui lui arrachaient des cris et des gémissements con-
tinuels; quand on essayait de mouvoir les meiiibies, les douleuis
devenaient excessives. Le sujet de 1 observation 10 ressentait
des douleurs aiguës et des picotements dans l’épaisseur des
muscles, augmentant par la pression et les mouvements com-
muniqués; en meme temps la peau était insensible. Ces
douleurs s’accompagnent ordinairement, mais non toujouis,
de contracture ; elles peuvent, comme dans l’observation du
docteur Gasté, ne se trouver-liées à aucune lésion du mouve-
ment.
11 est certaines modifications delà sensibilité qui se montrent
beaucoup plus fréquemment dans le ramollissement aigu et
(t) Docteur Gaalc, .7o((/7in? KinVenci des sciences ineJicaks , i. xxviit ^
1822.
134
RAMÛLLI8SEMEKT AIGU. (SYMPT.)
nous offrent par conséquent plus d’intérêt à étudier : ce sont
tantôt des engourdissements semblables à ceux que produit la
compression ou la contusion d’un nerf, des fourmillements, des
picotements incommodes ou même douloureux , ayant leur
siège soit dans les membres, soit dans la face, rarement dans le
tronc.
Ces phénomènes se monli-ent tantôt avant l’invasion du ra-
mollissement , tantôt au moment de sa production, tantôt
à une époque plus avancée, c’est-à-dire qu’ils peuvent être
considérés ou comme prodrômes ou comme symptômes de
début ou d’état du ramollissement.
Nous avons vu que les engourdissements, les fourmillements
dans les membres accompagnaient quelquefois la céphalalgie,
les étourdissements, etc., et les autres symptômes qui peuvent
se montrer comme précurseurs du ramollissement, beaucoup
moins fréquents que ces derniers, ils ne paraissent être, comme
eux, que le lésubat d’un état de congestion du cerveau qui peut
aboutir soit au coup de sang, soit à l’hémorihagie, soit au ra-
mollissement ou encéphalite; ils ont en même temps plus de
valeur dans le diagnostic, et il est certain que des engourdisse-
ments ou des lourmillements prononces, et limités à un côté
du corps ou à un membre seulement, annoncent, dans le plus
grand nombre de cas, l’imminence d’un ramolli.ssement.
Nous avons vu, en étudiant les prodromes, combien on ob-
serve rarement celui-ci en particulier dans les cas où les symp-
tômes propresauramollissementdébutent tout <à coup ;mais lors-
qu’ils se développent graduellement, dans presque tous les cas,
on voit la paralysie précédée d’engourdissements, de fourmille-
ments; et, bien qu’il soit difficile de préciser l’instant même où
se développe le ramollissement, on peut les considérer ici plu-
t ôt comme symptômes de début que comme phénomènes pré-
curseurs (1).
(t) Ces phénomènes étaient bien connus des anciens, comme le témoigne
1 e passage suivant : Hx torporibus et stuporibus pnrtium singularum in statu
clironico, Coi jam medici prœsagiebant apoplexiam. j4lio denique loco iiia-
nuum prceprunis slupoves cuin cœteris signis pronoslicis allegui uni tanquam
prodromos hujus mali : quod confirniaverunl Celsus et Paulus OEgenita. Stu-
porem cutis cuin formicationis quodam sensu et cœteris apoplexiœ prodromû
CÉPHALALGIE.
i3â
Les etiPourdissemenis et les fourmillements peuvent encore
se montrer à une époque plus avancée, lorsque la paralys.e est
incomplète, ou bien encore quand elle vient a diminuer. Cest
le plus souvent dans le côté correspondant de la face qu ou es
voit persister après l’invasion de la paralysie; il est rare de les
observer dans le côté opposé du corps (1).
Il arrive quelquefois que, lorsque la paralysie d un membre
devient complète, les engourdissements , les douleurs, enfin les
diverses sensations morbides dont il se trouvait le siege aupara-
vant disparaissent entièrement pourse montrer de nouveau plus
tard, si la paralysie vient à diminuer. Ce qu’il y a de plus re-
marquable dans ce phénomène, c’est qu’il s’observe même dans
des cas où la sensibilité spéciale de la peau, la sensibilité tactile
n’a éprouvé aucune altération.
Je ne dois pas oublier de mentionner une sensation fort com-
mune au début du ramollissement; c’est celle d’un froid pro-
fond dans les parties paralysées ; quelquefois même cette sensa-
tion se montre , avant l’appariiion de tous les autres phéno-
mènes caractéristiques du ramollissement, dans les membres
qui doivent être le siège de la paralysie. C’est un prodrome qui
n’est pas sans valeur, lorsqu’il accompagne des signes encore
vagues de congestion cérébrale.
§ V. Céphalalgie.
Il est encore une modification spéciale de la sensibilité à la-
quelle nous devons toute notre attention : c’est la céphalalgie.
On attache généralement beaucoup d’importance à ce phéno-
ohservarunt pvcecipuè epjerus et Forestus,.., yDisserlalio inauguralis
medica de progiiosi apoplexice, auclore Cavolo Joseplio Millier^ Halce.)
(t) On observe queUiuefois, en parliciilier chez les individus âgés, des en-
gourdissements, des picotemenls dans les membres , et surtout à leurs ex-
irérailés, qui n’ont aucun rapport avec le cerveau et sont liés .à quelques
modifications du .système capillaire ou du. système nerveux de la périphérie.
Il peut être fort difficile, surtout s’il e.xiste en même temps de la céphalal-
gie , de distinguer la cause véritable de ces phénomènes. Le diagnostic en est
cependant fort important, car s’ils tiennent à une. gène de la circulation ca-
pillaire, on les fera disparaître au moyeu de toniques, tandis que, s’ils tien-
nent à un étal de congestion du cerveau, ils indiqueront des moyens bien dif-
férents, tels que la saignée, les révtilsifs..,.
RAMOI.USSKMENT Alfiu. (SY.VrPT.)
mèoe comme signe du ramollissement-, mais, pour lui comme
pour bien d’autres, il faut se garder de confondre le ramollisse-
ment chronique avec le ramollissement aigu : car, s’il se montre
Iréquemment dans le premier, nous allons voir qu’il est loin
d’en être ainsi à l’état aigu de la maladie.
En effet , sur nos trente-deux observations de ramollisse-
ment aigu, nous ne trouvons la céphalalgie notée que sept fois:
les sujets des observations 2, 58 et 66 éprouvaient depuis long-
temps de la céphalalgie ; celui de l’observation 72 s’en plaignait
également avant l’apparition des symptômes du ramollisement
aigu 5 mais il fiut noter qu’il était affecté de ramollissement
chronique. Le sujet de l’observation 5 accusait de la céphalalgie
dès 1 invasion rapide de la maladie et paraissait indiquer le côté
de la tête opposé à la paralysie. Dans l’observation 45, il est dit
que deux jours avant le début des symptômes cérébraux, la
malade se plaignait de céphalalgie; mais elle avait une pneumo-
nie, une fièvre intense, et 1 on ne peut attacher aucune impor-
tance a ce symptôme, etcela d autant plus que, malgré la longue
duree de la maladie, sa forme ataxique, la conservation de l’intel-
ligence et de la sensibilité générale, il n’est plus question de
céphalalgie que pour noter son absence. Enfin, le sujetdel’obser-
valion 10 était depuis plusieurs années sujet à la céphalalgie.
Sur dix-neuf observations de ramollissement aigu de M. Ros-
taiijla céphalalgie n’est notée que quatre fois. Dansl’observation
22, elle se montra très-vive avant l’invasion du ramollissement,
en même temps que des symptômes gastriques qui précédèrent
cette dernière de plusieurs jours ; dans l’observation 13, on l’ob-
serva au début, en même temps qu’une hémiplégie subite; dans
l’observation 18, on voit que la malade montrait son front et
paraissait souffrir de la tête ; dans l’observation 7, la céphalal-
gie lut le premier symptôme 5 on a noté encore que le sujet de
l’observation 19, privé de connaissance, portait continuellement
la main à son front.
Dans douze observations de ramollissement aigu dues à
I\I. Andral, la céphalalgie a été notée six fois. Dans trois cas où
les malades pouvaient rendre compte de leurs sensations, son
absence est indiquée expre.ssément (obs. 5, 24 et 25). Dans ces
deux séries d’individus, ayant ou non présenté de la céphalalgie.
CÉPHALALGIE. 137
le nombre de ceux ayant dépassé soixante ans était justement
égal à celui des individus moins âgés.
Sur sept observations prises chez différents auteurs, chez des
sujets âgés de moins de soixante ans, et ayant presque tous
présenté’ des phénomènes ataxiques, la céphalalgie n’a été no-
tée que deux fois; dans aucun de ces cas, il n’y avait de mé-
ningite.
.< La céphalalgie, dit M. Lallemand, est un des symptômes
précurseurs les plus constants de 1 encéphalite. Elle peisiste en-
core pendant la première période de la maladie ; mais elle
semble diminuer et disparaître meme entieiement a me suie
que les m ilades tombent dans rassoupissemeiit, perdent con-
naissance..., etc. » (l).
On voit combien cette assertion est en désaccord avec les faits
que je viens de réunir, puisque, sur soixante-sept cas, nousn a
vons vu la céphalalgie notée que dix-huit fois, et cju elle semblait
tenir quelquefois soit à la préexistence d’un ramollissement
chronique, soit à quelque circonstance accessoire. D’où vient
cette dilléience?
Il faut d’abord tenir compte de l’âge, dont l’influence ne doit
jamais être oubliée lorsqu’il s’agit de manifestations symptoma-
tiques : les individus d’après lesquels M. Lallemand a avancé
cette proposition, étaient généralement pliisjeunes que les sujets
des observations de M. Rostan et des miennes; il est vrai que
quelques relevés cités précédemment donnent à penser que la
céphalalgie ne se rencontre pas beaucoup plus souvent au-des-
sous qu’au dessus de soixante ans. Mais surtout il faut remar-
quer que, dans la plupart des observations rapportées par cet
auteur, le ramollissement s’est montré accompagné et sans doute
précédé d’une méningite; car l’inflammation ne marche pas habi-
tuellement du cerveau vers les méninges; or l’on sait qu’un des
phénomènes les plus tranchés et les plus constants de l’inflam-
mation des méninges, c’est la céphalalgie. M. Lallemand a très-
bien démontré lui-même cjue les phénomènes de douleur et
d’excitalion sont beaucoup plus facilement produits par les lé-
.sions des membranes que par celles du cerveau, qui, s’attaquant
à la source même des fonctions , tendent plutôt à leur abolition
(t) L.iUemand, TMIir 11 , page 242,
138
RAMOLLISSEMENT AlGU. (SYMPT,)
qu’à leur perversion ; seulement il a eu le tort de présenter
comme constant un fait qui n’est que général. Il faut remar-
quer encore que, dans un grand nombre de ses observations, il y
avait des lésions organiques , des maladies des os , des causes
traumatiques , enfin un grand nombre de ces circonstances qui
ôtent au ramollissement ce caractère de simplicité, que nous
cherchons pour en tracer une histoire exacte. Il ne faut pas
oublier enfin que cet auteur paraissait connaître à peine ces cas
si nombreux, où le ramollissement aigu suit tout à fait la marche
foudroyante et destructive de l’apoplexie, et où la céphalalgie
ne saurait exister ni surtout se montrerai! dehors.
Lorsque nous tiaiierons du ramollissement chronique, nous
étudierons avec de plus grands détails les caractères particu-
liers que petit revêtir la céphalalgie dans celte affection. Dans le
ramollissement aigu, elle est habituellement peu violente, au
moins chez les vieillai ds, et occupe presque toujours le front
ou le sommet de la tête. « Quand on interroge suffisamment
les malades, dit M. Rustan, on les voit porter péniblement à la
tête, du côté opposé à la paralysie , le membre sain (i). » Il
n’est pas exact de présenter ceci comme un fait généi-al : je suis
tout à fait convaincu que la céphalalgie est très rarement limi-
tée au côté de la tête correspondant an siège du ramolli.sse-
ment. C’est avec plus de raison que cet observateur ajoute :
« Ce signe qui indique un travail local est de la plus haute im-
portance ; il suffit presque seul pour caractériser le ramollisse-
ment. » Il ne faut pas oublier cependant que la céphalalgie
locale accompagne quelquefois aussi les tumeurs du cerveau ou
des méninges ; mais ce sont là des affections chroniques. MM.
Parent et Martinet ont vu, dans la méningite, la céphalalgie se
limiter à un côté de la tête , sans qu’elle répondît pour cela tou-
jours exactement au siège de la lésion (â). Il faut .savoir encore
que la céphalalgie peut se montrer du côté opposé à la lésion
du cerveau ; M. Raikem a réuni plusieurs cas de ce genre, ap-
partenant, il est vrai , à des encéphalites chroniques (3) ; mais
toutes les personnes qui ont observé des malades affectes de ra-
(t) Roslan, Recherches,..., page 242.
(2) Parent et Martinet, de l’Arachnitis, page 55.
(3) Raikem, Mémoire cite', Réperl, geVi..., t. u.
139
TIlOUBLES DE L IIîTELUGENCÈ.
mollissement cérébral savent que, lorsqu on leur demandes ils
ne souffrent pas plus d’un côté de la tête que de l’autre , ils
commencent beaucoup plus souvent par indiquer le côté de la
paralysie , que le côté opposé.
M. Carswell dit que la céphalalgie ne dépend pas du lamol-
lissement lui-même de la substance cerebrale ; quelle est la
conséquence de l’irritation ou de l’excitation iiiorbide du cer-
veau (1). Cette manière de s’exprimer m a étonne de la pai t d un
auteur qui admet que , dans le plus grand nombre des cas au
moins, le ramollissement cérébral est de nature inflammaloiie.
Si les points ramollis sont enflammes, il est évident que la dou-
leur peut venir tout aussi bien, ou meme doit venir plutôt en-
core d’eux-mêmes que des parties environnantes ; il n en sau-
rait être autrement que dans les cas où le ramollissement a en-
traîné une telle désorganisation , que toute manifestation fonc-
tionnelle soit devenue impossible dans la partie malade.
De l’analyse des observations qui m’appartiennent ou qu’ont
déjà publiées d’auti’es auteurs, il me paraît résulter ; que la cé-
phalalgie ne mérite pas, dans l’histoire du ramollissement, l’im-
portance qu’on a l’habitude de lui attribuer ; elle manque sou-
vent dans le ramollissement aigu , aussi bien à l’époque des
phénomènes précurseurs que pendant la durée de la maladie ,
et, lorsqu’elle existe, elle n’offre généralement rien de particu-
lier dans sou siège ni dans sa nature. Si M. Lallemand a vu le
contraire , c’est que la plupart des observations qu’il a rassem-
blées offrent des complications.
Il est certain cependant qu’une céphalalgie un peu intense ,
persistante , limitée surtout à un point de la tête, peut être un
moyen précieux pour découvrir soit l’imminence, soit l’exis-
tence même d’un ramollissement.
§ VI. Troubles de l’intelligence.
Les altérations de l’intelligence sont un des phénomènes les
plus intéressants du ramollissement aigu 5 mais elles se mon-
trent sous des formes très variées, et plus ou moins caractéris-
tiques.
Quelquefois , plusieurs jours avant le début du ramollisse-
I
(1) Carswell , 77ie cyclopeâia.,., vol. iv, page 9,
140
lUMOLLlSSrMKXT AIGU. (sYxMPT.)
ment , le caraclère ou les facultés de rinlelligence présenlent
quelques modifications appréciables; ainsi un peu d’engourdis-
sement ou de confusion dans les idées, de lajtristesse ou au con-
traire de I irascibilité : voilà ce que l’on a pu constater dans
certains cas de ramollissement aigu.
Lorsque la maladie se développe graduellement, on voit sur-
venir peu à peu un affaiblissement des facultés qui peut aller
jusqu’à un état d’hébétude complète et de véritable coma
(obs. 2). D’autres fois, au contraire , c’est plutôt du trouble que
de 1 affaiblissement dans les idées : alors tantôt on observe de
1 agitation , de l’exaltation , de la loquacité: tantôt un délire
plus tranquille, un délire d’action très-fréquent chez les vieil-
lards , et auquel M. Prus attache justement beaucoup d’impor-
tance.
A la Salpêtrière , nous voyons presque constamment , dans
cette forme de délire, les vieilles femmes se lever la nuit, puis
aller se coucher dans le lit de leurs voisines : c’était en général
le premier signe d’un dérangement dans les facultés de l’intel-
ligence. Le lendemain elles niaient que cela leur fût arrivé,
répondaient lentement aux questions, s’habillaient et se lais-
saient déshabiller vingt fois , si leurs vêtements restaient à leur
portée, s’occupaient à défaire et à rouler leur couverture , se
laissaient tomber de h ur lit : ce délire qui s’accompagne sou-
vent de bcaucofip de douceur et d’une sorte de patience dans
ses actes de déraison, n’est parfois que le prélude d’une exal-
tation plus grande et quelquefois furieuse ; mais plus souvent il
conduit à l’hébétude et au coma.
Le com;j, dans d’autres circonstances, survient brusquement ,
et se montre dès le cominencement à son plus haut degré
(obs. 29, 30, 3l , 32, etc. ). Cela s’observe bien plus souvent que
ne le pensait M. Rostan : « La somnolence , le coma ou le carus
ne se montrent guère, dit-il, que vers la deuxième période de la
maladie (I)». Quelquefois, il disparaît aubout de peu de lemj)s et
il peut n’y avoir eu qu’une perle de connaissance passagère; quel-
quefois il diminue simplement, et les malades donnent quelques
signes de connaisance sans être pour cela sortis du coma. Il faut
faire attention en effet que le coma ne comporte pas nécessaire-
(I) Ilostan, Rrchrrcltcs.,., paee 2l.*î.
141
TIIÜLBLES Dli L Xû'TELIjIGE&'CE .
mtnl l’abolition coinplèle de l’intelligence. Ainsi, dans l’ob-
servation 34, la malade, quoique endormie, faisait effort pour
exécuter ce qu’on lui demandait, se laisser lever et meure sur
le bassin ; dans les observations 1 et 55, nous voyons l’intelli-
gence se conserver malgré la perte de la parole et du mouve-
ment ; dans les observations 5 et 23, il y avait de 1 hébétude, un
demi-coma; mais l’intelligence s’exerçait encore, bien que dans
un cercle très-rétréci. Le sujet de l’observation 16 pleurait et
riait sans raison. Dans les observations 9, lO, 11 , l4, 29, 30,
31, 33, 35, le coma fut complet, ou à peu de choses près. Cet
état est du reste presque constant à la fin de la vie, dans toutes
les formes du ramollissement.
M. Bouillaud dit que, dans l’encéphalite partielle (ramollis-
sement), l’intelligence se conserve intacte, quand un seul brims-
pbère est malade, parce que l’autre le ^upplée. Il opfiose à ceux
qui ont vu le contraire l'opinion de Lallemand (lettre II), qui
attribue cela à la compression de l’iiém-splière sain par la tu-
méfaction de rbémispbère enflammé (1). Ni l’explication, ni le
fait ne sont exacts. Le trouble de rinielligence est un phéno-
mène babilnel dans l’encéphalite partielle , et peut être indé-
pendant de la tuméfaction, bien que l’influence de ceile-ci soit
incontestable, lorsqu’elle existe. L’intelligence est presque con-
stamment altérée profondément à la fin de la maladie , bien
que la tuméfaction disparaisse toujours au bout d’un certain
temps ; et d’ailleurs l’intelligence n’est-elle pas souvent lésée
dans le ramollissement chronique partiel, dont l’atrophie est,
comme nous le verrons, un effet habituel? M- Rosian paraît
disposé à attribuer l’extinction des fonctions de l’intelligence et
des sens, qui se manifeste dans les derniers moments de la vie,
à la collection de sérosité qui se forme dans les mé.iinges ou
les ventricules : mais les épanchements séreux manquent trop
i souvent pour pouvoir servir à une explication générale.
La maladie peut débuter par une hémiplégie subite sans
aucune altération des facultés intellectuelles ; ce cas est assez
rare, moins cependant que dans l’hémorrhagie cérébrale, où on
l’observe également (2). Aussi MM. Delaberge etMunneret ont
’ (t) Bouillaud, Truité de VencéphaLilc, page 263.
(2) Voyez le chapitre du diagnostic.
i42
ramollissement aigu, (sympt.)
eu tort de dire que: presque toujours la connaissance et l’in-
telligence demeurent libres (1).
C’est le début fréquent du ramollissement par la perte de
connaissance et le coma qui a fait comprendre cette maladie
dans 1 apoplexie , par les anciens auteurs et même par beaucoup
d auteurs modernes, en particulier les médecins anglais : ainsi
Cullen, Cooke, Copland, etc. Portai dit qu’il ne donne le nom
d apoplexie qu’à l’affection soporeuse la plus profonde, surve-
nue subitement et dans laquelle la respiration a été plus ou
moins siertoreuse (2). Maison voit, par ses observations, qu’il
suffit que la mort ait été précédée de coma, pour qu’il appelle
la maladie apoplexie. Son apoplexie inflammatoire n’est autre
chose que l’encéphalite ou la méningite.
Nos observations 3 , 38, 39 , 65 , 69 prouvent que le délire
peut etre le seul symptôme du l'amollissement. Dans les cas
de ce genre , il peut présenter des formes très-variées , mais
il se caractérise habituellement par une loquacité opiniâtre avec
insomnie, et s’accompagne souvent d’hallucinations.
« Il me sera facile de vous prouver jusqu^à l’évidence, dit
M. Lallemand, qu’on n’observe jamais le délire dans les inflam-
mations du cerveau, exemptes de complications; que ce sym-
ptôme appartient exclusivement aux inflammations de l’arach-
no'de (3). » On verra , en consultant nos observations, que
l’absence de toute altération des méninges est notée dans quel-
ques-unes d’entre elles ; attacbera-t-on une grande importance,
dans les autres , à un état de simple injection de la pie-mère, si
naturel quand le cerveau est enflammé lui- même ; à de la séro-
sité accumulée en grande quantité à la base du crâne , ou au-
tour du cerveau , chez des vieillards où cette circonstance est si
commune; chez des individus dont le cerveau est fortement
congestionné , l’augmentation de l’exhalation séreuse étant un
résultat fréquent et facile à comprendre des congestions encé-
phaliques (4); enfin dans un de ces cas, il y avait un œdème des
membres , par suite d’une maladie du cœur. Quelle valeur ac-
(■)) Compendium Je mdd. pmt., x. ii, page 156.
(2) Portai, Traitd de r apoplexie, page 307.
(3) Lallemand , Lettre II, page 24G.
(4) Portai , Moulin, Abercrombio, Gcadrin....
ÉTAT DE LA FACE.
143
cordera-t-on aux opacités de l’arachnoïde , si l’on songe que
presque tous les cerveaux de vieillards en offrent à un degré
quelconque ? Enfin, dans aucune de nos observations nous n’a-
vons trouvé cette sérosité un peu louche, qui est le premier
signe, mais aussi le plus certain, d’une véritable inflammation
des méninges. Et enfin comme dans les cas auxquels je fais al-
lusion l’intelUgence seule s’est trouvée lésée (excepté toutefois
dans l’observation 65, où il y a eu quelques troubles vagues du
mouvement), leur appliquer les idées de M. Lallemand ce se-
rait dire : Que l’altération si tranchée, si profonde même du
cerveau n’aurait déterminé aucun symptôme, tandis que les
phénomènes graves et mortels observés durant la vie auraient
résulté de l’altération très-légère ou même douteuse des mé-
ninges.
5 VIL Etat de la face.
Les modifications que peut nous présenter, dans le ramollis-
sement aigu , l’état de la face , sont liées et aux altérations du
mouvement et à celles de l’intelligence, c’est-à-dire que nous
devons en étudier et la physionomie et les déformations.
Lorsque les symptômes du ramollissement se développent
graduellement , la physionomie fournit en général de bonne
heure des indications importantes , par l’expression d’étonne-
ment, d’indifférence, puis de stupeur et d’hébétude qui s’y peint:
je ne saurais trop recommander , dans la médecine des vieil-
lards, cette étude de la physionomie, où un observateur attentif
trouvera fréquemment la première notion d’une altération com-
mençante de l’encéphale; D’autres fois c’est au contraire de l’é-
garement, de l’irascibilité, une mobilité très-vive dans les traits;
mais ceci s’observe beaucoup moins sans doute chez les vieillards
qu’à un âge moins avancé.
Il est un autre phénomène beaucoup plus important encore :
c’est un commencement de déviation de la face. Ainsi , lorsque ^
l’on voit un sourcil se relever légèrement, la bouche se tirer un
peu dans le même sens, quand le malade parle ou rit, la paupière
du côté opposé recouvrir un peu plus le globe de l’œil comme
si son poids était plus lourd , on peut avoir une certitude pres-
que entière de l’imminence ou plutôt du début du ramollisse-
144
RAMOLLISSr,AtEKT AIG-XT. (sïMPT.)
ment. Celte déviation de la face peut coïncider avec l’affaisse-
inent de l’intelligence dont nous venons de décrire l’expression,
et qu’elle finit presque toujours par accompagner, avec de la cé-
phalalgie, de l’embarras dans la langue... Mais tous ces signes
peuvent manquer, et la déviation de la bouche ne perd pour
cela rien de sa valeur.
Il faut du reste faire attention que, lorsque la mâchoire se
dégarnit de ses dents, la bouche perd habituellement toute sy-
métrie, et se tire ou plutôt s’abaisse du côté où les dents sont le
moins nombreuses. J’ai vu plus d’une personne embarrassée, ou
même induite en erreur par cette circonstanct .
Lorsqu’une hémiplégie se montre soit au début soit dans
le cours du ramollissement, elle s’accompagne naturellement
de paralysie du côté correspondant de la face : déviation sou-
veni extrême de la bouche, de l’aile du nez, élévation du sour-
cil , abaussement ordinairement incomplet de la paupière du
côté opposé ; à ce'a se joint ou une anesthésie, ou des fourmille-
inents, ou une sensation d’engourdissement. La face revêt alors
celte expression d’hébétude ou d’indift’érence, ou plutôt cette
absence d'expression que présentent ordinairement les hémi-
plégiques : la conservation ou le retour d’une partie des facultés
intellectuelles est même en général impuissant à se peindre
sur les traits, dont l’immobilité et la déformation contrastent
quelquefois de la façon la plus singulière avec dés attitudes
d’attention ou des mouvements d’intelligence.
Lorsqu’att lieu d’une simple ré.solutiou, il y a une forte con-
tracture dans un côté du corps , la face peut participer à cette
contracture, et se trouver ainsi déviée du côté qui répond aux
membres privés du mouvement volontaire; mais cela s’observe
beaucoup plus rarement dans le ramollissement aigu que dans
le ramollissement chronique. Les convulsions sont également
rares dans la face comme dans les membres.
Le regard est quelquefois brillant, égaré , quand il y a, ou
même quand il va y avoir du délire ; plus souvent terne et
sans expre.ssion. Il y a quelquefois du strabisme ; d’autres fois
les yeux sont fixes et demeurent immobiles, souvent également
déviés : ceci s’observe surtout quand il y a une forte contracture
des membres , cl les yeux sont tournés du côté des membres
ÉTAT PE EA FACE. 145
coniracluvés. JJans ces cas aussi, la lète est souvent tournée du
côté opposé, par la contraction du sterno-mastoïdien.
M. Rostan paraît avoir souvent observé la rougeur de la face
chez les individus affectes de ramollissement. J’ai été beaucoup
moins frappé de la fréquence de ce phénomène. M. Rostan dé-
crit une rougeur particulière qui s’étendrait au cou et cesserait
quelquefois brusquement à la partie supérieure de la poi-
trine (1).
« Ce symptôme, dit-il, se présente quand le ramollissement
est dénaturé inflammatoire, et surtout dans les paroxysmes. Il
n’indique autre chose qu’une congestion sanguine vers la tète :
aussi le reirouve-t-on dans l’apoplexie , la méningite , la con-
gestion sanguine , etc. « La face est souvent très-pâle et dans
riiémorrhagie cérébrale , et dans la congestion sanguine , et la
rougeur de la face ne peut pas plus servir à reconnaître le ra-
mollissement inflammatoire qu’à distinguer , comme on disait
autrefois, l’apoplexie sanguine de l’apoplexie .séreuse.
Il est un phénomène assez remarquable et sur lequel je ne
sache pas que l’atleniion ait encore été fixée , qui s’observe fi’é-
quemment dans le ramollissement aigu , dans la congestion et
aussi dans l’hémorrhagie cérébrale, mais moins souvent, je
crois. Je veux parler d’une augmentation notable de la sécré-
tion des follicules de la bouche et de l’ail. Souvent , en effet,
clîiz ces individus (je n’ai lait cette observation que sur des
vieillar(h) vous verrez une humeur extraordinairement abon-
dautes’écoulei des paupières, se sécheresur leurs bords, les irriter
et quelquefois s’amasser sous la paupière inférieure ; chez d’au-
tres, mais moins fréquemment , c’est un mucus glaireux, filant,
incolore, qui s’écoule incessamment de la bouche , ou une cou-
che jaunâtre, é()ai.ssc et vistjueuse qui recouvre la langue et le
palais, et se reproduit dès qu’on l’a enlevée. Ceci ne tient pas
à l’amas de la salive ou des larmes, quand la déglutition a cessé
de se faire et les paupières de se mouvoir; car on l’observe
au.ssi bien sur l’œil mobile que sur l’œil paralysé, et je l’ai vu
aussi prononcé que possible dans des cas de délire. Chose très-
remarquable, des qu il survient du mieux, que le délire se calme
ou que la connaissance reparaît , ces secrétions morbides dimi-
(I) Rostan, Ivc, cù,, page 2-16
10
146
nAMOLUSSEMENT AIGU. (SYMPT.)
nuent elles-mêmes , pour se montrer de nouveau , si l’amélio-
ration vient à cesser.
§ VIII. Etat de la parole.
La parole est presque constamment altérée dans le ramollis-
sement aigu. Lorsque les symptômes se développent graduelle-
ment, il s’y joint habituellement un embarras de la prononcia-
tion, une sorte de lourdeur de la langue, que l’on voit augmenter
chaque jour. Engénéral, quand l’hébétude et l’hémiplégie sont
devenues complètes, l’articulation des sons est tout à fait impos-
sible ; ce qui arrive dès le début, lorsque la maladie s’annonce
par une perte subite de connaissance accompagnée de paralysie.
Plus tard les malades recouvrent ordinairement la faculté d’ar-
ticuler quelques mots, de se faire un peu comprendre, si l’ob-
tusion des facultés ne demeure pas absolue.
Le délire ou l’agitation, joints ou non à la paralysie, s’accom-
pagnent quelquefois de difficulté ou d’impossibilité d’articuler :
cela donne lieu à un langage fort bizarre, au milieu duquel on
distingue souvent des syllables ou des mots , mais comme pio-
duits par le hasard. Quelquefois les malades ont perdu non pas
la faculté d’articuler, mais la conscience du sens des mots, et
prononcent même avec volubilité des paroles sans ordre, sans
suiteetsans aucune signification : ordinairement alors les mêmes
mots ou les mêmes phrases reviennent presque incessamment.
Tantôt ces malades parlent comme au hasard, tantôt ils parais-
sent vouloir réellement exprimer une idée , mais sans pouvoir
trouver, sans même paraître chercher le mot propre.
Quelquefois ils semblent avoir perdu non seulement la
faculté d’articuler, mais encore celle de proférer même un son :
ils ne font pas entendre une plainte , et demeurent dans le
silence le plus absolu. Ceci ne se montre pas seulement chez
des individus plongés dans le coma ; ce silence absolu , et que
l’on prendrait quelquefois pour l’effet d une volonté opiniatie,
a été un des symptômes les plus saillants de 1 observation si
curieuse de la femme Reydleux ( obs. 16 ).
§ IX. Etat des sens.
Loi sqiic les malades sont plongés dans un coma complet, les
sens participent à l’obtusion ou à l’abolition générale des facul-
état des pupilles.
147
tés. A part ces cas, où l’on constate moins, du reste, l’abolition
des sens que celle de la conscience des impressions qu’ils peuvent
transmettre et de la faculté de l’exprimer au dehors, il est rare
que les sens présentent quelques lésions bien notables dans le
ramollissement aigu.
1:: Je ne crois pas avoir jamais observé de surdité , lorsque
les malades n’avaient pas perdu connaissance. Quant à la vue,
quelquefois, mais rarement, on la trouve perdue du côté qui
répond à l’hémiplégie ; il ne faut pas oublier qu’elle peut être
parfaitement conservée , malgré l’immobilité des pupilles (1).
L’odorat et le goût sont fort difficiles à expérimenter; j’ai pu
cependant constater deux ou trois fois la perte du goût, du côté
correspondant à la paralysie. On observe beaucoup plus sou-
vent l’anesthésie ou la perte de la sensibilité tactile sur une des
pituitaires ou sur une des moitiés latérales de la langue.
L’état de la pupille doit fixer un instant notre attention. Je,
ferai d’abord remarquer qu’à l’état normal, les vieillards ont
généralement les pupilles étioites, quelquefois infiniment res-
serrées, et dans ce dernier cas il est impossible cl’j percevoir*
aucun mouvement de contraction. Ceci tiendrait-il à des adhé-
i-ences de l’iris au cristallin? Je ne m’en suis jamais assuré par
l’examen direct.
M. Lallemand attache à l’étude de la pupille une importance
qui ne me paraît pas justifiée par les faits : « L’état de la pu-
pille, dit-il, mérite d’autant plus d’attention que, dans presque
toutes les observations de ramollissement où il en est fait men-
tion, elle était contractée, tandis que dans les apoplexies elle est
généralement dilatée (2). »
Cet auteur dit ensuite que le resserrement des pupilles coïn-«
eide ordinairement avec la contraction des membres, et que plus
tard elles se dilatent, cjuand survient la résolution générale.
(t) Je trouve l’explication de ce fût dans l’ouvrage re'cemment publie' jiar
M. Flourens. En effet, ce savant physiologiste paraît avoir reconnu que la
perception delà vue résidait dans le cerveau, et que les mouvements de l’iris
avaient leur point de déjiart dans les tubercules quadrijumeaux , et il a pu ,
dans ses expériences, isoler complètement ces deux phénomènes. f'5ecàe/r /tes
expérimenlales sur les propriétés et les fonctions du système nerveux dam
les animaux vertébrés. \ 842.
(3) Lallemand, Lettre II, page 272.
U8
KAMOLI.JSSK.MKAT AIGU. (SYMl-T.)
C.ii'swell (lit que la pupille est coulractée seulement pendant la
première p(îi iode du raïuoliissi’inent, ou quand ce clianyeineut
[this change) s’accompagne d’irritation du cerveau ; et pendant
la deuxième période, ou quand il y a ramollissement sans irri-
tation subséquente, elle est dilatée (1).
L’état des pupilles a été noté dans 17 de mes observations
voici dans quels termes :
Trois fois elles étaient normales }
Une fois contractées ( obs. 42) ;
Une fois étroites ( obs. 2) ;
Trois fois médiocrement contractées ou un peu étroites (obs.
30, 5 et 40 ) ;
Une fois contractées du côté non paralysé , dilatées du côté
paralysé ( obs. 14) ;
Une fois irès-dilatées (obs. 23) ;
iZ*(.(i^^‘Ciin(p fois dilatées ou moyennement dilatées (obs. 1,9, 32,
103);
Deux fois dilatée du côté non paralysé, la, cornée étant opaque
du côté opposé ( obs. 29 et 33 ) ;
Six fois seulement elles ont été notées immobiles.
Dans aucune des observations où les pupilles ont été notées
contractées ou un peu étroites , il n’y a eu de raideur ni de
mouvements convulsifs.
Il y a eu de la contracture dans l’observation 32, où les pu-
pilles étaient moyennement dilatées, dans l’observation 23 , où
elles étaient très-dila,tées. Dans l’observation 14 cependant , la
pupille du côté paralysé et contracturé était contractée, celle du
côté sain était dilatée.
La forme des pupilles est indiquée dans 6 des observations de
ramollissement aigu de M. Rostan.
Deux fois très'dilatées ( contracture dans un de ces cas ) ;
Une fois modérément dilatées;
Une fois peu dilatées ( contracture ) ;
Une fois il est dit que la pupille du côte sain était plus dila-
tée et moins contractile ;
Une fois seulement les pupilles sont notées contractées (bémi-
plégie sans contracture ).
(t) Cai's^'Cll , lü'y> cit ) '!•
Leur immobllilc n’est imUqace que deux lois. ^
M Andral , dans ses observations de rainolUssement aigu,
n’a noté que trois fois l’état des pupilles ;
Une fois très-dilatées, mobiles-, convulsions tétaniques (obser-
vation 13);
Une fois médiocrement dilatées -, contracture des membres
( obs. 28 ) ; - I '
Une fois la droite contractée , la gauche un peu dilatée; hé-
miplégie droite sans raideur ( obs. 32).
On voit que dans le ramollissement aigu, les pupilles ne sont
pas, comme l’a dit M. Lallemand , habituellement contractées,
et que leur contraction' ou leur dilatation n offre pas de rap-
ports bien constants avec la résolution ou la contractuie des
membres. Faisons remarquer en outre que, dans tous ou pres-
que tous les faits que nous venons de citer, c est pi ecisement au
commencement de la maladie qu a ete fait 1 examen des pu-
pilles, à l’époque oîi, suivant MM. Lallemand et Carswell, elles
seraient généralement contractées.
M. Lallemand dit encore que les pupilles sont généralement
dilatées dans l’apoplexie (hémorrhagie cérébrale). On va voir
si cette proposition est plus juste que celle qu’il a avancée , à
pr opos du ramollissement. J’ai fait le relevé de 30 observations
d’hémorrhagies cérébrales , dans lesquelles l’état des pupilles
est noté ; 10 appartiennent à M. Rochoux, 21 ont été recueillies
par moi.
Observations de M. Rochoux :
Pupilles contractées , 4 ;
— resserrées, 1 ;
— dilatées,!;
— également dilatées, 1 ( ce qui parai c vouloir expri-
mer plutôt leur égalité que leur état de dilatation);
*— normales, 2.
Dans un cas , l’une des pnpilles était dilatée , l’autre con-
tractée.
Observations qui m’appartiennent :
Pupilles très-contractées, 3 ;
— contractées, 4 ;
— étroites , 2 ;
— plutôt cpntractées que dilatée*, 1 ;
150
RAMOLLISSEMENT AIGU. (sYMPT.)
— très-dilatées, 3 ;
— dilatées, 1 ;
— moyennement ou médiocrement dilatées , 3;
■— normales, 2.
Deux fois 1 une d’elles était très-dilatée , l’autre un' peu con-
tractée (1).
Ainsi, sur ces trente et un cas nous trouvons les pupilles con-
tractées , resserrées ou étroites , dix-huit fois ; dilatées , neuf
fois (dans trois cas, l’une d’elles était contractée, et l’autre di-
latée) j quatre fois normales, et trois fois inoyeuneinenl dilatées,
ce qui équivaut, je crois, à pupilles normales.
Ces faits nous apprennent que, s’il est permis de tirer quelque
induction de 1 état des pupilles, nous trouverons dans leur res-
serrement plutôt une raison de soupçonner une hémorrhagie
qu’un ramollissement : mais nous pensons que la conclusion la
plus sage sera que l’examen des pupilles ne saurait servir au
diagnostic différentiel du ramollissement et de l’hémorrhagie.
§ X. Circulation.
On a généralement des idées fort peu arrêtées sur l’influence
que les altérations, et en particulier l’inflammation de l’organe
central de l’innervation exercent sur la circulation, sur le
pouls. Cela suffit pour prouver que cette influence doit être peu
prononcée et fort inégale dans ses résultats.
Le docteur Copland dit que, dans la célébrité , le pouls est
d’abord fort et fréquent, puis il devient tout à coup faible , ir-
régulier, intermittent (2). Ailleurs, il dit que les symptômes de
la cérébrite ressemblent, au début, à ceux du ramollissement,
mais qu’ils s’en distinguent par un mouvement fébrile (p. 232).
Ceci donne un exemple de la clarté et de la vérité des distinc-
tions que l'on a voulu établir entre le ramollissement et l’en-
céphalite.
M. Bouillaud annonce qu’il n’y a pas de fièvre dans l’inflam-
mation du cerveau. « Cet organe, dit-il, n’agit pas directement
sur la circulation. Lorsque celle-ci est altérée dans l’encépha-
( ,
(t) Dans toutes ces observations, l’e'tat des papilles a e’té noté le premier ou
le second jour de l'attaque.
(2) Copland, loc. cit., page 2.34.
CinCüLATION.
lite, c’est par suite du trouble de la respiration, qui tient lui-
même à l’état du cerveau. Ce qui le prouve, c’est que les trou-
bles de la circulation suivent ceux delà respiration (1). »
Suivant M. Lallemand , la circulation ne serait pas sensible-
ment influencée par l’inflammation du cerveau. La fièvre
s’observe rarement dans celte maladie, et lorsqu’elle existe, elle
est due à quelque complication, comme l’inflammation de la
muqueuse de l’estomac, des intestins ou de la vessie (2).
M. Garswell dit aussi que, dans le ramollissement du cerveau,
le pouls ne présente habituellement aucune altération remar-
quable (3).
Dans la plupart de nos observations , nous ne trouvons au-
cune modification bien notable du pouls : quatre fois seule-
ment, dans les observations 2, 31, 33 et 35, il y avait une fièvre
assez forte. On a trouvé une pneumonie en suppuration dans
l’observation 33; mais, dans les trois autres, où le pouls était au
début, à 94, à 100, à 96, on n’a pas trouvé de complication à la-
quelle on pût rattacher cette circonstance : les poumons étaient
plus ou moins enf-oués , mais c’était là un phénomène consécu-
tif, et que l’on ne voit pas habituellement s’accompagner de
mouvement fébrile. Il est vrai que, dans aucun de ces cas , il
n’est fait mention de la muqueuse gastro-intestinale ; mais nous
ne saurions y attacher beaucoup d importance, et ainsi nous ne
doutons pas que chez la femme Vaudet (obs. 31), qui, quelques
heures avant son attaque, paraissait se très-bien porter, et pré-
sentait plusieurs heures après, lOO pulsations, la fièvre ne ré-
sultât uniquement de l’altération du cerveau. Je n’ai pas tenu
compte des cas où le ramollissement débutait dans le cours
d’une autre maladie, une pneumonie , par exemple, accompa-
gnée de fièvre : il ne m’a semblé , dans les faits de ce genre ,
exercer aucune influence sur l’état de la circulation. Le pouls
m’a souvent encore paru accéléré au début du ramollisse-
ment ; mais en l’absence d’un étal fébrile, il est impossible de
rien conclure des cas où la fréquence habituelle chi pouls n'a-
vait pu être appréciée avant l’invasion des symptômes céré-
braux.
(t) Boulllaud, Traité de l’cncc!/>halile, page 304.
(2J Lallemand, Lettre II, page 29.9 els'iiv.
(3) Larswell, Inr. cit. , page 9.
152
HAHOI.LlSSEMËNa' XUJU. (sY.VI^T.)
M. Jlostan dit siinpleinenl que , dans le ramollissement, le
pouls est quelquefois plus fréquent et pi us fort que de coutume.
M. Andial s’est assuré que, contrairement à l’opinion de
MM. Lallemand et Bouillaud, l’inflammation du cerveau pou-
vait, en l’absence de toute complication , s’accompagner de
fièvre; mais il regarde cette circonstance comme due simplement
à une disposition individuelle (1).
- Ce qu’il y a d’assez curieux dans ce passage, c’est que M. Au-
dral paraît oublier que plus haut il a distingué avec soin l’in-
flammalion du cerveau de son ramollissement, celui-ci pouvant
très-souvent n’être pas inflammatoire : en effet il oppose aux
idées de MM. Lallemand et Bouillaud, sur V encéphalite, ses
propres observations de ramollissement, celles de M. Rosian,et
un gland nombre de faits de ramollissement empruntés çà et
là, aveu involontaire de l’impossibilité de séparer le ramollisse-
ment de l’encéphalite.
S XI. Respiration.
La lespiration n’est jiresque jamais lése'e primitivement dans
le ramollissement aigu ; lorsque, dès le début cependant, les sym-
ptômes annoncent un état de compression considérable de Ten-
et phale, elle est souvent alors accélérée, bruyante, stertoreuse.
L état de paralysie ne m a pas généralement paru exercer une
influence notable sur les mouvements delà poitrine, et je n’ai
jamais vu le thorax se soulever d’un coté seulement, circon-
stance qui , suivant M. Serres, accompagnerait habituellement
Thcmiplégie (2).
Je n’ai guère rencontré non plus , même dans les cas où le
cerveau paraissait le plus fortement comprimé, si ce n’est à la
lin de la vie, cette respiration apoplectique qui, suivant un au-
teur allemand, consisterait en un mouvement instinctif du dia-
phragma, avec inaction du thorax (3).
A la fin de la vie, la respiration s’embarrasse toujours, et
c’est même souvent une coniplicatiou survenant du côté du
poumon qui détermine la mort, lor'sque les accidents céré-
(t) Andra! , Clinique., pnp;o ;577 et suiv.
(2) Serres, Antmaire ücs hôpitaux, tSIi).
(3) Itoclciir iloppe de Berlin , Sur la respiration des apoplectiques, in
Jl.'ist’s uia'^azin. { (ônz. uietL, 31 jnille.l îSil .)
KUTRITIOV,
Ï53
braux ne devaient pas par eux-inêines entraîner encore une fin
funeste. Tantôt c’est une pneumonie, tantôt un simple engoue-
ment des poumons, tantôt une accumulaiion de mucus dans les
canaux bronchiques, accident surtout fréquent chez les vieil-
lards déjà affectés de bronchite ou de simple bronchorrhée. .Te
reviendrai du reste, à propos du ramollissement chronique,
sur ces complications que je me contente d’indiquer ici (1).
§ XII. Nutrition.
« Dans tous les cas d’affection du cerveau , a dit Bi oussais ,
l’estomac entre en sympathie, et cette sympathie produit le vo-
missement,- mais, pour que ce symptôme se manifeste, il est ne-
cessaire que la sensibilité ne soit pas parfaitement éteinte, car
je crois que les malades qui sont frappés d’insensibilité com-
plète ne commencent à vomir que quand ils commencent à re-
couvrer une partie de leurs sens. » Cette assertion ne doit pas
cire aussi généralisée que l'a fait cet illustre écrivain. Le vo-
missement peut manquer dans toutes les formes du ramollisse-
ment. Ce symptôme, qui ne s’observe guère qu’au début de la
maladie, m’a paru tenir en général à des circonstances tout
éventuelles, comme l’état actuel de l’estomac, sa réplétion sur-
tout, la dispo'ition p.irticulière des individus, etc.... Aussi, ce
signe n’a, je crois, à peu près aucune valeur dans le diagnostic
ou le pronostic du ramollissement.
Le ramollissement est quelquefois précédé, pendant plusieurs
jours, de ces symptômes gastriques qui peuvent servir de pro-
dromes à presque toutes les affections aiguës, et qui paraissent
généralement emprunter leur physionomie beaucoup moins à
la maladie qui les suit qu’à la disposition particulière de l’indi-
vidu. On trouve parmi les observations de RI. Rostan quelques
cas de ce genre.
Lorsque le coma est profond, la paralysie complète, la déglu-
tition est souvent difficile, ou nrème impossible. Cette difficulté'
de la déglutition tient le plus souvent à la raideur des mâ-
choires, à l’immobilité ou à l'impui.ssance des muscles que la
volonté emploie dans la déglutition. Il faut alors enfoncer pro-
fondément dans la l.’oiiche une cuiller ou un verre : d*s que le
(t) Voyez cliap, X.
154
ramollissement AiGtJ. ( SYMPT.)
liquide a touché le fond de la gorge, les muscles du pharynx et
l’œsophage entrent en contraction. Dans des cas plus rares, ces
organes sont eux-mêmes frappés de paralysie, et la déglutition
est tout à fait impossible.
Dans presque tous les cas, ces phénomènes s’observent dans la
dernière période de la maladie. ^
Souvent, au moment de l’attaque, il y a des évacuations in-
volontaires d’urine et de matières fécales. Cette incontinence
persiste en général pendant toute la durée de la maladie, et le
retour ou la conservation des facultés intellectuelles ne suffit pas
toujours pour l’éviter.
Lorsque les accidents se développent graduellement, les éva-
cuations involontaires n’ont ordinairement lieu qu’à une époque
plus avancée, si ce n’est c^nelquefois la nuit, pendant le som-
meil On sait que l’écoulement spontané de l’urine coïncide
presque toujours dans ces cas avec la réplétiou de la vessie, et
de quelle importance il est alors de pratiquer avec soin le ca-
thétérisme. M. Lallemand a particulièrement insisté sur les
inconvénients d’une stagnation de l’urine dans la vessie ; il a
fait voir que, pour avoir négligé le cathétérisme, on avait sou-
vent laissé se développer, du côté de la vessie, les complications
les plus fâcheuses. Les accidents de ce genre sont du reste beau-
coup moins à craindre chez les femmes que chez les hommes.
Il y a habituellement de la constipation dans le ramollisse-
ment aigu.
La marche de la maladie est ordinairement trop rapide pour
exercer une influence bien appréciable sur la nutrition géné-
rale.
Il faut noter seulement la facilité avec laquelle des eschares
se forment au siège, circonstance qui hâte toujours la mort des
malades, et quelquefois empêche seule le ramollissement de pàs-
ser à l’état chronique. Ces eschares, favorisées par le contact in-
cessant de l’urine, se forment surtout aisément chez les iiulivi-
dufe très-maigres ou au contraire d’un grand embonpoint.
Chez les vieillards, à la suite d’un décubitus un peu prolongé et
dans une immobilité absolue , il se forme quelquefois au talon
une phlyctène large et épaisse, et à la rupture de laquelle suc-
cède une eschare profonde; d’autres fois, c’est à la suite de sina-
pismes, de l’application d’une boule d’eau chaude que l’on voit
DURÉE.
155
,e former des phlyctènes, puis des eschares aux pieds. Je n'ai pas
besoin d’insister sur les soins et les précautions que nécessite
impérieusement une semblable prédisposition.
La température de la peau présente rarement quelque chose
de particulier : la peau esthabduellement chaude etmo.te chez
les individus chez lesquels le ramollissement s’accompagne de
phénomènes fébriles. Lorsque la maladie débute par de 1 agita-
tion, du délire, on remarque quelquefois de la chaleur au
M. Plus m’a dit avoir plusieurs fois trouvé une chaleur plus
grande dans le côté du corps paralysé et contracturé. Je n’ai nen
vu de semblable dans le ramollissement aigu : dans un cas au
contraire, j’ai trouvé que le côté paralysé, bien qu’éteniu pi es
du corps, sous les couvertures, paraissait au toucher plus froid
que les membres mobiles et découverts.
A la fin de la vie , la peau se couvre presque toujours d une
sueur abondante.
§ XIII. Durée.
Le ramollissement aigu suit habituellement une marche as-
j sez rapide.
Dans vingt-sept observations recueillies par moi, où la duree
i de la maladie a pu être exactement appréciée , la mort est ar-
! rivée :
Deux fois en moins de vingt-quatre heures ;
Sept fois en deux jours ;
Neuf fois de trois à cinq jours ;
Deux fois de cinq à six jours ;
Trois fois de six à huit jours ;
Deux fois de neuf à dix jours 5
Une fois le vingtième jour ;
Une fois le trentième jour. ..
Sur seize observations de M. Rostan :
Une fois en deux jours •,
Trois fois de trois à cinq jours ;
Trois fois de cinq à six jours ;
Trois fois de six à huit jours;
Deux fois de huit à douze jours ;
Une fois en treize jours ;
l
1.56
RAMOLL1SSEME3ÎT AIGU. (SYAIPT.)
Trois fois an bout d’une vingtaine de jours.
Sur seize observations de M. Andral :
Une fois en vingt heures ;
Deux fois en quatre jours ;
Une fois le cinquième jour;
Trois fois le sixième ;
Une fois le septième ;
Deux fois le huitième ;
Deux fois le dixième;
Deux fois le vingtième et le vingt-cinquième;
Une fois le trentième jour.
Ainsi, sur cinquante-neuf cas, la mort est arrivée :
Onze fois pendant les deux premiers jours :
Vingt-six fois avant le cinquième jour ;
Quarante-trois fois avant le neuvième jour;
Sept fois du neuvième au vingtième jour ;
Neuf fois du vingtième au trentième jour.
S XIV,
J’ai dû étudier successivement les divers symptômes du ra-
mollissement aigu, rechercher leur fréquence, décrire leurs va-
riétés, donner une idée de leur valeur séméiologique. Il me fau-
drait maintenant résumer ces faits épars, leur donner un corps,
le revêtir des couleurs qui lui appartiennent; passer enfin de
Tétude analytique à l’étude descriptive.
J’aurais à montrer alors, traçant un tableau type de l’attaque
d’apoplexie, ces individus perdant tout à coup, à la suite de
souffrances vagues ou sans que rien put le faire prévoir, Tusage
du mouvement , de la parole , de l’intelligence ; ils restent cou-
chés sur le dos, la face hébétée, les traits déviés, les paupières
fermées ou à peine en tr’ou vertes; il ne sort pas un son de leur
bouche, et quelques murmures plaintifs viennent seuls té-
moigner qu’ils ne sont pas entièrement morts à la vie extérieure.
D’un côté du corps, leurs membres paralysés, inactifs, restent
étendus et flasques auprès d’eux, ou fléchis et inutilement con-
tractés, presque toujours privés de sensibilité; les membres du
côté opposé s’agitent au contraire, soit dans le vague, soit pour
témoigner de la sensibilité qu’on y éveille, soit pour accomplir
quelques actes qu’un reste de volonté leur permet d’essayer. Au
SYMPTOMES.
O i
bout de quelques heures ou de quelques jours, on observe or-
dinaircLnent une légère rémission dans ces symptômes ; les yeux
s’ouvrent, un certain retour à la vie, sinon au sentiment, se
peint dans le regard, quelques mots mal articules se fout en-
tendre, les membres paralysés retrouvent un peu de mouvement
et de sensibilité Mais bientôt la resjnration s embarrasse,^ le
siège, fatigué d’un poids incessant, irrité par le contact de 1 u-
rine et des fèces, rougit et s’écorche, le mouvement et le senti-
ment se résolvent de nouveau, mais par tout le corps-, les facul-
tés de l’intelligence et des sens disparaissent sans retour , et
la mort générale ne tarde pas à suivre celle des fonctions de re-
lation. Dans d’autres cas, au contraire, j’aurais à peindre un
engourdissement graduel de 1 intelligence et des sens, du mou-
vement et du sentiment, s’étendant comme un nuage que cha-
que instant épaissit, mais frappant presque toujours une des
moitiés de l’individu plus que l’autre. A un engourdissement
général se joignent habituellement des douleurs ou des sensa-
tions particulières: ainsi, une céphalalgie, quelquefois limitée
à un côté du crâne, plus souvent siégeant sur le front ou par
toute la tête ; ainsi des picotements, ^des fourmillements, remon-
I tant des extrémités des doigts ou des orteils aux attaches des
membres, occupant un côté de la face, tandis que lautie
I se dévie graduellement ; en même temps la langue devient
I inhabile à exprimer les idées que l’intelligence paresseuse ne
conçoit plus que lentement, puis , peu à peu, ou par brusques
secousses, à l’hébétude succède la somnolence, le coma, comme
à la lourdeur des mehibres la paralysie, comme l’anesthésie aux
I engourdissements.
Passant ensuite à d’autres faits bien différents, je montrerais
: commenta des maux de tête intenses, ou bien à une agitation
inquiète, ou bien à un léger égarement des idées peut succéder
tout à coup tantôt un délire violent, tantôt une attaque d’épl-
' lepsie, tantôt une hémiplégie subite interrompue par des con-
tractions tétaniques, ou accompagnée de convulsions dans le
I côté non paralysé.
J’aurais à peindre l’isolement ou les combinaisons variées de
1 ces divers phénomènes qui peuvent aussi se montrer primitive-
I tuent cl à les faire voir aboutissant presque toujours à celte rc-
158
ramollissbment aigu, (sympt.)
solution générale des fonctions qui caractérisait dès leur début
tant d’autres cas de ramollissement.
Je devrais enfin montrer que, dans des cas plus heureux ,
quelle que soit la marche qu’ait suivie dès son début le ramol-
lissement, les symptômes de cette affection peuvent se dissiper
graduellement pour faire place ou à une santé parf ûte, ou à un
trouble léger, mais persistant, de quelqu’une des lésions primi-
tivement lésées, ou enfin en conservant une partie de leur phy-
sionomie première ; dans ce dernier cas la maladie n’a pas guéri,
mais elle a passé à l’état chronique, et le malade succombera à
une époque qu’il est impossible de déterminer, soit plus ou moins
prochaine , et alors aux progrès incessants de la maladie céré-
brale, soit très éloignée, et alors à une complication ou à une cir-
constance fortuite quelconque.
Mais si je devais entreprendre la description de chacune de
ces formes de ramollissement, il mefaudrait presque prendre cha-
cun des faits que j’ai rapportés dans ce travail, et en présenter
l’analyse succincte, car presque tous onlleur physionomie à part,
leurs traits particuliers, et une description générale, impuissante
à les contenir tous, n’en rendrait peut- être pas un dans le tableau
incomplet ou chargé qu’elle présenterait. Je renonce donc à cette
tâche, et je préfère renvoyer le lecteur aux faits eux-mêmes,
parmi lesquels je lui indiquerai ceux seulement dont les formes
peuvent le mieux servir de type et de point de comparaison pour
les faits à venir :
Début graduel, 1,2, 7, 1 3.
Attaque apoplectifonne, 9, 10, 11, 14, 32.
— (Sans prodromes), 29, 30, 31.
Délire seul, 3, 38, 39, 69.
Agitation, mouvements désordonnés, 42,45.
Attaque épileptiforme, 40, 41.
CHAPITRE IV.
APPRÉCIATION DES SYMPTOMES DU RAMOLLISSEMENT AIGU.
J’ai cherché à de'montrer, en étudiant l’anatomie patholo-
gique du ramollissement, comment celui-ci se formait, ainsi
qu’il arrive toujours à un travail inflammatoire, consecutive-
CONGESTION CÉRÉBRALE.
ment à une congestion sanguine, comment cette dermere, évi-
dente dans un certain nombre de cas où l’on saisissait la maladie
à son début, et revêtue de tous ses éléments essentiels, perdait
plus tard une partie des caractères qui lui sont propres ; mais
comment on en retrouvait constamment au moins quelques tra-
ces dans la rougeur du ramollissement aigu, et, nous le montre-
rons plus loin, des indices habituels dans la couleur jaune du
ramollissement chronique.
Nous allons trouver, dans l’étude des symptômes du ramol-
lissement aigu, une démonstration nouvelle du rôle que joue la
congestion cérébrale dans la production de cette maladie.
Ces symptômes peuvent être ranges, comme nous l’avons vu,
en deux groupes bien distincts: phénomènes de diminution et
d’affaiblissement, phénomènes d’excitation ou de pei version:
nous pouvons appeler les premiers, phénomènes de compression^
les seconds phénomènes d'irritation.
Si le ramollissement commence , ainsi que nous le démontre
l’analomie pathologique, par une congestion sanguine, à la suite
de laquelle se développe une alteration inflammatoire, les
symptômes du début du ramollissement doivent appaitenii a
la congestion cérébrale, et par conséquent levetir les caractères
qui appartiennent à celte dernière.
Or, il est certain, et nous allons en fournir des exemples suf-
' fisants, que ces deux ordres de symptômes, que nous venons de
voir caractériser le ramollissement aigu , se montrent sous les
mêmes formes et avec les mêmes variétés dans la congestion cé-
rébrale.
Comment un même phénomène anatomique, la congestion,
peut-il se traduire au dehors sous des formes si différentes?
Lorsque le sang se porte au cerveau en plus grande quantité
qu’à l’ordinaire, il peut agir de deux manières : ou simplement
gêner, en le comprimant, les (onctions de 1 organe, ou exciter au
contraire et modifier celles-ci, ainsi déterminer la céphalalgie,
les convulsions, le délire..- en exagérant la sensibilité, la moti-
lité, en modifiant l’intelligence Ces divers effets peuvent se
produire à peu près et même tout à fait instantanément.
A quoi tient la différence de ces effets de la congestion? N’est-
ce qu’une différence du plus au moins? Il en est certainement
ainsi quelquefois, et il n’y a jpas à douter qu’un afflux de sang
160
IlAMOLUSSEHEiVT AIGL". (SVSIPT.)
assez considérable pour gonder et comprimer de toutes paris
1 organe encéfibaÜque ne doive, eu lui rendant impossible toute
manifestaiion fonctionnelle, réduire son expression symptoma-
tique a la négation de ses fonctions. Mais nous ignorons com-
plètement pourquoi une congestion, moindre ou partielle, donne
lieu tantôt à un simple affaiblissement de ces fonctions, tantôt à
leur surexcitation; pourquoi à telle ou telle forme de cette der-
nière; sans doute il y a là des conditions de siège, de quantité,
de qualité dans le fluide accumulé, de prédisposition dans l’or-
ganisme malade, qui existent, bien que leur appréciation ou
même leur perception nous échappe Mais enfin nous en
sommes leduits a cet egard a de simples conjectures.
Mais si l accumulation rapide ou instantanée du sang dans le
cerveau peut, en comprimant ou en irritant cet organne, donner
lieu sur-le-champ à des phénomènes de compression ou d’irrita-
tion , il est cei tain , d un autre cote, qu une congestion ne sau rait
être aussi immédiatement suivie du développement des phéno-
mènes anatomiques qui caract<^risent l’inflammation. Quelque
rapidement que se forment ces derniers, ils ne sauraient, comme
le peut faire une manifestation symptomatique , suivie instan-
tanément l’appirition d’ime conge>-tion ; ce que je dis là peut
s’appliquer egah ment à tontes les alterations que con'-titue une
modification intime, moléculaire du tissu 'l’uii organe. Ainsi,
je prétends qu’un lainollisseiiient , de quelle manière qu'on ea
conçoive la nature, ne peut se faire instanianément ; or si, à la
suite de symptômes dont le développement a offeit, pour carac-
tère le plus saillant, l’instantanéité, on trouve un ramollisse-
ment, il est de toute évidence qu’il y a eu quelque autre chose
cjui a précédé celui-ci. Que sera cette autre chose, sinon une
congestion (1)? Il nous est d’autant moins possible d’eu douter,
que nous en retrouvons habituellement des traces évidentes sur
le cadavre. Ainsi, les symptômes et les lésions anatomiques s’é-
clairent et s’harmonisent merveilkusenient, puisque, de quelle
(1) II est évident qucccci ue s’apjilicjue pa.s aux ramolUssemciils quisepro-
cîiiiseni d’une façon mécanique: ainsi, à la suite d’uiie contusion du cerveau,
ou meme d’une infiltration san;;uine spontanée, celle-ci pouvant, ainsi que
je l’ai dit ailleurs , culraiuer une diminution notable de consi.siance de la
substance cccébrak , par le mélange iniiinc du sang aux uiokeulcs de la
pulpe nerveuse.
I
161
COXCESllON CÉllÉBRALK.
mailicre qu’on IosiiiU;n'0(;o, les uns viennent loujours flf porter
la doinonsualioa tle ce que les autres avaient fait picsmner.
Jïït maintenant, la supposition d’un ramollissement qui se
formerait d’emblée, lout-àcoup, ne liaraîl-elle pas à peu-près
inadmissible par elle-même ? C’est une hypothèse que non-seu-
lement rien ne justifie, mais qui, ce me semble, répugne meme
à l’esprit. Il On ne conçoit {;uèrc, dit le professeur Forget, la for-
mation subite d’un ramollissement » (1).
La connaissance du fait que je viens de développer, de la
part que prend la congestion cérébrale dans la production du
ramollissement, eût pu dispenser M. Andral d’avancer une pio-
position aussi improbable.
« Un homme, atteint d’une alVection de cœur graves rapporte
cet auteur , se réveilla un matin avec un bras paralysé et un
autre contracluré ; le lendemain , il avait une hémiplégie com-
plète, sans raideur, et il mourut trente jours après, sans avoir
présenté, à aucune époque , aucun autre symptôme cérébral.
On trouva la couche optique et le corps strié du côté opposé à
l’hémiplégie, transformés en une bouillie jaunâtre. Dans ce cas
comme dans les autres, ajoute l’auteur, il est évident, d’après
la manière brusque dont se montra la contracture, sans qu’au-
cun autre accident nerveux précédât la lésion du mouvement,
que le rainollissemenl s’accomplit tout-à-coup » (2).
C’est précisément cette absence d’aucun phénomène précur-
seur qui démontre que le ramollissement a été précédé par une
congestion sanguine : la coloration jaunâtre est l’indice incontes-
t.able de celte congestion sanguine pariiellc, accompagnée sans
doute d’un peu d’infdtration de sang, à la suite de laquelle seu-
lement il a pu se former.
Si la congestion cérébrale peut, dès sou début, revêtir les dif-
férentes formes symptomatiques que nous voyons caractériser
[ jusqu’à la fin le ramollissement, il est évident que l’on ne pourra
I plus distinguer le moment précis où celui-ci se produira, ou
I rinflammation aura succédé à la fluxion. Il n’en est pas du
) cerveau comme des autres organes où la déformation, la dou-
leur, la percussion, l’auscultation, etc..., nous pormettcnl de
■(
(1) Forgfit , 3ic'moirc ciid, j a-c 780.
(2) AudruI, Cliriifjuc, T. V, l’iigc 413.
11
Ï62
ramollissement Aigu, (sympt.)
suivre de l’œil, en quelque sorte, et avec la plus grande préci-
sion, les phénomènes qui se passent dans la profondeur de nos
tissus. L’observation directe n’est presque jamais permise dans
les maladies du cerveau : il n’est possible que de procéder par
induction, et n’assistant que de loin aux modifications qui s’o-
pèrent dans la pulpe nerveuse, nous ne pouvons en saisir que
l’ensemble, sans prétendre toujours en suivre exactement les
périodes et les nuances.
Que le ramollissement débute graduellement par un affaiblis-
sement ou au contraire par une excitation générale des facultés,
ou bien qu’il s’annonce par une exaltation soudaine de l’intelli-
gence et des mouvements, ou par un collapsus subit, ces divers
groupes de symptômes pouvant persister jusqu’à la fin, ou au
contraire se remplacer et dans un ordre varié, il est évident que
nous ne pouvons fixer ce qui appartient soit à la congestion
primitive, soit au ramollissement consécutif; que l'apparition de
ce dernier pourra ne rien ajouter aux symptômes d’un individu
qui délirait ou était convulsé dès le début, que le développe-
ment de l’inflammation pourra demeurer inaperçu chez un
individu plongé dans le coma, depuis que son cerveau se trou-
vait comprimé par une fluxion violente et générale.
Cependant , si l'on considère la marche qu’a suivie la mala-
die, dans les observations que j’ai rapportées, on voit qu’elle a
présenté tantôt une tendance à la diminution, tantôt au con-
traire à l’augmentation. Cela tient à la forme du début.
Si la maladie se développe graduellement et par une lésion
partielle, il est évident qu’une fluxion plus grande succédant à
une légère augmentation de la circulation , que l’inflammation
succédant à la fluxion, l’altération des fonctions ne pourra que
s’accroître , à mesure que deviendra plus profonde l’altération
du tissu.
Biais quand la maladie a débuté subitement par une conges-
tion brusque et générale, il est certain encore que, lorsqu’à la
fluxion de tout l’organe aura succédé une inflammation pres-
que toujours limitée à un seul point, que lorsque le ramollisse-
ment aura remplacé la turgescence passagère du début, il devra
se faire une certaine diminution dans les symptômes, due à la
détente de l’organe, à la diminution de la compression.
Quelquefois il y aura simplement augmentalton ou diininu-
C0NGEST10^ CÉUÉBHALE. lOO
lion dans les accidents; mais quelquefois il s’opérera aussi un
channement dans leur nature, les pliénonièues de compression
succédant, dansle premier cas, àccux d’excitation, lesprécédant
au contraire dans le second , selon l’époque à laquelle le degré
de compression du cerveau permet ou empêclie le développe-
ment de tel ou tel ordre de symptômes.
Je vais maintenant rapporter des observations qui prouvent
que toutes les formes symptomatiques du début du ramollisse-
ment se rencontrent également dans la simple congestion.
On trouvera surtout de l’interet dans letude de ces faits, si
on les considère, ainsi qu’ils doivent l’être à mon sens , comme
se rapportant, non pas à une maladie autre que le ramollisse-
ment, mais au premier degré de la maladie que nous avons dé-
crite dans les observations précédentes, et qui se trouve ainsi
arrêtée, dès sa première période, soit par la mort, soit par l’ef-
ficacité du traitement, soit par une tendance spontanée et sou-
vent difficile à apprécier, à ne pas poursuivre scs progrès.
Obsebvation 46. — Etourdissements, engourdissements dans les mem-
bres, puis hémiplégie droite complète. — Congestion sanguine du cer-
veau et de ses membranes .
Une femme de cinquante ans, affectée d’ascite, raconte que,
i depuis une dixaine d’années , il ne se passe guère de semaine
i sans qu’elle ait des étourdissements assez forts pour l’obliger de
i cliercher un appui, de peur de tomber. Ils sont accompagnés de
tintements d’oreille , et souvent suivis de picotements inconi-
I modes dans les doigts, qui sont engourdis. Il y a des jours, dit-
I elle, où il me semble que les objets que je touche sont 'séparés
' de ma main par un morceau de velours (1). On lui pratique la
ponction ; trois jours après elle éprouve un étourdissement, sans
perte de connaissance, mais suivi d’un engourdissement incom-
mode des deux mains et persistant toujours à droite. Quelques
r heures après, elle s’endort, et se réveille avec une hémiplégie
I droite complète. La sensibilité et l’intelligence sont bien conser-
I vées, la bouche n’est pas déviée. Elle reste dans cet état trois
j
(1) Une femme observée par M. Roslan, el qu’il considérait comme mena-
cée d’un ramollissement cérébral, lui disait qu’elle ne sentait les corps qu’elle
toucliait qu’à travers une espèce d’élanune.
r64
Ti.VMOLUSSEMEN'T AIGU. (SYMP.)
jours : aucun changement dans riicmiplégie. Mais alors tout-
à-coup elle perd connaissance, les quatre membres sont tout-à-
lait résolus, et la mort survient promptement.
Autopsie. — Vaisseaux des membranes gorgés de sang; teinte
rosée très-remarquable de la substance grise des circonvolu-
tions ; injection insolite de la substance médullaire, égale des
deux côtés ; partout consistance normale du tissu nerveux... (1).
Observatiok k’]. — Perte de connaissance ; hémiplégie droite, insen-
sibilité générale. Mort au bout de vingt -quatre heures à peu près. —
Rongeur générale de la pie-mère avec infdtration séreuse considérable;
piqueté léger de la substance médullaire des hémisphères. Points rou-
ges nombreux et coloration rose uniforme des corps striés et des cou-
ches optiques.
La nommée Benoit, âgée de soixante-huit ans, pâle, maigre,
habituellement souffrante, est entrée à l’infirmerie le 28 oc-
tobre 1838, pour un catarrhe pulmonaire. Elle dit qu’elle a
toujours toussé, dès son enfance, mais surtout depuis l’âge de
vingt-sept ans, où elle a eu un fort rhume; elle a quelquefois
craché du sang dans sa jeunesse. La respiration est souvent gê-
née, la toux est fréquente, l’expectoration abondante. On ne
trouve rien de remarquable, à l’examen de la poitrine, qu’un
peu de résonnance de la voix et de diminution de la sonoréité
au sommet du poumon droit. Quelques jours après, il survint
un peu d’inflammation de la muqueuse buccale; la muqueuse
de la bouche , du pharynx, devint rouge, sèche, et se couvrit
de petites plaques blanchâtres ; il y avait quelquefois un peu
de fièvre. ( Gargarismes astringents , calomel à petites doses).
L’oppression et la toux diminuèrent un peu à la suite de vomis-
sements dus à une prise d’ipécacuanha.
Le 1 1 novetnbre, elle avait une grande fièvre, la bouche était
rouge, sèche, le pharynx tapissé d’un enduit jaunâtre ; la ma-
lade se plaignait de soufiVir de la langue . mais point d’autre
chose. Elle fut examinée avec quelque soin, auscultée, sans que
l’on rencontrât rien, hors la stomatite, qui parût de nature à
fixer rallention. Il paraît que, dans la journée, elle tomba dans
(t)Andral, C’/i/nV/uf, i. v, page 233.
CONGESTION CÈUKBUALB.
165
un état (l’assoupissement et cessa de parler; mais il fut impos-
sible d’avoir des renseignements précis sur son compte. Voici
dans quel état je la trouvai le lendemain :
Décubitus sur le dos, immobilité, face un peu colorée; point
de signes de connaissance, si ce n’est quelques mouvements
légers des traits de la face quand on lui parle, avec force ; point
de déviation de la bouche ni d’affaissement des narines ; les pu-
pilles sont très-contractées et immobiles. Lorsqu’on introduit
un liquide dans la bouche, il reste dans le pharynx sans le
moindre effort de déglutition. La respiration, sans êti'e slerto-
reuse, paraît embarrassée , difficile. Il n’y a nulle part de rai-
deur. Le bras droit est flasque et immobile ; la jambe droite est
un peu revenue sur elle-même, elle ne se relire pas quand on
chatouille la plante du pied. Les mouvements du bras gauche,
bien que peu étendus, paraissent libres ; le membre inférieur
de ce côté se relire un peu par le chatouillement. La malade
ne donne aucun signe de sensibilité lorsque l’on pique la peau
des membres avec une épingle. Le pouls est petit, fréquent, un
peu inégal. {F'ingt sangsues au ccd, potion avec gomme gutte,
quarante centigrammes , vésicatoire aux cuisses, sinapismes.)
A midi, coma profond, résolution générale, respiration fré-
quente, trachéale, rougeur violacée de la face ; plaques rouges
sur la peau des membres; on ne sent plus le pouls. Mort deux
I heures après.
Autopsie quarante heures après la mort. — Une assez grande
quantité de sang s’écoule des sinus de la dure-mère. L’arach-
I noïde contient peu de sérosité; son feuillet viscéral est épaissi,
i Couvert d’un grand nombre de plaques blanches et opaques ; il
! est, ainsi que le tissu cellulaire sous-arachnoïdien, très-dense
I et difficile à déchirer.
La pie-mère est infiltrée d’une grande quantité de sérosité,
également abondante des deux côtés ; elle présente en même
temps une rougeur vive et égale partout , et s’enlève absément
! de tous les points de la superficie du cerveau. Les circonvolu-
tions sont légèrement aplaties; nulle part la sérosité n’a pénétré
dans leurs intervalles.
La surface du cerveau ne présente point de rougeur. Il y a
un piqueté médiocrement prononcé de la substance médul-
laire, marqué surtout au niveau des corps striés et des couches
166
RAMOT.I.rSSl-TVTKNT AIGU. (SYMPT.)
optiques, qui pre'sentent un grand nombre de petits points rou-
ges, et entre eux une coloration rose uniforme.
Sérosité assez abondante, limpide à la base du crâne. Quel-
ques cuillerées dans les ventricules.
Rien au cervelet ni à la moelle allongée. La moelle épinière
paraît être saine et n’olFre point d’injection anormale.
Les poumons sont fortement engoués et contiennent beau-
coup de sang. Le sommet du poumon droit est adhérent par
des brides celluleuses, denses et épaisses, et ne peut être déta-
ché sans se déchirer profondément. Tout le lobe supérieur est
friable et présente un assez gi'and notnbre de points noirâtres
et indurés. On trouve dans les lobes supérieurs des deux pou-
mons, de petites concrétions dures et jaunâtres; on remarque à
la surface de l’un d’entre eux une plaque noire , comme fron-
cée, dure, et au-dessous une concrétion dure et amorphe.
Adhérences générales et anciennes.
Les tubercules sont pleins d’un mucus épais, verdâtre, pu-
riforme, qui en remplit les plus petites divisions , et s’écoule
d’un grand nombre de points à la coupe des poumons.
Le cœur ne présente rien à noter.
Un enduit épais et jaunâtre tapisse une parjiie du pharynx,
sans altération notable de la muqueuse. Les parois de l’œso-
phage sont tapissées d’une sorte de bouillie grumeleuse , jau-
nâtre, épaisse, qui ne pénètre pas dans l’estomac, et au-dessous
de laquelle la muqueuse est un peu violacée. Rougeur générale
de la muqueuse de l’estomac.
Les reins présentent l’altération suivante : leur volume est
normal. Leur enveloppe étant arrachée, on trouve leur surface
externe couverte de mamelons d’un blanc grisâtre, iiiéguliere-
ment arrondis, isolés ou confluents ; le tissu du rein parait un
peu rougeâtre dans leurs intervalles. Une section est pratiquée
du hile à la convexité; la substance corticale est partout rem-
placée par un tissu d’un gris blanchâtre , homogène , dense ,
assez ferme à la coupe, en tout semblable aux mamelons de la
superficie; dans plusieurs endroits, ce tissu empiète sur la sub-
stance tubuleuse qui a partiellement disparu. Là plupart des
pyramides sont cependant intactes, d’üu rouge assez vif, et
présentent un grand nombre de petits grains jaunâtres qui pa-
raissent de petites concrétions contenues dans des tubes.
COWGESTIOR C^RKBÎlàLB.
Point de sérosité dans l’abdomen ni dans le tissu cellulaire.
Cette observation est fort intéressante sous plusieurs rap-
ports : je me contenterai de signaler la présence des concrétions
dans les poumons, traces probables d’une ancienne affection
tuberculeuse chez un individn affecté dans sa jeunesse de
rhumes prolongés et d’hémoptysies (1) ; cette lésion des reins ,
semblable à celles qui caractérisent une maladie de Brigth , à
une période avancée (2), remarquable par 1 absence dhydro-
pisie, et que l’examen des urines eût rendue plus intéressante.^
L’observation deM. Andral et la mienne prouvent que l’hé-
miplégie se montre aussi bien dans les congestions simples du
cerveau que dans les ramollissements, ce que nous pouvions du
reste conclure, par induction, des cas ou le ramollissement dé-
termine d’abord une hémiplégie, puisque nous savons mainte-
nant que le début de cette affection appartient réellement à la
congestion cérébrale. M. Gendrin a donc eu tort d affirmer que
l’apoplexie due à une simple hypéraimie encéphalique ne dé-
termine jamais de symptômes de paralysie et d’anesthésie cir-
conscrites (3).
M. Rochoux a fait remarquer qu’un des caractères les plus
saillants du coup de sang ( qu’il étudie comme synonyme de
congestion cérébrale), est la promptitude avec laquelle les
symptômes disparai|sent, et surtout cette particularité de ne
jamais produire de paralysie prolongée (4). L’observation
de M. Andral est cependant une exception à ce fait général,
puisque l’hémiplégie a duré trois jours. Cependant il faut con-
venir que, dans la congestion simple, celle qui se termine le
plus souvent par la guérison, il est plus ordinaire d’observer
des phénomènes généraux que des symptômes partiels ; ce
fait certain, bien qu’on en ait exagéré l’importance et la fré-
quence, semblerait annoncer qu’une congestion partielle est plus
grave, et conduit plus directement au ramollissement qu’une
(t) C. Rogén, Essai sur la curabilité de la phthisie pulmonaire, jireh,,
juin fit juillet 1 839.
(2) Desire, Thèses de Paris, 18SS.
(3) Gendrin, Traité philos, de méd. prat., t. i, p. 577, 1838.
(AjRocboiix, Diction, de deuxième édit., art. codpdeüwo.
168
K AMOI.LlSSEMFjST AIGC. (sVMPT.)
cougestion généralf. l/observalion suivante est un'exernple du
coup de sang propieinent (lit, tel (pie l’a diicrit M. Rochoux,
tel qu’on l’obsei vo, je crois, dans la pliipai l des cas : et encore
on verra que, bien que les pbtînoniènes de paralysie et d’anes-
thésie aient également occupé les deux moitii-s du corps, ils
paraissent s’être montrés d’abord du côté droit.
OasKavATioN 48 Céphalalgie et étourdissements habituels. Perte
subite de conuaissance accompagnée de resolution et d’insensibilité giî-
nérales. Disparition assez rapide des accidents.
La noinme'e Valadon est une femme de haute taille , de peu
d embonpoint, d’un teint bilieux, âgée de soixante-treize ans.
Elle a eu, dit-elle, pendant toute sa vie des maux de tête, et a
été saignée soixante fois pour cela. Il s'y joignait aussi des
étourdissements, mais elle n’a jamais éprouvé d’accidents plus
graves, n’a jamais perdu connaissance. Il y a deux ans que ces
maux de tête sont devenus plus constants, plus intenses, ac-
compagnés d’étourdissements fréquents ; elle n’éprouve jamais
de didiculté à s’exprimer, et ii’a rien ressenti du coté des mem-
bi •es. La céphalalgie n’a jamais eu de siège fixe.
Le 7 août 1839 (la chaleur était très-graïub? depuis plusieurs
jours), dans la soirée, elle se trouva assez subitement indispo-
sée; elle s’était bien portée les jours précédents : elle se plai-
gnait d'étouffements, de céphalalgie, portait ses mains à sa u'-te.
A neuf heures, on la porta à rinfirmerie sur un brancard. Elle
avait sa connaissance, mais elle étouffait beaucoup, me dirent
les filles qui l’amenaient; comme on rapprochait de son lit ,
elle parlait encore, se plaignant delà tête, et disant qu’elle
avait peine à remuer son bras droit. Tout à coup, au moment
où on la soulevait pour la coucher, sa figure se convulsa et elle
perdit connais.sance ; cela fut si subit (|ue les filles qui la soute-
naient s’enfuirent .saisies d’effroi. J’arrivai auprès d’elle deux
ou trois minutes après.
Elle était couchée sur le dos, ne donnait aucun signe de con-
nais.sance, la t(he fortement tournée adroite; celte position
n’éiait pas accompagnée d(.‘ raideur, mais elès qu’on l’avait dé-
placée, elle la reprenait aussitôt. La bouche parai.ssait nu peu
déviée à droite, elle était (Uitièrement ouverte. La face, très-
CONGESTION CÉHÉBEAI-E.
169
pâle, avait un aspect presque cadavérique , les yeux entr’ou-
veiTs étaient immobiles et tous deux tournés à droite ; les pu-
pilles étaient très-dilatees, égales et tout à fait insensibles à
l’approche presque immédiate d’une lumière.
Les bras étaient en résolution complète; pincés, ils demeu-
raient inimobdes ; il n’y avait aucune raideur dans les articula-
tions. On ne reotarquait d’autre mouvement, dans tout le corps,
que le soulèvement des parois de la poitrine qui se faisait ega-
lement des deux côtés. La respiration était égale, naturelle , un
peu fréquente; il paraît qu’au moment de la perte de connais-
sance, elle avait été ronflante, comme stertoreuse, mais seule-
ment pendant quelques instants. Les jambes ne furent pas exa-
minées. Il n’y eut pas d’éva.cuations involontaires.
La peau était partout brûlante et sans sueur. Le pouls était
régulier, fort et plein, de 85 à 90.
J’ouvris aussitôt une veine au bras droit, et le sang en jaillit
avec force : en même temps on appliqua des sinapismes aux
pieds.
Trois palettes de sang venaient d’être tirées, sans qu’aucun
changement pût être remarqué dans l’état de la malade; je sus-
I pendis la saignée, et je me disposais à ouvrir l’artère temporale,
lorsqu’elle tourna deux fois la tête, poussa un profond .soupir,
ouvrit les yeux, et jeta autour d’elle des regards étonnés. Ses
deux bras se levèrent, et elle passa ses mains sur sa tète. J’ap-
; proebai une lumière desjyeux; les paupières se refermèrent pour
en éviter l’éclat, mais je pus cependant reconnaître que les pu-
pilles avaient beaucoup perdu de leur dilatation. Je laissai alors
j couler de nouveau la saignée du bras, et je tirai cinq palettes de
sang. La malade retirait son bras et demandait , à voix faible ,
mais assez distincte, ce qu’on lui voulait, se plaignait de la tête,
1 surtout à la partie supérieure.
Llle soupirait et baillait profondément; ses bras avaient re-
I couvré toute leur motilité, .sa physionomie avait repris un ca-
ractère naturel; elle reconnut plusieurs personnes qu’elle n’a-
I vait pas vues depuis longtemps et répondait assez juste atix
questions qu’on lui adressait. La température de la peau et le
pouls ne subirent aucun changement. La sensibilité cutanée avait
promptement reparu ; la langue se lirait librement. La face
' était toujours aussi pâle.
170
RAMOLLISSEMENT AIGU. (STMPT.)
Je la revis à minuit ; le pouls était un peu moins fort , les
joues un peu plus colorées. Elle fut très-calme pendant toute la
nuit, demandant souvent à boire ; elle dormit quelques heures.
Le lendemain, elle souffrait beaucoup de la tête, plus qu’hier
et que cette nuit, rapportant toujours la douleur au front et à la t
partie supérieure. Elle n’éprouvait ni faiblesse ni engourdisse-
ments dans les membres. Le pouls était moins fréquent, moins i
fort, la peau moins chaude. L’auscultation du cœur n’qffrait
rien de particulier. Une couenne jaune assez épaisse recouvrait
le sang tiré de la veine,
{Saignée de Irais pal. Emulsion avec j olap, ungram,, scam-
monée, tî'ente centigrammes .)
Il resta encore pendant quelques jours un peu de céphalalgie,
puis cette femme quitta l’infirmerie. Deux mois après, il n’avait
reparu aucun accident. Les facultés intellectuelles étaient en
aussi bon état qu’auparavant.
Je me suis efforcé de rendre aussi fidèlement que me l’ont
permis les renseignements que j’ai pu me procurer, le début des
accidents si graves dont on vient de lire la description ^ on
peut rapprocher de ce fait plusieurs observations de ramollis-
sement déjà rapportées, entre autres les observations 32 et 33,
où cette époque intéressante de la maladie a été également étu-
diée avec soin. Valadon présente les conditions les plus favo-
rables ,nu développement d'un ramollissement, c’est-à-dire une
disposition incessante à la congestion cérébrale, de la céphalal-
gie et des étourdissements.
Beaucoup d individus, qui finissent par succomber à un ra-
mollissement aigu, étaient dans un état semblable, depuis nue
époque plus ou moins éloignée; c’est ainsi que, dans l’observa-
tion x° de M. Rostan, il est question d’une femme qui, depuis
quatre ans, éprouvait, chaque année, une forte congestion céré-
brale avec perte de connaissance ; la cinquième attaque entraîna !
la mort, et l’on trouva un ramollissement aigu.
Dans les observations que je viens de rapporter, les accidents (
ont débuté rapidement, comme dans une attaque apoplecti-
forme ; dans le cas suivant, ils paraissent avoir suivi au con-
traire une marche lente et graduelle, propre à certains cas de *
CONGESTION CÉRÉBEA.EE. * • *
ramollissement, et dont nous avons donné un exemple bien ca-
ractérisé dans l’observation de Lliarniinot (obs. 13).
Observation 4g. — Affaiblissement graduel des facultés. Mort au
bout d’un mois à peu près. — Congestion sanguine considérable des
deux hémisphères cérébraux.
Une femme de soixante-deux ans , d’une énorme obésité, a
eu, à soixante ans, une attaque d’apoplexie, dans laquelle les
yeux et la langue furent particulièrement attaqués; après cette
attaque, la tête et les membres étaient douloureux et il y eut
de l’oppression.
Il y avait quinze jours qu’elle était tombée dans un affaisse-
ment général qui l’obligeait à garder le lit, lorsqu elle fut ap-
portée à la clinique interne, le 5 février 1800. Elle avait un air
he'bélé et stupide ; la face et surtout les lèvres étaient d'un
rouge violet ; la langue sèche et blanchâtre-, peu de soif. Res-
piration gênée ; poitrine sonore partout ; les battements du cœur
n’étaient pas sensibles. Le pouls était serré, irrégulier, sans fré-
quence ni lenteur. L’état soporeux, la perle presque totale du
sentiment et du mouvement , l’obesité de la malade, la firent
comparer par Corvisart à un énorme polype.
On soupçonna d’abord une affection organique du cœur; mais
un examen plus attentif fit présumer qu’il y avait une compres-
I sion de l’origine des nerfs, par un épanchement cjuelconque. ..
I Les excitants, les vésicatoires ne purent ramener la sensibilité;
j elle succomba le 26 février.
Autopsie. — Méninges gorgées de sérosité sanguinolente. En-
céphale d’une mollesse extraordinaire ; en faisant des sections
horizontales, ses parties supérieures laissaient suinter une séro-
sité sanguinolente. A mesure qu’on enlevait quelques couches ,
le sang plus pur sortait par gouttelettes ; il était d’une abon-
dance extrême clans les couches inférieures , mais il n’y avait
aucun foyer particulier dans lequel le sang fût amassé. Il n’y
avait aucun épanchement de sang ni de sérosité dans les ven-
tricules ni à la base du crâne.
L’aorte était dilatée à son origine. On apercevait quelques
points cartilagineux à sa sortie du ventricule. Tous les autres
organes, tant de la poitrine que de rabdomeu, étaient sains (I).
(IJ Leroux, Cours sur les géiéralités,,,. i. viu, p. <2f.
172
RAArOLLl.SSEMF.NT AIGU. (.SYMl>T.)
« Corvisart convint (jue c’était le premier exemple qui s’of-
raita sou observation d’une transsudation san^juine dans l’en-
cephale, sans épanchement dans un foyer. Il lui fut facile
d e.vphquer les phénomènes qui s’étaient manifestés du vivant
du sujet, par la pression exercée sur l’origine des nerfs , et le
long temps que cette transsudation, presque insensible dans le
commencement, avait mis à se produire. »
La mollesse générale du cerveau tenait sans aucun doute ,
dans ce cas, a cette transsudation sanguine que Corvisart obser-
vait pour la première fois : aussi ce fait se rapproche-t-il en
quelque chose de ceux d’œdème du cerveau. Mais cette circon-
stance tenait si évidemment à une congestion cérébrale que j’ai
cru pouvoir le ranger ici.
Les observations suivantes vont nous faire assister à des faits
d’un tout autre ordre, et caractérisés spécialement par du dé-
lire, des hallucinations.
Observation 5o. — Délire aigu accompagné d’une sécrétion re-
mai quable des muqueuses iiuccale et palpébrale. Emissions sanguines,
purgatifs, guérison.
La nommée Fay, âgée de quatre-vingts ans , est une femme
de robuste constitution, vive, active, très-méchante ; elle passe
depuis longtemps pour ne plus avoir sa tête. Depuis quelque
temps surtout, elle est devenue très difficile à vivre, et bat le*
filles chargées de la soigner.
On la fit passer à l’infirmerie le 2 novembre 1839. Le lende-
main à la visite on la trouva un peu agitée, parlant beaucoup,
disant qu’elle n’était pas malade ; il n’y avait pas de fièvie;
elle ne demandait pas à manger. Dans la journée elle se leva ,
résista quand on voulut la recoucher, frappa les filles qui l’en-
touraient : sa fureur était extrême, il fallut deux hommes pour
lui mettre la camisole de force, et ils ii’y parviment qu’avec
beaucoup de peine. Elle passa la soirée et la nuit à crier.
4. La face est rouge, animée, les yeux vivement injectés; la
peau est chaude , sui tout à la tête. Le pouls est fréquent , sans
être très-développé ; la langue est sèche; ses bords sont cou-
verts de mucosités épaisses et filantes, un peu verdâtres, cou-
vrant pareillement le voiie du palais, et remplissant une partie
de la bouche. Une grande quantité de raucosilés épaisses et
C0NG1Î5T10IV CÉnÉBUALE.
173
opnqucs sc montrent aussi aux commissures des paupières, et
se renouvellent fréquemment quand on les a essuyées. Elle
parle presque constamment, profère des injures grossières, veut
qu’on lui ôte la camisole dont elle cherclie à sc débarrasser :
elle dit ne souffrir nulle part, ne désire pas manger, mais de-
mande souvent à boire. Malgré toutes ses divagations , elle ré-
pond aux questions qu’on lui adresse, montre sa langue Il
n’y a pas eu d’évacuations. {Quarajite sangsues au col ; sina-
pismes ; lavements avec séné quinze grammes ; diète.)
Elle est un peu moins bruyante après l’application des sang-
sues : cependant on n’ose lui ôter la camisole pour lui donner
le lavement prescrit. La nuit se passe paisiblement : on retire
la camisole le matin.
5. La face est encore rouge, la parole vive etauime'e; le pouls
assez fréquent; elle demeure paisiblement couchée. Il y a
moins de mucosite's visqueuses dans la bouche ; les jeux sont
encore très-cbassieux. {Potion avec senc, huit grammes ; sulfate
de soude et miel de mercuriale, chaque seize grammes; diète.)
Selles abondantes. Un peu de bouillon le soir.
Les jours suivants la malade fut très-raisonnable. La sécrétion
muqueuse de la bouche et des paupières cessa complètement.
La semaine suivante, le délire reparut sans cause appréciable
et sous la même forme ; il fallut de nouveau attacher la malade ;
mais une application de sangsues et un purgatif firent proinp-
; tement cesser ces accidents. Une nouvelle sécrétion de la bou-
I clic, et surtout des paupières, se montra encore avec le délire,
! et disparut avec lui. La malade quitta rinfirmerie à la fin du
! mois dans son état habituel.
ÜBSF.UVAXION 5r . — Délire aigu avec hallucinations et troubles de la
parole. Emissions sanguines et purgatifs; guérison.
Legal est une femme de soixante-dix-sept ans, de peu d’em-
bonpoinl, à face babituellement peu colorée; son intelligence
est assez bien conservée pour son âge; elle n’a jamais présenté
de phénomènes analogues à ceux que nous allons décrire. Elle
se plaint depuis longtemps de. maux de letc. Elle n’a jamais eu
d’attaque île paralysie ni de perle de connaissance.
Elle fut amenée à l’mlirmerie le 8 octobre 1839. Elle se plai-
174
ramollissement aigu. ( SYMPT.)
gnait d^une céphalalgie à laquelle elle n’assignait point de siège
fixe. On ne remarqua aucune modification appréciable de l’in-
telligence ni de la physionomie. Il n’y avait pas de fièvre; les
diverses fonctions paraissaient en assez bon état. (On prescrivit
orge miel., pédil. sjnap., Idv. lax.)
Dans la soirée, elle commença à s’agiter, à parler à tort et à
travers, et le plus souvent sans se faire comprendre. Elle se leva,
il fallut l’attacher ; elle ne dormit pas de la nuit, se remua et se
plaignit constamment.
9. La physionomie est agitée. La parole offre une singulière
altération : la malade semble toujours parler ; mais ce sont des
mots qui se succèdent, quelquefois avec une sorte de volubilité,
sans qu’aucun sens les réunisse, à moins que le hasard ne pro-
duise quelques phrases bizarres ; dans d’autres instants , ce ne
sont plus des mots, mais des syllabes qu’elle marmotte comme
au hasard. Tout cela est débité d’une façon monotone et avec
une apparence de parfaite insouciance. Quand on l’interroge,
elle paraît vouloir répondre, mais dans son langage inintelli-
gible, et sans que ses gestes ni sa physionomie dénotent qu’elle
y attache aucun sens.
Il n’y a aucune trace de paralysie; la peau paraît également
sensible partout ; les yeux sont naturels , dilatation moyenne
des pupilles. Point de déviation de la face. Point de chaleur ni
de sueurs à la peau , meme à la tète. Pouls régulier, peu fré-
quent et peu développé. {Saignée de cinq pal.) Le sang n’etait
pas couenneux.
La malade est plus tranquille dans la journée-
10. Elle est assoupie. Lorsqu’on lui parle fort ou qu’on la
touche, elle entr’ouvre les yeux, mais les referme aussitôt. Elle
prononce de temps en temps un mot dépourvu de sens, et fait
entendre un murmure presque continuel , tantôt comme plain-
tif, ta#itôt comme une sorte de chant. Bâillements répétés. Elle
tourne souvent la tête et agite les bras ; les narines sont pulvé-
rulentes. Apyrexie complète. Pas de chaleur à la tête. On ne
parvient à la faire boire qu’en lui bouchant les narines. {Trente
sangsues au col-, eau de Sedlilz ; sinap.)
11. Elle est à peu près dans le même état qu hier, seulement
elle parle un peu mieux, mais elle dit encore un mot pour un
autre, et parvient rarement à en réunir deux ou trois couve-
CONGESTIOW CÉRÉBRALE.
175
nables. sangsues au col. La(\ séné, quinze grammes.)
Les deux jours suivants, il y a un mieux notable ; elle est
plus éveillée, parle un peu, divague encore légèrement. Elle dit
souvent qu’elle a mal à la tête ou à la matrice j mais il est pro-
bable qu’elle se trompe de mot. Elle a plusieurs selles ; on la
lève et on l’asseoit sur le bassin.
14. L’agitation reparaît ; la malade croit qu’un homme est
couché sous son lit; elle craint qpe son mari n’arrive dans ce
moment, et supplie avec pleurs qu’on l’en délivre. Elle voit
passer devant elle beaucoup de monde ; un singe est assis au
pied de son lit. La parole n’est nullement altérée , elle s’ex-
prime nettement et avec vivacité. Cris pendant toute la nuit.
Le lendemain, les hallucinations continuent avec le même
caractère ; elle croit avoir quelqu‘’un couché dans son lit; cris
continuels C’est surtout dans l’après midi que l’agitation re-
double ; alors la peau se couvre de sueur ; le pouls prend une
grande fréquence. {Trente sangsues au col-, gomme gulte , six
décigrammes dans un ptlep.) Pas de selles, nuit très-agitée.
16. Elle est plus tranquille, bien qu’elle n’ait pas encore re-
couvré toute sa raison. {Gomme gutle, six décigrammes.) Selles
abondantes.
17. La malade ne présente plus qu’un peu d’étonnement
dans la physionomie. Elle se plaint de la tête surtout au synci-
i put. Au bout de quelques jours, l’intelligence est redevenue
i tout à fait normale. On garde encore cette femme un mois à
I l’inûrmerie, sans observer aucun retour des accidents passés.
' On peut rapprocherdeces observations les 3®, 38“ et 39°, dans
: lesquelles on a rencontré, à la suite de semblables accidents, un
i ramollissement aigu du cerveau ; mais surtout l’observation de
; Prêtre (obs. 69), qui, sous une forme chronique, présente la plus
I grande ressemblance avec celle de Legal. Il est difiicile de pré-
i ciser avec certitude les lésions anatomiques qui ont dû exister
dans ces cas non suivis de mort ; mais il est très-probable qu’il
' s’est agi de congestions cérébrales, peut-être avec commence-
1 ment de ramollissenient, qu’un traitement énergique a enrayées
1 dans leur marche, et a empêché d’arriver à l’état que nous ont
révélé les autopsies rapportées précédemment.
176
CAMOLLISbEMliKT AIUU. (sYMPX.)
Nous avons vu plus haut, dans les observations 40 et 4l,(iue le
1 amollissement aigu s’annonçait quelquefois par des convulsions
épileptiformes. Les faits suivants vont nous montrer cette même
forme symptomatique se développant sous ^influence de sim-
ples congestions.
ÜBSEnvATioîi 5'2. — Convulsions épileplirormcs pendant vingt-quatre
heures. Mort. — Congestion encéphalique.
Un homme robuste avait éprouvé, il y a quatre ans, une at-
taque d’apoplexie, suivie d’une faiblesse à droite (coup desan, i[),
dissipée au bout de peu de jours par des évacuations sanguines.
Depuis, il avait toujours joui d’une bonne santé.
A la suite d’une marche fatigante, il tomba tout à coup sans
connaissance. {Saignée, sangsues aux tempes, 'vésicatoires aux
jambes.) Ces accidents de congestion se dissipèrent assez promp-
tement, sauf un p.u de faiblesse à droite.
Mais, huit jours après, à la suite d’une nuit calme, il fut pris
tout à coup, cà cinq heures du matin , de mouvements convul-
sifs des membres, de la face, des paupières , de la langue, avec
sueur, écoulement de la salive, respiration précipitée , face
rouge, battements énergiques des carotides. Ces accès, tout à
faitcpileptiformes,i eviennent toutes les dix minutes jusqu’à neuf
heures; on ne remarquait autre chose, dans les intervalles, que
de la difficulté à mouvoir la langue et les membres droits. {Dix
sangsues aux jugulaires, sans cesse renouvelées ; sinap. lav. purg.)
Diminution des accidents.
A trois heures du soir, les accidents reparaissent plus violents
encore, cl ils .se renouvellent jusqu’’à cinq heures du malin, où
le malade succombe dans un d’eux, juste vingt-quatre heures
après la première apparition.
Autopsie. — Injection considérable des téguments crâ-
niens, des sinus cl des méninges. Substance cerebialc liès-con-
sisiante, oflVant un pointillé rouge serré, d’où suintent des
gouitelelUs de sang. Rien dans la poitrine ni dans l’abdo-
men (1).
1 Oeservation 63. — Perle de connaissance suivie de convulsions cpi-
lepliformcs. Moi t au bout de quaranlc-liuit Iicurcs.— Congestion.
'1^ Ila&pel, Journal des ton. tnc'd. dur., l. ui, 1>« 3'.*o, t83G.
CUNGESXlü.N' CÉllÉBUALE.
,77
Un adulte de forte constitution perdit tout à coup connais-
sance j la face était bleuâtre; les pupilles dilatées, tout à fait
insensibles, la respiration pénible. Deux saignées furent prati-
quées : après la seconde, il survint des inouveinents convulsils
épileptiformes qui se répétaient fréquemment; dans les inter-
valles, abattement, hébétude complète. [Sinnpisincs, 'vésica-
toires aux mollets.) La mort survint au bout de quarante-huit
heures, précédée des mêmes accidents.
Jutopsic. — Sinus gorgés de sang ; pie-mère très-injectée j
pulpe cérébrale gorgée de sang qui s’écoule par un grand nom-
bre de gouttelettes. Très-peu de sérosité dans les ventri-
cules (1).
OusERVATioM 54. — Accès épileptifornics.
La nommée Besançon, cordonnière , âgée de soixante-dix-
neuf ans, se plaint habituellement de maux de tête et d’étour-
dissements : du reste, ses facultés et ses forces sont bien conser-
vées pour son âge.
Le 28 mai 1839, elle fut prise dans la journée de mouvements
involontaires du pouce et de l’indicateur de la main gauche. Le
lendemain matin, a cinq heures c-t demie, elle se leva {)Our uri-
ner, et rendit, à ce que l’on rapporte, des urines très-claires et
mousseuses, en grande quantité.
A six heures, elle fut prise tout à coup d’une attaque comme
d épilepsie : elle devint irès-rouge ; il y avait des mouvements
convulsifs des deux côtés du corps, mais surtout dans le bras
gauche et du coté gauche de la face. Les deux paupières étaient
également convulsées ; le globe de l’œil ne l’était pas. Elle ren-
dait une grande quantité de mucosités par la bouche et par le
nez. Elle ne poussa aucun cri ; elle essayait de parier, mais ne
faisait entendre que des sons confus et inintelligibles; cepen-
dant elle put au commencement indiquer par signes ce qu’elle
avait éprouvé la veille à la main gauche. Il n’y eut point d’é-
yacuations involontaires. La langue, qu’elle lirait aisément ,
étau notablement déviée à gauche.' Les pupilles se contractaient
et ne paraissaient ni resserrées ni tlilatécs. Les convulsions se
(I) llaspcl, cod, toc.
178 RA.MOLLISSEMJÎNÏ MGU. (SYMl* X .)
prolongèrent d’une à deux lieures. {Trente sangsues furent ap-
pliquées derrière les oreilles.)
A dix heures, il n’y avait plus de mouvements convulsifs ; les
membres gauches étaient complètement paralysés du sentiment
et du mouvement, sans raideur ; rien de semblable à droite.
La face était très-rouge, couverte de sueur, la malade couchée
sur le dos, l’air hébété, la bouche un peu déviée à droite , la
langue déviée à gauche. La paupière gauche ne peut se fermei
complètement. La vue n’est point abolie , car les paupières s a-
baissent quand on approche la main des yeux ; elle tire la
langue quand on le lui demande , mais ne répond à aucune
question. Elle essaie de parler , et répète à tous moments : A
boire, j’ai soif. Le pouls est à 80, plein et legulier.
A onze heures, la physionomie était presque naturelle, la
malade put me donner des renseignements précis sur le début
des accidents ; elle se plaignait de la tête. Les membres gauches
étaient dans le même état. Mais à trois heures, ils avaient com-
plètement recouvré le mouvement et le sentiment. Le soir, la
malade dormait profondément. Le lendemain , elle ne conser-
vait plus de traces de ces accidents.
Elle revint à rinfirmerie au mois de juillet , pour de sem-
blables phénomènes -, ils se dissipèrent aussi rapidement à la
suite d’une forte saignée et d’une application de sangsues au
col.
Cette femme n’éprouve de semblables accidents que depuis
peu d’années; ils se reproduisent trois ou quatre fois par an.
Dans les intervalles, elle souffre beaucoup de la tête , surtout
du côté gauche. Elle éprouve là comme le bruit d’une fontaine
qui coule. Du reste , elle ne ressent aucun trouble de l’intelli-
gence ni des mouvements; elle s’occupe habituellement a faiie
des souliers, et marche sans se servir de canne.
SU.
Si toutes les formes symptomatiques que présente le i amol-
lissement aigu se rencontrent également dans la congestion cé-
rébrale, il n’est pas moins certain quelles se montrent aussi
dans les encéphalites traumatiques , dans les suppurations du
cerveau, dans les ramollissements qui se développent à l’entour
des tumeurs du cerveau et des méninges, c’est-à-dire dans des
KNCÉPHALlTJi.
171)
Ipsions dont la iialure inllnimnatoire n’a jamais pu être l’objet
d’aucun doute. La chose est trop évidente pour le dé.lii e, les con-
vulsions toniques ou cloniques , les accès épileptiformes^ pour
que j’aie besoin de citer des faits de ce genre : il suffit de par-
courir les ouvrages de M. Bouillaud, de M. Lallemand, les
traités de chirurgie, pour en rencontrer de nouveaux exemples.
Nous avons vu que le ramollissement débutait quelquefois
encore par une attaque d’apoplexie, tout à fait semblable à celles
que détermine l’hémorrhagie cérébrale ou la forme de conges-
tion cérébrale appelée coup de sang. On trouvera facilement ,
en remontant aux sources que fj’indicjuais tout à l’heure, des
exemples d’encéphalilcs suivant une marche semblable ; mais
comme M. Rostan prétend quelque part (1) que la diminution
de la contractilité, de la sensibilité, la paralysie , l’inertie de
de l’intelligence, «indiquent une altération d’une nature tout
opposée à l’inflammation, » je vais rapporter des exemples
d’encéphalite suppurante ayant débuté par des attaques d’apo-
plexie toutes semblables à celles qui forment si souvent le
début du ramollissement.
A. Lfne femme de trente-neuf ans ayant éprouvé un retard
dans ses règles, ressentit de la céphalalgie , puis le 25 octobre
fut prise spontanément d’hémiplégie à gauche. Ou lui donna
! un émétique ; quelque temps après elle perdit la parole. Le
lendemain 26, elle était sans connaissance. Elle fut amenée
1 dans cet état à l’Hôtel-Dieu le 28 : face un peu animée ; con-
I jonclives injectées; pupilles immobiles, un peu contractiles;
bouche déviée à droite ; paralysie des membres du côté gauche;
rigidité des extrémités des deux cotes ; sensibilité conservée ;
■ pouls résistant ; respiration bruyante. Mort dans la nuit.
y4utopsÎ6. — — Suppuration de la pte-mere, sur la convexité
i des deux hémisphères. Dans l’hémisphère droit, à cinq lignes
1 de profondeur et à un pouce dé son bord interne, .deux foyers
1 contenant un pus grisâtre. Ces deux foyers , après avoir été
! abstergés, prcsenlèrent un grand nombre de petits points rou-
ges ^ ce n était nullement ce qu on appelle le cerveau sablé de
sang, mais une rougeur générale de toute la surface de la pulpe
(I) Kusla», Recherches...., f>. ttiü.
\
1Î50 KAMOLLlSSliMENT AIGU,
en suppuration. Ce phénomène n’avait lieu que dans les foyers,
el non dans les autres points en suppuration (1).
B. Un homme âgé de 42 ans, pendant la lecture d une lettre
qui lui donnait de mauvaises nouvelles , demeura tout à coup
immobile, comme stupide, la face se dévia à droite ; deux jours
après il y avait une hémiplégie gauche complète. Cet homme
demeura dans cet état pendant trois mois. On n’a jamais noté
ni contracture ni convulsions ; seulement la noix vomique, que
l’on essaya à deux reprises différentes, donna lieu à des halluci-
nations el à un peu de délire passager. L’usage delà liqueur de
Van Swiéten commençait cependant à déterminer une améliora-
tion notable , à diminuer Vidiotisme et la paralysie, quand tout
à coup il tomba dans un coma complet avec sterlor , et mourut
trois jours après.
A l’autopsie en trouva de la sérosité trouble dans le ventri-
cule latéral droit ; rhéinisphère droit était affaissé , et conte-
nait plusieurs foyers purulents à parois grisâtres, enduites d une
bouillie purulente, communiquant entre eux (2).
C. Un homme de 55 ans , de bomie santé, éprouve tout à
coup, le 6 avril, un étourdissement considérable, tombe à terre
et reste un quart d’heure sans connaissance. Use relève ensuite
ayant tout le côté gauche faible et engourdi , la parole et les
facultés intactes. Trois jours après, nouvelle attaque plus forte,
précédée de vertiges et de céphalalgie. U perd connaissance
pendant une demi-heure, et ne peut plus remuer le côté gauche.
Le soir, déviation de la bouche , face rouge, gaite exallee... le
mouvement reparaît un peu et revient de plus en plus les jours
suivants. Le 22 avril, troisième attaque plus forte, perte de con-
naissance plus longue , suivie d’une paralysie complète et per-
sistante à gauche, déviation de la bouche et de la langue a
droite. Il survient les jours suivans de l’agitation, des douleurs
dans les membres paralysés, surtout dans les art.culaüons , sans
que la moindre motilité y reparaisse. Mort le l5 mai.
On trouve une congestion sanguine des méninges et dans
l’hémisphère droit, deux foyers pleins de pus semblable a celui
d’un phlegmon (3).
,, mciynasics rl.oni./nes, qualncme ciU , l. u, p. -lOJ.
(7.) L' iü ix, Cours sur ks ^i^cnvrulitcs.-; l- vm, p- -im.
181
EVCliPHALlTE.
D. M. Casimir Broussais a communiqué à l’acatlcmie de
médecine (séance du l'-- septembre 1840), l’observation d’un
militaire qui, entré dans le service qu’il dirige, pour une affec-
tion légère, fut pris tout à coup d’une hémiplégie droite , avec
prostration des plus marquées. La paralysie se transfoima , au
bout de quelques jours, en une contraction qui revenait par
intervalles. On observa aussi pendant la nuit des contractions
épileptiformes. Cet état dura une quinzaine de jours ; puis ,
après quelques jours d’une anielioi’ation apparente , il tomba
dans le coma et mourut.
A l’autopsie, on trouva dans la cavité 'de l’araclinoide, de la
sérosité verdâtre en très-grande quantité et des adhérences; un
vaste abcès occupait toute la superficie de 1 hémisphère céré-
bral droit ; on ne trouva à gauche qu’un petit abcès également
à la surface de l’hémisphère (1).
La méningite peut encore, dans quelques cas , suivre une
marche analogue à celle que nous ont présentée les observations
précédentes.
E. Une femme âgée de soixante-quatre ans avait eu une atta-
que d’apoplexie neuf ans auparavant. Le 25 février 1820, elle
éprouva un étourdissement en se levant, un matin , et tomba ,
sans perdre connaissance, hémiplégique [du côté gauche. Il y
avait de la fièvre, de la céphalalgie, les excrétions étaient invo-
lontaires. Le 23 février, les symptômes prirent un caractère
nouveau de gravité, et elle succomba le 27.
On trouva le feuillet pariétal de l’arachnoïde des deux côtés ,
mais surtout à droite, tapissé d’une couche albumineuse purm-
lente. Il n’y avait autre chose dans le cerveau que les traces de
l’ancienne attaque d’apoplexie (2).
F. Une femme de quarante ans commençait à se lever , trois
mois après une amputation de la jambe, lorsqu’il se déclara
une affection de l’espèce des apoplexies. La diminution du sen-
timent et du mouvement dans le côté droit du corps était
jointe à du délire et à des convulsions. Ces accidents empor-
tèrent bientôt la malade.
On trouva beaucoup de pus stagnant dans le ventricule
(t) Archives gén. de med., octobre \ 840.
(2) Rostan, Recherches,, . , p. 316.
182 RAMOLLISSEMENT AIGU. (SYMPT.)
gauche du cerveau, sans aucune lésion dans ce viscère lui-
incme (1).
Dans l’observation suivante, nous verrons qu’une induration
du cerveau, consécutive à un ramollissement, n’avait jamais
donné lieu qu’à une paralysie d’un membre, survenue subite-
ment. Je cite ce fait parce que la présence d’une induration éta-
blit à elle seule de fortes présomptions en faveur de la nature
inflammatoire de la maladie,
G. Une jeune femme, entrée depuis longtemps à l’Hôtel-Dieu
pour un catarrhe chronique, était convalescente decelte maladie :
elle nous appelle un jour, et nous dit que son bras gauche venait
d’être paralysé : la bouche et la langue n’étaient point deviées^
son in lelligence était parfaitement conservée ; elle n’avaitrien pré-
senté qui eût pu faire prévoir cette nouvelle affection ; elle était
bien portante la veille, et n’avait point éprouve de douleui's de
tête. Il y avait l’ésolution complète du membre : nous pensons
à un ramollissement. Cette femme se rétablit peu à peu , et au
bout de cinq mois, il restait à peine quelques traces de ces acci-
dents. A quelque temps de là , elle succombe à des accidents
thoraciques.
On trouve un ramollissement cremeux du corps strie , séparé
du reste du cerveau par de la substance cérébrale indurée , au
milieu de laquelle il était logé comme un séquestre (2).
J’ai rapporté tous ces faits pour faire voir que la paralysie ,
l’anéantissement des facultés de l’intelligence, 1 apoplexie, etc.,
pouvaient très-bien appartenir a des affections inflammatoiies
de l’encéphale.
CHAPITRE V.
DIAGNOSTIC DU RAMOLLISSEMENT AIGU.
Ces divers groupes symptomatiques que forment les lésions
des fonctions cérébrales peuvent s’observer sous les mêmes ap-
parences, dans une foule de maladies diflérentes de l encéphale.
Nous allons prendre successivement les diverses forines que
nous a présentées le ramollissement aigu, et chercher s’il nous
(t) Morgagni, LcUre Ve, n“ 4.
(2) Trou.s.seati, Guzellc de» hôpitaux, 2 février 184t.
183
DUGISOSTIC.
sera passible d’établir quelques caractères à l’aide desquels
nous puissions toujours reconnaître cette
Nom tâche serait facile si , comme l’a prétendu M. Tanque
rel des Planches, il était vrai que « les alterations primitives du
cerveau ne donnent en général naissance qn’à un certain nombre
de phénomènes bien déterminés;, s il nous était permis
douW avec cette observateur distingué, mais qui u _a peut-être
pas assez éludié les maladies cérébrales, . que la memealteia-
tiou anatomique puisse donner tour à tour, d un monwiit a
l’autre, naissance à l’exaltation, puis à l’abolition du sentiment,
du mouvement... (^)* « -o’ i
Nous ne pouvons malheureusement que repeter avec Pinel :
« Que ne reste-t-il pas encore à rassembler pour établir une sorte
de correspondance entre Thistoire des symptômes et des lésions
particulières de l’organe encéphalique (2)! » Au bout de qua-
rante ans, la science accuse encore les mêmes difficultés , et les
progrès en anatomie pathologique n’ont presque servi qu a les
accroître, en étendant le cadre des lésions primitives du cerveau,
sans ajouter à proportion,à l’histoire séméiologique de cet organe.
§1".
La forme la plus caractéristique du ramollissement est celle
dans laquelle cette maladie débute par une altération graduelle
du mouvement et de l’intelligence, accompagnée de troubles de
la sensibilité , tels que céphalalgie, engourdissements et sensa-
tions diverses dans les membres... surtout lorsque quelques-
uns de ces phénomènes sont bornes a un coté du corps.
S’il est vrai que le ramollissement cérébral commence par
une congestion, il semble qu’il n’y ait pas de diagnostic à éta-
blir entre cette dernière et le ramollissement à son début ; et en
effet nous avons montré tout à l’heure que toutes les formel
de ramollissement se montraient également dans la simple
congestion, et réciproquement. C’est généralement la prolon-
gation des accidents, et surtont la persistance de leur gravité ,
qui annonce qu’à la congestion simple a succédé un travail in-
flammatoire. On a dit , et j’ai cru longtemps que la prédomi-
nence des symptômee d’un côté du corps était un signe propre
à faire distinguer le ramollissement, de la congestion; mais
(t) Tanquerel des Planches, Traité des maladies de plomb, t.n, p. 388
(2) Pinel, Nosographie philosophique, 4802, U ii, p. 486.
(84
HAMOLLlSSKMEÎiï AIGU. (SYMPT.)
nous avons déjà vu que cette circonstance n’avait pas une
grande valeur dans les cas où la maladie débute brusquement
pai une attaque apoplectique. .Te lui en attribue davantage
lorsque les accidents se développent graduellement : en effet, il
est fort rare qu’ alors, s’ils se sont montrés dans les deux moitiés
du coips, on trouve autre chose à l’autopsie qu’une congestion
sanguine du cerveau ou un épanchement séreux des méninges.
Quant a 1 hémorrhagie 'cérébrale, rien n’est plus rare que de
voir les symptômes qu elle détermine suivre une mai che gra-
duelle et progressive. Lorsque l’hémorrhagie ne s’accomplit pas
tout entière du premier coup, c’est toujours par secousses
brusques que s opèrent ses progrès : aussi je regarde comme
complètement erronée l’opinion du docteur Copland qui, dans
sa classification de l’apoplexie , avance que dans l’apoplexie
graduelle {the graduallj increasing or ingravescent apoplexf),
ou trouve toujours une hémorrhagie (1). D’un autre coté cet
auteur rapporte presque exclusivement au ramollissement, la
lorme d apoplexie commençant par la paralysie , et après une
période indéfinie , se terminant par une attaque d'apoplexie com-
plète, forme bien souvent observée dans les hémorrhagies qui
n ont pas dès le principe atteint toute leur gravité. Abercrom-
bie en particulier rapporte un certain nombre d’observations de
ce genre, et en a fait sa seconde espèce d’apoplexie (2)>
L’hémorrhagie de l’arachnoïde suit quelquefois une marche
tout à fait semblable à la forme de ramolli.ssement dont nous
nous occupons maintenant. «Rien ne ressemble plus à cette
maladie, dit M, Rostan, que le ramollissement : même marche
graduelle, identité des symptômes. Lessignes précurseurs man-
quent, eu effet, ?nais cela arrire souvent dans le ramollisse-
ment (3).» Il faut se garder de généraliser cette assertion comme
le fait ce professeur, car une marche graduelle n’est pas celle que
suivent le plus habituellement le ramollissement aigu ni Thé-
morrhagie méningée; et d’ailleurs les trois observations d’hé-
morrhagie méningée rapportées par 1\T. Rostan lui-même dans
son livre sur le ramollissement, ont présenté précisément une
marche tout opposée (4).
(1) Copland, Diction, on prnet. nied., I. i, p. 82.
(2) Abercromhle, Lraduclioa dlcc, p. 322.
(3) Itoslan, loc. cit., p. 397.
1^4) OJ)ser\ al, ions xc, xi:i cl xenj
diagnostic.
18Ô
Cependant les deux observations d’hcmorrhagie de l’ara-
clinoide de M. Andral (1), nous fournissent de semblables
exemples ; mais le plus frappant est celui dont M. Longet a
fait le sujet desa ibèse: il s’agit, en effet, d’un homme de cinquante
sept ans, chez lequel, à la suite de symptômes de congestion céré-
brale , il survint progressivement de l’afFolblissement puis une
hémiplégie complète du côté droit, et en même temps une abo-
lition graduelle des facultés de l’intelligence (2). J’avoue cjue
dans les cas de ce genre , il me paraît à peu près impossible
d’éviter une erreur : ils se rencontrent rarement du reste, car
l’hémorrhagie méningée, qui n’est pas elle-même une altéra-
tion fréquente, suit habituellement une marche toute différente.
Sur vingt-quatre exemples d’hémorrhagie de l’arachnoïde que
j’ai rassemblés , je n’en ai trouvé que cinq qui fussent dans ce
cas (3).
§ II.
Dans un très grand nombre de cas, le ramollissement débute
par un anéantissement plus ou moins général , plus ou moins
complet des facultés, par une attaque d’apoplexie.
Cette forme symptomatique est très commune dans les ma-
ladies aiguës de l’encéphale : sans parler de la congestion céré-
brale , où elle porte le nom de coup de sang , de l’hémorrhagie
qui en est le type , elle se rencontre encore souvent dans l’hé-
morrhagie méningée (4) , dans l’infiltration sanguine non-in-
flammatoire du cerveau (5) , dans les épanchemens séreux (6) et
(1) Andral, loc. cil., 1. v, obs. ni et iv.
(2) Longet, Thèses de Paris, 1835, n, 94.
(3) Les deux observations de la clinique de M. Andral, celle de M.Longet,
une rapporte’e par M. E. Boudet dans son mémoire sur l'hemorrbagie des mé-
ninges, et un cinquième cas présente' par ce dernier à la Société anatomique.
(4) Lancette Jrançaise, 8 janvier 1831, Observation recueillie dans le ser-
vice de M. Breschet. — Maneskas, Gazette mèd., 6 janvier 1836. — Ilostan,
Tech, sur levain., obs. xcu — E. Boudet , Mémoire sur Fhdmorrhasie des
méninges, 1839, p. S3, etc.
(5) Diday, Gazette méd.,11 avril 1837. — Abercrombic. irud. citée,
p. 112, obs. XXVII Burand-Fardcl, Thèses de Paris, 1840, n. 261, etc.
(0) Andral, Cliniffuc méd., t. v, obs. xxii cl xxin de méningite. —Bou-
vier, Bulletin de l’Académie de médecine , séance du 23 mai 1838. — Ro-
olioux, Traité de F apoplexie, US» ob.s. — Morgagni, Ep. iv, n. 7, etc.
186 IUMOLLISSEMENT AIGU. (SYMPT.)
même, bien que beaucoup plus rarement , dans la méningite
purulente (1). Je ne m’arrêterai point ici à chacun de ces cas :
il me suffit de les avoir indiques, car c est surtout a 1 histoire de
l’hémorrhagie cérébrale qu’appartient leur rapprochemeut. Je
me contenterai d’entrer dans quelques developpemens a propos
du diagnostic de celte dernière et du ramollissement.
L’étude comparative que nous allons entreprendie de ces
deux affections doit porter et sur leur marche considérée en
général , et sur quelques faits de détails , pris parmi leurs phé-
nomènes les plus saillants.
Le ramollissement cérébral suit dans un grand nombre de
cas une marche absolument semblable à celle qui caractérise
l’apoplexie , dont le type a depuis si long-temps été popularisé
par les auteurs classiques.
Ce fait déjà bien connu depuis plusieurs années (M. Rochoux
est, je crois, un des premiers qui l’aient signalé (2), et dont je
pense seulement avoir mieux démontré la fréquence, se peut
aisément expliquer.
Nous savons que les symptômes du début du ramollissement
sont dus à la congestion qui le précède nécessairement : par
conséquent ils doivent être, et nous avons démontré qu’ils sont,
en effet, tout-à-fait semblables à ceux de la congestion ceij-
brale elle-même. Or, on sait également qu’il est une forme de
la congestion qui simule parfaitement une hémorrhagie, et nous
avons fait voir que l’on ne pouvait attribuer à la presence ou à
l’absence d’hémiplégie, l’importance qu’y ont attachée quelques
personnes, pour la distinction de ces deux affections.
Cette identité d’expression symptomatique tient a la com^es-
sion également exercée sur la substance cérébrale par un afflux
de sang considérable, que ce dernier demeure dans 1 intérieur
des vaisseaux ou qu’il s’épanche en foyer dans la pulpe ceie-
brale; car il n’est pas nécessaire, pour qu il se produise des
phénomènes de compression, de la paralvsie et une paralysie
partielle, que la substance cérébrale soit elle-menie interessee ,
comme l’avait prétendu M. Serres (3). Je n en veux d autre
M)Roslaa, /oc. c/^.., obs. lxvu- - P\ne\, Nosographie philos., U -,
page 189, deuxième édition. — Morgagni, Lettre V“, n.
(2) V. A. Rochoux, Thèses de Parts, 1812, n. 76.
(3) Serres, Annuaire niddico-chirurgical des hôpitaux, 181 .
DIAGNOSTIC.
187
preuve, entre tant d’exemples divers, que les faits d’hémorrha-
gie de l’arachnoïde accompagnés d’hémiplégie (1).
Lamarche subséquente du ramollissement et de 1 hemoiiha-
gie nous fournira t-elle des données plus propres à éclairer le
diagnostic?
« Dans un certain nombre de cas, dit M. Cruveilhier, 1 inva-
sion des diverses espèces de ramollissement (2) est tout aussi
subite que l’invasion de l’apoplexie avec foyer, et les symptô-
mes assez peu dissemblables pour qu’il y ait doute depuis le
premier moment de l’apparition de la maladie jusqu a sa ter-
minaison (3) ».
A priori, l’on a établi que le ramollissement devait se distin-
guer de l’hémorrhagie à ceci, que, dans cette dernière, les
symptômes acquéraient dès le principe, leur maximum d inten-
sité, tandis que, dans le ramollissemei.*t, ils n’y arrivaient que
par degrés. Cette loi, vraie pour un certain nombre de cas seu-
lement, rappelle celle quel. L. Petit avait posée, mais plus
heureusement, pour le diagnostic de la commotion et de la com-
pression du cerveau, à la suite des plaies de tête.
Mais, nous l’avons déjà dit, lorsqu’une congestion générale
s’est faite brusquement, et qu’un ramollissement partiel se
forme, tandis que le malade est encore sous le coup de cette
congestion , tantôt la mort arrive avant que cette dernière soit
dissipée, et les symptômes propres au ramollissement auront
été masqués par elle ; tantôt la mort surviendra plus tard, et
aux symptômes généraux de la congestion succéderont les
symptômes partiels du ramollissement; et, dans ce dernier cas
surtout, on croira à l’existence d’une hémorrhagie, que cette
diminution successive des accidents aura parfaitement si-
mulée (4).
(1) Morgagni, Lettre II», ù. 17. — Lancette française , 8 janvier 1831 ,
service de M. Breschct. — Roslan , Recherches.,., obs, xc. — Mémoire de
M. E. BouJet, p. 47, etc.
(2) C’esl-à-dire le rutnollissemenl blanc el le ramollissement rouge que
ce professeur étudie séparément.
(3) Cruveilhier, Mnatomie pathologique, 33« livraison.
(4) Il n’csl pas nécessaire que la congestion soit générale pour que les cho-
ses se passent ainsi. Une congestion partielle, lorscpi’elle e.st considérable et
s’accompagne de tuméfaction , peut, par suite de cette dernière, déterminer
188
RAMOLLISSEMENT AIGU. (SYMPT.)
On a attaché une grande importance aux pliénoinènes pré-
curseurs dans le ramollissement, et c’cst spécialement sur leur
absence ou leur présence qu’a été fondé le diagnostic différen-
tiel de riiémorrhagie et du ramollissement. J’ai déjà ti-aité cette
question avec détail, et j’ai insisté sur la distinction qu’il fallait
faire des symptômes précurseurs proprement dits, et de ceux
bien autrement caractéristiques qui appartiennent au début de
la maladie (1). L’erreur dans laquelle on est tombé à ce sujet
vient de ce que l’on a surtout euvisagé des cas où le ramollisse-
ment, suivant dès le principe une marche chronique, progres-
sive, n’avait acquis que peu à peu les cai’actères qui sont pro-
pres à cette maladie : de sorte que, au moment où l’on voyait
apparaître ces derniers, on prenait pour des prodromes, pour
des phénomènes précui’seurs, ce qui n’était que le premier de-
gré, que la période première de la maladie elle-même.
Quant au ramollissement aigu, il en est autrement, comme
nous l’avons vu, dans le plus grand nombre des cas, et je ne
suis pas éloigné de croire que la règle établie pourrait être re-
tournée, et que les prodromes se montrent plus souvent avant
l’hémoriAiagie ; cependant je n’avance ceci qu’avec réserve, car
c’est précisément un des points que les observations eclairent le
plus difficilement.
Notons d’abord que, dans ces deux cas, les prodromes n’ont
généralement pas de caractère spécial, et qu’ils consislent sim-
plement en des signes de congestion cérébrale se montrant plus
ou moins graves et à des espaces plus ou moins rapprochés,
mais toujours passagers. Or, nous avons vu que le ramollisse-
ment aigu, dans sa forme apoplectique , avait essentiellement
un caractère d’instantanéité , puisqu’il se développait consécu-
tivement à une congestion, et que l’instantanéité est elle— même
un des caractères de la congestion aiguë. Dans les autres formes,
le ramollissement, s’il n’offre plus cette brusquerie dans son dé-
veloppement, suit au moins une marche analogue à celle des
une compression à peu près ge'ne'rale. Mais celte tuméfaciion ne persiste Ja
mais que pendant un certain temps, quelquefois fort court, au bout duquel,
si la mort n’arrive pas, on verra, comme dans le cas précédent, aux symp-
tômes généraux de la compression succéder les symptômes partiels du ra-
mollissement.
(1) Voyez chap. lH, art. II, § 1. •
BlAGMÜSXIC.
189
maladies aiguës dans les autres organes. L’existence de pro-
dromes semble donc bien plutôt étrangère au caractère de cette
affection que nécessaire à son développement.
Voici seulement ce que l’on peut observei ;
Il est certain qu’une congestion au cerveau prédispose a d au-
tres congestions, et qu’un individu, âge surtout, étant donné
atteint d’une congestion cérébrale (développée toutefois hors de
toute cause externe), il y aura toute probabilité pour qu il ait
eu déjà, ou qu’il ait plus tard d’autres congestions cérébrales.
Ceci me paraît un fait incontestable.
Or, comme une première congestion n’est pas toujours assez
intense pour donner lieu à un ramollissement, il arrivera fort
souvent qu’un individu affecté de ramollissement ait éprouve
déjà une ou plusieurs atteintes de congestion cérébrale.
Mais ce ne solit pas là réellement des prodromes de ramol-
lissement.
En effet, voyons comment les choses se passent dans l’hémor-
rhagie. De deux choses Lune, ou l’hémorrhagie cérébrale recon-
naît pour cause essentielle une altération primitive et molécu-
laire de la pulpe cérébrale, ou elle se développe dans un tissu
tout à fait sain, et, dans ce dernier cas, la congestion est assu-
rément son élément essentiel. Eh bieni dans ces deux cas, je
dis qu’il y a au moins autant de raisons pour que des prodro-
mes précèdent Linvasion de la maladie que dans le ramollis-
sement.
Car s’il y a une altération primitive, hémorrhagipare, quelle
que soit sa nature, quelque progressif que puisse être son déve-
loppement, il se fera rarement sans que quelques signes, légers
au moins, témoignent de son existence. D’une autre part, si
une altération semblable ne préexiste pas, il est probable que ce
ne sera guère qu’après plusieurs atteintes répétées, qu’une con-
gestion deviendra capable de -surmonter la résistance des vais-
seaux et du tissu cérébral, et de les déchirer dans un effort hé-
morrhagique.
Or, ceci est parfaitement d’accord avec les faits. « Il est rare,
ditM. Gendrin, que les hémorrhagies encéphaliques se mani-
festent sans avoir été précédées de prodromes. L’assertion con-
traire vient de ce que l’on s’est trop exclusivement arrêté aux
faits rcctieidis dans les hôpitaux, sur une classe de personnes
190
ramollissement aigu (svmpt.)
habituées à négliger beaucoup de symptômes, dedéiangemeuts
de sauté et à en mal rendre compte (l) ».La plupart des auti urs
se sont étendus avec complaisance sur les divers prodromes de
l’apoplexie, et M. Rochoux est presque le seul qui refuse de les
admettre, comme le cas le plus ordinaire. ♦
D’ailleurs, cette influence de congestions antérieures sur la
production de l’hémorrhagie cérébrale, démontrée par l’obser-
vation directe, est encore prouvée par une foule de faits pris
dans l’histoire de cette maladie : ainsi sa fréquence chez les
ivrognes, sa rareté à la suite des lésions traumatiques de la tête,
son absence presque absolue chez les petits enfants , tandis
qu’elle est si commune dans un âge avancé, etc.
Maintenant, que l’on consulté les observations de ramollisse -
ment aigu de M. Rostan et les nôtres, et l’on verra qu’il en est
un bon nombre dans lesquelles l’absence de tout prodrome ne
saurait faire le sujet d’aucun doute.
Quant à l’attaque elle-même, elle est ordinairement tout à fait
subite:cependant jel’ai vue plus souvent dans rhémorrhagie que
dans le ramollissement, précédée de malaises, de signes légers de
congestion, quelques heures avant le début. Ces signes, précur-
seurs de l’hémorrhagie cérébrale, ne représentent-ils pas le mo-
limen hémorrhagique des auteurs?
Si, dans la forme du ramollissement, franchement apoplecti-
que, à laquelle nous faisons allusion, la marche de la maladie
peut être absolument semblable à celle de l’hémorrhagie; si,
dans ces deux affections, le début peut être également sidiit,
précédé ou non de prodromes immédiats ou de signes précur-
seurs éloignés ; si, dans toutes deux également, après une inva-
sion rapide et comme foudroyante, les symptômes peuvent su-
bir une certaine rémission, ou, au contraire, conserver leur
gravité jusqu’à une mort prochaine, chercherons-nous, dans
chacun de ces derniers en particulier, des données qui puissent
nous éclairer plus sûrement dans ce diagnostic? Reprendrons-
nous successivement chacun des phénomènes séméiologiques
que nous venons d’éludier tout à l’heure , pour les comparer
aux phénomènes analogues observés dan-s l hémorrhagie ? No^i,
sans doute : car les diverses nuances et les combinaisons variées
tt) Gcndrin, Traité philos, c/c mc'd. pral., l. P* 3/8.
/
DIAGNOSTIC.
19J
des symptômes qui les peuvent accompagner, présentent à la fois
tant de ressemblances dans les deux maladies, tant de variétés
chez chaque individu, que je n’hésite pas à avancer que leur
comparaison ne saurait nous fournir aucune ressource pour
éclairer ce diagnostic.
Exceptons-en toutefois les mouvements convulsifs qui sur-
viendraient à la suite d’une attaque apoplectiforme : mais si
c’était à une époque un peu éloignée du début, ils pourraient
tenir au développement d’un ramollissement consécutif, à l’en-
tour d’un foyer hémorrhagique.
Il faut l’avouer avec regret, les règles que, sur la foi de quel-
ques auteurs modernes, on avait admises pour le diagnostic du
ramollissement et de l’hémorrhagie, sont la plupart imagi-
naires, ou au moins ne sauraient trouver leur application dans
le plus grand nombre des cas. Les faits se multiplient chaque
jour pour démontrer qu’au lieu de s’efforcer inutilement de
se'parer des formes symptomatiques en tout point identiques, il
valait mieux remonter à leur point de départ, admettre fran •
chement leur identité pour en étudier la raison, et chercher si
si l’on serait plus heureux sur le terrain de la pathogénie que
sur celui du diagnostic : c’est ce que j’ai tenté en démontrant
que les symptômes du début du ramollissement appartenaient à
la congestion, c’est-à-dire à une affection qui peut simuler par-
j faitement une hémorrhagie , par suite de la compression
I qu’exerce indifféremment le sang, qu’il s’amasse au dedans ou
au dehors des vaisseaux.
I II se rencontre bien certaines circonstances qui sont plus par-
I ticulières à quelqu’une des deux affections que nous cherchons
I à comparer; mais ou elles n’ont point de valeur absolue, ou
I elles sont d’une observation difficile et se rencontrent rarement.
I Ainsi il est certain que la conservation de la connaissance avec
i une hémiplégie subite et complète est une présomption en fa-
I veur du ramollissement, mais une présomption seulement, car
il ne serait pas exact de dire avec M. Trousseau que « la con-
servation de l’intelligence , au moment de l’attaque , exclut
toute idée de congestion ou d’hémorihagie (1) La onzième ob-
servation de M. Andral et la vingt-cinquième de M. Rochoux
I (1) Gazelle des hôpilaux, 2 février 1 84 1 .
192 tlAiMOLLlSSEMENT AIGU. (SYMPl. )
fournissent des exemples d’hémonliagie cérébrale avec conser
vation de l’intelligence au début des accidents.
Quelquefois, dans le commencement d’un attaque d’apo-
plexie intense, avecliémiplégie, on voit survenir de petits mou-
vements ou même un mouvement unique dans un des membres
qui venaient d’offrir l’apparence d’une paralysie complète; je
crois que l’on peut alors diagnostiquer un ramollissement, car] ai
rencontré plusieurs fois cette circonstance dans ce dernier, et je
ne pense pas quelle ait jamais été observée dans l’iiémonbagic ;
ce qui s’explique par ce fait, que la compression exeicee pai
l’épanchement de l’bémorrbagie est plus complète et plus irré-
missible que celle produite par la congestion du ramollisse-
ment.
M. Cruveilliier a fait une observation analogue. « Dans le ra.
inollissement, dit-il, en énumérant les circonstances qui peuvent
servir à le distinguer de l’hémorrhagie, les symptômes présen-
tent des oscillations. Le matin, vous croyez le malade complète- •
ment paralysé d'un membre, le soir, il le remue (1) ». Mais ill
s’en faut que cela s’observe fréquemment.
Nous avons vu précédemment que l’on ne pouvait tirer au--
cun parti de l’état des pupilles, pour le diagnostic qui nous oc-
cupe (2). . ,
L’état de la sensibilité cutanée pourra-t-il nous offrir quel-
ques lumières? Suivant M. Récainier, cité par le rédacteur dui
Journal des comiaissances médico-chirurgicales, « il y aurait or-
dinairement ramollissement, quand il y aurait resolution com-
nlète du membre et perte subite de la motilité, sans diminu-
tion et même avec exaltation de la sensibilité^ dans la partie pri-,-
vée de mouvement, sans altération notable de 1 intelligence , il
y aurait liéinorrbagie toutes les fois qu’il y aurait perte simu
Lée de la sensibilité, de la motilité et de 1 intellipnce (3) »..
Les observations précédentes ont fait voir que les attaque.
les plus foudroyantes, les plus complotes , pouvaient foi t biei
résuUerd’un ramollissement. L'exaltation de la sensibilité es-
fort justement mise par M. Récainier au nombre des signe.
(lCruveilh ier, Analoinlc j>atholoÿh/ue , 3:1" livraison,
pa^c 8i.
DI.VG^OSXXC.
li)3
caracléristiques du lamollissemcnt. li est certain que, chez un
individu venant d’avoir une attaque apoplectique, la présence
de douleurs spontanées dans les membres paralysés ou l'exal-
tation de la sensibilité de la peau feront diagnostiquer avec
certitude cette maladie. Mais ces phénomènes s’observent bien
rarement dans la forme de ramollissement qui nous occupe ;
ils appartiennent presque excl.usivemmt au ramollissement qui
débute graduellement ou s’annonce sous la forme ataxique.
La simple conservation de la sensibilité cutanée dans les
membies pii\ea de mouvement peut-elle au moins servir,
(omme le dit M. Hecamier, a distinguer le ramollissement de
1 hcmoiihagie? Les releves suivants nous apprennent que cette
circonstance est tout à fait sans valeur.
.T’ai dit précédemment que, sur ?.2 cas de paralysie dans le
1 amollissement, nous avions trouvé neuf fois seultment la sensi-
bilité intacte (I). J ai ajouté que la diminution de la sensibilité
m’avait généralement paru en rapport avec l’obtusion du
mouvement et de l’intelligence. M. Lallemand a vu également
que la paralysie de la peau suivait en général la même progres-
sion que celle des muscles, mais avec cette dilférence qu’elle
commençait plus tard et paraissait moins intense au moins pen-
dant tres-longtemps (2). Ces remarques sont vraies, mais pour
toutes' les maladies cérébrales qui peuvent s’accompagner d’a-
nesthesie, et non pas seulement pour le ramollissement.
M. Rostan, sur 10 cas de ramollissement aigu où il a noté
état de la sensibilité, l’a trouvée intacte cinq fois (3), abolie
ou tres-obluse cinq fois (4 1. On trouve l’état de la sensibilité au
début de la maladie indiqué dans dix-h«ii des observations de
M. Andral; elle était conservée six fois seulement (5), abolie
ou tres-obtuse douze fois (6).
J'ai voulu compare, ces rAuItats i ceuv que .louucrai, l’cxa-
men des laits d l.emorrhaoie cércinale; mais Télat de la scosi-
bdite est note dans uu si petit nombre d'observations, ilans les
(1) Voyez cl). art. 2, § 2.
(•^) Lallemand, Lellre 2, p. 273.
C'i) 'Obseivations 4, !), jy, 2o, 2(J.
(4) UZ-i. 7, n, 20, 28.
194
UAMOLLISSEMEiST AlGTi . (SYMPT.)
ouvrages de MM. Rochoux, Anclral, Rostan, Abercrombie, etc.,
que j’ai dû me contenter de mes propres onservalions. J’ai noté
avec soin l’état de la sensibilité vingt et une fois : je la trouve abo-
lie onze fois, conservée ou très-légèrement obtuse dix fois.
L’abolition ou la conservation de la sensibilité eutanée ne
peut donc en aucune façon servir h distinguer le ramollissement
de l’hémorrliagie (1).
Un seul point doit encore nous arrêter dans l’étude compa-
rative du ramollissement et de l’hémorrhagie : c’est la contrac-
ture qui , suivant la plupart des auteurs, serait le meilleur
moyen de reconnaître le ramollissement dans les cas où il si-
mule la marche de l’hémorrhagie.
On n’a encore fait presque aucune attention à la contracture
dans l’hémorrhagie cérébrale : ainsi à peine mentionné par
M. Rochoux, ce symptôme est complètement passé sous silence
par M. Andral, et M. Lallemand paraît indiquer la flaccidité
comme constante dans l’hémorrhagie 2). Or, les faits nous ap-
prennent que, tandis que la contracture ne s’observe point dans
les hémorrhagies circonscrites dans l’épaisseur des hémisphères,
ce symptôme ne manque presque jamais , au contraire , dans les
hémorrhagies avec pénétration du sang au dehors du cerveau ou
dans les cavités ventriculaires ; et je ne doute pas que ces der-
nières hémorrhagies ne soient plus frequentes que celles qui se
font dans l’épaisseur des hémisphères.
On a vu plus haut que sur quarante-sept cas de ramollisse-
ment aigu accompagné de paralysie, pris parmi les observations
de MM. Rostan, Andral et les miennes, la contracture ne s’était
montrée que treize fois, c’est-à-dire dans un peu plus du quart
des cas.
Or, sur vingt-neuf observations d’hémorrhagie cérébrale re-
cueillies par moi, je trouve la contracture notée dix-neuf fois,
c’est-à-dire dans les deux tiers des cas.
Il paraît résulter de ces faits que la contracture est précisément
plus fréquente dans l’hémorrhagie que dans le ramollissement.
Ce n’est pas ici le lieu d’insister sur l’étude de la contracture
(1) Je n’ai tenu compte, dans les relevés qui précèdent, que des cas oCi le
ramollissement a déterminé une. attaque apoplectique, ou au moins de îa
paralysie.
(2) Lallemand. Lettre 2, p. 259.
/
IJIAGJNCIS'I IC.
i:jà
dans riiéinorrljagie cércbiale, sur ce fait ;;ciu r.;l, sinon cou -
tant, (le l’existence de la conliacUire dans rinnno! i linyie ven-
triculaire, de sou absence dans rbémorrbiijjie limitée và l’épais-
seur dcr. héinispbères ; je me contenterai de présenter dans la
note suivante quelques propositions à ce sujet (1) ; mais je dois
(t)CVst à M E. Boiidet ([u’appanieiU la première ob.ser\ aiion de ce
fait, et c’c.sl au passage suivant de son mémoire sur l’hc'morrliagie des nid-
ninges, (fue je dois d’avoir fixe' mon allenüoii .sur la coniraclure dans l’iir:-
morrliagie cérébrale : « Toutes les fois, dit M Boudel, que. la pulpe céré-
brale est affectée seule dans une hémorrhagie, tant qu’il ne se produit pas
d’inflammation autour du foyc:r, il ne .se manifeste pa.s de ountracture.Tou-
les les fois (pi’à nue lésion de la pidjie cérébrale, il se joint une rupture de>
parois des ventricules et un épaui.liemenl. de .‘’aeg dans ces cavités ou à la
surface du cerveau, il survient de I;: cuiitraclure ( p. -It). ) »
C’est de celait, que je crois généralement vrai, que découlent les sigues
diagnostiques de l’iiémorrliagic des venlrieules.
L’hémorrliagie des ventricules (je ne iu’occiq>e pas ici des cas rares d'ex-
balation sanguine à la surface de ces ca\ités, sans lésion de la pulpe céré-
brale environnante ) peut se faire en trois temp.s successifs; lo Epauclic-
meul da sang dans la substance cérébrale voisine d’un ventricule j 2“ rup-
ture du foyer dans le ventricule correspondant ; 3" rupture de la cloison et
épanchement dans cel iidu côté oppo.sé.
Les deux premiers tcm[ïs se font le plus souvent a [>cu près simultanément ;
d’autres lois ce sont le.s deux derniers qui marchent ensemble. Quelquefois
mais plus rarement, tous troi.'^ .se produisent eu même temps. Or, il est sou-
vent facile de suivre, d’après la marche de la puraly.sie et le mode d’appa-
rition de la conlraolure , de suivre presque de l’œil les progrès de l’épan-
chement dan.s le cerveau.
Lor.sque l’éiiancbemcnl se fait dans la substance voisine d’un ventricule ,
il y a résolution du côté opposé du corps. Lorstjue ce, foyer vient à ,se rom-
pre dans le ventricule correspondant, le côté paralysé présente de la con-
tracture. Quand le .sang pénètre au-deià de la cloison , la contracture se
montre de l’atare côté du corps , mais bienUk après la résolution devient
générale.
Telle est la raarciie régulière, 'pour ainsi dire, de l’hémorrliugie des ven-
tricules et des symptômes (jui la révèlent. Mais lorsijue le .sang se sera
de prime-abord épanché dans un ^ c.utrietde . la coulracture se montrera
primitivement du côté opposé du corps. Lor.sque la cloison .se déchirera dès
la rupture du foyer primitif dans un ventricule , une contracture générale
succtulera (le suite .àl’liduiiplégie qui .s’élaii montrée dès le principe. Lors-
qu enhn hcmorrhagie fera du premier coup communiquer le foyer qui en
aura de le point de départ, avec les deux ;cnlrioulcs,..ily aura uitc contrac-
ture generale dès le cotnmt nceau'ul.
JOG
r AMOLLISSEMliNT AIGU. (sYMl’T.)
(lire jusqu’à quel point la connaissance de ce fait me paraît être
de nature à éclairer le diagnostic différentiel du ramollissement
et de rhémorihagie.
Si l’iiémorrliagie cérébrale ne détermine de contracture que
lorsque le sang a pénétré dans l’intérieur des ventricules ,
comme cette condition ne peut exister sans entraîner les signes
d’une compression considérable du cerveau, il eu resuite que,
lorsque des symptômes apoplectiques légers se montreront ac-
compagnés de contracture, il sera permis de diagnostiquer un
ramollissement.
La présence de la contracture éloignera l’idée d’une liémor-
rha gie limitée à l’épaisseur d’un hémisphère ; le peu d’intensité
des symptômes, celle d’une -hémorrhagie ventriculaire. Il fau-
dra donc admettre un ramollissement.
Lorsqu’au contraire des accidents annonçant une compres-
sion consitlcrable ne s’accompagneront pas de contracture, il
sera probable que l’on aura affaire à un ramollissement: l’ab-
sence de contracture ne permettant pas de supposer une hé-
liionhagie ventriculaire, et l’intensité des accidents ne sem-
blant pas en rapport avec une hémorrhagie circonscrite.
.Te crois que l’on trouvera que ces signes diagnostiques ne
sont pas très-rigoureux et sont un peu minutieux : ce n’est pas
ma faute, et je voudrais pouvoir indiquer mieux. Cependant
je dois dire que, dans plusieurs cas, il m’est arrivé de dis-
tinguer la lésion cause d’une attaque apoplectique, d’après la
réunion des seules circonstances dont je viens de présenter la
véritable appréciation.
Quoi qu’il en soit du reste de la valeur que Ton veuille atta-
cher à cette appréciation, les faits sur lesquels elle repose, et
Celle eonlracUirc se montre sous des formes irès-varmes : laulùt c’csl
• . . * «-n C
: laulôt c’csl
nUOMOSTlC.
1!»7
dont je puis garantir l’exactitude, prouvent que si la contrac-
ture peut aider en quelque chose au diagnostic du ramollisse-
ment, ce n’est pas par sa fréquence dans cette maladie (1).
§ III.
Lorsque le ramollissement suit la forme que j’ai appelée
ataxique, il revêt souvent, par la combinaison des phénomènes
de paralysie et d’excitation, un caractère particulier et qui ne
permet pas de le méconnaître. Il ne peut jamais alors être
confondu avec riiémorrhagie cérébrale ; mais ses symptômes
offrent souvent une ressemblance frappante avec ceux de la
méningite.
Dans les cas où le ramollissement, s’annonce seulement par
du délire, comme dans nos observations 3, 38, 39, G9, il est
assez difficile de porter un diagnostic certain pendant la vie :
en effet, non-seulement ce symptôme peut appartenir à d’autres
maladies que le ramollissement , mais encore il arrive fré-
quemment que, dans des circonstances toutes semblables , il
ne laisse aucune trace matérielle sur le cadavre. Ainsi, chez la
femme Magrod, du délire survint pendant une pneumonie ; ce
délire n’offrait rien de remarquable ni par son caractère ni
par son intensité; sa présence ne parut pas influer d’une ma-
nière notable sur la marche de l’afiection de poitrine : à la
mort, on trouva un ramollissement avec rougeur, tuméfaction
des circonvolutions. Mais quel est le médecin , ayant observé
un certain nombre de pneumonies , qui n’ait rencontré plus
d’une fois un semblable délire, sans aucune, lésion appréciable
des centres nerveux?
Le délire est quelquefois le seul symptôme que fournisse,
dans la méningite, le trouble des fonctions du cerveau. Quel
moyen de reconnaître si l’on a affaire à une méningite ou à un
(t)M. Trousseau a déjà fait une remarque semblable. « PendaiU le lemp.s,
disait-il à une de scs leçons cliniques, que nous passâmes dans le service de
M. Récamicr, sur quatorze ou quinze malades, nous n’oliservâmcs qu’un seul
cas d’Jiémorrhagic, tous les antres étaient des ramollissemenis. Dans le pre-
mier cas, la paralysie s’accompagna de contracture, dans les autres il y
avait absence de ce signe, flaccidité du membre , conservatiou de l’intelli
genceetde la sensibilité. » {GaztUe des hôiJi'taux, 2 févrierlSil.)
198
HAMOI,I,lSSE>tKNT AIGU. (SV.VIPT.)
nimolliss''in(.'Ut ? Je n'ai })as observé un assez grand nombre
de ramollissements caractérisés seulemeirt par le dtilire , pour
pouvoir résoudre cette c)uestion : cependant je crois, d’après
ces faits et l’étude de ceux que je n’ai pas observés moi-même,
que les phénomènes généraux, les symptômes fébriles sont en
général beaucoup moins prononcés dans le ramollissement et
la congestion cérébrâie que dans la méningite ; il en est de
même de certains phénomènes cérébraux tels que la cépha-
lalgie, la crainte de la lumière, etc, ; le délire lui-même est ha-
bituellement moins intense, plutôt loquace que bruyant, moins
souvent fiu-ieüx.
J’ai cependant plusieurs fois reconnu pendant la vie le ra-
mollissement, dans des cas de ce genre , voici pourquoi. C’est
que la méningite aiguë est excessivement rare chez les vieil-
lards : je ne l’ai presque jamais rencontrée à la Salpêtrière, au
milieu de tant d’affections encéphaliques. Tandis cjue chez les
enfants, ces affections ont une tendance constante à se localiser
dans les enveloppes et la superficie de l’encéphale , il est certain
que, plus on avance en âge, plus elles tendent à se développer
dans l’intérieur de la pulpe nerveuse ellé-inême ; et, chez les
vieillards , onin’observe presque plus de lésions aiguës dans les mé-
ninges. Aussi, avais-je pris l’habitude, à la Salpêtrière, de ne tenir
presque aucun compte de ces dernières, quand j’avais à diagnos-
tiquer une affection aiguë de l’encéphale. Je recommande ce fait
d’observation, lorsque l’on aura affaire à des vieillards. Du
reste, cette forme de ramollissement est assez rare, surtout chez
les adultes.
Les convulsions, la contracture, le tremblement musculaire,
les douleurs dans les membres, l’affaiblissement du mouve-
ment même, se montrent trop souvent dans la méningite, pour
pouvoir être, par eux-mêmes, d’une grande utilité dansledia-
jfiiüslic du ramollissement.
Néanmoins, ces phénomènes acquièrent une assez grande va-
leur, lorsqu’ils sont limités à un membre ou à un coté de la face
iiu de tout le cot ps; car, dans la méningite, ils sont presque tou-
jours généraux. Il en est de même de la paralysie. Lorsqu elle
se montre dès le coinmcitcement, ([u’elle demeure limitée, et
siiitoul qu’elle ne s’accompagne pa.s de contracture, onpeutà
DIAGNOSTIC.
199
't'
t»-
peu près sûreuient l’attribuer à un ramollissement. Cependant
il y a encore des exceptions à ce fait géne'ral.
Ainsi MM. Parent et Martinet appellent l’attention sur l’hé-
miplégie dans l’arachnitis ; <> ils l’ont vue plusieurs fois, disent-
ils, survenir instantanément dans le cours de la première pé-
riode ou de la seconde ; mais c’est généralement dans l’arach-
nitis par cause externe que leurs malades l’ont présentée (1 ).»
Ainsi, dans la onzième observation de méningite de M. An-
dral (2), on voitchez un jeune homme de dix-sept ans la maladie,
à la suite de maux de tête, débuter par un affaiblissement du
membre abdominal droit; cet affaiblissement augmente gra-
duellement, puis gagne le membre thoracique’; plus tard sur-
viennent de l’assoupissement, du coma, puis des mouvements
convulsifs de la face ; à l’autopsie, on trouve une infiltration
purulente de la pie-mère, égale des deux côtés ; mais de plus,
une congestion partielle de l’extrémité antérieure de l’hémis-
phère gauche, rougeur uniforme des circonvolutions, sans mo-
dification de consistance. Est-ce à cette dernière circonstance
qu’il faut attribuer ce développement graduel de l’hémiplégie ,
si semblable à ce qui se passe dans le ramollissement?
Ajouterai-je que la céphalalgie , les douleurs dans les mem-
bres, l’exaltation de la sensibilité cutanée, les mouvements con-
vulsifs sont plus communs dans la méningite que dans le ra-
mollissement aigu ? La céphalalgie, bornée à un côté de la tête,
que l’on a donnée comme un signe important de ramollissement,
a même été notée dans deux observations de méningite de
M. Andral.
Il est un certain nombre de cas où il est presque impossible
d’établir des règles précises pour distinguer la méningite du
ramollissement, de même que, dans des faits d’un ordre dif-
férent , pour distinguer ce dernier de l’hémorrhagie. D’ahord
il y a quelquefois en même temps ramollissemenl et méningite.
Mais dans les cas où ces deux lésions seront isolées, la physio-
nomie du malade et un peu d’habitude de la part du médecin
aideront plus au diagnostic que toutes les règles que l’on aurait
pu tracer d’avance.
Je disais tout à l’heure que la forme de ramollissement dont
t) Parent et Martinel : dt V Arachniiis^ page 60.
(2) Andral, Clinique^ t. v, page 42.
AK'.r. (SVIIPT.)
, nous nous occupons niulntenant no pouvail jamais cire con-
onclue avec l’hémorr],agie. Lorsqu’une attaque de paralysie
coïncide avec du délire, ou surtout a été précédée par du dé-
lie, on peut être certain qu’il s’agit d’un ramollissement. Ce-
pendant d faut savoir que, dans quelques cas d’hémorrhagie, ou
a vu e malade, lorsqu’il reprenait connaissance à la suite d’une
attaque un peu prolongée, présenter du délire ; mais ces cas
sont infiniment rares. Maintenant voici un fait tout exception-
nel : c est^ une hémorrhagie cérébrale donnant lieu à des con-
vulsions épileptiformes. Je ne connais aucun autre fait de ce
genre. Un homme de soixante-neuf ans, ayant eu deux fai-
bles attaques d’apoplexie et sujet aux étourdissements avec
perte de connaissance, fut pris de convulsions épileptiformes
partout, surtout à droite, ûéeuhitus dorsal incliné à droite,
.secousses vives des muscles, saccadées, avec des rémissions \a-
liable»; salive écumeuse à la bouche. Les convulsions durent
quatie heures, puis coma, stertor, rigidité des membres. Mort
vingt-cinq heures apres le deliut. Certaine quantité de sérosité
dans la pie-mère ; l’hémisphère gauche se rompt dans les mains
on laissant échapper un caillot de sang entre les lobes posté-
rieur et moyen : par celte ouverture, on pénètre dans une
vaste poche remplie de sang coagulé, et ocupant toute la paroi
supérieure et externe du ventricule gauche. Dans l’épaisseur
de la couche corticale, une dizaine de petits grumeaux de sang
épars çà et là, du volume d’une tête d’épingle, de la même
manière qu’en oflVaicnt les parois du foyer hémorrhagique (Ib»
V
(1) Cra\aL<:, Revue medicah, i8?7. t. i, page '102.
DEUXIÈME PAF»TIE.
R A M 0 L L I s s E M E N T C H n 0 N I Q U E.
CHAPITRE VI.
ANATOMIE PATHOLOGIQUE DU KAMOLLISSEMÎiNT CHRONIQUE.
Le ramollissement chronique se présente sous des formes ana-
tomiques bien distinctes et qu’il est possible de rattacher à des
périodes successives.
Dans la première périoile que l’on peut appeler ramollissement
à Vêtat pulpeux , ce àevmer ne diffère à peu près du ramollissement
aigu que par l’absence de rougeur, et consiste comme lui en une
simple diminution de consistance du parenchyme nerveux. A
cette forme, à laquelle se peuvent rattacher presque toutes les
descriptions de ramollissement cjue nous ont transmises les
auteurs, succèdent des altérations de texture très-diverses et
très- variées, des désorganisations dont la succession me paraît
avoir jusqu’ici presque complètement échappé à l’attention des
anatomo-pathologistes.
La deuxième période se montre sous deux formes différentes,
suivant que la maladie a son siège dans la couche corticale des
circonvolutions ou dans le reste du cerveau, soit la substance
médullaire, soit la substance grise centrale.
A. A la surface des circonvolutions, ce sont des plaques for-
mées d’un tissu jaune, d’une épaisseur variable, dont la texture
ressemble à celle d’une membrane, et dont la densité est sou-
vent supérieure à celle de la substance corticale saine : c’est-à-
dire que, très-mollasses au toucher, elles résistent souvent bien
davantage ou à la projection d’un jet d’eau , ou à la pression
avec le doigt, ou enûn au tiraillement en tous sens ; on peut les
appeler ^/laques jaunes des circoiwolulions.
I». Dans les parties les plus profondes, il se fait une soi le île
le.sorption de la pulpe nerveuse ramollie, que paraît remplacer
mi tissu cellulaire plus ou moins serré, trame celluleuse de
I oi ganc, dont les mailles sont infiltrées ou forment des cavités
202 RAMOLLISSEMENT CHRONIQUE. (anAT. PATH.)
remplies par un liquide li'ouble, blanchâtre , désigné par
M. Cruveilliier et M. Decliambre sous le nom de lait de chaux.
Je propose d’appeler celte forme de ramollissement infiltration
celluleuse.
Enfin la troisième période est caractérisée par la disparition
de la pulpe ramollie, ou plutôt désorganisée, par des déperdi-
tions de substance que l’on doit regarder comme le résultat
d’une tendance incessante du ramollissement cérébral. C’est là
la période ultime de la maladie : on pourrait l’appeler période
ulcéreuse, si cette expression était de nature à s’appliquer éga-
lement aux diverses lésions cju’elle produit ; car, s’il' en résulte
de véritables ulcérations à la surface du cerveau , elle donne
lieu aussi à des cavités, à des pertes de substance dans l’inté-
rieur de cet organe, que l’on ne saurait appeler ainsi, bien
qu’elles se produisent exactement de la même manière.
Il est un fait très-remarquable : c’est qu’à chacune de ces
périodes, le ramollissement peut s’arrêter indéfiniment, sa
marche demeurer stationnaire, et subir ainsi une sorte de gué-
rison analogue à celle des foyers apoplectiques et à laquelle se
rapporte parfaitement la marche des symptômes. Je me con-
tente d’indiquer ici d’une manière générale ce fait; à l’élude
duquel je consacrerai uu chapitre particulier.
Quant à Vinduration de la pulpe cérébrale ramollie, j’y atta-
che ici beaucoup moins d’importance que ne l’a fait M. Lalle-
mand, parce qu’elle est certainement bien moins commune dans
les ramollissements spontanés que j’ai surtout en vue, que dans
les ramollissements suites de lésions traumatiques ou des os
du crâne, que ce professeur a réunis en grand nombre dans ses
lettres. Ainsi, j’ai rarement observé d’indurations semblables a
la plupart de celles dont il a rapporte des exemples , mais j ai
rencontré l’induration partielle et coinine accessoire, à toutes
les époques du ramollissement, ainsi dans le ramollissement
pulpeux, ainsi à l’entour des infiltrations celluleuses ou de ces
pertes de substance auxquelles aboutissent en général ces der-
nières et les placjues jauires des circonvolutions.
Nous avons dit que la rougeur, caractère constant du ramol-
lissement aigu, devenait par son absence, sauf quelques raies
exceptions, un des signes distinctifs du ramollissement chro-
nique. Dans le plus grand nombre des cas, cependant, elle laisse
SUPPURATION DU CERVEAU.
203
dans ce dernier des traces de son cxislence primitive , sous
forme d’une coloration jaune à peu près constante dans la
substance grise, surtout celle des circonvolutions, très-fréquente
dans la substance blanche. On conçoit l’importance que l’on
doit attacher à ce phénomène qui nous permet, à une époque
même très-éloignée, de retrouver des indices certains des élé-
ments qui constituaient le ramollissement à son début.
Nous allons étudier successivement chacune des trois périodes
que nous venons d’établir, et nous consacrerons à leur des-
cription des détails que justifiera peut-être leur nouveauté.
ARTICLE I".
PREMIÈRE PÉRIODE DU RAMOLLISSEMENT CHRONIQUE.
( Ramollissement pulpeux. )
Lorsque le ramollissement passe à l’état chronique, il consiste
d’abord, comme le ramollissement aigu,' en une simple diminu-
tion de consistance de la pulpe nerveuse, mais il s’en distingue
par l’absence de rougeur.
Le laniollissement ou l’inflammation de la pulpe nerveuse
peut s’accompagner de suppuration ; mais cette dernière est fort
rare, en dehors de deux circonstances : les lésions traumatiques
du cerveau et les altérations des os du crâne. L’infiltration pu-
rulente du cerveau ne se voit surtout presque jamais à l’état
chronique : lorsqu’une encéphalite suppurante se prolonge, le
pus se réunit en abcès , et l’on trouve alors des collections de
pus, tiès-faciles à reconnaître, crémeux, d’un jaune verdâtre ou
d’un blanc grisâtre, semblable à celui du tissu cellulaire.
On est, je crois , aujourd’hui généraltmeui d’accord sur ce
point, que le professeur Lallemand se trompait lorseju’il voyait
du pus dans presque tous les ramollissements. JNous savons
d’abord que la couleur jaune est l’imlice de la présence du
sang, et non pas du pus Or, comme c’est sur l’interprétation
(le l'origine de cette couleur jaune qu’est basée prescjuc toute
l’argumentation de cet auteur, et (}ue c’est souvent uniquement
parce qu’ils présentaient une couleur jaune qu'il soutient que
?04 T^AM0LL1SSEAIE>T ClinON’lQ'L'E. (AXAT. TATII.)
(les rgmollissements contenaient on avaient contenu du pus, on
voit qu’il est impossible d’admettre une conclusion dont la pré-
misse est elle-même erronée. On ne considérera pas'davantage
comme un indice de suppuration la teinte blanche, ou plutôt
l’absence de coloration d’un ramollissement. Il y a du reste une
contradiction évidente entre ces diverses assertions de M. Lal-
lemand, Si le pus était capable de communiquer à la pulpe
nerveuse une teinte jaune aussi prononcée que celle qu’il lui
attribue , comment pourrait-il , dans certaines circonstances ,
exister dans la substance médullaire sans en altérer aucune-
ment la blancheur ?
Il paraît y avoir un moyen tout à fait propre à édifier sur ce
sujet : c’est l’étude microscopique du cerveau ramolli. Il sem-
ble au premier abord que rien ne doive être plus facile que de
reconnaître , à l’aide du microscope, si un ramollissement con-
tient ou non du pus. Nous ne po.ssédons encore que peu de
données sur ce point.
M. Gluge a publié un travail intitulé : Piecherches microsco-
piques et expérimentales sur le ramollissement du cerveau (1). Le
nom de son auteur vend ce travail digne d’attention , bien que
les faits qu’il renferme ne soient pas très-nombreux : on me
permettra de m’y arrêter quelques instants. Je le crois d’autant
plus nécessaire que les conclusions de ce travail n’étant nulle-
ment d’accord avec les faits qui y sont rapportés , nous nous
trouvons obligé de laisser de côté les premières pour ne nous
occuper que des seconds.
M. Gluge présente d’abord les principaux résultats de ses re-
cherches sur l’inflammation, et il établit : cjue le premier degré de
l’inflammation ou congestion est caractérisé par la réplétion des
vaisseaux capillaires et le ralentissement de la circulation ; le
second degré, qu’il appelle engorgement, se caractei ise pai 1 ag-
glomération des globules sanguins qui se réunissent au nombie
de trente ou quarante, et arrêtent la circulation en obstinant
les vaisseaux. Ces agglomérations, de couleur noiratie, se pie-
sentent sous là forme de grands globules; on sépare facilement
]iar la compression les globules (jui les composent. JVI. Gluge
nomme ces covpwscvXes'glohules composés.Ws ont 1,30 de milli-
(1) Gluge, VKxpdrimcc, 30 avril 1810 ; Extrait des rfrehires de la méde-
cine belge, janvier cl février jSlO.
SLi'riiuAxio*\ m; cEuviiAi:.
!20o
mètre et plus de diamètre. Comme les globules de pus consti-
tuent des corpuscules sphériques de 1,100 de millimètre avec
des points noirâtres, il est impossible de confondie ces coips
qui appartiennent à des périodes très-différentes de 1 inflamma-
tion. L’auteur indique brièvement les autres degrés de 1 inflam-
mation, où l’on voit la fibrine transsuder dans les tissus ( troi-
sième degré, ex. hépatisation rouge); le pusse former (quatrième
degré), etc.
Il dit ensuite que la substance médullaire du cerveau est
composée de corps cylindriques, blanchâtres, non interrompus,
élastiques, et qui forment par cette élasticité même des renfle-
ments assez réguliers de 1,100 de millimètre de diamètre; des
réseaux nombreux de vaisseaux capillaires remplissent les in-
tervalles qui séparent ces caiumx nerv'eux. La substance corti-
cale contient des canaux semblables aux précédents, mais plus
étroits et entremêlés de corps globuleux pointillés^ et des vais-
seaux capillaires plus nombreux.
M. Gluge rapporte ensuite onze cas de ramollissement céré-
bral, mais dont il ne présente guère que les circonstances ana-
tomiques, et encore avec beaucoup de brièveté, il divise les ra-
mollissements en deux classes ; dans l’une ils présentent une
teinte rouge jaunâtre ; dans l’autre une couleur parfaitement
blanche. Dans toutes les observations, les canaux nerveux sont
trouvés en fragmenls, comme brisés. Dans sept cas il y avait en
outre, de ces globules composés dont il a été parlé plus haut, et
dont je reproduis la description telle qu’elle est rapportée dans
la première observation : les fragments de canaux nerveux sont
mêlés de corpuscules de la forme suivante : spliériques , peu
transparents, dix fois plus grands que les globules de pus; ils
sont composés par des globules beaucoup plus petits, comme on
peut s’en assurer par une légère compression, de manière que
ces corps présentent une agglomération de petits globules. Ces
derniers isolés sont sphériques et transparents.
Ces divers ramollissements n’étaient point traumatiques : ils
étaient de dates fort variées, et sont indiqués les uns rouges ou
rouge-grisâtres, les autres sans couleur particulière.
Dans un casf obs. 8) on ne trouva pas de globules composés :
l’auteur se contente d’iiuliquer cette circonstance. Le ramollis-
sement était rougeâtre et jaunâtre, et datait de quatorze jours.
206
R,VMOLLlSSE.\tENT CUilOMQUE. (anAT. l’ATjl.j
Dans deux observations senlenient la présence de f;lobules de
pus a été constatée. Dans l’une d’elles ( obs. 7), il y avait un
double l'ainollisseinent dans le cerveau et dans le cervelet. Le
r imollisseinent du cerveau était fort étendu et contenait des
globules composés sans globules de pus; celui du cervelet, beau-
coup plus petit, rouge-gris, présentait en outre beaucoup de
globules de pus. Le malade avait été observé pendant dix-buil
jours , mais on manquait de renseignements sur ce qui s’était
passé auparavant. Dans l’observation lO, il y avait un ramollis-
sement blanc d’une grande partie du cerveau, avec vive injec-
tion des capillaires; les fragments de canaux nerveux étaient
mêlés d’un nonibre immense de globules de pus.
Enfin, dans la onzième observation, il s’agit d’un ramollisse-
ment traumaticjue et mécanic[ue, contusion du cerveau avec
épanchement de sang , à la suite d’une chute d’un premier
étage. L’époque de la mort n’est pas indiquée. On trouve des
fragments de canaux nerveux et de vaisseaux capillaires , sans
globules composés et sans globales de pus.
M. Gluge a examiné les parois ramollies de foyers apoplecli-
cpes, et il a reconnu qu’elles présentaient des fragments de ca-
naux nerveux, mais sans globules.
L’auteur a cherché à développer des ramollissements artifi-
ciels chez des animaux, et il a réussi en enfonçant des épingles
dans la tète de lapins : au bout de huit à quinze jours ces ani-
maux succombaient avec des convulsions, de la paralysie, etc.,
et l’on trouvait la substance cérébrale ramollie , infiltrée de
sang, présentant des fragments de canaux nerveux et des glo-
bules composés, mais point de globules de pus.
Telle est l’analyse exacte des observations faites par M. Gluge.
Des circonstances quelles présentent, on peut conclure : que
la lésion élémentaire, dans le ramollissement, serait la rupture
des canaux nerveux ; que la présence des globules composés ou
inflammatoires dans 1a substance ramollie sciait ensuite le phé-
nomène le plus commun; que les globules de pus ne se rencon-
treraient cjue rarement.
Voici maintenant comment M- Gluge formule lui-mème ses
conclusions :
SUPPURATION DU CERVEAU- 207
< 1“ Le ramollissement blanc offre dans un grand nombre de
cas du pus ; ,
% Le ramollissement coloré , sans épanchement de sang ,
offre les produits d’un des premiers degrés de l’inflammation ,
formation de globules composés ;
3“ Le ramollissement coloré avec épanchement de sang peut
oflrir les productions précédentes ou seulement les imbibiiions
mécaniques du sérum sanguinolent. Ce qui est le cas ordinaire
dans les apoplexies récentes. »
La première conclusion n’est nullement d’accord avec les
faits contenus dans ce mémoire : sur onze observations, il n’a été
trouvé que deux fois du pus. Dans l’un de ces cas (obs. 10 ), le
ramollissement était blanc , bien que les vaisseaux capillaires
fussent extrêmement injectés ; dans l’autre (obs. 7), il é ait
rouge-grisâtre. Je ne vois rien là qui prouve que le ramollisse-
ment blanc oftre souvent du pusj d'autant plus même qu’un
ramollissement où les capillaires sont extrêmement injec~
tés (obs. 10) n’est nullement ce que les auteurs ont décrit sous
le nom de ramollissement blanc.
J ai fait avec mon ami le docteur Alfred Becquerel quelques
expériences dont je crois devoir consigner ici le résultat.
Nous avons pris de la substance cérébrale saine, et nous
l’avons examinée au microscope (avec un gro.ssissement de
250 fois) , délayée avec le bout du doigt dans de l’eau distillée.
On voyait d’abord des fragments de substance cérébrale formant
ou des nuages ou des points irrégulier.s ; deux tigres irrégulières,
lineaiies, bien marquées, traversant le champ du microscope ,
formées sans doute par des tubes nerveux ; quelques globules
de sang, et aussi quelques globules plus larges que les derniers,
demi-opaques, comme pointillés à h- ur surface , irréguliers sur
leurs bords , framboisiés , tout à fait semblables à des globules
de pus.
En ajoutant quelques gouttes d’ammoniaque, on n’a rien
changé à cet aspect. '
Nous avons trituré la même substance cérébrale à l’aide
d’une molette de verre ; après une trituration légère, il n’y avait
aucun changement. Après une forte trituration, on n’apercevait
plus aucun de ces globules semblables aux globules de pus ;
mais seulement des fragments peu nombreux de formes très-
208
rx\MOLLlSàEJ\tî;i\T (.VNAT. l'ATIl.)
inégulièros, semblant des fraf^meiits de substance cérébrale sé-
parés ou réunis par la compression ; plus de tubes nerveux.
Ce que nous avions obtenu par une forte trituration, nous
l’avons également observé en comprimant la substance cérébrale
simplement délayée au moyen d’une lame mince de verre su-
perposée : disparition des .«lobules, fragments irréguliers.
]\ous avons pris du pus conservé dans de l’alcool, et aussi du
pus récemment retiré d’abcès ; nous l’avons mélangé à de la
substance cérébrale saine et simplement délayée, et nous avons
constaté l’analogie complète de ces globules avec ceux de la
substance non mélangée de pus : seulement ils étaient en plus
giandnombre. Nous avons trituré fortement avec une molette
et nous avons vu disparaître les vrais globules de pus comme
dans l’expérieucc précédente ; même résultat par suite de la
compression à l’aide d’une lame de veri e.
Nous avons répété à plusieurs reprises ces expériences et nous
avons toujours obtenu les memes résultats : seulement la tritu-
ration ne faisait pas toujours aussi complètement disparaître les
globules de la substance saine.
Nous avons une fois ajouté de la potasse causticjue à de la
substance cérébrale saine et dans laquelle nous avions constaté
la présence de globules semblables aux globules de pus; cette
addition lit disparaître les globules. Nous fîmes également dis-
paraître les globules purulents eu mélangeant de la potasse avec
du pus.
Nous n’avons pas obtenu de résultats notablement dilîérents
avec la substance corticale et la médullaire. Nous avons opéré
sur des cerveaux diftérents, pris par moi à la Salpêtrière, sains,
quelc|uefois un peu injectés; nous avons examiné des fragments
où l’œil nu n’apercevail point de vaisseaux injectés ; nous y
avons également trouvé des globules sanguins et jntrifermes.
Nous n’avons examiné que la substance médullaire des hémis-
phères cérébraux, et la substance corticale des circonvolutions.
Il semble résulter de ces observations que, si la substance
cérébrale saine renferme des corps tout à fait semblables à des
globules de pus, ou ne doit admettre qu’avec beaucoup de k'-
serve la jtrésence de véritables globules de pus dans la sub-
stance cérébrale ramollie ; cependant je a’eii veux tirer iuicunc
condusioii. J’ai dù lapporicr cc (jue j’avais vu cl comme je
SUPPÜRAXlOxN un CERVEAU.
,2üy
l’avais vu ; mais je n’en veux encore rien conclure , parce que
ces expériences ne sont pas encore assez nombreuses, parce
que l’observation microscopique trompe très-facilement ceux
surtout qui n’en ont pas une extrême habitude ; enfin , parce
que je n’ose trop m’attacher à des résultats aussi différents de
ceux obtenus jusqu’ici par les différents micrographes, qui ont
étudié la structure de la substance nerveuse (1).
Nous avons vu plus haut que la rougeur du ramollissement
aigu, résultat de la congestion qui précède toujours ce dernier,
était constituée soit par une simple injection vasculaire , soit par
une infiltration de sang ; nous avons vu également que l’infiltra-
tion sanguine se montrait surtout à un degré quelconque dans la
substance grise et particulièrement dans celle des circonvolutions.
Il résulte de là que lorsque le l amollissement, dans sa période
aiguë, aura été le siège d’une infiltration sanguine, il en con-
servera pour trace, à l’état chronique, une teinte jaune d’autant
plus prononcée que cette infiltration aura été plus considé-
rable; mais lorsqu’il se sera accompagné d’une simple injection
vasculaire, celle-ci disparaissant toujours au bout d’un certain
temps, le tissu ramolli devra recouvrer sa couleur normale.
A mesure qu’un ramollissement avance en âge, non-seule-
ment l’injection inflammatoire du début disparaît, mais la vas-
cularisation elle-même diminue, les vaisseaux cessent souvent
d’y pouvoir être distingués, et dans quelques cas ils semblent
dispaiaitre en effet complètement. C’est à cela sans doute
qu’est dû ce fait général, que le ramollissement chronique ne
présente jamais de rougeur, à part toutefois quelques excep-
tions infiniment rares ; c est à la même circonstance qu’est duc
la rareté des hémorrhagies dans le sein de ces ramollissements.
Il m’a paru que c’était d’abord au centre de l’altération que
disparaissaient les vaisseaux : de là probablement la teinte
blanc mat que présente souvent la partie centrale du ramollisse-
ment pulpeux, tandis qu’à une époque plus avancée, on trouve
(I) Je n’ai rien vu de semblable aux gros globules que Müller, d'aiirès Va-
lenlm, a ddcrils dans la substance grise du cerveau, de la moelle épinière et
’■ ? ''"T la substance blanche,
r r ^ sy.iôrne navcux, t. i , page ‘.îi, 1840.) Voye/. à In
rébral.''"'^*'’ "ii<;o. scopique du nuuglli;^cmej’i cc-
/
21Ü RAMOLLISSEJIENÏ CHRONIQUE. ( ANAT. PATH.)
encore des petits vaisseaux membraneux et déliés sur les pa-
rois des infiltrations celluleuses ou des cavités qui peuvent suc-
céder à ces dernières. Cependant il arrive quelquefois de voir
d’anciens ramollissements traversés par un lacis vasculaire
formé de vaisseaux longs et volumineux, se continuant dans
les parties saines et s’entrecroisant ; mais dans leurs intervalles,
on ne rencontre point de ces petites ramifications qui témoignent
de la vascularisation propre d’un tissu.
C’est encore à cette absence de vascularisation qu’il faut at-
tribuer la création du ramollissement blanc des auteurs, comme
espèce à part, non inflammatoire, et distincte du ramollisse-
ment rouge, bien qu’il ne soit pas difficile de démontrer sa fi-
liation avec ce dernier. Mais c’est qu’il faut, ainsi que l’ont dit
Cullen et Portai, faire plus attention, si l’on veut apprécier la
nature d’une affection, au début de la maladie qu’aux résultats
fournis par l’examen cadavérique à une époque tardive.
M. Dechambre s’est, du reste, élevé très-justement contre
cette dénomination de ramollissement blanc, par laquelle on
semble supposer que le ramollissement de la substance grise
puisse prendre une teinte semblable : il est certain que le ra-
mollissement blanc des auteurs est tout simplement le ramol-
lissement sans changement de couleur, gris dans la substance
corticale comme il demeure blanc dans la medullaiie (1).
Le ramollissement chronique pulpeux se rencontre dans
toutes les parties du cerveau ; mais il s’observe plus rarement
qu’ailleurs à la superficie des circonvolutions, parce que leur
couche corticale est. de tous les points de cet organe, celui qui
subit le plus promptement les tranformations consécutives pro-
pres au ramollissement chronique (2). Voisin quelquefois d un
ramollissement aigu, il se montre très-souvent aussi sur les
limites de ramollissements plus avancés et transformés en pla-
ques jaunes, infiltration celluleuse, etc.
Sa consistance est toujours très-molle, plus encore au centre
qu’à la circonférence, coulant quelquefois comme une bouillie
presque liciuide, de manière, s’il est situé profondément , que
l’on sente à la superficie du cerveau une fluctuation signalant
une collection de pus ou de sang. J’ai suffisamment insiste , a
(1) Compendium de mdd. pral., t. n, page <“18.
(2) Voyeï plus loin. Plaques jaunes de circonvolutions.
I
RAM0LLIi>5EMi.«T GÉNÉRAL. îll
propos du raœollisseinent aigu, sur les moyens qui sont pro=
près à ëludier le degré de consistance du tissu cérébral ra-
molli (1). J'ajouterai seulement qu’un des caractères qui le dis-
tinguent du ramollisseineiit récent , est de se laisser beaucoup
plus facilement détacher en lambeaux sous un filet d’eau.
Nous avons dit que le ramollissement pulpeux conservait
quelquefois la couleur naturelle au tissu cérébral : on pourra
s’assurer avec un peu d’attention que cette circonstance se
rencontre fort rarement dans la substance corticale et surtout
dans celle des circonvolutions. Sa couleur la plus commune ,
presque constante dans ces derniers points, est la couleur jaune :
quelquefois celle-ci est très-prononcée, d’autres fois on aperçoit
seulement un œil jaunâtre qu’un examen superficiel peut aisé-
ment faire négliger.
Le ramollissement pulpeux offre parfois une couleur gri-
sâtre; celle-ci est presque toujours l’indice de son passage à
l’état d’infiltration celluleuse. J’ai cité précédemment les quatre
seuls faits que je connaisse de ramollissement pulpeux chro-
nique, accompagné de rougeur. On a noté encore, mais bien
rarement, dans le ramollissement la couleur brune (Morgagui),
chocolat (.âiîdral), etc. Ces diverses nuances me paraissent le
résultat d’anciennes infiltrations de sang.
Pour son étendue comme pour son siège, le ramollissement
chronique pulpeux présente toutes les variétés du ramollisse-
ment aigu ; il faut noter cependant qu’on ne lui voit guère oc-
cuper un aussi large espace que le peut faire Ce dernier, les
ramollissements aigus très-étendus déterminant habituellement
la mort avant d’arriver à l’état chronique.
On paraît cependant avoir observé quelquefois des ramollis-
sements de la totalité de l’encéphale ; et, suivant M. Dechambre
ils se montreraient assez souvent sous forme chronique.
Cette question du ramollissement général du cerveau m’a
toujours semblé assez obscure et elle est loin d’être aujourd’hui
résolue pour moi. Je n’ai rencontré le cerveau ramolli dans toute
son étendue, que trois fois : dans un cas, il y avait évidemment
infiltration séreuse du cerveau, chez un bydropiqiie; l’œdème
du cerveau, sur lequel je leviendrai pins tard, est un état pa-
(0 Voyez pag. 4.
21i llA-MÜLLlSSEJtENX CIlUOmQUE. (\NAÏ. l'ATH.)
tliologlque bien distinct du ramollissement, et l’on doit soigneu-
sement éviter de le confondre avec lui. J’ai rapporté, page 6,
un cas de ramollissement général rencontré chez une iemme
morte d’une affection organique du foie sans avoir présenté
aucun phénomène cérébral ^ j’en pourrais ajouter un tioisieme
exemple tout à fait semblable. J ai déjà dit, a 1 endroit piece-
demraent cité, les doutes que me semblaient devoir inspirer
les faits de ce genre, et avec quelle reserve on devait admettre
la nature pathologique des ramollissements généraux de l’en-
céphale, surtout chez les individus qui n avaient point présente
de symptômes du côté du cerveau. J’ai énuméré les circonstances
auxquelles on pouvait attribuer la diminution que nous pré-
sente quelcjuefois la consistance du cerveau après la mort , et
l’on a vu qu’elles étaient toutes de nature à agir nécessairement
non sur une partie, mais sur la totalité de 1 organe.
Copland admet, d’après Craigie, un ramollissement général
du cerveau par simple diminution de consistance sans change-
ment de structure (^Mnlakencephalon). «Dans les hydiopisies,
dit-il, dans la ^consomption pulmonaire, le diabète, on trouve
souvent le cerveau flasque, facile à déchirer, d une moindre
consistance dans toute son étendue. C’est un état analogue à
l’émaciation générale... (1). >> licite ensuite Meckel qui a trouvé
qu’une portion de cerveau d’un phthisique pesait un quart de
grain de moins que chez un homme sain ; Monro, qui a trouve
le cerveau de deux condamnés très-mou ; puis d’autres auteurs,
Morgagni, Greding, etc., quiTont vu également mou chez des
aliénés. Copland ne paraît pas éloigné d’attribuer cette cir-
constance soit à l’état mental, soit à la réclusion de ces in-
dividus.
Carswell ne parle du ramollissement général du cerveau que
chez les enfants, mais sans donner d’éclaircissements sui sa na-
ture : .. On trouve quelquefois, dit-il, chez les enfants, les deux
hémisphères réduits presqu^en une consistance pulpeuse ou
fluide, probablement à cause de la mollesse naturelle de cet
organe à cet âge, prohahly on account of the natural bojtncss of
this OTgan in themi^). »
M. Foville pense que le ramollissement général du cerveau
(1) Copland, o//^;ccl. med-, l. i, page 2t4.
('2) Carswell, ihc CycL ofi>mct. ined., vol. iv, page 15.
RAMOLLISSEMENT GÉNÉRAL.
213
doit être conside'ré comme une altération cadavérique (1).
Mentionnerai-je ici ce ramollissement observé par Billard et
Copland dans le cerveau des nouveau-nés, chez qui il précé-
derait quelquefois la naissance, et auquel ils auraient trouvé
une odeur d’hydrogène sulfuré?
Sur cent cinquante cas empruntés à différents auteurs ,
M. Andral n’a trouvé le ramollissement général du cerveau noté
que quatre fois (2). Il n’en a observé lui-même aucun exemple.
M. Rostan en cite un seul dont voici l’analyse :
Obssrvatioit 55. — Pendant plusieurs jours gêne des mouvements.
— Mollesse générale du cerveau. Pneumonie.
Une femme de soixante dix-buit ans, languissante, affirmant
n’avoir jamais eu d’attaque d’apoplexie, gardait le lit depuis plu-
sieurs mois, se plaignant d’une extrême faiblesse et de douleurs
vives dans les membres. Le 1 septembre 1820, il survint une
gêne plus spéciale (mais beaucoup moins prononcée le lende-
main) dans les mouvements du bras gauche, puis de l’engour-
dissement et des douleurs très-vives dans la cuisse gauche, et
la veille de sa mort dans le membre inférieur droit. La faiblesse
était extrême, l’amaigrissement fut rapide ; la parole était lente
et embarrassée. Il n’y avait du reste aucun autre symptôme cé-
rébral et l’intelligence était bien conservée. La mort arriva d’une
façon assez inattendue le 10 septembre.
Autopsie. — Pâleur des méninges , mollesse générale de la
pulpe cérébrale, mais pas assez prononcée pour qu'on puisse
comparer son état a celui d une bouillie. Certains points sem-
blent plus affectés que le reste de l’organe ; défaut de consis-
tance du cervelet. Engouement du poumon droit; commence-
ment d’hépatisation du lobe supérieur (.3).
Pour qui sait quelle marche insidieuse et bizarre peut suivre
la pneumonie chez les vieillards , et combien souvent en parti-
culier elle revêt un aspect cérébral analogue à celui qui vient
d être décrit, ce fait laissera beaucoup de doutes ; d’autant plus
(t) Fovillc, Dict. Jemdd. eide chir. praU, Txri, Ramoitissement.
(‘2) Andral, Clinique, page 833,
(3) Rostan, fiecherches,.., obs. xxx.
IH ramollissement CHRONIQL'E. (anat. path.)
que les détails de ^autopsie ne paraissent pas eux-ineines suffi-
sants pour convaincre de la nature pathologique de la mollesse
de ce cerveau.
M. Lallemand a rapporté une observation de ramollissement
général à laquelle peuvent s’adresser à peu près les mêmes re-
marques.
Observation 56. — Péritonite , délire, mouvements convulsifs. —
Mollesse générale du cerveau.
U«e jeune femme présenta le second jour d’un accouche-
ment prématuré, provoqué peut-être par des manœuvres cou-
pables , quelques signes de péritonite. Le troisième jour au
„atin, traits altérés, œil inquiet , air étonné, comme stupide;
langue muqueuse , ventre plus souple , moins douloureux.
( Émét. deux gr^ains.) Le soir tout était changé ; la malade n avait
uresaue pas vomi, mais elle avait fait des efforts considérables,
suivis bientôt de mouvements convulsifs et de dehre violent. Je
la trouvai dans un état de stupeur et de résoluuon generale
portées au dernier degré ; elle ne donnait aucun signe de con-
paissance ni de sensibilité , et n’articulait pas le moindre son.
Mort dans la nuit. . . ,
autopsie. - Le cerveau uu peu décolore avait
perdu sa consistance ; il était partout d une mollesse dtffluente.
Péritonite (1).
M. Lallemand se demande si cet état du cerveau était réelle-
ment pathologique, et si c’est fi lui
symptômes observés depuis l’administration de 1 “
fait remarquer que l’autopsie a praüquée trente lim^^^
leinent après la mort, et par une tcmpeiature p „ ujagjes
renvoie à une observation précédente, ou. dans de semblables
icnvoie a u niétro-peritomte
circonstances , c est-à-diie uans m
nuernéralc, un ramollissement partiel, purifoime, s «ait <lev
f J Mais les svinplôroes cérébraux avaient ete mieux caiac-
' ; on à::u *ervé une liémiplésie pendant trois ,oms
'.“.lis que. dans le faU que nous ^
(I) f,.ill«raand, Lellre2,Ti° 17.
RAMOLLISSEMKNT GÉNÉRAL.
214
sans qu’ils paraissent liés à une altération organique prononcée
de l’encéphale (1). Enfin des détails anatomiques aussi concis ne
peuvent laisser que du doute.
Le fait suivant, emprunté à M. Louis, est plus intéressant.
Observation 5']. — Symptômes cérébraux datant de trois années.
Ramollissement de la totalité du cerveau.
1
Une cuisinière âgée de trente-huit ans avait toujours joui
d’une bonne santé , peu réglée cependant , lorsqu’à la suite de
chagrins profonds elle perdit le sentiment et le mouvement ,
sans altération de l’intelligence ; au bout de deux mois , dou-
leurs dans les membres et retour lent des mouvements. Elle ne
put reprendre ses occupations qu’au bout de huit mois. Elle se
porta bien pendant six mois , puis il survint un érysipèle à la
jambe gauche; suppression de flueurs blanches, du mucus nasal,
de crachements de sang et d’un épistaxis habituels. Pesanteur
dans les sinus frontaux , abolition de l’odorat et du govit ; perte
de la gaîté.
Elle entra à la Charité dans cet état ; un peu de céphalalgie ,
abolition du goût et de l’odorat , intelligence complètement in-
tacte, apyrexie, faiblesse... La céphalalgie disparut presque
complètement. Rien de nouveau ne se présenta. Quelques jours
après, 24 février, à dix heures du soir, elle se plaignit d’éprou-
ver de la chaleur, du malaise, un sentiment de gonflement à la
face. A minuit elle était morte. Trois années s’étaient écoulées
depuis l’apparition des premiers symptômes cérébraux.
Autopsie trente-deux heures après la mort. — Le cerveau était
pâle , sans la moindre injection , d’une mollesse extrême , pa-
reille à celle d’un enfant nouveau-né dans toute sa masse. Les
nerfs olfactifs et la membrane muqueuse des fosses nasales
étaient dans l’état le plus naturel ; celle des sinus frontaux et
maxillaires avait une ligne et demie d’épaisseur , était demi-
transparente , comme infiltrée, très-ferme et d’une couleur de
gelée de pommes. Pas de mucus desséché.
On trouva quelques tubercules au sommet des poumons, un
(t ) Chomel, Z>jcL deméd., 2» éd„ t. xxm, page 566.— Kïxàtài. Clinique,
t. li, page 649.
UAMOLLISSEIIICKT CHUONIQLE.
2IC
peu d’engorgement à leur partie postérieure... On ne rencontra
rien qui parût pouvoir se rapporter à la mort subite (1).
« Sans revenir , continue M. Louis , sur chacun des symp-
tômes éprouvés par la malade pendaiit les trois années qui pré-
cédèrent son admission à la Charité , nous dirons que les plus
graves d’entre eux indiquaient par leur nature autant que par-
la cause qui y avait donné lieu, une affection cérébrale plus ou
moins profonde ; qu’un degré de mollesse du cerveau , tel que
celui qui a été observé, doit être considéré comme une lésion,
et qu’il est presque impossible de ire pas croire à une dépen-
dance entre l’état pathologique de cet organe et les symptômes
dont il s’agit. D’ailleurs cet état n’explique pas la mort subite,
car nous ignorons ce qu’il faut de consistance au cerveau pour
l’entretien de la vie ; le ramollissement qui nous occupe a sans
doute eu lieu d’une manière lente; il était probablement a peu
près au même degré le jour de la mort et dans les quatre ou
cinq derniers de l’existence. »
La perte du goiit et celle de l’odorat ne sont réellement pas
des symptômes cérébraux bien caractérisés , surtout chez un
individu qui porte une maladie aussi prononcée d’une partie de
la pituitaire. Je crois donc ne pas devoir admettre sans quelque
doute la manière de voir de l’honorable médecin auquel je viens
d’eiu prunier cette observation. Si ces symptômes tenaient à
l’altération du cerveau, il faudrait faire remonter celle-ci à deux
ans , ce cpii ne serait pas une des circonstances les moins ex-
traordinaires de ce fait. Quant aux accidents du début, bien
plus évidemment cérébraux, il est difficile de savoir à quoi les
attribuer; mais il est certain que leur guérison a été suivie^d un
intervalle de santé de huit mois.
M. Dcchambre, dans une note qu’il a communiquée aux au-
teurs du Compendium de médecine pratique, a. émis sui le la-
mollissemenl général du cerveau des idées tout à fait extraor-
dinaires et que je ne saurais me dispenser de consigner ici.
« M. Dcchambre, se basant sur un relevé de trente observa-
tions prises avec soin , pense (ju’il importe beaucoup de distin
(I) Louis, Mc'innirc siiv !et niorit subites.
217
K AMOLLISSEMENT TULPEOX.
guer deux formes principales de la maladie. Voici quelles
considérations ilprésente à ce sujet : — 1° Dans 1 une de cesjfonnes
de ramollissement, tbute lu musse encéphuli(jue est d une puleur
et d^’iine mollesse extrême. Pour peu qu’on y porte le scalpel avec
négligence et qu’on entame la substance nerveuse plutôt en
jîressant qu’en sciant, on obtient une coupe dont la couche la
plus superficielle est inégale et réduite en bouillie. C est là quel-
quefois tout ce qu’on observe, mais le plus souvent la mollesse
augmente de plus en plus en différents points, et l’on peut sui-
vre ainsi ses divers degrés jusqu'à la l'éduction de la pulpe en
un liquide blanc pâle, qui occupe alors un nombre variable de
cavités irrégulières pour la forme et pour la grandeur.
« 2° Dans la seconde forme, lerumollissementestpartiel et bien
circonscrit ; il existe d’un seul ou des deux côtés, mais le reste
de sa substance conserve sa consistance accoutumée (1 ). «
Plus loin, M.Dechambre étudie les symptômes du ramollisse-
ment général.
« Ce sont ordinairement :
« 1° Un affaiblissement successif de l’intelligence, accompagné
ou non de céphalalgie, mais sans véritable délire, et pouvant
aboutir à un idiotisme complet. Il a observé pourtant , dans un
cas, un délire violent, avec mouvements désordonnés de tous
les membres, et, dans un autre cas, de la loquacité et une viva-
cité singulière dans les réponses (la pie-mère ne présentait au-
cune altération);
« 2“ Un affaiblissement graduel de la motilité, se montrant
d’abord dans les membres inférieurs et se terminant quelquefois
par une véiilable paralysie générale , qui ne devient pourtant
complète que dans les derniers jours, quand la surabondance de
la sérosité vient à distendre les ventricules.
« Les membres restent ordinairement souples pendant toute la
durée de la maladie. Il ne faut pas tenir compte des cas où le
délire rend impossible l’appréciation de cette circonstance*
Quelquefois la souplesse fait place à la contracture , dans les
derniers jours seulement, mais alors le ramollissement se com-
plique d’injection sanguine.
« 3° La sensibilité reste intacte le plus souvent, elle ne se perd
(1) Compendium , t. ii, page t49, art, Cerveaü ( Ramollissemont du).
218 RAMOLLISSEMENT CHRONIQUE. (aNAT. PATH.)
que quand le cerveau est comprimé par une abondante sérosité;
mais plus ordinairement il y a exaltation dans les perceptions
sensoriales. Beaucoup de malades éprouvent tnême dès le début
des douleurs névralgiques qui acquièrent parfois une extrême
intensité (1). »
Ailleurs il est dit queM.Dechambre,sur quinze cas de ramol-
lissement général du cerveau, n'en a vu que deux où l’altéra-
tion ait marché d’une manière aiguë ; et comme il avait été dit
plus haut que les conclusions de M. Dechambre étaient basées
sur un relevé de trente faits, il en résulterait que le ramollisse-
ment général du cerveau se montrerait dans la moitié des cas.
D’un autre côté, le ramollissement circonscrit n’alfecterait que
rarement la forme chronique; il se terminerait le plus souvent
en un ou deux septénaires, quelquefois en trois ou quatre
jours (p. 158). Le ramollissement chronique, si l’on s’en rap-
portait à ces résultats, serait donc rarement circonscrit et le
plus souvent général. Je n’ai qu’une objection à faire à ces sin-
gulières propositions : c’est que, dans toutes les observations de
ramollissement chronique que renferme cet ouvrage, et aussi
ceux de MM. Rostan, Lallemand et Andral, on ne trouvera que
des ramollissements partiels et point d’exemples de ramollisse-
ment général.
J’ai exposé tout au long les opinions que ces passages attri-
buent à M. Dechambre sur le ramollissement général du cer-
veau, et à cause de leur cai'actère exceptionnel, et pour ne plus
avoir à revenir sur ce sujet; mais elles sont tellement bizarres,
en désaccord tellement complet avec mon observation et celle des
autres, que je suis porté à croire qu’elles n’auront pas été exac-
tement rendues par U s auteui s du Compendium. Notons, en ou-
tre, qu’il semble résulter de plusieurs endroits de ces citations
que M. Dechambre aurait confondu, dans plus a un cas, 1 hy-
drocéphale avec le ramollissement.
Je vais maintenant rapporter quelques observations de ra-
mollissement pulpeux, propres à faire connaître 1 apparence
habituelle qu’il présente, apparence beaucoup plus simple que
dans les autres formes de ramollissement, puisqu’il ne consiste
que dans une diminution delà consistance normale du tissu cé-
rébral.
(t ) ArticU citi, page \ 57 .
219
ramollissement pülpeox.
Observation 58. — Céphalalgie, étourdissements habituels ; hémi-
plégie subite à gauche sans raideur ; agitalion, subdelirium, h escare
au siège; mort au bout de 30 jours. — Ramollissemeut jaunâtre de
quelques circonvolutions du lobe moyen droit.
La nommée Colignon (Marie), âgée de soixante-dix ans, blan-
chisseuse, grasse et charnue, a toutes les apparences d’une forte
constitution. Elle dit avoir éprouvé depuis longtemps, par suite
des fatigues de son état , des douleurs dans tous les membres ;
depuis l’époque du choléra , elle a un tremblement et un en-
gourdissement habituel des membres inférieurs. Depuis deux
ans, elle est sujette à de grands maux de tète, et éprouve quel-
quefois des étourdissements assez forts pour la faire tomber.
Le 17 avril 1838, elle fut prise , à deux heures du soir, sans
cause connue , d’un étourdissement , avec une sensation de
froid dans la jambe et la main gauches et impossibdité de s’en
servir , en même temps embarras de la pai’ole et balbutiement
passager.
Le lendemain, la face est très-congestionnée, les yeux rouges.
La céphalalgie est depuis plusieurs jours plus intense qu’à l or-
dinaire. La langue est peu humide, large, droite, un peu rouge.
Le bras gauche ne peut exécuter la moindre mouvement ; la
sensibilité y est légèrement diminuée ; on dit que , lorsqu’on
a porté la malade à l’infirmerie, il a un peu remué. Le membre
inférieur de ce côté ne se soulève qu’avec vme peine infinie , le
genou ne peut se plier complètement. L’intelligence et la mé-
moire ne paraissent pas sensiblement altérées. Pouls fréquent
et développé, matité étendue et forte, impulsion au cœur. {Sai-
gnée du pied; SO sangsues aux malléoles; eau de Sedlitz.)
Le soir, la rougeur est moindre à la face et aux yeux; la ma-
lade se sent la tète dégagée. Selles abondantes.
19. Les mouvements ont presque complètement reparu dans
le membre inferieur. Le pouls est moins fort et moins fréquent.
{Saignée de 2 pal.)
Il survient quelques hallucinations la nuit suivante. La ma-
lade marche en traînant la jambe gauche. Elle est agitée , parle
beaucoup, défait son lit, il faut l’attacher. Constipation. Elle
demande à manger avec instances. La langue est rouge et sèche;
le pouls est toujours fréquent et parfois très-irrégulier. Le bras
—tU RAMOLLISSEMENT CHRONIQTJE. (anAT. PATH.)
demeure toujours immobile. {Eau de Sedlitz à plusieurs reprises-,
soupes, bouillon.)
Le même état persiste; il s’y joint seulement une appa-
rence d’affaissement profond et une expression souffrante de la
physionomie, bien que la malade n’accuse aucune douleur.
Elle demande sans cesse à manger et à boire. {Saignée de 2 pal.,
vianne, 60 gramm.)
Les jours suivants , agitation constante. Alternatives de sub-
delirium et d affaissement. Sueurs habituelles le matin.
Cependant le bas«ventre se tend, les urines coulent involon-
tairement; on en retire une grande quantité parle cathétérisme.
Une large eschare se forme au siège. i
Le 6 mai, coma ; la malade ne parle plus ; peau légèrement
humide, pas de refroidissement des extrémités. Pouls petit, ir-
régulier. {Potion de quinquina.)
Mort le lendemain au soir. L’état des membres était resté le
même jusqu’à la fin.
Jutopsie. — Sérosité assez abondante dans la pie-mère et les
ventricules , limpide. Artères de la base épaissies et jaunâtres.
Ramollissement avec coloration grisâtre et jaunâtre de cinq
ou six circonvolutions de la partie moyenne du bord externe
de l’hémisphère droit et de la partie externe de la scissure de
Sylvius. Les circonvolutions ramollies se laissent éroder par la
pie-mère et pénétrer par un filet d’eau; elles sont à peine dé-
formées et offrent une mollesse pulpeuse au toucher. Le ra-
mollissement s’étend peu profondément dans la substance
blanche.
La moelle est saine, ainsi que ses membranes.
Poumons très-sains , d’un grand volume , un peu emphysé-
mateux. Hypertrophie considérable du cœur , générale , mais
surtout du ventricule gauche.
Ce ramollissement, datant de vingt jours seulement, est pré-
cisément sur la limite de l’état aigu et de l’état chronique. Une
mort aussi pi’ompte a été certainement due au développement
d’une lai’ge escare au siège , et non point à l’affection cérébrale
dont l’étendue et les effets observés jusque-là , ne paraissaient
nullement incompatibles avec la vie et avec un degré quelcon-
KAiUÜLLlSSliJUiAl’ PULPEUX.
221
que d’amélioration. Je signalerai , parmi les jîhénomènes ob-
servés pendant la vie , ces légers mouvements qui paraissent
avoir été remarqués dans le bras paralysé , au moment où la
malade fut apportée à l’infirmerie ; j’ai dit précédemment que
cette circonstance me paraissait assez importante pour aider à
distingueHe ramollissement de l’hémorrhagie.
Observation 59. — Hémiplégie'gauche subite accompagnée de vives
douleurs. Contracture consécutive dans les membres paralysés; mort
au bout de cinq mois. — Ramollissement très-étendu dans l’hémis-
phère droit du cerveau, avec coloration jaune des circonvolutions.
Préanet , âgée de soixante-deux ans, vive et bien constituée,
fut fpappée tout à coup d’hémiplégie gauche et de perte de con-
naissance , le 20 janvier 1838 , dans la journée. Portée aussitôt
à l’infirmerie, elle présenta l’état suivant :
La connaissance est revenue. La malade se plaint avec beau-
coup de vivacité de douleurs qu’elle éprouve dans le poignet
droit ; le côté gauche est complètement paralysé , sans roideur
et incomplètement insensible. Langue déviée à gauche , face
assez pâle. La tête et les yeux sont fortement déviés à droite.
Les sens sont intacts, l’intelligence assez bien conservée; il y a
un peu de céphalalgie géne'rale. Le pouls est presque insensible,
lent, filiforme. Respiration naturelle. Battements du cœur fai-
bles. (20 sangsues au cou ; sinapismes.)
Les jom-s suivants, lavement purgatif.^ vésicatoire à la nuque.
Les douleurs s’apaisèrent , l’état général parut meilleur. Le
pouls prit plus de développement, à 72. Il n’y eut aucune di-
minution dans la paralysie du côté gauche. Les facultés de l’in-
telligence et des sens conservèrent toute leur intégrité.
15 février. Des douleurs vives occupent tout le côté paralysé,
même la face.
28 mai. La malade est depuis longtemps dans l’état suivant ;
elle ne peut quitter le lit , les membres gauches sont toujours
aussi paralysés , mais contracturés et demi-fléchis ; la peau n’a
qu’une sensibilité obtuse , mais ils sont profondément le siège
de douleurs constantes dont la malade se plaint vivement. Rien
d anormal dans le côté droit. L’intelligence, les sens sont intacts ;
cependant la malade demande à se lever, à s’occuper. Les pu-
pilles sont étroites et mobiles ; la langue légèrement dévice à
222
ramollissement chronique, (anat. paxh.)
gauche. Les pommettes sont très-coloiëes. La chaleur de la
peau est naturelle, il n’y a point de fièvre le soir. Le pouls est
à 75, peu développe. Rien à noter au cœur. Toux et expecto-
ration catarrhale. Matité absolue et absence de tout bruit res-
piratoire dans la partie gaucbe et postérieure de la poitrine.
Evacuations involontaires. Grande faiblesse. La vie se prolon-
gea encore dans cet état jusqu’au 10 juin, cinq mois après le
début de la maladie.
Autopsie. — Ils’écoule une assez grande quantité de sérosité un
peu trouble des membranes. Celles-ci se détachent facilement de
la superficie du cerveau, si ce n’est à la partie externe de l’hémis-
phère droit, où elles entraînent avec elles des lambeaux d’un
grand nombre de circonvolutions ramollies. Cet hémispLère
présente un vaste ramollissement qui en occupe toute l’étendue
antéro-postérieure, sauf trois centimètres en avant et en arrière,
en travers s’étend depuis le corps sti ié et la couche optique jus-
qu’aux circonvolutions externes, et peut avoir de trois à quatre
centimètres de hauteur. Le tissu ramolli est blanc dans la sub-
stance médullaire, mais, dans la substance corticale, et, eu par-
ticulier, celle des circonvolutions , il ofire une couleur jaune
très-prononcée. Il n’y a aucune trace de foyer sanguin.
Rien à noter dans l’hémisphère gauche, la moelle allongée
et le cervelet.
Le poumon droit est sain ; le gauche est rouge et hépatisé
dans presque toute son étendue. Adhérences intimes du péri-
carde à toute la surface du cœur ; rien à noter du reste dans cet
organe.
L’abdomen ne présente rien de particulier.
Observation 6o. — Hémiplégie gauche depuis un an. Mort lente
dans l’adynamie. — lîamoîlissement pulpeux de quelques circonvolu-
tions et de la substance médullaire de l’hémisphère droit.
Traveau, âgée de soixante-treize ans, entra , au mois de dé-
cembre 1838, à l’infirmerie, pour une hémiplégie qui lui était
survenue subitement un an auparavant. .Te la vis pour la pre-
mière fois le !''■ janvier 1839.
L’hémiplégie était presque complète à gauche; il n’y avait de
possibles que quelques légers mouvements des extrémités; sen-
llAMOLLISSEMEMT PULPEUX.
223
sibilité très-obtuse et œdème du bras paralysé. Il n’y a aucune
laideur. L’intelligence est saine, mais participe seulement à un
affaiblissement profond que cette femme a subi depuis quelque
temps. La parole est intacte, les sens non altérés. Il y a un peu
de tendance à l’assoupissement ; les pupilles sont égaies, con-
tractées, la déglutition facile ; la circulation très-faible , les ex-
trémités froides et bleuâtres. Depuis qu’elle est à l’infirmerie,
les évacuations sont involontaires.
Dans les derniers jours de la vie, il y avait une soif vive, un
léger mouvement fébrile , un air de souffrance et des plaintes,
bien que la malade n’indiquât jamais de douleur spéciale. La
prostration fit des progrès rapides, la respiration s’embarrassa
et elle mourut le 7 janvier.
Autopsie. — Infiltration séreuse assez considérable de la pie-
mère ; les circonvolutions, à part un petit nombre d’entre elles,
sont à peine écartées par la sérosité, et généralement un peu
aplaties. Les vaisseaux des méninges sont passablement injectés
de sang, leurs parois à peu près saines. Sérosité très -abondante
à la base du crâne.
La pie-mère s’enlève aisément de la surface du cerveau; mais,
à la partie antérieure de la convexité de l’hémisphère droit ,
elle entraîne avec elle la superficie de quelques circonvolutions
ramollies. Ces dernières ne sont aucunement déformées ; elles
présentent à leur sommet des plaques de ramollissement de la
largeur d’une pièce de dix ou de vingt sous. Ce ramollissement
s’étend, dans quelques points, à trois ou quatre millimètres
dans la substance médullaire; dans d’autres, il reste limité à la
couche corticale : il est jaunâtre et se laisse délayer par un cou-
rant d’eau. Mais, plus profondément, la substance médullaire
de presque tout le lobe antérieur est molle, raréfiée, comme cri-
blée de petits espaces vides.-La substance médullaire de l’autre
hémisphère présente, dans un point, trois ou quatre petites va-
cuoles irrégulières, sans autre altération.
Dilatation énorme des ventricules latéraux par de la sérosité
limpide. La tête du corps strié gauche présente un peu d’affais-
sement avec une coloration jaunâtre superficielle; pas d’altéra-
tion sensible au-dessous.
Infiltration séro-sanguinolente des parties déclives des pou-
224
RAMÜLUSSÏMEKT CHROJMQUE. (anAT. PATH.)
nions. Le cœur est sain. L’abdomen ne présente rien de remar-
quable, mais le canal gastro-intestinal n’est pas ouvert.
Il est probable, bien qu’on ne puisse l’affirmer , que les phé-
nomènes qui ont précédé la mort ont été dus à une exhalation
séreuse des méninges et des ventricules. Une circonstance qui
me fait croire à la date récente de l’épanchement de cette sé-
rosité , c’est le rapprochement et l’aplatissement des circonvo-
lution.s ; j’ai émis précédemment quelques idées à ce sujet (1).
Ces anciens ramollissements pulpeux de la substance médul-
laire se présentent quelquefois sous iin aspect que l’on est tenté
de rapporter plutôt à une simple raréfaction de tissu , à une
sorte d’absorption interstitielle, qu’à un ramollissement propre-
ment dit. Je ne pense pas cependant que les faits de ce genre
soient d’une autre nature : je vais en rapporter un exemple
décrit assez minutieusement.
Observation 6i. — Depuis deux ans , deux attaques avec perle de
connaissance, sans grande lésion des mouvements. — Ramollissement
pulpeux du lobe antérieur droit. Petites cavités multiples dans les
hémisphères.
Une femme .âgée de 66 ans, nommée Marguerite Roger,
' entra à l’infirmerie au commencement du mois d’avril 1838.
Elle raconta cj[u’au mois de décembre 1836 elle était tout à
coup tombée , privée de la parole , mais non de l’intelligence ;
il y avait un affaiblissement général des mouvements ; on ne
peut savoir s’il avait été plus prononcé d’un côté que de l’autre.
La parole revint assez promptement. Environ un an après
elle eut de nouveau une attaque à peu près semblable, perte
de la parole, déviation de la bouche à gauche ; pas d’altération
des mouvements , dit-elle.
Lorsqu’elle entra à l’infirmerie, elle était epuisée par un dé-
voiement qui durait depuis six semaines} la langue était un peu
déviée à droite, la parole embarrassée; point de céphalalgie.
Les mouvements, la sensibilité et l’intelligence étaient assez bien
conservés. Mais bientôt ses jambes ne purent plus la porter , elle
tint des propos incohérents, délira la nuit, sa physionomie
devint hébétée, le dévoiement ne cessa pas, tous les symptômes
(I) Voyez pajji ...
RAMOH.ISSEMENT PULPEUX. 22 j
d’une fièvre hectique se montrèrent, et elle succomba dans une
prostration profonde le 8 mai.
yiiiLopsie. — ■ La pie-mère était assez injectée, infiltrée d’une
grande quantité de sérosité; les parois des artères de la base
généralement épaissies sans ossification. Cette membrane s’en-
lève aisément de la superficie du cerveau qui paraît saine,
La substance médullaire frésentc une injection très fine et
assez serrée , dans les deux hémisphères : la consistance géné-
rale de ces derniers est bonne.
La substance médullaire du lobe antérieur droit présente un
ramollissement dans l’étendue d’une grosse noisette : au pre-
mier aspect cette altération paraît consister plutôt eu une sim-
ple raréfaction de tissu c|u’en un véritable ramollissement, bien
que l’on puisse constater à l’aide du toucher et d’un filet d’eau
une diminution notable de consistance. En effet , à la coupe,
on voit qu’elle se compose d’un grand nombre de petits vides, de
petites aréoles irrégulières qui lui doniient un aspect feutré ;
à l’entour d’elle la substance cérébrale paraît moins compacte
qu’ailleurs, comme formée de filaments moins rapprochés,
d’une texture moins serrée. Ce tissu est tout à fait blanc ; on y
distingue à peine quelques vaisseaux infiniment déliés. Si l’on
juojelte des.sus un filet d’eau , on voit le liquide le pénétrer fa-
edement et en ecaitei les fibres, mais sans en détacher ni même
en soulever aucune partie. A la partie postérieure de ce ramol-
lissement, se remarquait une petite tache jaune de deux milli-
mètres à peine de diamètre.
On trouva en outre un grand nombre de petites cavités dans
les hémisphères. Au devant et au dessus du corps strié gauche,
on vit trois petites cavités de deux millim. de diamètre , dont
les parois jaunâtres, tapissées de petits vaisseaux , paraissaient
formées d’un tissu celluleux condensé plutôt que d’une vérita-
ble nieinbrane ; on n’y découvrit aucun liquide. Autour de
chacune d’elles la substance cérébrale présentait une raréfaction
toute semblable à celle qui a été décrite tout à l’iieure. On
trouva encore dans le même hémisphère cimj ou six autres
cavités toutes semblables, surtout près du ventricule.
Le corps strié droit est un peu mou, légèrement atrophie* et
présenté à sa surface des adhérences celluleuses et denses avec
1S
226 RAMOLLISSEMENT CHRONIQUE. (ANAT. PATH.)
le corps calleux. Les deux corps striés renferment de petites
vacuoles.
Rien de particulier dans la moelle allongée ni dans le cervelet,
qui participe toutefois à l’injection du cerveau.
Observation 62. — - Hémiplégie gauche subite sans perte de connais-
sance. Disparition incomplète des symptômes cérébraux. Sept ans
api’ès^ mort par suite d’un cancer utéro-vaginal. Ramollissement
pulpeux sans changement de couleur dans le lobe antérieur dioit.
La nommée Doutremont , âgée de cinquante-un ans , était
entrée à la Salpétrière au mois de mai 1818 , pour un cancer
utéro-vaginal avancé : elle fut immédiatement transportée à
l’infirmerie.
Cette femme nous raconte que, sept ans aupai’avant, elle avait
été prise d’une hémiplégie subite du côté gauche , sans perte
de connaissance j les paupières n’avaient point été affectées.
La malade bavait et parlait avec peine au commencement, mais
maintenant elle retient bien sa salive, elle articule nettement ;
l’intelligence et la mémoire paraissent avoir conservé leur in-
tégrité. La langue est droite et se meut librement. L’hémiplégie,
d’abord complète, a graduellement diminué ; la malade a pu
marcher, bien qu’en boitant, elle a pu se servir un peu de son
bras gauche. H y a trois ans que des accidents ont commence
à se montrer du côté de l’utérus ; il est survenu des pertes
sanguines, un écoulement blanc, jamais de vives douleurs ; de-
puis plusieurs mois il y a du dévoiement, et les évacuations se
font involontairement.
Cette femme, lorsqu’elle entra à l’hospice, était dans un état
de grande faiblesse qui fit de rapides progrès, et elle mourut
au bout de peu de jours. Mais les fonctions cérébrales parais-
saient en très bon état ; elle nous donna avec beaucoup de
netteté les détails que nous venons de rapporter. Quant aux
membres', raftaiblissement général qui deinns longtemps la
forçait de garder le lit, avait augmenté la faiblesse des mem-
bres autrefois paralysés, mais nous pûmes nous assm er qu’il ne
«'était produit aucune lésion nouvelle des lacullcs cérébrales.
nAMOLLISSEMEKT PULPEt’X. 22Î
Autopsie. — Les méninges contienneiil. une cerlaiuc quantité
de sérosité; injection normale de la pie-mèie.
Le cerveau ne ]>résenle rien à noter à l’extérieur. On trouve
au centre du lobe antérieur droit un ramollissement de la sub-
stance médullaire , ayant à peu près l’étendue d’un gros œuf
de pigeon 5 il est limité en dehors par la substance corticale qui
est saine, eu arrière parle corps strié ; l’altération ne s’étend
pas à ce dernier, non plus qu’à la partie tout à fait antérieure
de l’hémisphère. La partie ramollie n’oflie aucune coloration
et paraît même dans son centre d’une blancheur plus mate que
la substance saine ; on n’y distingue pas de vaisseaux. A son
centre également la substance ramollie est d’une mollesse ex-
trême , réduite en bouillie ; aux confins de l'altération, on voit -
celle-ci se fondre dans quelques points graduellement avec les
parties .saiues, dans d’autres se limiter brusquement. Le reste
du cerveau est sain. Les ventricules latéraux contiennent peu de
sérosité.
Le cœur présente un commencement d’ôssificalion du pour-
tour de l’orifice aortique. Les poumons sont infiltrés de sérosité
dans leurs parties déclives. La vésicule biliaire est atrophiée ; le
foie est sain.
Le col de l’utérus est transformé en une bouillie d’un gris
blanchâtre remplissant une excavation profonde creusée dans
le corps de l’utérus. Le vagin, à sa partie supérieure, participe
un peu à cette altération.
Cette observation mérite de fixer quelques instants notre
attention. Doutremont avait éprouvé une hémiplégie subite,
accompagnée de quelques autres troubles des fonctions céré-
brales. Ces symptômes s’étaient peu à peu dissipés, incomplète-
ment, il est vrai , mais assez pour qu’elle pût marcher et se
servir de son bras paralysé. Elle mourut au bout de sept ans,
sans avoir à aucune époque éprouvé quelque ressentiment de
cette attaque : tout semblait annoncer une hémorrhagie céré-
brale ayant suivi .sa marche la plus simple, la plus commune,
giu-ne, sauf la persistance d’une cicatrice dont la présence ex-
pliquait un reste de faiblesse dans un côté du corps. Or, non-
228 l.ÀMOlvl.JSatAiJÏJNX CnUOMQLE. (aKAT. FATH.)
seulement il fut trouvé un ramollissement, mais encore il fut
de toute évidence qu’il n’avait jamais pu exister là un épanche-
ment de sang.
Je n’ai pas besoin de revenir ici sur la manière dont je conçois
la formation de ce ramollissement à l’aide d’une congestion
sanguine j celle-ci seule nous rend compte parfaitement de la
forme de son débiit et de la marche des accidents qui ont dû
diminuer, malgré la persistance d’une lésion inflammatoire,
lorsqu’à diminué, puis disparu la fluxion qui existait au com-
mencement. Ce ramollissement ne nous a pas offert de couleur
jaune , comme indice de cette congestion du début ; n’occupant
pas la substance grise , il n’aura sans doute été le siège que de
celte injection vasculaire, qui peut disparaître elle-même sans
laisser aucune trace.
Ce cas est un exemple de ceux auxquels je faisais allusion pré-
cédemment , en disant : que le ramollissemeut pouvait arrêter
ses progrès à chacune de ses périodes et permettre à la maladie
de subir une sorte de guérison , qu’elle manifeste par la cessa-
tion des accidents cérébraux et le retour des fonctions abolies,
aussi complet que le permet la désorganisation éprouvée par les
fibres cérébrales.
Observation 65. — Hémiplégie ancienne à droite avec contracture
des doigts seulement. Etat curieux des facultés intellectuelles, accès
épileptiformes. — Ramollissement jaunâtre avec atrophie de quelques
circonvolutions du lobe postérieur gauche, s’étendant dans la substance
médullaire sous-jacente.
Marie Yaladier, âgée de soixante-trois ans, avait une hémi-
plégie du côté droit . dont on ignorait le début, mais qui datait
au moins d’une année. Lapara,lysie était complète, sans raideui
des articulations, si ce n’est aux doigts qui étaient fortement con-
tracturés , et que l’on ne pouvait allonger sans causer de vives
douleurs, l^a langue était un peu gênée dans ses mouvements.
Jja malade était plongée dans un état d’hebetude profonde
qui se peignait tout entier dans sa physionomie, et qui, se joi-
gnant à un air de souffrance habituel, laissait parfois place à une
sorte de gaîté stupide. Elle ne se rappelait son nom et d’autres
mots que lorsqu’on en avait prononcé la première syllabe; elle
se souvenait très-bien des airs de beaucoup de chansons et
RAMOLÏ-iISSEMRNT PUI.PEÜX.
2:29
sait quelquefois la nuit à chanter. Mais elle ne pouvait retrou-
ver que la fin des vers ou des couplets. Ou remarqua jusqu’<à
la fin de la vie cet état particulier de la mémoire. Elle ne pronon-
çait d’elle-même que certains mots : mon Dieu, ma sœur, bien
sûr, pourquoi pas , qu’elle répétait à tout propos. Elle ne savait
dire aucun autre mot qu’en chantant , soit qu’elle répétât ce
qu’elle entendait chanter, soit plus rarement qu'elle le fît d’elle-
même. Elle n’accusait aucune souffrance spéciale. La dégluti-
tion se faisait bien.
Cette femme était sujette à des accès épileptiformes : elle
était prise de temps en temps de convulsions dans le bras et la
jambe paralysés, moins souvent de l’autre côté; la face se conges-
tionnait, se convulsait aussi-, dans les derniers temps , il venait
une éeume abondante à la bouche. Ces attaques, d’abord assez
éloignées et ne se répétant ainsi que depuis peu de temps, se
sont peu à peu rapprochées, et à la fin se succédaient sans re-
lâche pendant des journées entières. Marie Valadier s’affaiblit
peu à peu et mourut à la fin du mois de mars 1838 , avec une
eschare au siège et dans un coma profond.
Autopsie. — On trouva une infiltration séreuse assez consi-
dérable sans injection, dans la pie-mère. Au niveau de la partie
externe et postérieure de l’hémisphère gauche , on vit un creux
capable de loger un œuf de pigeon et que remplissait de la
sérosité infiltrée dans le tissu cellulaire sous-arachnoïdien. A
ce niveau on trouva plusieurs circonvolutions jaunâtres, dé-
formées et atropliiées, ou plutôt ayant presque totalement dis-
paru ; la couche corticale était considérablement amincie. Elles
étaient très molles, se laissant pénétrer et fendiller par un
filet d’eau, ainsi que la substance médullaire sous-jacente ; celle-
ci était ramollie assez profondément, mais non pas jusqu’au
ventricule, dont les parois étaient saines et contenaient un peu
de sérosité. L’hémisphère droit était sain.
Observation 64. — Perte graduelle du mouvement, du sentiment
et de l’mtelligence datant de plusieurs années. — Atrophie et ramol-
lissement de plusieurs circonvolutions de I hémisphère gauche, limités
à la couche corticale. Induration d’une d’entre elles.
Billard, âgée de quarante à quarante-six ans, ancienne cm-
230
ramot.ussfmf.wt chronîqtjr. (awat. path.)
ployée des hôpitaux, avait toujours fait preuve d’une intelli-
gence vive et développée, lorsque, il y a quelques années,
nommée sous-surveillante à Bicêtre , elle prit l’habitude des
liqueurs alcooliques. Ses facultés commencèrent alors à s altérer,
sa démarche devint chancelante, ses mouvements perdirent toute
force et toute sûreté. Ces accidents survinrent progressivement
et paraissent avoir suivi une marche assez semblable à celle de
la paralysie générale des aliénés. Il y avait trois ans qu elle
avait perdu tout à fait la faculté de s’exprimer , que son intel-
ligence, profondément altérée, comprenait à peine ses besoins.
Attachée sur une chaise, si on cessait un instant de la soutenir,
elle tombait aussitôt d’un côté ou de l’autre. Elle ir avait pas
perdu toute mémoire, car, trois mois avant sa mort, elle recon-
nut des personnes qu’elle n’avait pas vues depuis quelque temps,
et témoigna par ses cris une sorte de plaisir.
Je n’ai observé cette femme que pendant le dernier mois de
sa vie. Ses membres étaient tous retirés : les membres inférieurs
fortement contractés ne se laissaient distendre qu’avec peine et
revenaient aussitôt sur eux-mêmes ; les bras étaient fléchis sur
la poitrine. L’immobilité et l’insensibilité, qui avaient parud a-
bord affecter plutôt les membres du côté droit, étaient égalés et
complètes des deux côtés ; les yeux toujours ouverts, fixes et
brillants ^ la physionomie éteinte. Cependant quand on la
pinçait ou qu’on la secouait vivement , qu’on cherchait enfin a
fixer fortement un reste d’attention , un sourire hébété venait
un instant animer ses traits. Souvent, lorsqu’on distribuait la
soupe, Billard poussait des cris inarticulés jusqu’à ce qu elle eut
sa part. La déglutition se faisait passablement. Je trouvai le pouls
petit et misérable; une eschare énorme se formait ausiege, la
prostration fit de rapides progrès, et Billard mourut le 8 avril.
Autopsie. — Les méninges étaient infiltrées de sérosité. Le
cerveau d’un très petit volume , les circonvolutions petites et
pâles. Vers la partie moyenne «le la convexité de l hem.spW
i auche, on vil cinq ou six circouvobilioi.s jaunâtres, très -molles,
nès-alropliiées, à peine prononcées; une d’elles, un peu pus
saillante que les autres, était ferme, mmee, cl oficaU la con-
a’.m cartilage ,no«. Ce , amollissement * “
partie la pl.» superr.eielle de la sobstanee nteclullaue. Ou ne
RÀMOT-USSKMF.NT pompeux.
trouva lien à noter clans le reste du cerveau , dans la moelle
allongée ni le cervelet.
La moelle épinière fut trouvée saine et d’une bonne con-
sistance.
Ces deux observations nous offrent des exemples de ramol-
lissements pulpeux limités ou siégeant spécialement aux circon-
volutions, et durant depuis plusieurs années, car il est probable
que la maladie de Valadier datait bien d aussi loin. En gene-
ral , les ramollissements qui affectent un semblable siège se
transforment, au bout d’un certain temps , en plaques jaunes :
aussi est-il plus rare qu’on ne le pense de rencontrer des altera-
tions semblables à celles que je viens de décrire , et aussi an-
ciennes. On a remarqué l’atrophie qui accompagnait ces deux
ramollissements'; en outre, chez Billard, une des circonvolu-
tions atrophiées , au lieu d’être ramollie , se présentait à 1 état
d’induration. Cette induration était elle-même consécutive à
un ramollissement de cette circonvolution , et M. Cruveilhier
disait, à propos de ce fait,^qu’une induration semblable pouvait,
dans d’autres circonstances , être considérée comme un mode de
guérison du ramollissement. ,
ARTICLE SECOND.
DEUXIÈME PÉRIODE DU RAMOLLISSEMENT CHRONIQUE.
J’ai dit et montré que le ramollissement chronique pouvait
demeurer presque indéfiniment dans un état qui caractérise sa
première période, et ne présente qu’une diminution de consis-
tance, avec ou sans altération de couleur : l’observation de Dou-
tremont en est un exemple.
Mais je pense que ce cas est le plus rare, et lorsque le ramol-
lissement se prolonge, il subit habituellement des transforma-
tions remarquables, à la description desquelles les pages sui-
vantes seront consacrées: rien n’est plus aisé, nous le verrons,
que de suivre la manière dont s’opèienlces transitions, soit
sur un même cerveau, soit dans des cas isolés. Il nous faudra
étudier séparément, dans cette période, le ramollissemeut de la
riMOLUSSEMEM CHROXIQUB. (aiXA.T. PATH.)
couche corticale des circonvolutions et celui des parties pro-
fondes ; car, pour la première fois, nous le verrons revêtir une
tornae tout à fait différente, suivant tpi’il occupera l’une ou
l’autre de ces parties. Nous avons déjà indiqué succinctement
les principaux caractères de ces deux formes de rainollissemeut :
ou a vu à cjuel point elles different entre elles. D’où vient cela?
La substance grise centrale se comporte absolument comme la
substance médullaire, tandis que celle des circonvolutions subit
des transformations toutes spéciales et qui ne se retrouvent
nulle part ailleurs. .Te n’en cherche pas iqaintenant l’explica-
lion ; elle ne pourra sans doute être donnée satisfaisante que
lorsque la texture anatomique de l’encéphale sera mieux con -
nue ; car, en général, la connaissance de l’anatomie normale est
une des conditions les plus propres à nous éclairer sur le mé-
c.'inisme de la transformation des altérations pathologiques.
Un des points les plus intéressants de l’étude de ces altéra-
tions sera de montrer qu’elles ne sont en quelque sorte qu’une
nouvelle période de transition, dui’ant laquelle on voit souvent
la mort arriver par une cause quelconque, mais qui peut me-
ner, soit en poursuivant sa marche, à une destruction complète
de la substance cérébrale , tendance naturelle de la maladie, soit
au contraire, en arrêtant ses progrès, à une véritable cic.atri.sa-
tion. Quant à l’époque à laquelle elles peuvent se montrer, elle
m’a paru assez variable •, quelques laits nous feront voir cepen-
dant qu’elles peuvent s’accomplir en moins de deux mois.
5 I. Deuxième période du raïuollisscmcnt chronique dans la couche corti-
cale des circonvolutions ; {plaques j aimes des circonvohtlions.)
Celte altération se montre sous la forme de plaques irrégu-
lières, quelquefois à peu près arrondies,îd’aulres fois plus allon-
gées et suivant le fond des anfractuosités, hiles ont rarement
une étendue moindre qu’une pièce d un ou de deux francs , et
peuvent occuper la place de plusieurs circonvolutions : ces der-
nières se trouvent alors remplacées par une surface aplatie ou
simplement bosselée, rarement déprimée. Elles sont mollasses
au touclier, mais possèdent souvent une lorce de coliesion remar-
quable et beaucoup plus grande que celle de la substance cerehrale
saine: ainsi elles ne se laissent presque jamais érailler par un
235
PLAQÜES JAUNES.
filet d’eau (1) ; elles résistent notablement à une traction en
sens opposé elles fuient sous un mauvais instrument. Quand
on passe le doigt dessus, ou bien encore que 1 on meut le cer-
veau en totalité, leur surface se plisse à la manière d une mem-
brane. Leur texture paraît singulière j on n’y distingue pas d é-
léments divers, pas de fibres distinctes, dans quelque sens
qu’on les tiraille. Les mieux formées ressemblent en quelque
sorte à une peau préparée un peu molle. On ne trouve rien de
semblable dans l’intérieur du cerveau , si ce n’est certaines in-
durations jaunâtres, plus rares dans la sxibstance blanche que
dans la grise, et dont la structure m’a semblé n’être pas sans
quelque analogie avec celle des plaques jaunes des circon-
volutions. On distingue rarement les vaisseaux dans l’épaisseur
de ces dernières; mais, en général, au-dessous de la pie-mère,
leur surface est immédiatement recouverte par une lame cel-
luleuse très-mince, sur laquelle se dessinent des vaisseaux fort
déliés. Leur couleur est d’un jaune chamois plus ou moins
foncé, mais toujours à peu près de la même nuance. Leur
épaisseur est quelquefois la même que celle de la couche corti-
cale des circonvolutions; habituellement elle est un peu moin -
dre; je ne pense pas qu’elle soit jamais plus grande. Il est ordi-
nairement assez facile d’enlever la pie-mère, qui passe au-dessus
d’elles, sans en altérer aucunement la surface ; mais quelquefois
cette membrane y adhère assez fortement pour les déchirer ou
les entraîner tout entières avec elle. Leurs bords tranchent gé-
néralement assez nettement sur la substance corticale environ-
nante demeurée saine , et dans laquelle elles paraissent enchâs-
sées comme des cases dans un damier. Souvent on trouve à
l’entour d’elles un ramollissement moins avancé; d’autres fols,
au contraire, des pertes de substance plus ou moins profondes,
de véritables ulcérations chroniques, limitées à l’épaisseur de
la couche corticale ou empiétant sur la substance blanche. Ces
ulcérations ne sont autre chose que le dernier degré du ra-
mollissement chronique ; elles annoncent que le travail inflam-
(1) borsqu’elles .sont trè.Sjj-ôcenlc.s, leur densllc est beaucoup moindre, et
on peut alors le.s dclruire à l’aide d’un fort courant d’enu ; d’un autre côté, à
une 1 ciiode très-uv.incée elles peuvent actiur'rir une véritable dureté, de ma-
nière à ne SC laisser déchirer qu’avec jieiiie. C’est dans ces cas seuleraent
q I clics me paraissent mériter le nom de cicatricct.
534 ramoiussem?."tt chrovique. (anat. path.)
inatoire qui avait prrsiJt’ à la transfoi'matloii du raïuollisse-
inent en plaques jaunes a été au-delà et a marclié jusqu’à cette
période de destruction, de disparition du parenchyme cérébral,
à laquelle tend incessamment le ramollissement chronique. S’il
y arrive rai'ement, c’est qu’il se trouve arrêté dans sa marche,
soit par la mort, soit par la suspension, par le repos spontané
que la nature prescrit souvent au développement des altéra-
tions chroniques.
La substance médullaii-e, au-dessous des plaques jaunes], est
rarement pax’faitement saine, presque toujours (plus ou moins
ramollie, quelquefois jaunâtre ou bien encore rougeâtre, si elle
est devenue malade plus récemment que la substance corticale
sus-jacente. On y rencontre souvent des cavités, des espèces
de cellules traversées par des fibres comme celluleuses et infil-
trées de liquide lait de chaux. C’est ce que nous allons étudier
tout à l’heure sous le nom d’infiltration celluleuse.
Tels sont les traits les plus généraux que nous présentent les
plaques jaunes des circonvolutions , dont, malgré leur fré-
quence, on chercherait vainement quelques descriptions dans
les auteurs. A peine, si j’en excepte M. Cruveilhier, qui les a
fait parfaitement représenter dans ses planches d’anatomie pa-
thologique (1), et M. Bravais (2), les trouve.t-on mentionnées
d’une façon un peu précise. Je ne saurais entrer dans le détail de
toutes les variétés qu’elles m’ont offertes dans plus d une cin-
quantaine de cas où je les ai rencontrées, je me contenterai d’en
présenter quelques exemples dans les observations suivantes.
Observation 65. — Affection du cœur. A plusieurs reprises, délire,
hallucinations, mouvements spasmodiques. — Ramollissement à diffé-
rents degrés des circonvolutions cérébrales.
La nommée Akix, âgée de soixante-quinze ans, couchée au
numéro 2 de la salle Saint-Paul, était entrée à l’infirmerie le
3 août 1838, et avait présenté depuis lors des symptômes du
côté du cœur et du côté du cerveau. Yoici dans quel état je la
trouvai le janvier 1839, époque à laquelle je pris le service
comme interne.
(t) Cruveilhier, Anatomie pathologique, üvrnuon 33, pl. 2.
(2) Bravais, Revue médicale, t, i, 1827.
PLAQUES JAUNES.
Maigreur considérable, pas d’infiltration des membres ; respi-
ration fréquente, un peu gênée; elle demeure presque toujours
assise sur son lit; la poitrine est sonore en arrière , excepté à la
base ; on entend partout du râle sous-crépitant et du râle mu-
queux; le cœur s’entend dans toute, la partie anterieure de la
poitrine ; il y a une impulsion très-forte et tres-étendue ; les
bruits sont sonores ; le premier domine un peu le second; il ne
s’y mêle aucun son anormal: les battements sont très-reguliers,
d’une grande fréquence. Le pouls est irrégulier, très-faible,
filiforme. L’intelligence est notablement altérée , la malade di-
vague presque toujours; elle est de temps en temps assez
agitée.
Yers le 5 janvier, l’agitation augmente.
Le 8, elle eut des ballucinations, tint les discours les plus
étranges ; elle était prise à chaque instant de mouvements spas-
modiques des avant-bras et de la face; cette dernière grimaçait
continuellement. Il y avait des soubresauts de tendons, les
membres supérieurs opposaient souvent une résistance assez
forte aux mouvements qu’on cherchait à leur faire exécuter;
de temps en temps il survenait un tremblement général très-
fort et tout à fait semblable à celui qui précède souvent un accès
de fièvre intermittente; langue humide , pouls faible, pas de
chaleur à la peau. {Trente sangsues au cou.)
Les sangsues coulèrent abondamment. 11 survint un peu de
calme, mais la malade demeura dans un état de subdelirium ;
la voix éteinte, la face se contractant spasmodiquement, la
prostration faisant chaque jour des progrès. La respiration s’em-
barrassa davantage, et elle mourut le 13 janvier. '
Voici quelques renseignements que j’ai pu obtenir sur cette
femme. •
Ses enfants me dirent qu’elle se plaignait d’oppression et de
palpitations depuis un an ou deux ; avant cette époque, elle ne
toussait pas , elle avait loulcs les apparences d’une bonne .santé.
Elle était entrée à rinfirmerie })our sa maladie du cœur; on
n’avait jamais trouvé de bruit anormal dans ce ilernier , mais
seulement une grande irrégularité; on n’avait rien remarqué
du côté des poumons. De temps en temps l’oppression devenait
très-vive ; on avait obtenu d’assez bons résultats du vin scilll-
tique.
2c6 nAMOLLlSSE.MKNT CBRONIQtlE. (aNAT. PATH.)
Elle avait été prise plusieurs fois d’accidents cérébraux tout
à fait semblables à ceux cjui se sont passés sous mes yeiix, et que
j’ai décrils, caractérisés surtout par del’exaljation, du délire, de
la raideur et des mouvements spasmodiques dans les membres.
Des sangsues au cou dissipaient en général promptement ces ac™
cidenls.
Je tiens ces détails de M. Prus, chef du service.
Autopsie 'vingt-quatre heures après la mort. — Epaisseur nor-
male des os du crâne; adhérences de la dure-mère; peu d’opa-
cités sur l’arachnoïde ; ti'ès-grande quantité de sérosité infiltrée
dans la pie-mère, écartant très-profondément les circonvolu-
tions de la convexité. Celles-ci ne sont point affaissées , seule-
ment les espaces qui les séparent sont considérablement agran-
dis. Il y a une grande quantité de sérosité à la base du cerveau;
opacités et épaississement des parois des artères. Les méninges
s’enlèvent avec beaucoup de facilité de la plus grande partie de
la surface du cerveau.
A la partie antérieure du lobe postérieur gauche , sur la con-
vexité, au point de réunion de plusieurs circonvolutions, on
trouve un ramollissement de la substance corticale , pénétrant
un peu dans la substance médullaire. Ce ramollissement, de
couleur rose, présente à sa superficie une teinte jaune d’ocre
inégalement répandue. La pie-mère adhérait à ce point et avait
entraîné une petite portion du tissu ramolli. A la partie posté-
rieure de ce même hémisphère , on trouva la surface de plu-
sieurs anfractuosités convertie en une sorte de membi’ane jaune,
épaisse, sans adhérence à la pie-mère, lisse à l’extérieur, sem-
blant remplacer en cet endroit la couche corticale dont il ne
restait pas d’autre trace. La surface profonde de ce tissu jaune
membraniforme était comme tomentense, et formait la paroi
supérieure de deux petites cavités pleines de lait de chaux ,^à
parois très-denses.^ grisâtres, vasculaires. Autour de ces der-
nières, la substance médullaire était très-legèrement ramollie
dans une petite étendue, sans changement de couleur. Une ou
deux circonvolutions comprises dans l’intervalle des anfractuo-
sités dont je viens de décrire les altérations , étaient atrophiées.
Sur le lobe postérieur de l’hémisphère droit , et à la partie
externe du lobe moyen, on trouva deux ramollissements cir-
conscrits, superficiels, occupant deux ou trois circonvolutions
237
ULAQUES JAUiNES.
et anfiactuosités, coinpienant toute l’épaisseur de la substance
corticale, et s’étendant uu peu dans la substance médullaire
Süus-jacente. Ce ramollissement, tout a fait semblable a celui
que nous avions trouvé sur l’autre hémispbère, était rose comme
lui ,• dans deux points très-petits, à la partie moyenne , la cou-
leur rose était remplacée aussi par une teinte jaune, absolument
de la même nuance que la plaque jaune du lobe antérieur gau-
che. Du reste, ces deux ramollissements n’avaient entraîne au-
cune déformation ni tuméfaction appréciable des circonvolu-
tions qu’ils occupaient. Un courant d’eau, projeté sur eux, en
éraillait légèrement la surface.
Les ventricules latéraux étaient distendus par une grande
quantité de sérosité ; les plexus choroïdes en étaient tout infil-
trés. Etat d’iiîtégrité complète de toutes les parties profondes
de l’encéphale ; fermeté assez grande et injection assez pronon-
cée de la substance médullaire.
Les deux poumons étaient très-adhérents, infiltrés de séro-
sité -, leurs lobes inférieurs rouges, très-friables, ne contenaient
pas d^air.
Le péricarde contenait un demi-verre de sérosité ; le cœur
était d’un volume considérable, l’oreillette droite remarquable-
ment épaissie ^ ses parois tapissées presqu’en entier de colonnes
charnues à peu près aussi développées que celles du ventricule
droit. \ entricule gauche dilaté et épaissi, d’une fermeté re-
marquable. Rien à noter aux autres cavités, non plus qu’aux
orifices.
Le cerveau que je viens de décrire dans cette observation
nous a présenté deux ordres d’altérations bien distinctes ; les
unes évidemment récentes , les autres aussi évidemment an-
ciennes. L’identité de siège des unes et des autres, leur voisi-
nage, la resseinLlance des accidents qu’elles avaient déterminés,
et dont les apparitions successives coïncident parfaitement avec
la date relative de leur développement, tout annonce qu’elles
étaient de même nature, et que les dilféreuces d’aspect sous
lesquelles elles se sont présentées ne tiennent qu’à l’époque diflé-
reute de leur forinalioii. Du reste, s’il était possible de constr-
vei quelques doutes à CCI egard, la coloration jaune qui coin '
238
ramollissement chroniqüb. (anat. pat.)
mençail à apparaître siir les ramollissements rosés, et qu’il était
facile de comparer à celle des plaques jaunes, suffirait pour les
faire cesser complètement.
Observation 66. — Paralysie incomplète du bras gauche, sans rai-
deur ; point de perte de connaissance ; signes de congestion cérébrale j
mort subite au bout d’un mois. — Ramollissement avec injection vive de
la substance médullaire de l’hémisphère droit ; plaques jaunes des cir-
convolutions.
Louise Gachet, âgée de soixante-dix-sept ans, est une femme
d’un embonpoint énorme, d’un caractère extrêmement gai ; son
intelligence paraît s’être ressentie des progrès de l’âge. Elle a
habituellement la face très-colorée ; elle aime beaucoup à boire
de l’eau-de-vie et du vin pur. On l’a entendue dans ces derniers
temps se plaindre quelquefois de la tète: du reste, elle ne pré-
sentait aucun signe de paralysie , ne perdait jamais connais-
sance, et ne paraissait pas affectée de vertiges ni d’étourdis-
sements.
Le 22 décembre 1838, elle s’aperçut dans la journée que son
bras gauche était devenu plus faible et plus lourd qu’à l’ordi-
naire ; elle ne semblait pas souffrir davantage de la tête, et ne
voulut pas aller à l’infirmerie.
Ce fut le 28 seulement qu’on la transporta au n“ 19 de la
salle Saint-Jacques.
Elle avait la face très-rouge, les yeux fort injectés ; elle se
plaignait un peu de céphalalgie. La langue était un peu em-
barrassée; le bras gauche était lourd et les doigts se mouvaient
avec peine. Ce membre ne présentait aucune raideur dans ses
articulations, et n’était le siège d’aucune douleur. Il n’y avait
rien de semblable à la jambe. La face n’était pas déviée. L’état
habituel de l’intelligence empêchait d’apprécier exactement les
modifications que les facultés avaient pu éprouver.
Une saignée du bras fut pratiquée et un mieux notable se
montra dès le lendemain. On pensa n’avoir affaire qu’à une
simple congestion cérébrale.
Cependant la face et les yeux annonçaient toujours, par leur
rougeur, un état de congestion .sanguine vers la tête; il y avait
toujours un certain degré d’excitation. Elle ne se plaignait pas
beaucoup de céphalalgie, mais elle accusait un peu d’etouffe-
plaques jaunes. 239
ment. Il y avait de la chaleur à la peau, de la force et de la
fréquence dans le pouls. La langue était parfois un peu sèche ,
et offrait une coloration noirâtre qui paraissait lui être natu-
relle. On eut recours à plusieurs reprises aux purgatifs , aux
émissions sanguines générales ou par les sangsues.
On parut améliorer un peu l’état général ; mais les mouve-
ments du bras gauche demeuraient toujours très-faibles et in-
complets.
Le 1 5 janvier, dans la soirée, elle perdit tout à coup connais-
SîQice, la face devint très-pâle, la langue s’embarrassa, et n’avait
pas encore repris ie lendemain matin toute la liberté de ses
mouvements. Cette attaque fut de courte durée ; une autre du
même genre se montra huit jours après, mais se dissipa plus
promptement encore.
Malgré ces accidents , Gachet paraissait mieux qu’au com-
mencement du mois : il y avait moins de congestion à la face ;
l’intelligence semblait en meilleur état. Elle portait assez libre"
ment son bras gauche à sa tête, mais elle ne pouvait en mou-
voir les doigts. Le membre , demi-paralysé, n’oft'rit jamais
aucune raideur ; Insensibilité y fut toujours intacte, et la ma-
lade n’y ressentait aucune douleur. On la levait quelquefois
dans la journée. Le reste du temps elle demeurait fort tranquille,
un peu assoupie, toujours de bonne humeur, mangeant à peine,
mais demandant du vin avec instance.
Le 26 janvier, nous la trouvâmes à la visite comme à l’ordi-
naire, ne SC plaignant pas, mais un peu plus sérieuse. Une demi-
heure après elle demand i à boire, et tout en parlant retomba
sur son oreiller sans donne;' signe de vie. J’arrivai presque aussi-
tôt auprès d’elle ; je m’assurai qu’elle était morte ■ elle était très-
pâle, et sans raideur dans les membres.
Autopsie vingt-quatre heures après la mort. — Épaisseur nor-
male de.s os du crâne. Adhérences de la dure-mère qui se laisse
déchirer quand on enlève la voûte crânienne. Légères opacités
de l’arachnoïde ; la déchirure de la dure-mère empêche d’ap-
précier la quantité de sérosité que contient sa cavité, La pie-
mère est infiltrée d’une très-grande quantité de sérosité limpide
qui lui donne un aspect gélatiniforme. Commencement d’ossi-
fication des vaisseaux de la base. Les circonvolutions sont gené-
ralcmcnl écartées par la sérosité. ^
240
RAMOLLlSbEMEMT CHROKIQÜE. (^ABAT. PATH.)
4u-dessus de l’iiémisplière droit, une anfractuosité transver-
sale, que l’on remarque liabituellement sur la convexité dont
elle décrit la largeur, à peu près à la réunion des lobes moyen
et postérieur, est remplie de sçrosité, et beaucoup plus large que
banfracluosité correspondante de Taulrc bémispbère. On s’a-
perçoit que cet élargissement est dû à un amincissement consi-
dérable des circonvolutions qui en forment le bord postérieur.
En effet tout le fond et les parois de cette anfractuosité sont d’un
jaune d’ocre peu foncé , mollasses au toucher, sans être péné-
trés par un filet d’eau, et se laissant plisser superficiellement à
la manière d’une membrane. La pie-mère, qui partout ailleurs
se séparait avec la plus grande facilité de la superficie du cer-
veau, lui adhérait dans ce point où elle présentait une injection
beaucoup plus vive. Une ou deux anfractuosités , voisines de
celle que je viens de décrire, offraient la même altération. Celte
transformation en un tissu jaune, membraniforme, occupait
toute l’épaisseur de la substance corticale.
Une coupe boiizonlale étant pratiquée, on vit que la sub-
stance médullaire de lout le lobe postérieur, d’une partie du
lobe moyen et de la partie interne de l’bémispbère, jusqu’au
lobe antérieur, était très-iamollie et d’une couleur rose-vil.
Cette altération était due à une injection très-serrée et tout à
fait limitée à l’étendue du ramollissement. Celui-ci était très-
prononcé, surtout au centre, et se laissait pénétrer par un cou-
rant d’eau. Dans la partie centrale aussi, la partie ramollie pré-
•sentait une légère coloration jaune, tout à fait de la même
nuance que celle qui se montrait à la surface du cerveau. Ce ra-
mollissement s’étendait jusqu’à buit ou dix lignes au-dessous de
la substance corticale j il occupait plus de largeur a sa partie
profonde qu’à sa partie superficielle. A ses limites il revenait
peu à peu à la consistance normale.
Le reste de riiémispbère paraissait sain ainsi que celui du
côté opposé; il était très-pâle; cependant les vaisseaux de la
substance blancbe, quoi([ue vides de sang , semblaient plus xo-
lumineux qu’ils ne le sont liabituellement. Les ventiicules la-
téraux contenaient un peu de sérosité ; les parties avoisinantes
étaient tout à fait saines , ainsi que le cervelet et la moelle
allongée. j
T-cs poumons étaient un peu rouges , surtout à la partie de-
24.1
PLAQUES JAUKES.
clive, mais sains du rcs!c , cL ne conLcnant presque pas de li-
quide.
Le cœur ctail volumineux ; son tissu musculaire était pâle,
plus ferme qu’à l’ordinaire, et présentait dans quelques poipts
un peu de blauclieur. Du reste, rien à noter aux cavités ni aux
orifices de cet organe. Les cavités droites contenaient une
grande quantité de sang liquide ; rien dans les cavités gaucLes.
Le ramollissement avait sans doute marché de dcliors en
dedans, de la superficie du cerveau vers .sa . profondeur’ j aussi,
plus ancien dans la substance corticale des circonvolutions que
dans la substance médullaire sous-jacente, il avait déjà revêtu
dans la première la forme de plaques jaunes, dont nous con-
naissons bien maintenant le mode de formation.
Il est difficile de dire quelle a été la cause de la mort, ài la-
quelle il est plus que douteux que le cerveau ait pris une part
directe. La seule des altérations habituelles des morts subites
qui existât ici, était la fluidité du sang dans le cœur. Mais les
autres signes d’asphyxie qui les’accompagnent communément
manquaient.
ÜBSEnvATiojv fiy. — Hemipiégie droite avec contracture. Mort un
mois après. — Plaque jaune à la base de l’hénrisphère gauche.
Une femme de soixante-quinze ans a été prise tout à coup., il
y a un mois, d’hémiplégie complète à droite, sans perte de co n-
naissance. Les renseignements pris auprès de ses voisines, et
d’elle-même ont constaté Tabsence de tout prodrome: ni cé-
phalalgie, ni étourdissements, lii faiblesse dans les nrenabres.
L’hémiplégie s’est accompagnée, dès le principe, d’une «;ontrac-
ture qui a disparu pendant les trois derniers jours de la rie. La
bouche était déviée, la parole embarrassée, rintellq’encc et les
•sens intacts. La malade mourut avec dc.s symptômes fébri.l les
dans un profond afl'aissement, mais sans coma ni ré-solutiou
nérale.
J uLopsà’. ~L-,i cavité de l’arachnoïde contient qnclc [ucs
gouttes de sérosité; un peu d’opacité <le son feuillet cérél:' nal.
Quantité nolable de sérosité limfiide ialiluée dans la pic-ir œre
16
242 RAMOI.USSEMENT CHRONIQUE. (anAT. PATH.)
Sur deux points de la convexité de chaque hémisphère, on voit
une dépression superficielle , pleine de sérosité , et qui paraît
au premier abord le résultat de l’atrophie des circonvolutions ;
on's'assure , après avoir enlevé les méninges , qu’elles s’étaient
seulement laissées refouler par la sérosité. On remarque quel-
ques adhérences fines et molles , qui ne paraissent pas vasculai-
•res , entre la pie-mère et le cerveau ; la méninge détachée , on
trouve de semblables adhérences entre les circonvolutions , au
fond des anfractuosités.
La surface du cerveau est saine. Seulement à la base du lobe
postérieur de l’hémisphère gauche, on trouve une surface de
trois centimètres carrés, jaune chamois, mollasse, membrani-
fortne; les icirconvolutions sont tout à fait déformées sur ce
point, la pie-mère très-adhérente. Cette altération de couleur et
de consistance occupe toute la couche corticale et s elend un peu
à la substance blanche ; un filet d eau glisse sur elle sans meme
en érailler là surface.
Dans le centre du même hémisphère on trouve une tache
grisâtre, de la grandeur d’un petit haricot, molle et se laissant
pénétrer par un filet d’éau. Cette altération est très-nettement
circonscrite.
Observation 68.— Infiltration sanguine et plaques jaunes des circon-
▼ol ut ions.
Un homme âgé'de soixante ans, épileptique, enfermé depuis
quinïe ans dans’la division des aliénés de Bicètre , mourut le
28' avril 1824, avec des eschares au siège. •
Autopste. — Sérosité trouble , abondante à l’entour du cer-
veau. Le cerveau étant lavé, la couche corticale offre çà et là
des plaques jaunâtres.' En dépouillant de leurs membranes les
circonvolutions supérieures, les taches jaunes les moins pronon-
cées ont disparu. Les autres s’affaiblissent seulement; elles aflec-
tent la couche la plus superficielle du cerveau.
En arrière de la scissure de Sylvius, à droite, on trouve trois
ou quatre circonvolutions infiltrées de sang, dans la couche cor-
t'icale seulement, molles et s’enlevant avec la pic-mcie. Au de-
vant de cette lésion, et sur le penchant d’une cmonvolnlion, se
PLAQtJES JAUMES. 243
leucoutre une membrane jaunâtre de la largeur et de l’épaisseur
d’un ceniiine. Elle occupe toute l épaisseur de la couche corti-
cale : la pie-mère s’en détaché avec facilite j sa surface externe
est couverte d’une sorte d’enduit luisant, élastique, gelatini-
forme.
Infiltration sanguine des circonvolutions du lobe postérieur
gauche (1).
Lorsqu’à la suite de la formation de plaques jaunes, la ma-
ladie continue de niarcher, et qu’au dessous d’elles se développe
un ramollissement étendu de la substance médullaire, passant
de l’état pulpeux à l’état d’infiltration celluleuse, en général les
plaques jaunes s’amincissent peu à peu, et à la place de cette
sorte de tissu qui les constitue et que nous avons essayé de dé-
crire, on ne trouve plus qu’une couche celluleuse très-mince ,
quelquefois vasculaire, semblable à celle que nous avons dit se
rencontrer souvent entre la pie-mère et la surface externe des
plaques jaunes.
D’autres fois on trouve de véritables ulcérations à bords tail-
lés à pic, comprenant justement l’épaisseur de la couche corti-
cale et conservant même encore dans leur voisinage des traces
des plaques jaunes qui les avaient précédées (2). Au lieu de sim-
ples ulcérations ainsi limitées à la substance corticale, il pourra
y avoir de vastes pertes de substance, auxquelles participera
plus ou moins profondément la substance médullaire sous-ja-
cente (3).
Dans quelques ramollissements anciens, on ne trouve plus
rien de semblable, à la superficie de la substanèe médullaire ain^i
convertie en infiltration celluleuse. Il n’y a ni plaques jaunes
ni cette couche celluleuse mince dont nous venons de parler ni
une véritable ulcération à bords nettement tracés. La couche
corticale paraît avoir disparu par une sorte d’absorption, mais il
en reste presciuo toujours, pour trace, une teinte jaune delà
surface de l’infiltration celluleuse; celte teinte jauue peut n’en
occuper exactement que la superficie, ou s’étendre à un ou deux
(1) Bnivaib, loc . cil.
(2) Fuyez observa lionti 76, 77, 76, etc.
(3) Voyez observations «t , 82, 63, 90, 91, cLe.
-il KAMOLLlÜbl-MKST CnUOJNIQLIi (ajNAX. PAXH.)
niillimèlres de profoncleuiv, dernier indice de la routeur plus
vive dont la couche corticale avait été le siège au début de la
maladie.
Je n’ai jamais rencontre' de plaques jaunes à la superficie du
cervelet : peut-être la couche de substance corticale qui revêt
cet organe est-elle trop mince pour se prêter à leur développe-
ment ; mais j y ai presque toujours vu le ramollissement chro-
nique, pulpeux ou a 1 état d infiltration celluleuse, présenter
une coloration jaune semblable à sa superficie.
§ II. Deuxième période du ramollissement chronique dans la substance mé-
dullaire et les parties profondes du cerveau. {Infiltration celluleuse.)
INous avons vu que le ramollissement dans la pulpe médul-
laire pouvait conserver indéfiniment ses caractères de simple
ramollissement de tissu, sans subir aucune transformation, au-
cun autre travail de désorganisation. Mais j’ai dit en même
temps que cela me paraissait le cas le plus rare , et que presque
toujours il venait à éprouver, au bout d’un certain temps, do
certaines modifications dont je vais faire la description.
Lorsque l’on étudie des ramollissements arrivés à ce degré,
voici ce que l’on trouve :
La pulpe médullaire a disparu daus une plus ou moins grande
étendue , et se trouve remplacée par un tissu cellulaire lâche,
laissant entre ses Drailles des vides irréguliers, que remplit un
liquide trouble et blanchâtre, mêlé ou non de flocons qui ne
semblent autre chose que des débris de substance cérébrale.
Nous allons passer en revue successivement le siège de cette
altération, le tissu cellulaire, le liquide qui la constituent, l’état
de la substance cérébrale environnante. Nous chercherons en-
suite à étudier les degrés secondaires qui l’unissent, et d’un côté
au simple ramollissement pulpeux, et d’un autre côté à la dis-
parition complète de la substance cérébrale , que nous avons
déjà dit être le terme de l’altération anatomique qui constitue
la maladie étudiée sous le nom de ramollissement cérébral.
J’ai donné à la transformation morbide dont il est ici ques-
tion, le nom à' infilLralion celluleuse , qui rend ses deux carac-
tères constants et essentiels, savoir, l’isolement du tissu cellu-
laire ecrelji.d, cl son infiltraiion par un liquide partieuliei.
Quanta sa fréquenee , elle me parait assez grande, puisque je
INFH-TTIATION CFT.LXJLEt’SE.
24 5
possède plus de quarante cas où elle a élé observée bien évi-
demment, et je ne doute pas qu’elle ne m’ait échappé plus d’une
fois, à l’époque où je commençais à étudier le ramollissement
cérébral, comme elle a sans doute échappé à la plupart des ob-
servateurs; car nous verrons plus loin que, paraissant complète-
ment ignorée par quelques-uns, elle a été imparfaitement ap-
préciée par la plupart, et ne s’est trouvée décrite que dans des
cas rares et tout à fait isolés. Aussi j’avoue que je m’attendais
peu, d’après la lecture des auteurs, aux résultats que m’a don-
nés mon observation.
Siège. — On rencontre ordinairement l’inlillration celluleuse
dans la substance blancbe des hémisphères ; souvent aussi dans
les corps striés, mais très-rarement sans cloute dans les couches
optiques, où je ne crois pas l’avoir jamais rencontrée.
Je n’ai pas vu un seul cas où la couche corticale des circon-
volutions parût y participer elle-même. Nous avons déjà dit
comment cette dernière se comportait dans les cas où elle en
était atteinte. Nous allons trouver l’occasion d’en donner encore
de nombreux exemples. Je déciirai cette même altération dans
le cervelet ; je ne l’ai jamais rencontrée dans la moelle allongée
ni dans ses prolongements ; mais le ramollissement est fort rare
dans ces parties. Je ne l’ai non plus jamais vue dans la moelle
spinale; mais nous citerons quelques observations qui ne per-
mettent pas de douter qu’elle n’y ait été rencontrée.
L’étendue de l’infdtration celluleuse peut varier beaucoup :
tantôt du volume d’une noisette, rarement plus petite , elle
peut occuper un ou deux lobes , un hémisphère presque entier,
si une observation rapportée par Abercrombie s’y rattache réel-
lement. Assez souvent, on la voit s’étendre de la superficie du
cerveau à la paroi des ventricules; dont elle dissèque en quel-
que sorte la membrane interne
Tissu cellulaire. — Le tissu cellulaire qui constitue cette al-
tération paraît être la trame celluleuse de la substance céré-
brale mise à nu par la disparition de la pulpe nerveuse elle-
même , sorte d’opération chimique qui sépare complètement
deux corps, en soumettant l’un d’eux à une sorte de décomposi-
Uon, de fusion qui met l’autre tout à fait à nu. Il se présente
sous forme de brides, de filaments, s’entrecroisant en tous sens
dans l’intérieur de l’espèce de foyer qui résulte de la disparition
246 BAMOLLISSF.MEKT CHRONIQUE. (aNAT. PATH.)
de la substance cérébrale , et donnant à ce dernier un peu de
l’apparence de certaines cavernes tuberculeuses que traversent
des débris de tissu cellulaire , de parencliyme pulmonaire j dé
vaisseaux. Presque tout à fait blanc dans quelques cas , il est
plus souvent un peu grisâtre ; parfois il présente une teinte un
peu jaunâtre, mais toujours très-claire, et jamais de coloration
plus prononcée. Des vaisseaux l’accompagnent quelquefois; ils
sont en général volumineux , on n'y rencontre pas toujours de
capillaires appréciables à la vue; la plupart suivent les filaments
celluleux , d’autres les abandonnent et traversent seuls les es-
paces que ceux-ci laissent entre eux.
La consistance de ce tissu cellulaiie est assex variable. Tantôt
il est très-mol , et n’offre presque aucune cohésion ; tantôt , au
contraire, il est fort dense, et, dans quelques points peut offrir
une résistance un peu fibreuse. Ces deux extrêmes me parais-
sent, en général, indiquer également une altération assez an-
cienne. Le premier cas , au moins, semble l’annonce de la dis-
parition prochaine de ce tissu cellulaire lui-même, par suite du
progiès continuel de la cause productrice et propagatrice de la
maladie. Le second, au contraire, signifie que sa marche s’ar-
rête et qu’elle tend à cet état d’induration, qui est la seule gué-
rison dont soient susceptibles les altérations organiques aussi
avancées. Il faut remarquer cependant que l’étude de certaines
cavités dans le cerveau semble fournir des exemples de guérison,
après la disparition complète de ce tissu cellulaire. Mais cest
qu’alors la maladie était demeurée toute locale, et avait épuisé
toutes ses périodes sur un point, sans s’être étendue plus loin.
Par leur entrecroisement, ces bride.s celluleuses laissent entre
elles des vides très-irrégullers et inégaux. Le progrès de la ma-
ladie consiste réellement dans l’agrandissement de ces espaces ,
puisqu’ils résultent de l’absorption successive et du tissu ner-
veux et du tissu cellulaire : aussi leur inspection peut donner
une idée approximative du degré auquel est parvenue la mala-
die, mais non de son ancienneté, car elle ne marche pas dans
tous les cas avec une égale rapidité.
. JÀqiiide lait de chaux. — Ces espaces se trouvent remplis par
un liquide blanchâtre, trouble, séreuK, comparé par le profes-
«eur Andràl à du petit lait, àpp''lé par MM. Cvuvedhier et De-
INFILTRATION CELLULEUSE. '
chambre lait de chaux , nom qui en rend assez bien ks quali-
tés physiques.
Ce liquide est parfaitement distinct du pus par sa fluidité , sa
teinte blanche ou grisâtre , et qui m’offre jamais les nuances
jaunes ou vertes de la suppuration. Il n’offre pas non plus au
toucher cette sensation douce et onctueuse du pus. Il est certain
qu’il a un aspect spécial et qui ne se retrouve point ailleurs :
cependant il ressemble à un liquide trouble et blanchâtre que
l’on trouve parfois dans ces poches fibreuses voisines des con-
crétions calcaires, dont elles semblent le premier degré, et qui
se rencontrent auprès des tissus fibreux, par exemple aux ori-
fices du cœur.
Quelquefois presque limpide , ordinairement louche , le lait
de chaux tient eu suspension un grand nombre de petits corps
semblables à une sorte de poussière, que l’on ne sent pas au
toucher, et que l’on ne distingue souvent qu’en plaçant ce li-
quide, recueilli dans un flacon, entre l^œil et la lumière. Quand
on le laisse reposer, ces petits grains se précipitent presque tous
dans les couches inférieures du liquide.
J’ai reconnu récemment un fait assez curieux^ et qui vient
fortement appuyer l’opinion que j’émets sur la nature de ce li-
quide : c’est que, lorsqu’on broie de la substance cérébrale dans
de l’eau, celle-ci devient trouble et d’un blanc grisâtre tout à
fait semblable au lait de chaux.
Ce liquide lait de chaux peut exister en grande quantité dans
les infiltrations celluleuses , lorsque le tissu cellulaire bien dis-
séqué, ou même déjà en partie détruit, laisse de larges espaces -
entre ses mailles. On le voit quelquefois s’écouler abondamment
à l’incision du cerveau. D’autres fois , il est tout à fait enve-
loppé par le tissu infiltré, dont il faut alors l’exprimer par la
pression.
Quelquefois, mais non toujours, il entraîne avec lui des flo-
cons blanchâtres désorganisés, et qui ne sont autre chose que
des lambeaux détachés de substance cérébrale. La présence de
ces flocons que le doigt écrase par la moindre pression , ejt dont
on distingue quelquefois l’intime mélange au liquide lajt, t^e
chaux, semble démontrer que ce dernier n’est pas le résultat
d’une sécrétion nouvelle , mais simplement le produit d’une
sorte de fusion, d’une véritable liquéfaction de la pulpe ner-
- R AMOI.USSKMKN r CMROI'iiOtF.. (a\aï. païh. ;
veuse. Cela me paiaÎL distiiifjucr ce liquide, soil dn vériiabie
pus, soit de la sérosité qui, dans les cavités anciennes, ne semble
exister que pour remplir le vide qu’elles formenl, et est certai-
nement le produit de la secrétion de leurs parois. Le lait de
chaux n’est pas un produit de secrétion, de la sérosité , mais la
substance cerebrale elle-même licjuéliée.
Etat de la substance cérébrale enaircmnanle .[ — Lorsque l’on
prend ces infiltrations celluleuses au degré que nous étudions
maintenant, on trouve, eu général, la substance médullaire en-
vironnante , dans une plus ou moins grande étendue, molle,
pulpeuse , ordinairement blanche ou jaunâtre , plus ou moins
vasculaire, presque jamais rosée. C’est là le premier degré du
ramollissement chronique. Cette substance, encore seulement
ramollie, subira à son tour la transformation celluleuse. Lors-
que cette alteration cle la substance médullaire s’étend aux cir-
convolutions, la substance corticale qui se trouve alors la re-
couvrir, présenté habituellement l’altération que j’ai décrite
Êous le nom de plaques jaunes, ou elle a complètement disparu,
ne laissant pour trace, ainsi que nous l’avons dit, qu’une teinte
légèrement jaunâtre , à la superficie de l’altération de la sub-
stance médullaire.
Les parois de l’infiltration celluleuse sont cjuelquefois for-
mées par un tissu sain ou à peu près. Cela se voit lorsque la
maladie est récente, et ne s’est pas encore étendue aux environs
du ramollissement primitif j ou bien, au contraire, lorsque, très-
avancée, ses progrès se sont arrêtés et qu’elle se trouve bien li-
mitée au mijieu de la substance cérébrale saine. Dans ce derniei
cas, ordinairement, celle-ci présente une tendance à lui former
des parois lis.ses, analogues à une surface séreuse, indurées quel-
quefois, enfin présentant un aspect sur lequel nous aurons à
revenir, lorsejue nous étudierons la cicatrisation du ramollis-
sement.
Observation (ig. Délire clironique avec e,\accrba lions. — Ramollis-
sement ronge et infiltration sangainé dos circmivolntious ; plaque.s
■jaunes des .anfractuosités ; ramollissémént de la substance médullaire
sotis-jacente.
La nomipée V‘ clri', âgée <le soixaulc-dix-ueuf ans , entra, le
lNFTLTl\/VTION CELLüLEL'SE.
249
22 novcmliro 1838, an iv 22 de la salle Saint Antoine , dans le
service de M. Cruveilhier. J’avais eu occasion de la voir, quel-
que temps auparavant, dans le service de M. Pins, où elle était
entrée le 29 septembre. J’avais pris alors sur elle les notes sui-
vantes :
Agitation, grande loquacité, divagation. La malade passe la
nuit à se lever et s’aller coucher clans le lit de ses voisines ;
cependant elle répond assez nettement aux questions qu’on lui
fait sur son état actuel; mais il est impossible d’en obtenir le
moindre renseignement sur ses antécédents. On s'assure que
les mouvements delà langue et des membres sont entièrement
libres. La poitrine est peu sonore partout ; râle sibilant à droite ;
à gauche et à la base, râle sous-crépitant muqueux assez abon-
dant. Matité assez étendue à la région précordiale , battements
du cœur assez réguliers, bruits sourds et normaux. La peau est
moite et très-chaude ; le pouls fort, médiocrement fréquent, un
peu irrégulier. Langue chargée, un peu rouge ; diarrhée. La
maigreur est excessive ; la figure est grimaçante et la physiono-
mie complètement dénuée d’intelligence. Une sai.gnée au bras
fut pratiquée; le sang était un peu couenneux. Quelques lave-
ments laudanisés et la diète firent passer le dévoiement et ra-
menèrent un peu de calme. La malade fut renvoyée dans son
dortoir assez tranquille, mais déraisonnant toujours.
Voici en quel état elle revint à l’infirmerie le 22 novembre ;
Insomnie complète ; délire continuel. Ses mains s’occupent
sans cesse à défaire ses couvertures, à tortiller son linge ; mais
elle ne cherche pas à sortir de son lit. Elle ne cesse de parler
un seul instant du jour ou de la nuit; il est difficile de préciser
sur quels points porte son délire : elle se croit entourée de per-
sonnes avec lesquelles elle tient les conversations les plus va-
riées! Si on lui adresse la parole, elle répond aussitôt avec une
certaine vivacité ; elle se plaint de souffrir partout ; elle espère
mourir bientôt.... Si l’on précise un peu les questions, on n’ob-
tient pas de réponses raisonnables ; du reste, elle vous demande
toujours des nouvelles de votre santé, et paraît reconnaissante
de ce qn’on s’occupe d’elle.
Tel fut l’état dans lequel demeura cette femme jusqu'au
8 décembre, époque où elle mourut. Je ne lui ai jamais vu ,
pendant cet espace de temps, un instant de repos ni de soin-
250 RAMOLLISSEMENT CHRONIQUE. (ANAT. PATH.)
meil : elle était tombée dans un état de marasme et de mai-
greur extraordinaire. Dans les derniers temps de sa vie , sa
voix était tellement enrouée et affaiblie, qu’on ne pouvait plus
distinguer un seul mot. Elle laissait aller sous elle.
A son entrée, comme elle avait de la force et de la fréquence
dans le pouls, que la peau était très-chaude, plusieurs saignées
du bras furent pratiquées ; des potions avec du sirop Diacode,
avec du laudanum de Rousseau (dix gouttes), furent adminis-
trées ; mais on n’obtint à peu près aucun effet de ces moyens.
Le délire paraissait un peu moins bruyant pendant quelques
jours, mais il ne tardait pas à reprendre son caractère habituel.
Pendant les trois derniers jours de sa vie, elle demeura dans
une immobilité complète, ayant à peine de respiration et de
pouls. Jusque là le mouvement et le sentiment avaient paru
intacts.
Autopsie. — Un peu de sérosité dans la cavité de l’arach-
noïde. Sérosité al)ondante dans la pie-mère, à sa partie dé-
clive, grande quantité de ce liquide transparent à la base du
crâne. Pas d’altération des vaisseaux . Injection médiocre des
veines de la pie-mère.
En retirant cette membrane, on enlève la superficie de quel-
ques circonvolutions de la convexité, surtout à gauche. Ces
points sont rosés, très-mous ; un filet d’eau les pénètre jusqu au-
delà de la substance corticale; on y voit par place un peu de
pointillé rouge fin et serré. Ce ramollisseineni s étend à une
ou deux anfractuosités.
A l’extrémité postérieure de l’hémisphère gauche, les circon-
volutions sont réduites en une bouillie rosée à 1 extérieur, d un
rouge lie de vin dans quelques points, grisâtre a 1 inteneur.
La couche la plus superficielle, entraînée par la pie-mère, laisse
à découvert une cavité profonde creusée dans l’epaisseur du
lobe cérébral , travei-sée par quelques brides celluleuses, et pe.
nétrant presque jusqu’au ventricule. Les parois de cette cavité ,
d’un blanc grisâtre, sônt inégales, comme feutiées, tiès ino e.
jusqu’à une certaine profondeur, et contiennent un liquide
trouble, d’un blanc grisâtre, lait oe chaux. Paimi le.s ciicon
volutious t. ès-ramollies qui recouvraient cette cavité, on' voyait
dans quelques points la substance- corticale confondue avec
la médulaire en une bouillie grisâtre , dans laquelle ou pou-
INFILTRATION CELLULEUSE.
vait supposer la présence du pus ; elle était traversée par des
vaisseaux rouges, dilatés, assez nombreux.
Dans quelques-unes dès anfractuosités voisines de la con-
vexité de l’hémisplière, la substance corticale, dans une assez
grande étendue, était transformée en un tissu jaunâtre peau de
chamois, mollasse au toucher, et pourtant doué d une cei laine
consistance, recouvert par une membrane fine assez dense ,
un peu jaune , vasculaire, adhérente, et qui se séparait de la
pie-mère. Les circonvolutions de l’extrémité postérieure de
l’hémisphère droit étaient reunies par des adhérences ties-
denses, et qui criaient presque sous le scalpel. Leur tissu était
converti en une substance très-molle, d’un rouge plus ou moins
foncé, suivant les points; au-dessous, la substance médullaiie
était molle dans une petite étendue et infilirée d’un liquide
lait de chaux. Au fond des anfractuosités voisines, et jusqu a
une assez grande distance, altération de la substance corticale
semblable à celle que nous avons décrite dans 1 autre hémi-
sphère : tissu jaune, consistant, meinbr.inilorine , recouvert
d’une couche celluleuse très-mince, vasculaire.
Les parois des ventricules étaient saines, sauf des adhérences
assez prononcées au fond de chacune des cavités digitales. Dans
le corps sti'ié gauche, petite cavité pisiforme, jaunâtre; canaux
vasculaires assez développés.
Rien au cervelet ni à la moelle allongée.
Le lobe inférieur du poumon gauche est rouge , friable, volu-
mineux, infiltré de liquides non spumeux et sanguinolents. In-
filtration séro-sanguinolente des parties déclives dU poumon
droit. Hypertrophie énorme du ventricule gauche du cœur. Pe-
tites végétations fibreuses sur le bord libre de la valvulé sig-
moïde.
Prêtre n’avait présenté qu’une seule forme d’accidents , le dé-
lire, passé à l’état chronique, ayant duré depuis une époque
indéterminée du reste, jusqu’à la mort, et s’éinnt montré d’une
façon continué, sâuf quelques exacerbations ; il était doilc à pré-
sumer que les lésions multiples qu’ofirail sou cervetui n’étaient
autre chose que les degrés liivers d’une même altération. En
efi'et, nous avons trouvé un ramollissement aigu, rouge et in-
r,Aw-)Tj.issi;.\TF.\T cHROxrçTJr;. (anat, patit.) -
fihrc desano- aux circoiivoluiions , un ramollissement pulpeux
où la substance corlicale et la médullaire se trouvaient confon-
dues ensemble sans rougeur, et dans un état assez semblable à
la suppuration; des plaques jaunes; enfin une infiltration cellu-
leuse, simplement imprégnée de lait de chaux dans un point,
convertie dans une autre en une cavité traversée par des brides
celluleuses. Ainsi , presque tous les degrés du ramollissement
se trouvaient là rangés les uns à côté des autres , sous les di-
verses formes qui caractérisent chacun d’eux , témoignant, par
cette apparence, que, pendant la maladie de Prêtre, le ramol-
lissement n avait cessé de croître dans les points qu’il occupait,
et de se propager aux parties voisines.
Ces réflexions sont également applicables à l’observation d’A-
lais (Obs. 65) , rapportée précédemment : à des accidents dont
l’origine ne pouvait non plus être douteuse, et qui .s’étaient
montrés à des époques successives, répondaient des altérations
semblables à celles de Prêtre, les unes aiguës, ramollissement
rouge des circonvolutions; les autres plus avancées, plaques
jaunes et infiltration celluleuse.
Observation 70. — Accidents cérébraux apparaissant à plusieurs re-
prises pendant plusieurs mois. Mort à la suite d’une dernière attaque.
— Ramollissement aigu des circonvolutions ; ramollissement pulpeux,
plaques jaunes; infiltration celluleuse.
Une femme âgée de soixante-treize ans , nommée Monlalant,
avait toujours eu une bonne santé, sauf un flux bémorrhoïdal
qui se montrait habituellement plusieurs fois par au. Pendant
les six premiers mois de l’aunée 1839, elle éprouva, à cinq ou
six reprises, des accidents caractérisés par un afl’aiblissemeul
plus ou moins considérable des mouvements des tnembres su-
périeurs , des engourdissements et des fourmillements aux
doigts , un peu de céphalalgie frontale , de 1 embarras de la
parole, les dernières fois même de l’assoupissement. On em-
ployaiPun traitement antiphlogistique, et ces symptômes se dis-
.sipaient : les mouvements seuls ne revinrent qu’incomplète-
ment. Ces accidents furent observés par ftl. Uucrest, interne a
la Salpêtrière. Une dernière attaque eut lieu dans les derniers
jours du mois de juillet assoupissement, raideur générale,
cris aigus quand on cherche à étendre les coudes, quelques
IJiFILTUATlOK CELLULEC612.
■253
niouveiuenls spontanés des meinhi es supérieurs , bouche dé-
viée à droite. 3Iort au bout de quelques jours avec coma pro-
fond , résolution et insensibilité' générales.
Autopsie. — La pie-nière est infiltrée d’une assez grande
quantité de sérosité. A la partie moyenne de riiéinisphère droit,
on trouve un ramollissement , sans changement de couleur,
qui s’étend depuis les circonvolutions presque jusqu’au ventri-
cule , ayant en largeur à peu près l’étendue d’une pièce de
cinq francs. Au-dessus dece ramollissement, les circonvolutions
ont tout-à-lait disparu, remplacées par une substance pul-
peuse , informe , d’un blanc un peu grisâtre , et dont la couche
la plus superficielle se laisse entraîner par la pie-mère ; tout à
i entour de cette altération, la couche corticale est transformée,
dans une certaine étendue, en une substance jaune, membrani-
lorine , mollasse (plaques jaunes).
Au-dessus de l’hémisphère gauche, les circonvolutions ont
conservé leur forme , mais présentent des altérations très- va-
llées . quelques-unes sont saines; d’autres un peu molles et
lougeaties dans toute 1 épaisseur de la substance corticale, sans
tuméfaction appréciable ; d’autres présentent des plaques jau-
nes dans 1 étendue d une pièce de cincj, de dix, de quinze sols.
Ces plaques ont une teinte jaune chamois , un peu plus minces
que la couche corticale elle-même; quand on les touche avec la
pointe a un scalpel, elles se laissent plisser à la manière d’une
membrane.
Au-Dessous de chacune de ces plaques , la substance médul-
laire ese-ramollie dans une étendue assez peu considérable. Sous
la plus large, à la partie moyenne de la conve.xité , on trouve
un espace de l’étendue d’une noisette, formé d’un tissu cellu-
laire infiltré de lait de chaux. Mais ce tissu cellulaire n’avait
pas toul-a-fait l’apparence ordinaire : il était composé de nom-
breux filaments très-deliés , finement entre-croisés , blancs,
semblant avoir été empruntés à un cocon de ver à soie.
Ubsekvauon ^1. Rainollisseinent aigu et ranioUisseinenl chroni-
que a clilféi-cnts degrés.
Lue vieille femme mourut au mois de janvier, dans le ser-
vice (le M. Cruveilhicr J’ai su que celte h nime paraissait sûiis
264 rAmollissemeint chronique, (anat. path.)
l’influence d’une alFeclion ce'rélnale chronique , lorsqu’elle fut
prise d’accidents cérébraux aigus et rapidement suivis de la
mort. Malgré la brièveté de ces renseignements , j’ai cru devoir
consigner ici, dans tous ses détails, l’autopsie de cette femme,
que j’ai pratiquée moi-même , et dont la description m’a paru
instructive pour noUe sujet.
Autopsie. — La dure-mère paraît un peu tendue; petite
quantité de sérosité dans l’arachnoïde et dans la pie-mère ; les
vaisseaux de cette dernière sont très-injectés, surtout les plu
petits qui dessinent en certains points des stries rouges très-
serrées. Les artères de la base présentent quelques plaques jau-
nâtres, sans ossification.
A la partie externe de la convexité de rhémisphère droit , on
trouve un ramollissement de l’étendue d’une pièce de cinq
francs; les circonvolutions ramollies, très-légèrement tumé-
fiées , ne sont pas déformées ; le ramollissement n’occupe que
la couche corticale , et suit eu partie la pie-mère , sous forme
d’une pulpe mollasse , inégalement rougeâtre; ses bords sont
nettement arrêtés. On trouve deux autres ramollissements tout
semblables , mais moins larges , au-dessus des lobes antérieur
et postérieur. Au-dessous de chacun d’eux, la substance blan-
che, dans une profondeuV de trois centimètres à peu près, et
dans une largeur précisément équivalente à celle de l’altération
de la couche corticale, présente une rougeur assez vive, sans
aucun ramollissement : on y voit un grand nombre de vais,
seaux routes, infiniment déliés et qui paraissent se diriger vers
la périphérie. On ne voit rien de semblablç dans,. aucun autre
point, {Ramollissement aigu.)
A la partie postérieure et un peu interne du lobe postérieur,
plusieurs circonvolutions avec les anfractuosités correspondan-
tes sont d’un très-petit volume, toutes ratatinées, d un jaune
safran clair ; la pie-mère leur est assez adhérente , bien qu elle
puisse en être détachée sans en altérer la surface. Une coupe
perpendiculaire faite en ce point montre que la substance coi-
ticale est rem|)lacée par une couche jaunâtre , mcmbianifoime,
non vasculaire , ayant à peu près la moitié de son épaisseur
normale : en râclant avec le scalpel , cette couche se laisse bien
nettement détacher de la substance blanche à laquelle elle est
superposée. Celle-ci est cependant ramollie : dans toute la moi-
INFILTI\ATI0N CELLliLEtlSE. ^OO
tié postérieure de l’hémisphèrç, elle offre la consistance et l’as-
pect d’un fromage mol, très-blanche non vasculaire , se lais-
sant pénétrer et détacher en lambeaux très-menus par un filet
à’ eau. (Plagues jaunes, ramollis s ement pulpeux.)
A fa partie externe de la convexité des lobes moyen et pos-
térieur de l’hémisphère gauche , dans 1 étendue de six à huit
centimètres carres, les circonvolutions ont tout-a-fait dispai u ,
remplacées par une surface plane ou plutôt sans forme deteimi-
née, d’un jaune d’ocre, se plissant tout entière à la ihanière
d’une .membrane , quand on en touche un point , se laissant
déprimer, comme s’il y avait un espace vide âu-dessons. Cette
couche jaune membraniforme semble s’attacher, à sa circonfé-
rence, à la couche corticale des circonvolutions demeurées sai-
nes, et il n’y a aucune transition entre la surface saine et la
surface malade. La pie-mère sus-jacente ne présente rien à noter,
non plus que sur les plaques jaunes de l’autre hémisphère ; seu-
lement elle est séparée de cellcs-ci par une membrane celluleuse
extrêmement fine etpareburue par de petits vaisseaux très-dé-
liés 5 en sorte qu’une coupe perpendiculaire pratiquée en ce
point fait voir successivement t la pie-mère, une lame celluleuse
mince et Vasculaire, une plaque jaune -, au-dessous de celle-ci
qui représente la couche corticaile dont elle a à peine le quart de
l’épaisseur, la substance blanche est, dans une grande profon-
deur, convertie en uhé sorte de réseati'de fibres entrelacées ,
d’une excessive délicatesse , semblables aux fils d’une toile d’a-
raignée , et dont on exprime une assez grande quantité d’un
liquide trouble, grisâtre, séreux •( iiijillration celluleuse ). Gela
est d’autant plus prononcé qu’on -s’approche davantage de la
substance corticale ; plus' profondément et près du ventricule,
la substance médullaire est seulement plus molle qu’à l’état
normal , pulpeuse, puis elle reprend^graduellement son appa-
rence naturelle. Il n’y a à l’cnlour ni rougeuiv ni vascularité ,
ni aucune coloration. Les parties inBltrées de lait de chaux of-
frent une légère teinte grisâtre : on y distingue quelques pe-
tits vaisseaux très-déliés.
Sur la convexité du lobe moyen, qiielques circonvolutions
sont supei ficielleinent molles, rougeâtres, non déformées, toutes
semblables à celles que nous avons décrites sur l’autre hémis-
phère.
25f) RAMOLLlSSEMJiM CHROWlQUt. (a>AT. I’ATH.)
Il n’y a rien à noler dans le reste de rencéphale. Légère in-
jection de la substance nerveuse.
Observation 72. — Ramollissement aigu et ramollissement chroni-
que à différents degrés.
La nommée Michon, âgée de soixante-quinze à quatre-vingts
ans, avait éprouvé depuis quelques années, à plusieurs reprises,
des accidents cérébraux assez graves, et survenant, à ce qu’il pa-
raît , sous l'orme d’apoplexie. On n’a pu se procurer de plus
amples renseignements.
Vers la fin du mois de no)/embre 1 838, elle fut portée à l’in-
firmerie, parce que, dans sa division, on lui trouvait l’air souf-
frant depuis quelques jours. Elle paraissait fort engourdie ; elle
me dit qu’elle perdait la tête , qu’elle ne pouvait se rendre
compte de son état : elle ne pouvait dire si elle avait un côté
plus faible que l’autre ; elle ne répondait en général que lors-
qu’on la pressait de questions, et presque toujours, je ne sais
pas. Elle se plaignait de souffrir par toute la tête , pleurait et
disait que son mal’tournait en paralysie. Sa figure était hébétée,
ses mains pouvaient à peine serrer, qt paraissaient aussi faibles
d’un coté que de l’autre. La langue 'se tirait droite. Le pouls
était faible et peu fréquent ; peu de chaleur à la peau.
Cette note fut prise le 20 novembre : pendant les six semaines
suivantes, on s’occupa fort peu de cette femme. Elle se levait
quelquefois et Jnarchait dans la salle sans s’appuyer ; mais ha-
bituellement elle demeurait plongée dans un état de torpeur re-
marquable ; elle mangeait peu , ne se plaignait pas , ne parlait
jamais qu’on ne l’interrogeât, et l’epondait très-brièvement aux
questions qu’on lui adressait. Elle n’avait de fièvre a aucune
heure de la journée.
Le 14 janvier, tà la visite du matin, elle ne présenta rien de
particulier. A une heure de l’après midi, elle tomba danslclat
suivant:
Forte déviation de la face à droite; contraction énergique du
sterno-mastoïilicn gauche. Les yeux sont ouverts, immobiles ,
déviés à droite et un peu en haut les pupilles sont i-galement
et moyemicmenl dilatées. Hémiplégie iacomplèle à gauche, sans
J j\ i l LT liAX 1 0 B C L L L L I.EL SK .
267
raideur; sensibilité un peu obtuse; nioiivements libres à droite.
La respiration est lente et nalurelle. Le pouls comme à l’ordi-
naire, sans force et sans fréquence. L’intelli{;ence ne paraît
pas tout à fait abolie : lorsqu’on parle fort à la malade, elle re-
mue un peu les lèvres pour essayei de répondre; sa main droite
ramène .sur elle les' couvertures. ( Sinapismes. )
Deux heures après , il survient une réaction assez forte, rou-
geur de la face, chaleur moite à la peau, force et fréquence du
pouls, agitation ( trente sangsues au col ). Perle de sang considé-
rable, suivie d’une diminution delà fièvre et de l’agitation.
La malade vécut encore jusqu’au 9 au matin, c’est-à-dire jus-
qu’au sixième jour, sans présenter de grands changements. Elle
avait l’air hébété, la tête toujours déviée, profondément affais-
sée, essayant par instants quelques monosyllabes ; le quatrième
jour elle avait vu son fils, avait paru le reconnaître et s’était ef-
forcée de lui parler, puis elle était tombée presque aussitôt dans
un coma profond. Le bras gauche avait repris une partie de ses
mouvements; on n’observa jamais de raideur dans les mem-
bres. Les pupilles étaient égales, moyennement dilatées et im-
mobiles. La fièvre cessa dès le second jour, et le pouls reprit de
la fréquence seulement à la fin de la vie.
Julopsie vingt-deux heures apres la mort. — Infiltration sé-
reuse très-considérable de la pie-mère, écartement profond des
circonvolutions, épaississement léger des artères. Injection vive
de la pie- mère, surtout à la partie postérieure des hémisphères.
La pie-mère s’enlève aisément de la superficie du cerveau, ex-
cepté dans les points que j’indiquerai plus loin.
Les circonvolutions sont généralement d’un petit volume ,
inégales à leur surface , comme chagrinées ; celles de la partie
moyenne, de la convexité surtout, sont ratatinées, très-petites,
sans altération de couleur ni de consistance; l’épaisseur de la
couche corticale ne paraît pas sensiblement diminuée. Cette al-
tération superficielle (atrophie sénile) occupe aussi bien les an-
fractuosités que les circonvolutions (I).
(1) Cetlc inlillraliou .séreuse u’e.xistall que pour remplir le vide occasioimé
parlereirail des drcouvolnlioiis airopliices. l/ixurlcmeul. des anfractuo-
sités eu auiione.iil raiicienuelé ; cepcudaiil il est iiupossilde de dire si elle
n était pas devenue plus coiisidéralilc à la lin de la •. ic.
17
258 IlAMOLLiSSEMEKT CHUONIQUE. (aNAT. PATH.)
A la partie externe de la convexité de rhémisphère droit, à la
réunion des lobes moyen et postérieur, on trouve cinq ou six
circonvolutions dans un état de mollesse diffluente , se laissant
profondément déchirer par l’enlèvement de la pie-mèï-e. Ces
circonvolutions sont tuméfiées , très-lègèrement rosées , dans
quelques points un peu pâlies, car on ne distingue plus la sub-
stance grise de la blanche. La couche corticale est presque seule
réduite en bouillie; la substance blanche, au-dessous, est un peu
ramollie, comme raréfiée, sans changement de couleur.
A la pointe du lobe postérieur, quelques circonvolutions sont
jaunâtres à leur surface , déformées ; au-dessous on trouve une
cavité assez mal circonscrite, formée par un tissu cellulaire très-
lâche, infiltré de lait de chaux. A la partie externe du centre
ovale, petit ramollissement tout à fait blanc. Rien à noter dans
le corps strié ni dans la couche optique.
A la partie interne de la convexité de l’hémisphère gauche,
on trouve plusieurs circonvolutions tout a fait déformées , et a
leur place une dépression formée par un tissu membraniforme,
jaune, dense, parcouru à sa surface par de petits vaisseaux et
adhérent à la pie-mère. Au-dessous est une sorte de cavité pro-
fonde, parcourue par un grand nombre de filaments et de lames
celluleuses qui s’entrecroisent en tous sens, et sont intiltrés de
lait de chaux. Le fond de cette cavité est irrégulier, très-ferme,
comme induré dans quelques points , assez mal circonscrit ce-
pendant, et ne paraît pas tapisse par une membrane. Au-des-
sous, la substance médullaire est molle dans une certaine éten-
due , sans altération de couleur.
La surface du corps strié est jaunâtre et déprimée : au-des-
sous est une cavité qui occupe presque tout son corps et qui ,
tout à fait semblable à la précédente, est formée de tissu cellu-
laire infiltré de lait de chaux. ^
La substance médullaire est généralement assez injectee. Les
ventricules contiennent une assez grande quantité de sérosité
limpide. Rien au cervelet et à la moelle alongée.
Un peu d’engouement des poumons : hépatisation rouge du
lobe inférieur du poumon droit. Pas de pleurésie.
Rien à noter au cœur, non plus que dans 1 abdomen.
Alalgré rapparcnio i om
plicalion de ce lait , il est larde d ap-
INFILXllATlOW CELLULEUSE.
26d
précier la valeur de cliaciine des alte'rations qu’il présente ,
car nous reiiouvous làpi esijue toutes celles que nous avons dé-
crites sous le nom de ramollissement aigu , de plaques jaunes
des circonvolutions , d’infiltration celluleuse — Depuis long'
temps, bien que cette femme ne présentât aucune paralysie
nous soupçonnions chez elle l’existence d’un ramollissement
clironique. 11 s’est en effet rencontré parfaitement caractérisé, et
tout semblable aux descriptions f[ue nous eu avons faites. Quan t
aux circonvolutions mollasses, pulpeuses, rosées et tuméfiées de
l’hémisphère droit , leur physionomie tranche nettement avec
celle des circonvolutions anciennement malades ; elles rendent
aussi bien compte des accidents qui ont terminé la vie, que les
autres altérations expliquent l’état misérable dans lequel Mi-
chon traînait son existence.
Les deux observations précédentes, bien qu’assez dépourvues
de détails symptomatiques , n’offrent pas moins d’intérêt pour
l’anatomie pathologique, car elles nous montrent aussi les di-
verses périodes du ramollissement dans un rapprochement, qui
ne peut laisser aucun doute sur la nature des liens qui les
unissent.
Maintenant que nous avons assisté en quelque sorte à la trans-
formation des premières périodes de la maladie qui nous oc-
cupe , ramollissement aigu , puis pulpeux, en ses périodes plus
avancées, plaques jaunes, infiltration celluleuse , je vais rap-
porter des observations qui rrous montreront ces dernrèrcs iso-
lées ou liées seulerirent au ramollissement pulpeux, et nous fe-
ront connaître quelques-unes des circonstances si variées de
forme et d’étendue qu’elles peuvent présenter.
Observation 70. — Paralysie ancienne avec raideur du bras gauch»
— Ramollissement chronique du cerveau.
La nommée Aubert, portière, âgée de soixante-dix-sept ans,
est entrée à la Salpêtrière en 1834, paralysée du bras gauche
elle paraissait alors marcher facilement. Au mois de janvier
1838, on la fit passer à la division des infirmes , et depuis lors
elle ne se leva plus. Au commencement du mois de mai elle
commença à laisser aller sous elle. L’intelligence de ’cette
femme, toujours peu développée, s’était fort aflaiblie ; pendant
le deniicr mois de sa vie, il lallait la faire manger. J1 ne paraît
2G0
UA.UüLLlSSEAUiiNi' CUllONK^Lii;. (.UWl. l’ATlI.j
])as que, pendant sou séjour à la Salpèlrièrc, elle ail jamais eu
d’allaques.
Elle lut apportée à l’inünnerie le 22 juillet 1838. La pliysio-
noiiiie exprimait la stupidité; cependant elle répondait passa-
blement aux questions qu’on lui adressait ; mais sa mémoire
paraissait totalement perdue. La jambe droite était également
raide, mais sans doute par suite de l’immobilité habituelle de
de cette femme. Les mouvements du bras droit étaient libres.
La sensibilité bien conservée partout. Celte femme s’affaiblit
rapidement : une large escare se forma au siège ; la langue se
sécha, le pouls prit de la fréquence et de la petitesse; elle mou-
rut le 16 septembre. La respiration était demeurée libre jus-
qu’il la Gn.
Julopsie. — Le crâne est très épais, et la pie-mère lui est
intimement adhérente. Pie-mère infdtrée cl une assez grande
quantité de sérosité; cerveau peu volumineux. A la partie
moyenne et interne de la convexité de 1 liémisphère droit,
immédiatement au-dessous des circonvolutions demeurées
saines à leur surface, la substance médullaire présente un es-
pace, une sorte de cavité, pouvant loger un œuf de poule ,
formé d’un tissu celluleux lâche, entrecroisé, infdlré d’un li-
quide grisâtre. La substance cereljrale environnante est blanche
et ramollie dans une plus ou moins grande étendue : quatre
ou cinq millimètres au ])lus de substance saine séparent celte
altération, de la superficie de l’hémisphère, du coté de sa con-
vexité et de sa face interne. Un peu plus en arrière, quelques
circonvolutions de la convexité sont un peu molles et jaunâtres.
Observation y4* — Infiltration celluleuse à lu partie inférieure de
l’hémisphère gauche.
Une femme âgée de quatre-vingt-un ans, Marie \iaid,
mourut d’une pneumonie. Elle était à la Salpêtrière depuis
plusieurs mois. Elle ne marchait pas, ne pouv'ait se seivii de
ses bras, même pour manger. On avait cru remarquer que le
coté droit était encore plus faible que le gauche. Elle dimguail
beaucoup ; elle était dans une salle de gâteuses.
lutopsic. — Les os du crâne sont très- épais. La j>ie-mère est
mliltréc d’une assez grande ([uantité de sérosité. i\ la partie
INFiLTnÀTîON Cr.I.T.ULEUSli.
inlerne de la base de riié.nispbèie {vauclie, derrière la scissure
de Sylvius, on voit un enfoncement assez considérable, dans
lequel pénètre la pie-mère : celle-ci enlevée, ou voit que cet
eirfoncement est produit par la destruction de plusieurs cir
convolutious. Celles-ci sont remplacées par une surface jaunâtre,
mollasse, membranirorme, ayant à peu près trois centimètres
carrés d’étendue, et deux millimètres d’épaisseur. Celte lame
jaunâtre, membraniforme, semblant tenir lieu de la couche
corticale des circonvolutions, est séparée du ventricule par des
fdaments jaunâtres, mous, raréfiés, infiltrés de lait de chaux. En
enlevant ceux-ci au moyen d’un filet d’eau ou avec le dos d’un
scalpel, on arrive à la face externe ou adhéi'ente de la mem-
brane ventriculaire, qui se trouve ainsi disséquée naturellement
dans toute sa moitié antérieure ; la destruction de la substairce
cérébrale est beaucoup plus étendue en largeur, au iriveau du
ventricule que des circonvolutioirs. La nrembrane ventriculaire
est dans cet endroit notablement épaissie et un peu opaque. Le
corps strié et la couche optique sont sains. Peu de sérosité dans
les ventricules.
Le cœur est volumineux, les parois du ventricule gauche
épaissies. La crosse de l’aorte est irotablement dilatée. Pueii-
inonie ù gauche.
Obskrvatiox ^5. — Destruction d’une partie des deux hémisphères
par une infiltration celluleuse; ulcération d’une circonvolution.
Une femme âgée de soixante-c^uinze ans fut apportée à l’in-
firmerie le 5 novembre 1838 ; elle était en proie à la plus vive
oppression. Un épanchement considérable existait à la base de
la poitrine du côté droit ; les bronches étaient obstruées par
des mucosités, la respiration râlante et d’une grande fréquence ;
le pouls petit et fréquent. Malgré un traitement actif, cette
femme succomba le lendemain à ces accidents , c[ue l’on disait
s’èlre déclarés presque subitement la veille. Pendant le peu
d’instants que fut examinée cette malade, raitenlion ne se fixa
que sur l’état de la poitrine, et je ])us seulement remarquer
quelle répondait d’une voix assez nette, quoitine faible, aux
questions qu’on lui adressait.
-bv RAMOU.I^srMF.lVT CHP,0\IQUE. (anAT. PATH.)
•Je tlcmaniiai des leiuseigiioiuenls au fils <le celle femme. Tl
me dit qu’elle avait eu, deux ans et demi auparavant , une at-
taque d’apoplexie dans laquelle elle avait perdu la connais-
sance et la parole pendant deux jours, et qui lui avait laissé une
hémiplégie droite complète. Cette hémiplégie avait diminué
un peu, le bras exécutait quelques mouvements ; elle pouvait
se traîner sur ses jambes quand on la soutenait sous les épaules.
Depuis six mois elle gâtait et ne quittait le lit que pour être
portée dans un fauteuil : son intelligence, altérée depuis son
attaque, allait encore en s affaiblissant. Cet homme, qui n"'avait
jamais quitté sa mère que depuis six mois, époque où elle était
entrée à la Salpêtrière, m’affirma alors qu’elle n’avait jamais
eu d’autre attaque d’apoplexie ni de paralysie-, qu’elle ne se
plaignait ni de céphalalgie ni d’étourdissements. Il me dit ce-
pendant le lendemain que, trente ans auparavant, elle avait eu
une attaque d’apoplexie, à la suite de laquelle elle était de-
meurée hémiplégique du côté gauche pendant dix-huit mois,
puis avait guéri complètement.
Autopsie. — Quantité assez considérable de sérosité limpide
infiltrée dans la pie-mère; léger écartement de quelques cir-
convolutions. La partie moyenne de la convexité de l’hémi-
sphère droit est creusée d’un enfoncement profond qui semble
résulter d’une atrophie considérable de la substance cérébrale.
En effet, toute la portion de l’hémisphère qui recouvre le^ven-
tricule droit est convertie en un tissu lâche, celluleux, jaunâtre,
et des mailles duquel on exprime un peu de lait de chaux. Su-
périeurement, cette altération occu))e près des deux tiers de la
convexité de l’hémisphère, et la pie-mère en entraîne avec elle
l.a couche la plus superficielle : on n’y trouve plus aucune trace
do substance corticale. Colle inUllration celluleuse s’étend
*
jusqu’à la paroi supérieure du ventricule latéral dont la
tiUMuLirane se trouve dissét|U('e dans la plus grande partie de
son étendue ; collo membrane est aussi bien isolée que l’est sur
la ligue un’-iliane le huiillct araclinoidieii qui tapisse la lace in-
férieure du cerveau. Du reste, ell(î parait jiarfaitcmeui saine ,
mince et très-tran.sparenle, présentant seulement, quand on la
regarde du côté du ventricule, des plissements qui résultent
(le ce qu’elle u'est nlus soutenue par la substance cérébrale.
V ôici quelles étaient les limites du ratnolli.s.seinent dans l’épais-
263
1 N KU.T R ATI ON i: h. 1 . L D L J l,' S F. .
eeuv de l’iiéniisphère : la substance mëdullaiic se montrait assez
brusquement saine et sans altération de couleur et de consis-
tance ; elle était séparée du ramollissement par une couche cel-
luleuse, comme pseudo-membraneuse, d’un blanc jaunâtre, et
que l’on enlevait en lambeaux comme feutres, mais non en feuil-
lets distincts. La portion de substance saine voisine du ramol-
lissement était parcourue par des vaisseaux manifestement di-
latés , presque tous dirigés verticalement, rouges la plupart,
quelques-uns tout à fait blancs et vides de sang.
La partie inférieure du lobe antérieur de l’hémisphère gau-
che présentait précisément la même altération ; dépression
profonde de la superficie, disparition de la substance corticale,
dégénération de la substance médullaire en un tissu jau-
nâtre , celluleux et infiltré de lait de chaux. Cette altération
s’étendait supérieurement jusqu’à l’étage inférieur du ventricule
gauche, dont elle avait disséqué une portion de la membrane
qui le tapisse, aussi parfaitement que nous l’avons vu dans
l’autre hémisphère. L’apparence de ces deux altérations , la
disposition de leurs parois étaient parfaitement semblables de
l'un et de l’autre côté.
Sur la convexité du lobe postérieur gauche se remarquait
une ulcération pour la description de laquelle je renvoie au
chapitre de la dernière période du ramollissement (1).
Les ventricules latéraux étaient distendus par une grande
quantité de sérosité limpide. Rien à noter dans le cervelet ni
dans la moelle alongée.
Les poumons étaient sains, mais il y avait un épanchement
considérable de sérosité dans la plèvre droite. Le cœur était
volumineux , sans hypertrophie ; il y avait un peu d’ossification
de l’anneau fibreux qui entoure les orifices aortique et àuriculo-
ventriculaire gauche, sans rétrécissement de ces orifices.
Les premières observations d’infiltration celluleuse que
nous avons rapportées ^obs. 65, 69, 70, 7l, 72), ne peuvent as-
surément laisser aucun doute sur l’origine de cette altération,
soit à cause des symptômes qui s’étaient montrés durant la vie.
(1) Voyez art. 3 de ce chap., § 1, obs, 80,
264
RAMOU.ISSIîWF.NT aiRONlOIIE. (a\AT, I'ATH.)
soit par le lappioclieinent qu’il a été possible de faire sur le
cadavre, entre l’inliluatiou celluleuse d’une part, le ramollisse-
nient aigu et le ramollissement pulpeux de l’autre. Mais il est
dans les observations suivantes, une autre circonstance qui dé-
ïiiontre avec presque autant d’évidence rimpossibilité de les
rattacher à une liémorrbagie ; et la plus remarquable dans ce
sens est certainement la dernière, la 75«.
Je veux parler de l’extension de rinfiltration celluleuse aux
parois des ventricules ou à la superficie du cerveau. Tout le
monde sait en effet que, lorsqu’un épanchement sanguin a pa-
gne quelques-unes des surfaces soit interne, soit externe du
cerveau, le sang s’épanche nécessairement au dehors, soit dans
les cavités ventriculaires, soit dans les méninges (1) . Ces hé-
morrhagies semblent être toujours mortelles; mais, dans le cas
même Quelles ne délenuineraient pas elles-mêmes la mort, il
est évident que l’on devrait retrouver plus tard quelques traces
du sang épanché au dehors des hémisphères et de la déchirure
de ces derniers. Or, dans les cas dont je parle, non seulement
je n’ai rien vu dans les cavités ventriculaires qui pût tenir à
une ancienne hémorrhagie , mais j’ai toujours trouvé la mem-
brane qui les tapisse intacte, et les séparant seule, malgré sa
ténuilé, de l’altération de la pulpe cérébrale. Je demande s’il
est permis de supposer que cette membrane soit capable de
soutenir l’eflorl du sang, surtout s’épanchant dans des foyers
amssi étendus que ceux dont nous retrouvons les traces, et sur-
tout dans la 75' observation, où nous avons vu l’infiltration
celluleuse, occupant toute l’épaisseur des deux hémisphères ,
depuis h s ventricules jusqu’à leur superficie, limitée seulement
dans un sens par la membrane ventriculaire, dans un autre
par la pie-mère. Il est bien clair que ce ne sont pas des foyers
de sang qui ont produit de telles altérations : des hémorrhagies
capables de déterminer de tels désordres auraient amené né-
cessairement l’irruption du sang au dehors des hémisphères et
une mort rapide.
(i) Il n'est cependant i>as iiupu.s.sible ([u'iiiie liéniorrliiii'ie. sp fasse asspz
près d’mi u’iitriciile, pour que la mcmhraae \ pjiiricnlaire so iro ive sonlcvrc
j)«r lin caillot sîin piin; mais ce contact ircxisle jamais que p.ar un point très-
circoiiscril , et je no connais pas un füii ilo ce genre où la mort ne soit iirri-
\6c à iineépoqiio assoz riipprocliéo du dc'lnil.
INFILTPlATCON CFI.LULUtJSK.
Ou dii-a peut-èue (lu’une liéinorrliagie a pu exister là tlans
le principe, plus circonscrite, et que les lésions trouvées sur le
cadavre lui étaient consécutives ; mais cette hypothèse, ce ne sau-
rait jamais être en effet qu’une supposition, viendrait précisé-
ment à l’appui de notre opinion : car si, dans ces cas, un ra-
mollissement plus étendu avait succédé à une hemorrhapjie
circonscrite, il est évident que ce serait au ramollissement et
non à l’hémorrhagie- qu’appartiendraient les lésions trouvées
sur le cadavre.
Le paragraphe suivant sera consacré à l’élude des foyers hé-
morrhagiques, considérés sous le point de vue qui nous occupe
actuellement.
Il est singulier qu’une altération aussi fréquente, douée de
caractères aussi particuliers, ait jusqn’ici presque complètement
échappé à l’attention; que ses rapports avec le ramollissement
aient été presque entièrement méconnus : il semble que l’infd-
tration celluleuse n’ait pas été rencontrée par la plupart des
auteurs, tandis que c’est la forme sous laquelle le ramollisse-
ment «’ est montré le plus souvent à nous. Dans l’ouvrage de
M. Rostan, fait comme le nôtre à la Salpêtrière, dans l’ouvrage
d’Ahercromhie, il n’en est aucunement question : ces auteurs,
et surtout le premier, n’ont vu dans le ramollissement qu’une
diminution de la consistance normale du cerveau ; ils s’en sont
tenus au sens propre de ce mot de ramollissement, sans paraître
se douter de la part que certaines altérations de texture pou-
vaient prendre dans la maladie qu’ils étudiaient sous ce nom.
On en trouve cependant quelques indications dans d’autres
auteurs.
M. Lallemand a vu l’infiltration celluleuse, mais toujours
liée à un certain degré d’induration ; nous avons déjà indiqué
cette circonstance dans plusieurs de nos observations , et nous
avons promis d’y revenir en nous occupant de la terminaison
du ramollissement. Voici comment le professeur de Montpel-
lier explique sa formation dans sa lettre sur les indurations
fibreuses et cartilagineuses ; il parle du travail d’absorption qui
peut suivre les premières périodes de la maladie : « Si l’absorp-
tion continue avec assez d’énergie et pendant assez longtemps
|jour enlever les matériaux étrangers déposés dans le paren-
cliymo (le 1 organe, ij ne reste plus, à la fin, qu’une espèce
266 RAMOLLISSF.MRXT CHRONIQUE, (aNAT. PATH.)
(le réseau celluleux , à mailles plus ou moins dures , plus
ou moins larges , remplies de sérosité (1). » Il en donne
quelques exemples bien caractérisés... « La substance blanche
est transformée en une espèce de tissu cellulaire , à mailles
distendues par une sérosité limpide ; sur les parois de ces cel-
lules qui donnent à la substance médullaire l’aspect de lames
appliquées les unes contre les autres , on voit une foule de pe-
tits trous capillaires. Cette transformation occupe presque toute
la substance blanche d’un hémisphère... » A la partie pos-
térieure de la face supérieure de cet hémisphère , dépression
considérable. L’arachnoïde enlevée dans ce point laisse voir la
substance du cerveau convertie en une sorte de tissu cellulaire
infiltré de sérosité. Ce mode d’altération s’étend en épaisseur
jusqu’au ventricule, dont la paroi supérieure a, dans cet endroit,
trois lignes environ... (2) »
Un passage de M. Gendrin m’a paru se rapporter à l’infiltra-
tion celluleuse elle-même : « Pour peu que le ramollissement
inflammatoire dure depuis quelque temps , dit-il , on remarque
des traces de résorption dans son épaisseur et surtout à ses
bords ; de petites locules remplies de sérosité indiquent le com-
mencement de ce travail de résorption (3) »
M. Bouillaud a parfaitement décrit l’infiltration celluleuse,
lorsqu’il parle « de ces cicatrices imparfaites, caractérisées par la
présence de lames celluleuses et de filaments vasculaires entre-
croisés, réunissant les parois opposées des foyers phlegmasiques,
et formant des aréoles dans lesquelles on rencontre quelque-
fois un peu de sérosité (4). » Mais on ne retrouve plus, dans
le reste de son ouvrage, aucune mention de cet état patholo-.
gique dont il avait si bien reconnu l’origine. Il dit seulement
plus loin qu’il est tenté de croire que plusieurs cicatrices ,
prises jusqu’ici pour des suites d’épanchements apoplectiques,
doivent réellement être considérées comme la terminaison de
phlegmasies cérébrales (p. 238).
« Au lieu d’être pénétrée d’une quantité .surabondante de
(1) Lallemand, Lettre 7, page <30.
(2) Lallemand , Lettre^, n°* 23-24.
(3) Gendrin, Hist. anat. des injlani. , t. n, pages 580 ei siiiv.
(4) Bouillaud, Traitd de l’encéphalite, page 220.
INFH.TR^TION CJBLUJCEUSE.
sang, dil M. Andral, la partie vamollie peut Être devenue le
siège d’une secrétion morbide qui est tantôt simplement sé-
reuse, et tantôt purulente. Dans le premier cas, on trouve la
pulpe nerveuse comme imbibée d’une sérosité plus ou moins
trouble, qui tient en suspension des flocons blanchâtres ou gri-
sâtres, seuls fragments de la substance cérébrale qui aient en-
core conservé quelque consistance (1). » Dans sa 24' observation,
cet auteur rapporte un cas d’infiltration celluleuse ; » ... Tians*
formation de tout le lobe antérieur de l’hémisphère droit en
une bouillie grisâtre, dans laquelle on voit une foule de gru-
meaux blanchâtres flotter, comme suspendus au milieu d’un
liquide semblable à du petit lait trouble. Le corps strié et la
partie antérieure de la couche optique participent à cette alté-
ration qui n’a respecté que les circonvolutions de la convexité,
ainsi que celles de la base. . . » *
M. Bayle a rapporté une observation curieuse, qui nous
offre une double altération^oute semblable à celle qui a été
décrite dans notre 75' observation , c’est-à-dire une inflllra-
tion celluleuse occupant tout l’espace qui sépare la paroi in-
férieure des ventricules, de la base du cerveau. C’était chez un
vieillard de cinquante-six ans, mort dans un état de démence
et de paralysie, après trois ou quatre ans de maladie : » On
voyait à la base de la masse encéphalique, sous chaque lobe
moyen, une espèce de poche irrégulière, transparente , molle ,
ayant une forme alongée, plus large et plus distendue on avant
qu’en arrière, libre dans la partie inférieure qui était logée
dans la fosse latérale et moyenne du crâne, adhérente au cer-
veau dans la supérieure ; elle était remplie par une sérosité
linipide, et l’on remarquait dans son intérieur des filaments de
tissu cellulaire qui s’entrelaçaient en divers sens, et dont les
aréoles, infiltrées du même fluide, avaient un aspect gélatineux.
Une membrane peu épais.se séparait en haut la cavité de cette
poche de celle des ventiicules latéraux, dont la substance cé-
rébrale qui forme leur paroi inférieure avait entièrement dis-
paru. Cette cloison était |)crcée dans qtielques endroits, de
maniéré qu’il existait une communication entre ces dernières
cavités et celle de la poche séreuse. (Celle communication s’étail
(D Andral, Clinique, t. v, page.s 524-9.8.
-()« n aaiom.tssf.went mnoNiQui;. (anat. path.)
sans (loule 0[)('-rf'e arlütcielleinenl depuis la mort ou pendant
l’autopsie.) La substance cérébrale sur laquelle cette poche était
appliquée, était ramollie et réduite en petits fragments blan-
châtres. Les ventricides latéraux, très-vastes, étaient énormé-
ment distendus par la sérosité.... » L’auteur cherche à inter-
préter cette alteration , d une façon assez singulière. « Il est
assez facile, dit-il, d’expliquer la formation de cette espèce de
poche : 1 accumulation de la sérosité se sera faite primitivement
dans les ventricules latéraux ; après avoir distendu outre me-
sure ces cavités, elle aura usé peu à peu, s’il est permis de parler
ainsi , la substance cérébrale qui forme leur paroi inférieure ,
et, perçant 1 arachnoïde ventriculaire, elle se sera infiltrée
dans les mailles de la pie-mère de la base du cerveau , elle se
sera amassée ensuite peu à peu dans ce réseau cellulo-vascu-
laire, et aura détaché progressivement l’arachnoïde, dont elle
aura formé une sorte d'enveloppe séreuse.,.!! (1)»
M. Gruveilhier a assez fidèlemqpt décrit, dans son grand ou-
vrage d’anatomie pathologique, les plaques jaunes des ciicon-
volutions et l’infiltration celluleuse ; mais il paraît les considérer,
dans tous les cas, comme de véritables cicatrices. Il rapporte
l’observation d’une vieille femme qui avait éprouvé plusieurs
attaques apoplectiformes : une avec hémiplégie droite côm-
plètement dissipée , quinze ans, une autre avec hémiplégie
gauche, deux ans et demi, une dernière enfin deux mois avant
sa mort ; les lésions du mouvement avaient également porté à
gauche.
On trouva à l’autopsie, dans l’hémisphère gauche, trois cir-
convolutions occipitales présentant, au lieu de substance grise ,
des pellicules peau de chamois, dans la couche optique, deux
petits foyers celluleux, sans coloration, sans kyste distinct,
contenant' un liquide lait de chau.x. Dans l’hémisphère droit,
grande perte de substance des circonvolutions occipitales in-
férieures, remplacées par nue membrane peau de chamois,
très-adhérente à la pie-mère, et par un tissu cellulaire lâche ,
infiltré de sérosité ; cette perte de substance s’étendait a toute
l’épaisseur de la portion rédéebie du ventricule latéral ; la sub-
stance blanclieciui formait le centre ou noyau du lobe présentait
(t) Biiylc, Traite des maladies du cerveau, 1826, page 1 2/ .
IMlLTllAXiOIN CliXl.ULIiLSE.
2(39
une ciccLii 'icecchixlcuse {infiltration celluleuse) inlillrée de laiule
diaux , et auprès, iiu rainollissemenl hortensia clair.... Sous la
lueiiibrane ventriculaire, au niveau et aux dépens de la couche
op lîque, pe tite cavité, traversée par des filain ents celluleux . . . . ( 1 ) .
J’ai dû cheixher si le ramollissement de la moelle épinière ne
présentait pas des transformations analogues à celles que nous
voyons subir au ramollissement cérébral : les deux faits sui-
vants me paraissent des exemples d'une altération toute sem-
blable à celle que nous venons de décrire sous le nom d’infil-
tration celluleuse. ,
Un homme de quarante-quati e ans, portant une déviation
du rachis, fut atteint d’une paralysie du mouvement des mem-
bres supérieurs, sans aucune lésion des extrémités inférieures
ni de l’intelligence. Il mourut sept ans après l’apparition de
ces acidents. Les membres supérieurs étaient remarquablement
contracturés.
Dans l’espace de six à sept pouces, entre les deux tiers infé-
rieurs de la région cervicale et la moitié supérieure de la région
dorsale, la dure-mère semblait pleine de liquide.
La moelle était recouverte de sa membrane propre, d’un
gris rougeâtre, très-molle ; l’ouverture de celle membrane, dans
un point où elle présentait une fluctuation sensible, laissa écou-
ler un liquide presque incolore, mêlé à quelques petits flocons
de matière médullaire. On ouvrit ensuite largement, par une
incision longitudinale, cette partie de la moelle, qui offrit une
cavité alongée, remplie d’une sorte de liquide gris-rougeâtre ,
et dans laquelle était disséminée une grande quantité de vais-
seaux capillaires sanguins, soutenus par le tissu cellulaire in-
terne de la moelle... La structure de toute la partie située au-
dessus de la quatrième paire cervicale était intacte; la substance
médullaire avait sa blancheur et sa consistance ordinaires ;
mais au-dessous de ce point , cette consistance et cette blan-
cheur changaient subitement;, et la moelle semblait convertie
en une ccUulosité infiltrée d'une sérosité rose pâle, jusqu’à la
sixième paire cervicale, lieu dans lec|uel il n’existait plus
qu’une large cavité dont les parois n’étaient formées que par
(1) (auviùlliier, Jiuii. iiathol,, .'i'b Hyr., paye 4.
270 KAMOLLISSEMEWT CHIIONIQUE. (ahAT. PATH.)
les enveloppes membraneuses de la moelle et les restes de la
substance inédulla’ve (1).
Une vieille femme demeura paraplégique à la suite d’une
chute d’un lieu élevé. Quatre mois après elle succomba à des
accidents cholériformes.
On trouva une fracture de la première vertèbre dorsale-, une
pointe osseuse inégale, faisant une saillie de trois lignes surla pa-
roi antérieure du canal rachidien, était due tant au déplacement
des fragments qu’au volume du cal. La moelle, saine dans
le reste de son étendue, offrait au niveau de cette saillie une
dépression transversale profonde, qui existait aussi bien sur la
face postérieure que sur l’antérieure : incisée dans ce point, on
trouva un foyer contenant une bouillie semblable à de la sub-
stance médullaire longtempsmacérée.dissoutedansde lasérosité.
Ce foyer était limité à sa circonférence par des brides jaunâtres,
plissées, minces, mais dures et résistantes, telles quon les ren~
contre dans les anciens foyers du cerueau (2).
§ lll. Elude des cavités propres au ramollissement , comparées aux cavités
hémorrhagiques.
Les altérations que je viens d’étudier comme propres au ra-
mollissement cérébral ont été jusqu’ici considérées en général
comme la trace d’anciennes hémorrhagies. Je crois que les
observations précédentes ne permettent désormais aucun doute
sur ce fait ; que ces cavités que l’on rencontre si souvent dans
le tissu du cerveau, à parois blanches ou jaunâtres, traversées
par des brides celluleuses et pleines d’un liquide plus ou moins
trouble ou limpide, peuvent appartenir au ramollissement. Je
dis peuvent, afin de rester exactement dans la limite des faits
étudiés jusqu’ici. Nous devons maintenant envisager la question
sous un point de vue nouveau : sera-t-ihpermis, dans des
circonstances données, d’attribuer de semblables alterations à
riiémonhagie cérébrale Il nous faut donc étudier un instant
l’hémorrhagie cérébrale dans ses périodes consecutives, et sou-
(1) Ollivici’ (d’Angers) , Traild des maladies de lu moelle épinière, t. ii,
édit., OIISEKVAT. LXXXV.
(2) G. Keui’ud, UisserluUon inaitf^niale, 21* avril u. t02,
I
CAVITÉS HÉMOIIRHAGIQXJES. 271
mettre à la critique les opinions répandues dans la science sur
ce sujet difficile.
L’étude des cicatrices , des cavités anciennes du cerveau date
d’une époque peu éloignée : décrites d’abord par Morgagni ,
puis par Prost, Marandel, Rochoux , qui les premiers ont
cherché à remonter à leur origine , elles n’ont réellement fixé
l’attention générale que depuis le travail de Riobé, intitulé :
L’apoplexie est-elle susceptible de guérison (1)? Mais au bout de
peu de temps, cette question, que ce médecin avait eu tort de
présenter sous forme de doute, car elle avait été résolue avant
lui, se trouva jugée, et dès-lors tout ce qui, dans le cerveau,
parut être la trace d’une altération ancienne et transformée, fut
attribué à d’anciennes hémorrhagies.
Le ramollissement était encore inconnu. Lorsque l’ouvrage
de M. Rostan et d’autres travaux particuliers eurent commencé
à faire connaître cette maladie , on demeura longtemps encore
sans soupçonner la part qui lui revenait dans la production des
altérations de ce genre. MM. Lallemand, Andral, Georget, pa-
rurent l’entrevoir les premiers'. M. Cruveilhier professa qu’un
grand nombre de cavités, de cicatrices dans le cerveau , étaient
des traces d’anciens ramollissements et en rapporta des exem-
ples dans son grand ouvrage d’anatomie pathologique. Enfin,
M. Dechambre consaci'a à cette étude un mémoire ex professa^
et depuis, quelques travaux récents ont indiqué la tendance
nouvelle que devaient suivre désormais les recherches sur cette
partie de l’anatomie pathologique du cerveau.
Mais cette manière de voir n’a encore été acceptée que par
un certain nombre de personnes ; beaucoup de médecins , et
parmi eux des plus recommandables , s’en tenant aux idées
transmises par Morgagni, se refusent à déposséder l’hémor-
rhagie cérébrale des lésions que l’on regardait comme son
cortège habituel, hésitant sans doute à refaire une doctrine
qu’ils croyaient achevée et à l’abri de toute critique.
Je ne crois pouvoir mieux faire , pour pénétrer immédiate-
ment au cœur de la question, que de prendre le livre de
M. Rochoux, et d’analy.ser les faits qu’il nous donne comme
exemples de cicatrices de foyers hémorrhagiques. Celte ana-
(t) Kiube, Thcscs de Paris, ISHi, u. 121.
272
nA.MOI.LlSsIi.\lE]NT C;[lKONlQl31i. (^ARAX. rAl'U.)
l;sc luoilUcia que ce que j’ai étudié piécédemment sous Je
nom d’inliltiMlion celluleuse était déjà bien connu, bien dé-
crit,, mais que l’on se trompait complclement sur la nature de
cette altération.
Les oJjseivations de M. llocbou;;, qui nous intéressent ac-
tuellement, sont au nombre de onze, du n” 36 au n“ 46.
Dans trois d’entre elles, obs. 37, 39 et 44, la maladie datait
de trois mois et demi, d’un mois, de deux mois, le sang existait
encore en nature dans le fojer.
Dans cinq, la maladie datait de plusieurs années. Voici la
description textuelle que donne l’auteur, des altérations trou-
vées dans le cerveau.
0b5. 4o. — « Hémiplégie il y a vingt ans , presque entièrement
dissipée au bout de plusieurs mois. — A la partie antérieure
et interne tlu corps strié droit, se trouvait une légère dépression
irrégulièrement arrondie, alongée, d’un demi-pouce carré de
surface, d’un jaune rouge pale. En incisant perpendiculairement
sur cptte surface, on découvrait une cavité traversée par un
grand nombre de brides celluleuses faciles à i ompre, et qui
permettaient de rétablir facilement la cavité comme celle-ci
avait dû être avant cette espèce de cicatrisation. Du côté du
ventricule, les parois étaient j.aunâtres dans toute leur épaisseur,
qui là était d’environ un quart de ligne. Dans tout le reste de
la, surface interne de l’ancien foyer hémorrhagique, la sub-
staitce cérébrale ne présentait aucune altération bien sensible...
llamollissement à la partie postérieure de l’hémisphère droit.»
Übs. 46. « Hémiplégie droite datant de neuf ans , incomplète.
— Le corps .strié gauche présentait, à la réunion de son tiers
antérieur avec ses deux tiers postérieurs, au devant du ventri-
cule, im
sillon transversal d’une ligne de profondeur, de .sept à
huit lignes de longueur, dont le fond était d un jaune rouge-
pâle. Une incision pratiquée sur ce sillon conduisit dans une
espèce de caverne irrégulièrement alongée, d un pouce enviion
de longueur, d’un demi de largeur , traversée par un grand
nombre de liens celluleux et vasculaire.s, qui contenaient , dans
les mailles formées par leur entre-croisement , quelques gouttes
de sérosité jaunâtre. Cicatrisées de la sorte, ses parois olbaient
une couleur d’acajou pâle dans l’epaisseur de trois a ([uatie li-
gues, et là la substance cérébrale avait une grande densité, plus
l.WllÉS IlÉUOUllil\«.l(>VE'i. -7a
en Heliois, elle reprenait, son organisation ordinaiic. nimollisse-
iiienl iiniuédiatcnient au devant de cette altération.')
Avant d’aller plus loin, je dois dire comment l’existence de
ces brides filamenteuses décrites dans toutes les observations de
M. Rochoux me parait en opposition avec la supposition d’une
lie'morrbagie. Si du sang épanché ]>eut se résorber assez com-
plètement pour ne point laisser de traces de sa présence, il doit
former le plus habituellement une cavité bien circonscrite, tout
à fait libre, et au niveau de laquelle on ne retrouve plus rien tlu
parenchyme cérébral. Cependant, si scs parois se rapprochent,
elles peuvent se réunir au moyen de quelques adhérences ; mais
alors celles-ci les maintiendront rapprochées, et, au lieu d’une
cavité, il se formera une cicatrice ; ou bien peut-être quelcjues
brides peu nombreuses et isolées pourront se laisser tendre entre
les parois du foyer : mais il y a loin de là à 1 existence d’un tissu
cellulaire aussi abondant que celui que nous rencontrons dans
les cavités décrites.
Je sais que l’on a considéré ces adhérences comme le produit
de l’organisation du caillot lui-même; mais c’est précisément là
ce, qu’il eût fallu prouver : et , pour cela , il eût fallu faire as«
sister à cette transformation du caillot en brides celluleuses ,
comme je l’ai fait pour le ramollissement.
L’élude de la résorption du sang dans les cavités he'morrha*
giques nous montre, au contraire, que les choses se passent tout
dilFéreminent ; nous voyons, en effet, tantôt la partie solide du
sang se séparer de la partie liquide, de manière à ce que l’on
trouve un noyau dur, isolé par de la sérosité des parois de la ca-
vité qui le contient; tantôt,' au contraire, le sang se convertir
tout entier en une matière boueuse qui se liquéfie et se résorbe
peu à peu, sans paraître eh aucune manière susceptible d’or-
ganisation, et n’a jamais, que je sache, été prise sur le fût de
ce travail supposé. C’est ainsi que les choses se passent dans le
plus grand nombre des cas, et l’on voit qu’il est difficile de con-
cevoir comment le sang parviendrait à se convertir en brides
celluleuses. Je crois, en résumé, qu’il y a beaucoup à rabattre
de la faculté d’organisation des caillots épanchés dans I9 cer-
veau, dont on a tant parlé, mais que l’on serait sans doute fort
embarrassé de démontrer (1 ).
(I) Ou IruuuTa dans la suite de ce diui'ilre un ctrlaiii iiyiiibre d’exetu-
18
574
RAMOLLISSEMEJNT CHKOJMIQUE. (\NAT. PATH.)
L’observation suivante, seule entre toutes celles que j’ai com-
mencé à analyser, me paraît pouvoir être légitimement rappor-
tée à une ancienne hémorrhagie. On sera frappé de la différence
qu’elle présente avec les autres.
Obs. 36. « Hémiplégie il y a près de deux ajis, dissipée complè-
tement au bout de peu de temps. — Il y avait entre la couche op-
tique et le corps strié gauches une cavité irrégulièrement arron-
die, de six à sept lignes de diamètre ; ses parois, appliquées l’une
contre l’autre et parcourues par des vaisseaux qui semblaient
rompus, avalent un aspect villeux. Elles étaient d’un jaune brun
dans l’épaisseur d’un quart de ligne, légèrement humectées de
sérosité. Au*delà, la substance cérébrale n’était pas sensible-
ment altérée. »
Remarquez bien l’absence de brides celluleuses dans l’inté-
rieur de cette cavité, condition qui me semble nécessaire pour
admettre un foyer hémorrhagique.
Obs. 40. — « Hémiplégie suivie de douleurs dans les membres
paralysés, datant d’un an. — Chaque corps strié, à sa partie an-
térieure et interne, présentait une dépression jaunâtre, large
comme l’ongle sur le gauche, d’pn pouce de surface sur le droit.
Eu incisant la première, il s’est trouvé au-dessous une petite
cavité qui pouvait loger le bout du doigt, dont les parois, jaunâ-
tres dans l’épaisseur d’une ligne environ, étaient traversées par
de petites brides filanientcuses , contenant dans leurs mailles
quelques gouttes d’un liquide puriforme ; sous la deuxième de-
pression , il y avait une cavité de meme aspect, au moins quatre
fois plus grande, dont les parois, formées en dedans par l’arach-
noïde du ventricule seulement, étaient tres-niolles dans tout le
reste de sa circonférence, et se réduisaient facilement en une
sorte de bouillie; altération qui occupait au moins la moitié du
corps strié. Elle contenait un gros de liquide puriforme. »
Il me semble que rien ne ressemble plus au ramollissement
cérébral que l’altération du corps strie droit. Dans ce cas, il est
vrai, l’auteur voit un exemple de ramollissement consécutif ,
mais, aux réflexions que j’ai faites à propos des faits précédents,
l’ajouterai ici que je ne crois pas qu une hémorrhagie aussi con-
sidérable eût pu disparaître en un an, sans laisser aucune tiacc
pirs lie loyer.-' in \oii; île
•)p. vinis (l'avancer .
ri'sori'lioii, (|ui justilioronl'ee '|ur.
C A vi l ÉS H lÎAlUn U 11 AG 1 y L l.ü .
du sang qui l’avait iormce. Nous revieudrous, du reste, tout à
l’Jieuie sur ce dernier point.
Obs. 41. — <c A la partie supérieure et interne du corps strié
droit se trouvait une dépression couleur d’acajou pâle, longue
de huit à dix lignes, large de quatre à cinq, profonde d’une
ligne tout au plus. En incisant dans cet endroit , on arrivait à
une petite cavité irrégulièrement alougée , traversée par des
portions filamenteuses très-rapprochées, et qui contenait quel-
ques gouttes d’un fluide jaunâtre La propre substance du
corps strié, dans l’épaisseur d’une demi-ligne, présentait la cou
leur dont j’ai parlé plus haut.» '
On remarquera que le sujet de cette observalion avait éprouvé,
il V a trois ans , une paralysie de. la langue, avec faiblesse du
côté gauebe, faiblesse qui augmenta peu à peu, au point de le
forcer à garder le lit. Il est eei tain que celte marche est plutôt
celle du ramollissement que de l’apoplexie.
Tous ces faits peuvent cependant laisser du doute dans l’es-
prit, à cause du long espace de temps qui s’est écoulé entre le
début de ces altérations, et l’époque à laquelle on a pu les étu-
dier, ce qui, à la vérité, rend extrêmement difficile d’apprécier
avec certitude leur nature et celle des diverses vicissitudes
qu’elles ont dû éprouver.
Mais nous arrivons maintenant à un ordre de faits bien plus
faciles à juger, car il s’agit d’altérations datant de trente-cinq
jours, de six semaines, de neuf mois. M, Rochoux va nous pré-
senter, dès une époque aussi rapprochée du début, des altéra-
tions toutes semblables à celles que nous venons de citer ,
comme des traces d’hémorrhagies. Ici notre critique sera bien
plus à r.aise, nos inductions plus certaines, nos conclusions évi-
dentes, et nous ne craindrons pas de nier qu’il soit possible
tju’au bout des époques que nous venons d’indiquer, du sang
ait pu disparaître complètement d’un foyer hémorrhagique,
pour être remplacé par des brides celluleuses. Suivons de nou-
veau M. Rochoux dans l’exposé de ces faits.
Obs. 38. — u Un cordonnier, âgé de cinquante ans, goutteux,
fut pris, il y a deux mois, d’un grand embarras dans la parole,
sans perte de connaissance. La liberté de la parole revint assez
promptement, et, au bout de peu de jours, il reprit scs occu-
paliüii.'i accoutumées. Il ne lui resta <|u’uue jgêue considérable
iîG UA.MULUSSK.UI.XT CHKUJNiyLili. (aJNAX. l'AlII.)
de la respiration. Le novembre, l’oppression est telle qu’il
est obligé de garder le lit; on s’aperçoit alors qu’il est hémi-
plégique du côté gauche. Le 6, les idées sont assez suivies, on
ne remarque aucun autre symptôme cérébral, si ce n’est quel-
que chose d’un peu enfant dans l’expression générale. L’op-
pression augmente , et il meurt le 5 décembre , sans avoir rien
présenté de nouveau. A la partie postérieure et externe du corps
strié droit, se trouvaient deux petites cavernes, de cinq à six
lignes de diamètre, incomplètement remplies par un liquide
trouhle et purulent. Leurs jrarois étaient molles et diffluentes
dans l’épaisseur d’une ligne et demie ou deux lignes. Le corps
strié gauche présentait, à sa partie interne, deux petites dépres-
sions d’une ligne ou deux de diamètre. En incisant sur ces dé-
pressions, on pénétrait dans deux petites cavités qui pouvaient
à peine loger le bout du petit doigt , contenant quelques gouttes
d’une sérosité jaunâtre...»
Il y a eu, dit l’auteur, deux attaques d’apoplexie, la première
dans le corps strié .gauche, caractérisée par l’embarras de la
])arole et l’oppression , la deuxième dans le corps strié droit ,
par l’hémiplégie et raugmentation de l’oppression.
Nous pourrions nous demander si la marche des accidents
justiFie cette expression de deux attaques d’apoplexie, mais
nous nous contenterons de faire remarquer qu’en attribuant â
une hémorrhagie l’altération si facile pourtant à caractériser du
corps strié droit, l’auteur n’a pas fait attention sans doute que
trente-cinq jours seulement s’étaient écoulés depuis son début
jusqu’à la mort, ce qui rend son interprétation complètement
inadmissible.
Obs. 43. — « Une femme de soixante-trois ans, sujette à de lé-
gers étourdissements, en éprouve un violent le 20 décembre 1812,
et se sent affaiblir du côté gauche, llans la nuit, déliré. Les jours
suivants, le delire continue, la malade est complètement hémiplé-
gique du côté .gauche. Elle meurt sans coma, le 5 février 1813,
au bout de six semaines, après avoir présente, jusqu’à la fin, du
délire et de l’agitation. — Dans la partie antérieure de l’bémi-
sphère droit, un peu au-dessus du niveau du corps calleux , se
trouvait une cavilé alongée, inégale, traversée par quelques
brides iilameiitcuses, longue d’mi ponce et demi , Iar;;c de trois
a quatre lignes, hupielle < oiitenait quelque peu d’un liquide
c\viT^;s i]KMor.'£ViiA.r.ioxn;s .
séreux, qui semblait tenir en suspension un détritus de la sub-
stance médullaire. Un peu en avant de cette caverne , on re-
marquait trois ou quatre autres petites cavités, dont une était
logée dans le corps strié, les autres occupant l’hémisphère, et
qui toutes étaient remplies par un liquide analogue à celui de
la grande. La substance cérébrale environnante était ramollie
et comme diffluenle, dans l’épaisseur de trois à quatre lignes.
Plus en avant, immédiatement au-dessous des circonvolutions ,
se trouvait une cavité alongée, inégale, dont les parois rougeâ-
tres, accolées entre elles, avaient environ un pouce de surface,
contenaient quelques gouttes de sérosité , et offraient une
assez grande f(^neté dans l’épaisseur d’une ligne, »
L’auteur attribue les trois ou quatre petites cavités à un tra-
vail de ramollissement. « Mais il serait peu raisonnable de ne pas
attribuer, dit-il, à un épanchement de sang, les deux grandes,
surtout celle dont les parois étaient rouges. » Il est très-vrai que
cette dernière , bien différente de ce que nous avons vu jtcs-
qu’ici, présentait les caractères d’un véritable foyer hémorrha-
gique ancien. Mais comme six semaines n’eussent assurément
pas suffi pour lui donner ce caractère , et que d’ailleurs rien
ne ressemble moins à une hémorrbagie que le début des acci-
dents (délire au commencement , hémiplégie graduellement
croissante), il est probable qu’elle se sera formée à une époque
antérieure. Pour l’autre cavité, longue d’un pouce et demi ,
traversée de brides filamenteuses, sans coloration de ses ])arois,
il ne viendra à l’esprit de personne d’y voir un foyer bémor-
rbagique datant de six semaines.
Obs. 45. — U Un bomme de soixante-six ans éprouva une
perte de connaissance subite qui ne laissa après elle qu’une
perte de la parole, qui reparut promptement, mais incomplè-
tement. Il n’y eut point d’autre paralysie, seulement plus tard
il perdit la vue, tomba en enfance, et mourut au bout de neuf
mois. — A la partie antérieure et externe du corps strié droit
se.trouvait une dépression alongée, de deux lignes de profon-
deur, En incisant sur cette portion du corps strié, on pénétrait
dans une petite cavité de cinc[ ou six lignes d’étendue dans son
plus grand diamètre, traversée en tous sens par des filaments
vasculeux, dans les intervalles desquels se trouvait un ])cu de
sérosité légèrement brune. Les parois de cette cavité offraient
‘27!^ n\i\roi.i.issF,Mi:NT cnMONiotr. ( anat. path.)
la meme couleur, avec une densité irès j^rande, dans l’épaisseur
d’une ligne. Tout le lobe postérieur gauche était réduit en une
espèce de pulpe jaunâtre mêlée de pus, rassemblé en petits
foyers irréguliers. La substance corticale avait seule éprouvé
complètement cette sorte de dégénération , et l’on distinguait
au milieu d’elle des portions considérables de substance mé-
dullaire, irrégulièrement disposées, et formant des espèces de
cloisons. »
On a sans doute remarqué l’absence d’hémiplégie au début
et la succession des phénomènes consécutifs, ce qui se trouve
tout à fait d’accord avec la nature de l’altératioqjencontrée dans
le cerveau, un double ramollissement.
J’ai cru devoir donner autant d’étendue à la discussion de
ces faits, afin de mettre le lecteur à même de mieux juger la
question , et aussi pour qu’on ne puisse m’accuser d’avoir
mis de la légèreté dans l’opposition que je fais ici à un
savant écrivain. J’ai exposé largement les pièces du procès , et
il m’a fallu quelque confiance dans la bonté de ma cause pour
m’en prendre ainsi à mon excellent maître, à l’homme qui s’est,
à si juste litre, acquisle plus d’autorité dans les questions qui se
rattachent à l’histoire de l’apoplexie. Georget, du i-este , avait
déjà reproché à M. Rocboux d’avoir méconnu la nature des faits
décrits sous les numéros éO, 41, 42, 4.3, 45 et 46, dans lesquels
il ne voyait lui-même que des enci'phaUtes locales (1).
Si l’on y fait un peu d’attention, on s’expliquera aisément
l’erreur dans laquelle est tombé , au moins pour quelques-
uns des faits que j’ai cités , ce médecin, ainsi que ceux qui ont
suivi les mêmes errements. La seule manière d’arriver avec
certitude à la connaissance des traces que peuvent laisser dan.s
le cerveau d’anciennes hémorrhagies, était de prendre des hé-
morrhagies récentes et de les suivre dans chacune de leurs pé-
riodes successives, de manière à arriver peu à peu, et en quel-
que sorte de jour en jour, à ces translormations prétendues ,
dont l’origine nous paraît à tel point contestable.
J’avais cru longtemps que ce travail avait été fait, en voyant
l’assurance et les détails avec lesquels les divers articles qui
(I) GeeSrget, üict, demed.. tn‘ étlil., l. viii , 37, ari. E?(Cfa’iiA.urF..
— M. Itouillaiid a fait la mêinr. reniariiui; daii.s .son Traite de Tcncé/>h(dite,
pagf 224.
CAVITES Hi^.M()iti!iiA(;iüiii;s.
279
Iralteut de l’apoplexie déciivent les périodes couscculives de
cette altération, ses périodes de résorption, de cicatrisation. Mais,
lorsque pour m’édiüer sur ce point, j’ai consulté les ouvrages
spécialement consacrés 'à l’étude de cette maladie, j ai vu que
la plupart manquaient des premiers éléments propres à éclairer
la question. Voici comment l’on procède en général.
Unindividua éprouvé, à une époque plus ou moins éloignée,
une attaque d’apoplexie ou quelque chose de semblable , car la
plupart du temps on n’a que des l'enseignements très-vàgues ;
après sa mort, on trouve une certaine altération dans le cer-f
veau, trace évidente d’une lésion ancienne et U’ansfonnée, et l’on
prononce que cette altération est le vestige d’une bémorrhagie
cérébrale. Je n’ai pas besoin d’insister sur le peu de significa-
tion de la préexistence d’une attaque d" apoplexie , puisque toutïe
mondesait maintenant combien souvent le ramollissement revêt
cette forme. Ce qui semblait d’abord faciliter l’interprétation de
ces faits, c’est qu’on neVoyait pas autre chose que l’hémorrhagie
cérébrale à quoi l’on pût rapporter ces altérations consécutives ;
on ne soupçonnait en rien le rôle que pouvait jouer le ramol-
lissement dans la production de ces diverses transformations ;
telle est, je n’en doute pas, la cause de la facilité avec laquelle
on s’est rangé aux premières opinions émises sur cette question
de pathogénie.
Il importe, du reste, de signaler une circonstance qui ne per-
met pas d’observer aussi fréquemment qu’on le pense les faits
précisément les plus propres à éclairer la question : c’est qu’une
attaque d’apoplexie ne cause presque jamais la mort que dans
sa première période ou à une époque éloignée de son début, et
ce n’est généralement qu’à une circonstance fortuite, à une ma-^
ladie accidentelle, que l’on doit de pouvoir l’étudier sur le ca-
davre, pendant la durée de temps intermédiaire. Ceci s’observe
aussi dans le ramollissement, mais surtout dans l’hémorrhagie, et
l’on rencontre rarement les foyers hémorrliagiques, dans le
cerveau, datant de peu de mois, c'’est-à-dire à l’époque où s’o-^
pèrent ces transformations dont le travail serait si important à
saisir. Je vais cependant rapporter un certain nombre de faits
de ce genre que j’ai réunis, non sans peine, dans le but de con-
naître quels changements s’opèrent dans le sang lui-même, et
au bout de combien de temps il cesse de présenter des carac-
580
nAMOM.l'ÎSrMF.A’T rnP.ONiOlîK. (a\.4T. path.)
tères fatilemeiil recoimaissables : on conçoit paiTailemcnt quel
intérêt présente celte étude, lorsqu’il s’aj^it de distinguer les
altérations propres au rainollisseinent de celles qui appartien-
nent à riiemorrliagie.
1. Hémorrhagie datant d’un mois. — Foyer contenant un
caillot central noir, assez ferme, et qui ensuite revêt d’une
couche fibrineuse les parois du foyer. (Duplay, Arckwes., 2e sé-
rie, t. VI, p. 481.)
2. Hémorrhagie datant de trente-cinq jours. — L’intérieur de
la couche optique ch’oite forme une cavité assez vaste, remplie
d’un caillot très-dense, plus mou et très-rouge aü centre , d’un
jaune d’ocre dans les couches extérieures. Une membrane assez
épaisse, jaunâtre, tapisse ce foyer ; à l’entour, la substance cé-
rébrale est dans une petite épaisseur, jaunâtre et un peu molle...
(Durand-Fardel, Observation inédite.)
3. Trente-sept jours. — Dans le corps strié droit, caverne de
trois pouces de largeur, irrégulièrement alongée, et contenant
à peu près trois onces de sang fibreux et dense, qui avait pris
une couleur assez semblable à celle de la bure (Piochoux,
Recherches... Obs. 39.)
4. Six semaines. — Sang ressemblant à de la gele'e de gro-
seille noire et consistante ; les parois du foyer sont tapissées
par une trame cellulaire qu’on détache facilement du tissu
cérébral. (Andral, Clinique médicale, t. V, obs. 11.)
5. Cinquante-deux jours. — A droite, entre la couche optique
et le corps strié, épanchement considérable peu ancien. Mem-
brane jaunâtre, épaisse, très-bien organisée, autour du caillot...
(llostan, A’ec/«erc//ej. .. Obs. 83.)
G. Deux mois. — Au milieu de riiémispbère droit du cer-
veau, on trouva un épanchement d’à peu près une once de
.sang, dont la couleur était pâle et d une consistance pidt.icee...
(Leroux , Cours sur les généralités de la méûecine pratique ,
t. VIII, n. 253.)
7. Deux mois. — A peu près deux cuillerées de sang caille
au centre de riiémisplière droit du cerveau... (Dan de la Vau-
terie. Dissert, sur Tapoplexie, obs. 8.)
8. Soixante-quinze jours. — Foyers multiples ; lès plus gros,
du volume d’une noisette... les plus récents présentaient du
cAvrn';s HiÎMORnHAr.ioitïïs.
sanp- parfaitement reconnaissable.. Dan» les autres, ce n était
plus’ du sang, mais une matière jaune, filante comme bilieuse,
qui allait, en s’infiltrant, colorer quelques points des parties
environnantes... {Observation inédite, extr. des Archives de la
Société anatomique.)
9 2'rois mois. — A la partie moyenne de la couche optique,
est une petite cavité pouvant contenir une amande sans son
enveloppe, pleine d’un liquide épais, d’un jaune d’ocre fonce,
homogène ^ une membrane très-mince en tapissait les parois
qui présentaient la même couleur, mais seulement à leur sur-
face. (Durand-Fardel, Observation inédite.)
10. Trois mois et demi. — Caverne irrégulièrement alougée,
d’un pouce cube de capacité, remplie en partie d un sang cou-
leur deterre de Sarguemines, fibreux, filamenteux... (Rochoux,
Recherches... Obs. 37.)
11. Q«««re mois. — Caillot très-consistant, d’un rouge jau-
nâtre, nageant dans deux gros de sérosité roussâtre; surface du
foyer citrine... (Moulin, Traité de l apoplexie.)
12. Sept mois. — Cavité remplie d’une bouillie dout la cou-
leur est celle delà rouille de fer 5 ses parois sont tapissées jiai
une membrane celluleuse, dense, très-résistante, vasculaire
(Andral, Clinique médicale, t. A' , obs. 7.)
13. Huit mois. — Petit caillot d’un rouge clair, humide à. sa
surface; cavité à parois veloutees, de couleur feuille morte...
(Moulin, Traité de V apoplexie.)
14. Un an. — On rencontre entre les corps striés et la couche
optique une cavité revêtue d’une espèce de membrane jau-
nâtre, contenant environ une aveline de sang caillé, d’un gris
violet, résultat d’uidancien épanchement. (Rostan, Recherches...
Obs. 8.)
1.). Treize mois. — Cavité pleine d’une matière qui, par sa
couleur et sa consistance, l’essemble à une décoction concentrée
de chocolat ; aucune fausse membrane n’est étendue sur ses pa-
rois... (Andral, Clinique... Obs. 10.)
1(5. Vingt et un mois. — Cavité ayant dix lignes de long sur
Luit de large, pleine de sérosité roussâtre, tapissée d’une mem-
brane jaune fauve, et contenant une petite quantité de sang
noirâtre et coagulé. ..(lliobé. Thèse... Ohs. 8.)
282 RAMOIXISSRMENT CHRONIQUR. (ANAT. PATH.)
17. Chez une femme hémiplégique depuis plusieurs année, s,
j’ai trouvé l’altération suivante : toute la partie externe de l’hé-
misphère droit est longée par une cavité longue et étroite, dont
les deux extrémités ne sont guère distantes que de deux centimè-
tres de celles derhémisphère. Cette cavité est limitée en dehors
par les circonvolutions , en dedans par le ventricule latéral.
Vers sa partie moyenne, où elle est beaucoup plus large, sa
partie externe a à peine deux millimètres d’épaisseur. Elle est
remplie d’une sorte de détritus semblant formé d’un mélange
de substance cérébrale et de fibrine, et d’un jaune de bile pro-
noncé. Ses parois sont jaunes dans une certaine épaisseur,
inégales et ramollies, sans fausse membrane.
Je pourrais “ajouter à ces faits deux autres observés par
IVl. Serres, dans lesquels on a trouvé un caillot de sang de.ssé-
ché au bout de deux ans, dans un cas, à la fin de la troisième
année dans l’autre ; celui de M. Trochon (1), où , au bout de
trente ans, du sang a été retrouvé dans deux petits kystes épais,
sous forme d’une matière ferme, d’un noir foncé, s’écrasant sous
le doigt, et dans laquelle M. Guérard a reconnu les caractères
chimiques du sang.
Assurément ces faits ne nous permettent pas de préciser
jusqu’à quelle époque on peut retrouver du sang en nature
dans l’intérieur des foyers hémorrhagiques du cerveau ; on
conçoit, du reste, que cette époque doit varier d’après une in-
finité de circonstances, telles que le volume du foyer, la nature
du sang, l’état général, peut-être le régime ou le traitement
auquel est soumis le malade, etc. Mais il résulte évidemment de
ce tableau, qu’en général, au bout de plusieurs mois, d’une année
même, le sang épanché dans le cerveau, non-seulement conserve
des caractères facilement reconnaissables, mais encore paraît bien
éloigné de disparaître complètement. Comment donc M. Ro-
choux a-t-il pu attribuer à des hémorrhagies résorbées , des
cavités qui dataient de trente-cinq jours (obs. 38, citée plus
haut), de six semaines (obs. 47), de neuf mois (obs. 42)? En-
fin, et ceci surtout est important, aucun de ces faits ne nous
montre, dans le sang épanché, la moindre tendance à revêtir
une apparence analogue à celle de l’infiltration celluleuse.
(1) Bulletins de la Société anatomique, <840, n. 5.
troisikme période.
?83
ARTICLE III.
TROISIÈME PÉRIODE DU RAMOLLISSEMENT CHRONIQUE (DISPARITION
DU TISSU ramolli).
Si Ton a suivi avec attention la inarclie du ramollissement
cérébral, telle que nous l’avons présentée, on a dû remarquer
qu’elle tendait incessamment à l’atropliie et à la disparition du
tissu ramolli.
A l’état aigu, il y a d’abord, comme dans toule inflamma-
tion , appel de fluides, tuméfaction ; mais bientôt ce gonflement
disparaît ; le ramollissement pulpeux se forme, et le cerveau est
revenu à son volume normal ; puis apparaissent les plaques jau-
nes à la superficie, les circonvolutions se ratatinent ou même
se déforment complètement , et une surface plane remplace leur
saillie; lacouclie corticale s’amincit, les plaques jaunes qui la re-
présentaient finissent même par disparaître souvent, et on n’en
retrouvepluspour trace qu’une coloration jaunâtre et superficielle
de la substance médullaire. Dans celle-ci, à mesure que le ramol-
lissementfaitdes progrès, la pulpe nerveuse disparaît, il s’y forme
des vides séparés par sa trame celluleuse qui persiste seule , et
on ne trouve plus à sa place qu’un fluide laiteux , parfois encore
chargé de ses débris floconneux : peu à peu ces espaces s’agran-
dissent , et l’élément celluleux va sans cesse en se raréfiant , s’i-
solant d’abord plus complètement de la pulpe nerveuse envi-
ronnante , et finissant lui-même par subir l’effet de celle ten-
dance destructive.
Voici où nous en sommes restés, et nous avons à étudier
maintenant les effets de cette disparition complète de la pulpe
cérébrale ramollie. Nous arrivons au dernier terme de ce tra-
vail pathologique complexe, (jui commence par une simple di-
minution de consistance, mais subit ensuite une foule de trans-
formations auxquelles le nom de ramollissement cesse d’être
justement applicable, bien qu’il ne s’agisse toujours que d’une
même maladie.
Il est quelques réflexions ayant trait au sujet d’un des cha-
pitres suivants, à la guérison du ramollissement, que ;e ne puis
me défendre de présenter dès à présent ; car une des raisons qui
n AMOr.T.lSSF.AlF.NT C.nilOKJOIIF. (\XAT. PATII.)
me foju aUadiei unejjiamleiinportance à laconnaissance de cette
dernière période du ramollissement, c’est la liaison étroite qui
existe entre son étude et celle delà guérison du ramollissement.
Lorsqu un ramollissement circonscrit poursuit sa marche et
subit ses diverses transformations sans s’étendre aux parties voi-
sines , il peut parcourir ses périodes successives sans déterminer
d aciidents moi tels, et arriver ainsi a son dernier degré , celui
dont nous nous occupons maintenant. 11 est clair qu’alors la
portion malade ayant disparu, le ramollissement ne pourra al-
ler plus loin , la maladie se trouvera à son terme, il v aura une
véritable guérison. Et remarquez que cette guérison aura lieu
par un mécanisme analogue à celui de la guérison des foyers
hémorrhagiques, et pourra laisser des traces fortsemblables à ces
derniers: car lorsqu’il se fait un vide dans la substance cérébrale ,
quelle qu’en soit la cause, ce dernier ou laissera une cavité , ou
se comblera par le retrait des parties voisines, d’où une cicatrice.
Si au contraire , à mesure qu’un ramollissement fait des pro-
grès dans un point, il se propage aux parties voisines, quelle
que soit la durée de la maladie, quel que soit le résultat anato-
mique de la marche incessante qu’il aura suivie dans la portion
primitivement atteinte, il n’y aura point, à proprement parler,
de guérison, bien que l’on puisse trouver des déperditions
de substance semblables à celles que nous indiquions tout à
l’heure, comme exemples] d’une termirtaison heureu.se de la
maladie. Il pourra y avoir, si l’on veut, guérison du rainolUsH
sement dans le point le plus anciennement affecté, ])arce qu’une
fois la substance cérébrale absolument disparue dans ce point ,
le ramollissement aura nécessairement cessé d’exister, mais la
maladie elle-même n’aura pas guéri , puisqu'elle aura continué
de mareber et de s’accroître à l’entour.
Je pense que l’on a bien compris cette distinction sur lai|uelie
j’insiste, parce que c’est sur elle que repose la véritable inter-
prétation du mot guérison du ramollissement, \oici , du reste,
une comparaison qui rendra encore clairement, mais d’une
autre manière, ma jîensée sur ce sujet :
Qu’un poumon se tuberculisc dans un point circonscrit, et
(pie celui-ci suive jusqu’au bout la marclie propre aux tuber-
cules pulmonaires , les tubercules se ramolliront , puis une ca-
verne se formera ; (pie cette dernière vienne à se cicatri.ser par
•285
XUUISIÈ-MK riitllOUE.
un des modes quelconques que l’on connaît aujoui d’hui, et dont
la condition essentielle est l’exacte chconscription de la caverne
au milieu d’un tissu sain ou induré sans dégénération ; si cette
caverne est unique, la maladie aura guéri. Si au contraire des
tubercules se sont développés et ont marclié dans les parties
voisines pendant que cette caverne se cicatrisait, ce point spé-
cial n’en aura pas moins guéri , et cependant la maladie n’aura
pas elle-même subi de guérison , et elle pourra marcher jus-
qu’au terme fatal.
Ainsi il faut bien distinguer la guérison d’un point donné,
par arrêt de la lésion anatomique dans ce point, et la guérison
de la maladie , qui suppose l’arrêt da mal dans la totalité de
l’organe affecté.
Nous allons maintenant donner des exemples de cette der-
nière période du ramollissement : suivant notre habitude , nous
commencerons par des faits où les altérations qui lui sont pro-
pres se trouveront unies à celles de la période précédente, afin
qu’on ne puisse douter de leur origine ; nous les montrerons
ensuite isolées.
Nousles étudierons d’abord à la superficie du cerveau. Quand
un ramollissement circonscrit de la couche corticale des cir-
convolutions est parvenu à sa dernière période , il donne lieu à
de véritables ulcérations.
S 1. Ulcérations des circonvolutions.
Observation 76. 1 — 1 Démence; ulcération des circonvoliitions , pla-
ques jaunes à l’entour.
La nommée Delorme , âgée de 80 ans, entrée à la division
des aliénées incurables delà Salpétrière au mois de mai 1838,
avait toutes les apparences d’une bonne santé ; elle se prome-
nait librement dans les cours , mangeait beaucoup et digérait
bien. Elle paraissait se rendre assez bien compte des sensations
qu’elle éprouvait, et n’olï’rait qu’un affaiblissement des facul-
tés intellectuelles que l’on observe souvent à un âge aussi avancé.
Il y a deux mois , elle présenta les symptômes d’une périto-
nite, et fut traitée en conséquence. Il y avait nausées, vouds-
sements, petitesse et concentration du pouls , peau cliaude,
ventre douloureux et ballonné, très-sensible à la pression, con-
286 UAMOLUSSEMEax CUlVOiNlQUE. (AWAT. PATH.)
stipation. Sous l’influence des antiphlogistiques employés d’une
manière active , ces accidents se dissipèrent au bout de quel-
ques jours, et depuis lors, la malade sortait et se promenait
comme à l’ordinaire, lorsque, le 24 juin 1859, elle mourut le
malin, presque subilemenl. Elle n’avail rien présenté de bien
particulier, si ce n’est que la veille elle était restée couchée con-
tre son habitude.
Autopsie. — Les méninges sont notablement épaissies et in-
filtrées d’une grande quantité de sérosité limpide : il y a des
opacités sur le feuillet cérébral de l’arachnoïde. La pie-mère
s’enlève très-facilement par larges lambeaux.
Sur la convexité de l’iiémisphère gauche, près du bord de la
grande scissure , vers la réunion du tiers postérieur avec les
deux tiers antérieurs, ou trouve une Igrge perte de substance,
véritable ulcération irrégulièrement arrondie, de l’étendue à
peu près d’une pièce de deux francs , de 5 ou 6 millimè-
tres de profondeur, dont le fond est blanc, assez lisse, un peu
grenu , nullement ramolli. Ses bords sont taillés perpendiculai-
rement et formés par la couche corticale des circonvolu-
tions voisines. Celles qui en forment le bord postérieur sont
transformées en plaques jaunes, semblables à celles qui ont été
décrites dans les observations précédentes. Au-dessous de ces
altérations, la substance médullaire, presque jusqu’au ventri-
cule, est très-molle, difiluenle, se laissant pénétrer profondé-
ment par un jet d’eau.
Il y avait dans l’épaisseur de ^l’épiploon gastro-colique une
tumeur aplatie, du volume delà moitié du poing, dont l’inté-
rieur était rempli d’un liquide puriforme assez abondant , et
dont la face interne était rugueuse, inégale , d’un rouge grisâ-
tre. Par sa face externe, elle adhérait d’une part au bord coli-
que de l’estomac, dont les parois étaient épaissies dans ce point ;
d’une autre part, à la partie moyenne du colon transverse , avec
lequel elle communiquait par une ouverture dans laquelle on
introduisait à peine le petit doigt.
Au dessous de cette ouverture , l’intestin , dont les parois
étaient très-épaisses, offrait un étranglement circulaire, qui per-
mettait encore la ciiculation des matières. Enfin, au dessus de
cet étranglement, la muqueu.se était boursouflée, et piésea-
lait des vcgclations fongueuses et rougeâtres.
TKOISIÈME PÉRIODE. Î87
Le cœur était énorme, rempli de sang coagulé ; le ventricule
gauche épaissi, les valvules ossifiées.
Observation 77. — Plaques jaunes et ulcération des circonvolutionsj
infiltration celluleuse du cerveau et du cervelet. — Point de signes
apparents, pendant la vie, de lésions cérébrales.
Une femme, nomme'e Thirion, âgée de soixante-neuf ans, en-
tra, le 20 novembre 1838 , au numéro 16 de la salle Saint-
Antoine (Salpétrière), présentant tous les signes d’’une affec-
tion grave du cœur. Elle fut examinée avec soin, et interrogée
sur ses antécédents ; malheureusement l’absence de toute alté-
ration appréciable de la parole, des sens, des mouvements et de
l’intelligence, m’empêcha de fixer mon attention sur l’état céré-
bral, et je ne fis aucune recherche dans ce sens. Elle me dit seu-
lement qu’elle était sujette aux étourdissements , ce qui n’était
pas fort étonnant, vu la nature des accidents qu’elle éprouvait.
Elle rapportait à quinze ans le début de sa maladie ; mais de-
puis dix mois l’oppression était devenue fort considérable.. Elle
avait de l’embonpoint, et pas d’œdème dans les membres. Elle
mourut asphyxiée, le 6 décembre.
Autopsie. — Quantité considéx'able de sang dans les sinus de
la dure-mère, un peu de sérosité dans la cavité de l’arachnoide,
infiltration séreuse très-abondante dans la pie-mère, injection
assez fine de ses vaisseaux, grande transparence de l’arachnoïde,
excepté près de la ligne médiane, où elle présente beaucoup
d’épaississement et d’adhérences; beaucoup de sérosité à la base ;
toutes les artères ont leurs parois jaunâtres, dures, très-épaisses,
sans ossifications.
Les circonvolutions sont arrondies comme à l’ordinaire, mais
écartées profondément par la sérosité. Une de celles du côté
gauche, près de la grande scissure, est affaissée et forme à la sur-
face du cerveau une sorte de godet plein de sérosité.
La pie-mère s’enlève très -facilement de tous les points de la
superficie du cerveau, même à sa base ; seulement les circonvo-
lutions de l’extrémité des deux lobes postérieurs présentent en-
tre elles des adhérences serrées et difficiles à détacher.
A gauche, dans le fonds de la plupart des anfractuosités, la
couche corticale est translormée en un tissu jaune, mollasse au
l’(S8 UAMULLls.SliMliiM C.lll’vÜIXlQLK. (Aû'AT. l'Alll.)
lonclicr, dL cependant doué d’une force de cohésion assez pro-
noncée, ])lus mince ejue la couche corticale et vasculaire à sa
surface. Au dessous la substance blanche, dans cinq ou six mil-
limètres de profondeur, est manifestement ramollie, ou plutôt
raréfiée; sur l’hémisphère droit, on trouve au fonds d’une an-
fractuosité la couche corticale détruite dans toute son épaisseur
et dans une assez grande etenduej les bords de cette ulcération
sont très-irrégulieis et nettement découpés. Elle est tapissée au
fonds par une lame celluleuse jaunâtre, vasculaire, assez unie ;
au dessous, la substance médullaire est très-ramollie jusqu’au
ventricule, dont la membrane se trouve comme disséquée au
fonds de la cavité digitale. La substance ramollie est blanche,
infiltrée d’un liquide lait de chaux. Ses parois, mal limitées,
sont assez vasculaires. , . , •
Les altérations superficielles que je viens de décrire n attei-
gnaient le sommet que d’une ou dein: circonvolutions du lobe
postérieur gauche. Plusieurs anfractuosités des lobes postérieurs
et'du lobule du corps strié, des deux côtés, étaient légèrement
érodées, jaunâtres, présentant en petit les altérations que nous
venons de décrire. ^
Le corps strié gauche, vu par le ventricule, présenté près de
sa queue un enfoncement transversal, comme un sillon jaunâ.
ire, au dessous duquel son tissu est, dans une petite épaisseur,
ui/peu ramolli, ou plutôt raréfié et jaunâtre.
Le cervelet présente à sa face inférieure et à la partie interne
de spn lobe gauche un espace pouvant contenir une noix, forme
par un tissu cellulaire, jaunâtre, très-lâche, entre croisé en tous
sens, vasculaire et limité en dehors par la pie-mère- Ses parois
sont mal limitées, tapissées, non par une membrane, mais par
un tissu cellulaire plus dense. Au delà, la substance médullaire,
dans l’étendue d’un millimètre à peu près, n est pas sensible-
ment ramollie, mais moins blanche, et comme striee de lignes
îuisâtres.
0»si.nv n,... ,S. - An>U,lisscmenl g^..cr»l taculte |,cmlant ....
comnH-lo coma. — n.raollijscn,OTt aign , lougeatie <lcs ciicomolu-
Zfuîâ. aüo.. d'ooo cU-co, .voie, ion i ca.i.ca moUiplcUms Icco,-,»
Striés. Liât criblé du cerveau.
Lcclac, â,jé .le üuixa,.le-.l.a-sci.t a„s, |,.cse..tan. C.,
TUUlSlii.Mli l'iLuiOJJJi.
d’une sanLe robusle, a été porté à l’inlîiineiie de Bicèlre, le 21
janvier tS lO. On ne peut avoir sur eut lioinine que des rensei-
gnements fort incomplets, auprès de ses camarades. On rapporte
qu’il ne marchait qu’avec peine, en s’appuyant sur un bâton,
que les inouveiiientsdeses bras paraissaient faibles et difficiles,
qu’il s’exprimait avec difficulté et que parfois on avait de la
peine à le comprendre. Son intelligence était affaiblie, il pavillon-
nait (c’est-à-dire, il divaguait parfois).
A'^oici une note prise, à son entrée à rinfirinerie, par un élève
du sèrvice quia bien voulu me la communiquer : ■— Décubitus
dorsal; immobilité presque complète ; réponses lentes, par mo-
nosyllabes, le plus souvent inexactes; il est comme inattentif,
mais on parvient facilement à le tirer de cet état d’indifférence’
en le pressant de questions. Faciès un peu injecté , peau assez
chaude, pouls à 7â, assez régulier et plein ; bruits anormaux
au cœur. Il ne peut mouvoir les membres qu’avec beaucoup de
peine et incomplètement ; il ne peut lever les mains et saisir les
objets. Légère raideur du coude et du genou gauches; les bras
soulevés retombent presque comme des masses inertes. La face
paraît un peu déviée à droite. Pandiculations fréquentes. La
lete est deviee à droite. Respiration régulière, un peu fréquente.
Le lendemain , Leclerc était plongé dans un coma profond •
la respiration fréquente, stertorcuse, la peau chaude et couverte
d une sueur abondante , le pouls fort, à 100. Résolution et in-
sensibilité generales. Mort le troisième jour.
Autopne. - Un peu de sang de.ni-coagulé dans les sinus de
a dure-mere. Un peu de sdiosilc limpide dans raeacimoïde •
IcBeses opacUes de celte membiane. Sli ositéJimplde assez abonl
drmte dans la p,e-me.e t elle est assez Injectée ; au-dessus du
lobe poster, eut d,o,t, elle offi-e leger redet iauniU,e. Les
parois des vaisseaux de la base .<=ont saines. •
La pie-mère s’enlève en général assezfacileme.it de la super
ficie duceiveau, excepte dans quelques points où elle cm.- ‘
avec elle la couche la plus superficielle de la subslanreco i’
-^es points ramollis .‘•ont une circonvolution de l’h > *
gauche, et sept ou huit de la convexité de 1’],,' ' ,
il» «ont , ouBcàltcs , c, se laissent pé,,;:;,.
par un lilcl d’eau, sans qu’il s’endéndic ,1 I «««lever
«ont c. le ta,,,oll,ssc,,.c .ln’ tm^
icicssuii gucie que la substance
10
290 ramollissememt chronique, (anat. path.)
corticale ; dans quelques points, ils n’en occupent même pas
V.V1 VIV.CA1W f '-J — r "
toute l’épaisseur; dans un ou deux seulement, ils empiètent un
peu sur la blanche,
On trouve dans une anfractuosité de la convexité du lobe
postérieur gauche une altération d’une date toute differente : la
Lbstance corticale a tout à fait disparu dans l’étendue d’une
pièce de 2 francs , mais peu régulièrement arrondie ; il en ré-
sulte une véritable ulcération, dont les bords, assez nettement
découpés, bien consistants , ont une hauteur équivalente à 1 é- .
paisseur normale de la couche corticale ; le fond en est tapissé
par une membrane assez dense et épaisse, presque incolore ou
d’une teinte jaunâtre à peine sensible ; de petits vaisseaux la
parcouraient dans son épaisseur. La pie-mère n’avait laisse au-
cune trace d’adhérences à sa surfâce. Au-dessous , la substance
blanche, dans l’épaisseur d’un ou deux millimètres , était un
peu molle, raréfiée, présentant des fibres blanches, comme cel-
luleuses, entrecroisées.
En général, les circonvolutions des deux hemispheres étaient
petites, ratatinées, inégales, un peu rugueuses à leur surface.
( Atrophie sénile. ) Au milieu du ramollisse, nenl rougeâtre de
l’hémisphère droit, une circonvolution présentait à son somuiel
une excava, ion pouvant contenir un gros pois, un peu tnfnn ,-
bulitorme, dont l’orifice étroit et béant à la surface de la circon-
volution. tétait dentelé ; cette petite cavité avait des parois du-
res et tapissées d’une membrane fine et jaune, parcourue de
petits vaisseaux très-déliés. Elle ne paraissait rien contenu .
La substance blanche était asser vivement mjectee ; on y
voyait, surtout au-dessous des circonvolutions , des vaisseaux
rouges, longs, volumineux, consistants, se laissant assez disten-
dre sans se Lnpre. L’injcciion paraissait un peu plus piononcee
au-dessous des ramollissements de la superficie. On trouva en
outre la substance blanche sous-jacente aux crconvolntions ,
criblée d’un grand nombre de petits trous ronds, de chacun des-
quels on voyait sortir un petit vaisseau ronge ( état
L parlies profondes des hémisphères, cette disposition était
peine prononcée, si ce n'est dans le
elle était assez marquée, coïncidence remarquable avec
radon qui a été décrite à la siipcrficie. „,lllerées d<
Les ventricules latéraux contenaient quelques cuilleiees
TAOISIÈME PÉRIODE.
291
sérosité limpide. La surface des deux corps striés était aftaissée,
un peu jaunâtre, bosselée. On trouva dans chacun d’eux une
cavité du volume d’un noyau de cerise ou d’une amande , ta-
pissée par une membrane fine, vasculaire, jaunâtre ; les parois
de la plus petite étaient rapprochées, celles de la plus grande,
séparées par un peu de liquide incolore. Ces cavités offraient
tous les caractères de cavités hémorrhagiques. Auprès d’elles,
le reste des deux corps striés offrait un certain nombre de petites
lacunes sans altération de couleur ni de consistance, de la sur-
face desquelles une pince fine détachait un peu de tissu cellu-
laire contenant de très-petits vaisseaux.
Rien à noter dans la moelle allongée ni dans le cervelet.
Engorgement léger à la base du poumon droit. Hépatisation
avec commencement de suppuration du lobe inférieur du pou-
mon gauche. Cœur très-volumineux.
OusKRV,vTioN 79. — Hémiplégie gauche datant de trois ans. — Amin-
cissement de la dure-mère. Ulcération des circonvolutions. Infiltration
celluleuse de la substance médullaire sous-jacente et du corps strié.
La nommée Meulier Bossu, âgée de soixante-treize ans, mou-
rut le 26 juillet 1839 à l’infirmerie de la Salpêtrière. Cette
femme, dont l’intelligence était bien conservée, et qui s’expri-
mait avec facilité, disait avoir éprouvé, trois ans auparavant,
une attaque de paralysie du côté gauche. Elle pouvait encore
marcher, lorsqu’une seconde, il y a trois mois, vint la priver
complètement du mouvement de ce côté. En effet, il y avait
une hémiplégie complète à gauche , et le bras demeurait fléchi
sur la poitrine sans presque de raideur. Cette femme laissait
aller sous elle depuis sa dernière attaque.
Autopsie. — Les os du crâne sont épais et très-durs. La
dure-mère est remarquablement amincie ; au-dessus des lobes
antérieurs, elle est assez transparente pour laisser distinguer
au-dessous d’elle la forme des circonvolutions et la vascularité
de la pie-mère; la faux du ceiveau est à jour comme une den-
telle.
qui écarte la plupart des circonvolutions jusqu’à leur base, sur
»AMOI,L1SôEA1ENT CIUIOMQUE. (anaT. PATIl.)
tout au-dessus des lobes moyens et postérieurs, et plus à droite
c|u a gauche. Cette membrane, assez vivement injectée de sang,
se détache partout avec la plus grande facilité de la superficie du
cerveau.
Les circonvolutions de la partie externe de la convexité de
l’hémisphère droit sont considérablement amincies , un peu iné-
gales à leur surface et comme ratatinées ; en même temps beau-
coup plus denses qu’à l’ordinaire et que celles du côté opposé.
Cette diminution de volume paraît due surtout à l’amincisse-,
ment de la couche corticale. Au sommet d’une de ces circonvo-
lutions , est un petit enfoncement au fond duquel on trouve un
peu de tissu cellulaire jaunâtre.
Du côté droit, à l’extrémité postérieure et supérieure de Tm-
siila , la substance corticale a coniplètement disparu de la sur-
face d’une circonvolution , dans un espace grand éoinme une
pièce de 2 francs. La circonférence de cette ulcération est
inégale, dentelée, coupée à pic, formée par la substance corti-
cale et un peu de substance blanche ; elle offre une densité assez
grande, sans changement de couleur : seulement, à sa partie in-
férieure , sur le lobule même du corps strié, on voit que trois
ou quatre des circonvolutions qui vont former ce lobule sont
toutes petites, extrêmement ratatinées , d’une couleur jaune
assez foncée.
La pie-mère n’offrait aucune adhérence avec l’ulcération; le
fond en était blanc et tapissé d’une membrane très-mince, trans •
parente et vasculaire. Cette membrane enlevée, on vit, en pro-
jetant un filet d’eau , flotter un grand nombre de filaments , de
lamelles blanchâtres, comme celluleuses, et dont on ne détachait
rien de pulpeux *, seulement, en pressant ce tissu, on en expri-
mait une petite quantité d’un liquide trouble et grisâtre, dont il
était imbibé.
Cette infiltration celluleuse s’étendait profondément jusqu’au
corps strie ; latéralement, elle se fondait assez graduellement
dans la substance médullaire saine , qui présentait, au-dessous
des circonvolutions de la convexité, un certain nombre de per-
tuis assez larges, desquels sortait un petit vaisseau. {État
crible.)
La surface ventriculaire du corps strié était inégale et dé-
primée, biirlout vers sa 7ucae. Cnc incision pratiquée sur ce
xnmsiiMF. PÉiuonE.
293
point, on vit que son tissu était très-mollasse, jaunâtre par
places, grisâtre dans d’autres , et laissant écouler une certaine
quantité d’un liquide grisâtre, trouble, assez semblable à du petit
lait. Cette altération allait rejoindre celle que nous avons tout à
riieure décrite au-dessous des circonvolutions. Dans sapartie an-
térieure ou renflée, le tissu du corps strié était à peine altéré ,
mais cet organe se trouvait comme isolé de la substance blanche
envirortnanle par un espace où l’on ne trouvait que des brides
lâches , d’un jaune assez vif, inflltrées d’une quantité
d’un liquide jaunâtre et grisâtre, et parcourues par un grand
nombre de petits vaisseaux injectés. Toute la tcie du corps strié
se trouvait très-nettement disséquée au milieu de celte infiltra-
tion celluleuse. La couche optique était un peu entamée. Rien
à noter dans l’autre hémisphère.
Observation 8o. — Ulcération d’une circonvolution.
Le sujet de notre soixante-quinzième observation, qui nous a
offert une infiltration celluleuse si curieuse et si étendue des deux
hémisphères, présentait en outre une ulcération des circonvolu-
tions, dont nous avons r éservé la description pour ce paragraphe.
Sur la convexité du lobe postérieur de l’hémisphère gauche,
on remarquait une ulcération delà superficie du cerveau, qui
se présentait ainsi ; dans un espace de l'étendue à peu près d’unç
pièce de cent sols, mais moins régulièrement arrondi, occupant
une anfractuosité et le rebord de deux circonvolutions voisines,
se trouvait une déperdition de la substance corticale, dont les
bords étaient presque aussi nettement taillés à pic que ceux de
certains ulcères de la peau. Le fond de celte ulcération, qui
n’allait pas au-delà de la substance grise , était jaunâtre , ta-
pis.sé dans une partie de son étendue parurie membrane mince
et transparente, à nu dans le reste, la membrane qui le recou-
vrait dans ces points ayant sans doute été entraînée par la pie-
mère. Les parties qui environnaient, soit les bords, soit le fond
de l’ulcération, étaient parfaitement saines.
L’origine des ulcérations du cerveau me paraît très-facile à
294
ramollissement chronique, (anat. path.)
saisir d’après les observations qui viennent d’être rapportées.
Dans les deux premières, elles s’étaient évidemment dévelop-
pées aux dépens des plaques jaunes des circonvolutions ; dans
l’observation 78, l’ulcération était avoisine'e par des circonvolu-
tions ratatinées et jaunâtres : or, les observations 65, 66,
69, etc,, nous avaient déjà démontré que ces plaques jaunes
n’etaient elles-mêmes qu’un degré plus avancé du ramollisse-
ment rouge des circonvolutions. Donc les ulcérations que nous
venons de tfccrire ne sont autre chose que ce ramollissement
rpuge, infiltré de sang, des circonvolutions, parvenu à sa der-
nière période, à travers les transformations que nous avons
jusqu’ici suivies minutieusement. Il me paraît, du reste , n’y
avoir rien, dans cette filiation, que de très-naturel et de très-
conforme aux idées généralemeni reçues en patbogénie.
On a sans doute remarqué la ressemblance de ces ulcérations
dans les cinq observations que j’ai rapportées, ressemblance
telle que l’on y retrouve presque les mêmes expressions, malgré
les époques difféi'entes où elles ont été recueillies. Elles avaient
toutes une largeur variant entre celle d’une pièce de deux à
une pièce de cinq francs, irrégulièrement arrondies, à bords
nets et taillés perpendiculairement ; elles comprenaient à peu
près exactement l’épaisseur de la couche corticale; généralement
tapissées au fond par une membrane toujours lisse, tantôtfineet
transparente, tantôt plus épaisse et vasculaire, quelquefois un peu
jaunâtre:, la pie-mère les recouvrait toujourslsans y adhérer beau-
coup, et sans présenter elle-même, non plus que l’arachnoïde,
rien de particulier à leur niveau. La substance médullaire ‘sous-
jacente, toujours blanche, était saine où présentait un ramol-
lissement pulpeux ou une infiltration celluleuse à une profon-
deur variable (1).
Nous allons étudier maintenant la dernière période du ra-
mollissement, la destruction de la substance cérébrale, dans
(1) On n’u guère décrit sous le nom d’ulccralion du cerveau, que des al-
téraiious aigues. Je n'ai jamais rien rencontre de .semblable , et la plupart
des faits de ce genre m’ont paru ne consi.ster c| l’en des érosions artificielles
produites i>ar l’arracliemenl de la pie-mère. Cependant (juelques auteurs, et
Lallemand eu particulier, ont rapporté des oliservatious assez semblables à
celles qui font le sujet de ce paragraphe.
TROISIÈME PÉRIODE. 295
la substance médullaire et les pai-ties centrales du cer-
veau.
§ II. Disparition d’une partie de la substance médullaire.
Obshkvation 8i. — Démence, hémiplégie gauche. — Destruction
d’une grande partie du corps strié du côté droit.
La nommée Lemas, âgée de soixante-deux ans, entra, il y a
plus de dix, ans à la Salpêtrière, dans une division d’indigentes
infirmes. Elle était paralysée du côté gauche et marchait avec
une béquille. On la fit passer à la division des aliénées incu-
rables le 26 juin 1829, parce que la nuit elle se levait pour aller
battre ses voisines ^vec sa béquille. On rapporte que, depuis
celte époque, elle passait alternativement plusieurs mois dans
un état d’intelligence à peu près lucide, parlant assez raisonna-
blement, ne gâtant pas ; puis, un laps de temps à peu près sem-
blable, très-agitée, méchante, délirant sans cesse et gâtant,
c’est-à-dire laissant aller sous elle. Dans lé commencement,
elle se levait encore ; mais depuis longtemps , on était obligé,
le jour, de la tenir attachée sur une chaise. Dans le lit, elle de-
meurait toujours couchée du côté droit. Son délire avait pris,
dans ces derniers temps, un caractère érotique. Elle sut tou-
jours, jusqu’à la fin de sa vie, demander ce dont elle avait be-
soin. Elle mourut d’une pleuro-pneuinonie, le 16 février 1839.
Autopsie. — Le crâne est très-mince. La pie-mère est infil-
trée d’une grande quantité de sérosité qui sépare profondément
les circonvolutions ; elle est assez vivement injectée, et ses vais-
.seaux paraissent généralement dilatés. Elle se détache aisément
de la surface des circonvolutions, dont la forme et la couleur ne
présentent rien à noter , si ce n’est à la partie externe de l’hé-
misphère droit.
Le lobule du corps strié (insula) est tout à fait détruit : à sa
place est un enfoncement profond qui occupe toute l’excavation
dans laquelle il est placé. La pie-mère qui le lecouvre en étant
détachée sans aucune difficulté, on trouve au-dessous une mem-
brane beaucoup plus fine, vasculaii e, cjui se laisse aussi séparer
facilement de la surface malade. Celle-ci est formée d’un tissu
mollasse, d’un jaune un peu citrin, et tellement mince qu’une
296 luwou.issuMrNT r.nnnîs’iQüiî. (ahat. pâtit.)
légère iraclion met la cavité .l.i ventiicnle à découvert. La paroi
t U ventricule, dans le point corresjiondant au corps strié dé-
truit, a à peine 2 millimètres d’épaisseur. Il ne reste plus du
corps strié que l’extrémité antérieure , la tête , qui semble seu-
lement un peu mollasse au toucher. La couche optique est in-
tacte ou à bien peu de chose près.
Les circonvolutions qui environnent cette altération présen-
tent 1 aspect suivant : la pie-mère enlevée, on les trouve formées
d une couche jaune, mollasse, un peu vasculaire, assez dense,
ayant à peu près un demi - millimètre d’épaisseur (plaques
jaunes). Cette couche , qui s’enlève comme une membrane, se
continue en dehors brusquement avec la couche corticale des
circonvolutions demeurées saines ; au-dessous, la substance mé-
dullaire est un peu molle, très-lé,j5èrement jaunâtre.
Point d’autre altération dans l’encéphal^.
Observation 82. — Ancienne hémiplégie. Mort par une pneumonie
chronique. — Destruction du corps strié gauche et de son lobule.
Jeanne Gironad, âgée de cinquante-un ans, était paralysée
depuis sept ans. Les membres droits étaient presque entière-
ment privés de mouvement; le bras offrait une flexion avec ri-
gidité, que l’on ne pouvait vaincre qu’avec peine et douleur.
La sensibilité était intacte ; la malade sentait seulement ses
membies comme engourdis. L intelligence paraissait assez bien
conseivee ; la malade était plongée dans une mélancolie pro-
fonde ; sa physionomie exprimait toujours la tristesse et la souf-
france, La parole était singulièrement altérée ; certains mots ,
comme toujours, il y a, etc., plusieurs fois répétés, étaient lia-
bituellement les seules expiassions de la pensée de la malade ;
cependant, lorsqu’elle était un peu vivement excitée, irritée
surtout, elle prononçait quelquefois d’autres mots , ou meme
des phrases entières. La langue était déviée du côté sain. Tl y
avait une surdité très-grande. Il y avait de la matité et du souf-
fle tubaire au sommet des deux poumons, eu arrière. Cette
femme s’afl, tissa peu à peu, et succomba le 25 mai lS3H.
Autopsie. — Quelques cuillerées de sérosité dans l’arachnoïde.
Infiltration séreuse .assez considérable de la pie-mère, llien de
TRnrSDblK PÉRIODE.
397
remarquable à la convexité îles liémisplières. Si l’on soulève la
partie externe de la scissure de Sylvius du coté gauche , oh
voit que le lobule du corps strié, totalement détruit, est rem-
placé par une surface légèrement déprimée, formée d’une sorte
de membrane jaunâtre, assez consistante, ayant de deux à trois
centimètres en tous sens. Quelques circonvolutions à l’entour
étaient un peu jaunâtres; du côté du ventricule, on voyait que
le corps strié n’existait plus que dans son quart ante'rieur, et que
dans le reste, complètement disparu, la membrane ventriculaire
n’était distante que de deux ou trois millimètres de la couche
membranifoi ine que nous avions rencontrée à la superficie.
On trouva au sommet des deux poumons une induration gri-
sâtre, très-ferme, assez e'tendue.
Observation 83. — Hémiplégie gauche datant de seize mois. Em-
poisonnement par 1 opium. — Destruction du corps strié droit; des-
tiuction partielle de la substance corticale des circonvolutions et pla-
ques jaunes. Méningite spinale chronique. Hémorrhagie de l’arach-
noïde. Infiltration sanguine des poumons.
Marie Vévin, âgée de trente-huit ans, travaillait depuis plu-
sieurs mois au mercure et au plomb, lorsque, il y a seize mois,
elle fut prise d’une hémiplégie à gauche. Voici comment elle
raconte l’invasion de celte paralysie.
Elle était un jour occupée à coudre, lorsqu’elle sentit de l’en-
gourdissement et une sorte de fréi'nissement dans le côté 'gauche
du corps; d’abord dans le pouce et dans la main, puis dans le
bras. Lorsqu’elle marchait, il lui semblait sa jambe s'en-
foncait dans la terre, et elle se laissait tomber. Le soir, elle .se
coucha, s’endormit, puis, le lendemain, se trouva paralvsée
complètement. ^
Les notes que j’avais prises.sur cette femme ont été perdues ,
sauf les lignes précédentes ; je puis seulement indiquer que l’hé-
DDplcgie gauche était complète, et que la malade éiait aflèctée
d incontinence d’urine et des matières fécales. L’intelligence
J ait pai fai tement conservée ; mais celte femme paraissait
liabiluelleinent plongée dans une tristesse profonde.
leii du mois d octobre 1838, elle se jirocura une hou-
298 RAMOLLISSEMENT CHRONIQUE, (ANAT. PATH.)
teille de laudanum de Sydenham et en avala une grande quan-
tité (au moins 100 grammes). C’était la nuit : l’élève appelé la
trouva sans connaissance, avec des mouvements convulsifs.
Malgré les soins qui lui furent donnés, elle succonxba quelques
heures après,
Jutopsie. — Le cuir chevelu est d’une épaisseur et d’une con-
sistance extraordinaires : il offre au toucher la dureté et l’élas-
ticité d’un cartilage. Très-adhérents au a-âne, ses vaisseaux ne
laissent pas écouler une goutte de sang. Le crâne est très-épais
et très lourd. Un peu de sang dans les sinus delà dure-mère.
La dure-mère incisée, on voit s’écouler de chaque côté de la
cavité arachnoïdienne une ou deux cuillerées de sérosité rouge j
à la partie postérieure, on trouve aussi des deux côtés un peu
de sang coagulé ; ce coagulum est très-mince et n’adhère pas
aux feuillets séreux. On trouve aussi un peu de sang dans l’a-
rachnoïde qui recouvre le cervelet. La pie -mère présente une
injection médiocre de ses vaisseaux. Du côté droit, elle est un
peu infiltrée de sérosité et adhère médiocrement à la surface
de l’hémisphère.
Vers la partie moyenne de la convexité de l’hémisphère droit,
une anfractuosité large et transversale présente une coloration
jaunâü'e, avec destruction complète de la substance corticale ,
dans presque toute son étendue ; la substance médullaire est à
nu et recouverte par une membrane fine et vasculaire, qui de-
meure après l’enlèvement de la pie-mère. Cette altération se
continue jusqu’au lobule du corps strié, le long de cette anfrac-
tuosité qui y aboutitj ce lobule est lui-:même complètement
atrophié et jaunâtre.
La surface du ventricule présente, au niveau du corps strié ,
une dépression due à la disparition à peu près complète de ce
corps ; deux millimètres au plus d’épaisseur séparent, dans cet
endroit, la membrane ventriculaire, des méninges.
On remarque sur plusieurs anfractuosité de la surface de cet
hémisphère une destruction de la couche corticale , semblable
à celle qui vient d’être décrite.
La pie-mère, au-dessus de rhémisphère gauche, est sèche,
friable, notablement adhérente, sans plus de rougeur. Cet hé-
misphère paraît sain. Consistance normale , point d Injection
de la substance médullaire. Un peu de sérosité dans les ven-
troisième période.
tricules et à la base. On ne trouve rien de particulier dans le
reste de l’encéphale, si ce n’est, a la partie posterieuie du corps
calleux, une coloration jaune - serin , dans 1 étendue dune
amande, sans altération de consistance (1).
La moelle épinière est d’un volume remarquablement petit ,
surtout au niveau de la région dorsale. L arachnoïde présente
un épaississement notable, rouge et couverte de fausses mem-
branes blanches, très-denses et disposées en couches irrégulières.
La pie-mère est fort adhérente au tissu de la moelle dont on
ne la sépare qu’avec beaucoup de peine. La moelle est elle-
même, dans presque toute son étendue, dans un état de dif-
fluence prononcé, surtout au-dessous des membranes (2).
Les poumons adhèrent peu aux parois de la poitrine. Le dioit
présente, dans toute la partie postérieure , une infiltration de
sang énorme, accompagnée d’une, très-légère friabilité. Le sang
s’écoule abondamment quand on le coupe ou qu’on le presse
entre les doigts. Le poumon gauche est le siège d’une infiltra-
tion moins considérable ; cependant une coupe y présente des
marbrures noirâtres dues à des infiltrations circonscrites.
Quelques cuillerées de sérosité sanguinolente dans le péri-
carde. Le cœur est peu volumineux ; ses cavités ne contiennent
presque pas de sang.
L’estomac a un volume normal ; sa cavité contient plus d’un
verre d’un liquide aqueux, demi-transparent, grisâtre, mêlé de
mucosités et exhalant une forte odeur de laudanum. (La malade
avait vomi abondamment.) La muqueuse est complètement dé-
truite au niveau du grand cul-de-sac. Dans le reste de son éten-
due, elle offre une consistance normale et présente quelques
stries d’un rouge vif, et qui ne suivent pas le trajet des gros
vaisseaux. Quelques plaques rosées dans le duodénum. L’intes-
tin grêle est tapissé de mucus et de bile, et présente à peine un
peu d’injection. Le foie contient une assez grande quantité de
sang, aijisi que les reins.
(t) Je regarde ceci comme la trace d’une ancienne infillraiion .sanguine
non inflammatoire.
(2) L’autopsie ne fut faite que cinquante heures aprè.s lu mort, à cause du
suicide.
300 RAMOI.LÏSSF.MKINX ClIHOMOrjE. (anAT. TATir.)
Observation S4.~Pnriilysic avec atropliie du bras droit, datant de la
première enfance. — Disparition du lobe postérieur de l’iiémisphère
gàuclic.
Une feinnie, âgée de plus de soixante ans , suvcoinba à une
affection de poitrine. Le bras droit était atrophié et privé de
luôuVément; sa sensibilité conservée. Celte femme faisait re-
monter celte paralysie à des convulsions qu’elle avait éprouvées
à l’âge de quinze ou seize mois.
Autopsie. — Le lobe postérieur de l’hémisphère gauche
n’existait qu’en partie ; en dehors et en haut, on n’en voyait
aucune trace ; la membrane qui tapisse le ventricule était, en
cet endi’oit, doublée par une membrane accidentelle, transpa-
rente, sub-jacente à la méningine, de sorte que , dans une cir-
conférence de deux pouces environ , la paroi du ventricule se
trouvait au-dessous de l’arachnoïde ; autour de cette perte
énorme de substance, les circonvolutions étaient petites, ridées,
minces, comme atrophiées, etc. (1).
Observation 85. — Hémiplégie gauche, depuis l'enfance, causée par
une chute. — Disparition de toute la partie supérieure de l’hémis-
jihère droit.
Un homme mourut, à l’âge de vingt-huit ans , d’une périto-
nite sur-aigué- Il était tombé, à l’âge de trois ans, d’un premier
étage dans la rue , sur la tête. A la suite de celte chute , il était
resté paralysé du côté gauche. Peu à peu il s’était établi une
forte extension habituelle du pied gauche sur la jambe, de sorte
que cet homme ne marchait à gauche que sur la pointe du pied.
Le membre thoracique gauche était complètement privé de
mouvement; il n’offrait d’ailleurs aucune trace de contracture.
Cet individu avait reçu de l’éducation, et il en avait profité ; il
avait une bonne mémoire, sa parole était libre et facile, et son
intelligence était celle du commun des hommes; il n’avait ja-
mais oflèrt aucun trouble de ce côté.
Autopsie. — Les méninges du côté droit étaient transparentes
et fluctuantes dans presque toute leur étendue. On les incisa, et
(t)Rosian , loc. rit., ohs. L', p. 2B6.
THOiSJii^rii rÉuiODÉ. 301
il en jaillit en grande ([uantile' une sérosité claire et limpide
comme de l’eau de roche. Entre ces méninges et le ventricule
il n’existait pas la moindre trace de substance nerveuse; ces
membranes constituaient la paroi sup’e'rieure d’une vaste cavité'
dont la paroi inférieure était formée par la couche optique, le
corps strié, et toutes les autres parties situées au niveau de ces
deux corps. Il ne restait de la masse nerveuse située au-dessus
des ventricules que celle qui , située en avant du corps strié,
en forme la paroi antérieure.
Tubercules pulmonaires. Ulcérations et perforation intesti-
nale (1).
Toutes les circonstances de ces altérations, les plaques jaunes
qui les recouvraient, l’infdtration celluleuse que nous présen-
tera 1 observation suivante, les accidents éprouvés au début par
la femme Vérin, l’impossibilité de rattacher à un foyer hémor-
rhagique des pertes de substance aussi vastes, et limitées seule-
ment par les membranes d’enveloppe du cerveau , tout nous
confirme ce fait, qu’elles appartiennent à la période terminale
du ramollissement. Et ce que, dans la plupart de ces cas, nous
avons vu se développer spontanément, eomme il arrive si sou-
vent aü ramollissement, nous le voyons dans la 85e observa-
tion se former par une cause traumatique.
« Cette lésion, dit M. Andral, en lui donnant le nom à'alro-
p/ne du cerveau, ne fut pas vraisemblablement ici l’altération pri-
mitive; elle succéda à d’autres lésions de nature inflammatoire
qui durent se former immédiatement après la chute. »
Lorsque l’on étudie soit les descriptions générales, soit les ob-
servations particulières d’atrophie du cerveau , on reconnaît
qu’elles consistent pre.sque toutes, comme celles-ci, en des pertes
de substance plus ou moins étendues de cet organe : ce ne sont
pas là des atrophies.
On appelle atrophie la diminution de volume d’un organe,
mais^non pas la disparition de quelqu’une de ses parties. Un sein
qms’est flétri à la suite d’une inflammation e.st atrophié; mais on
(t) Amli’iil. Cliuifiut;, t. v, p. 618,
302 aAMOLLISSEMEWT CHllONIQUE._ (AKAï. 1>ATH.)
n’emploiera pas celle expression, s’il a élé de'lruil par une dégé-
néra lion cancéreuse. Si atrophie élail synonyme de destruclion
de lissu, deperledesubslance, une ulcéralion serait une atrophie;
aussi retrouvons-nous, dans la lettre de M. Lallemand consacrée
aux ulcérations, des faits tout à fait semblables à ceux qui sont
décrits ailleurs sous le nom dü atrophie.
On a insisté (1) sur la nécessité de distinguer l’atrophie con-
génitale, agénésie, de l’atrophie acquise. Celle distinction est
bonne sans doute, puisqu’elle sépare une lésion pathologique
d’un simple vice de conformation ; mais il en est une autre , au
moins aussi importante, qui séparerait de l’atrophie — les cas
où il y a perte de substance dans un point de l’encéphale, et ne
laisserait sous celle dénomination — que ceux où il y a diminu-
tion de volume d’une partie ou de la totalité du cerveau, c’est-à-
dire atrophie proprement dite. Les premiers pourront être ral-
liés, presque tous au moins, au ramollissement ou à l’inflamma-
tion du cerveau, dont ils ne sont que la période ultime, tandis
qu’en les rangeant dans l’atrophie , ils s’en trouvent tellement
séparés cju’on ignore généralement la liaison intime qui les unit.
J’ai trouvé, dans V Anatomie pathologique de M. Cruveilhier,
la même idée touchant cette division des atrophies du cerveau. Ce
savant anatomiste dit, en effet, qu’il faut distinguer : — les atro-
phies qui sont la suite d’une destruclion, d’une perte de sub-
stance, ou d’une véritable transformation du tissu de l’organe,
— et les atrophies qui sont la suite d’une diminution pure et
simple du volume de l’organe, soit par la soustraction du liquide
qui pénètre les mailles du tissu cellulaire, soit par le rappro-
chement des fibres de l’organe , sans augmentation de densité ,
soit par le défaut de nutrition des fibres elles-mêmes (2). Je ré-
péterai seulement que lorsqu’il y a destructiôn , perte de sub-
stance, il n’y a pas à proprement parler atrophie.
L’observation suivante est fort intéressante, en ce qu’elle pa-
raît servir de complément naturel à toutes celles que nous avons
rapportées jusqu’ici.
(t ) Caznuviclli ( Archives gén. Je méJ., t. xiv, p. 7 ) i Brescliet { Arch.,
t. XXV, p. 453 ; l. XXV., p. 38 ) ; Dclaber,^e el Mouneret ( Compendium de
OTtÜccùie I. Il, p. 139 ). „ . I I V
(2) Cruveilhier, Anatomie pathologique, 8° livraison, planche V, p. 2.
troisième période.
303
Observation 86. — Ramollissement cérébral à plusieurs degrés.
Ramollissement aigu et pulpeux des circonvolutions; racornissement et
transformation de la substance corticale en plaques jaunes ; infiltration
celluleuse de la substance médullaire. Disparition d’une partie de cette
dernière jusqu’à la paroi ventriculaire. Altération analogue dans les
deux hémisphères, à la base du lobe postérieur.
Kerkès, âgée de soixante-six ans, entrée, le 19 mars 1838,
dans la division des aliéne'es de la Salpêtrière, mourut le 4 juin
1839. Voici les renseignements que j’ai pu obtenir sur elle.
A son entrée dans le service, sa maladie avait été caractérisée
sur le registre de la division : manie aiguë, avec agitation et
grande incohérence des idéés. Amaurose double, qui prive pres-
que complètement la malade de la vue.
En effet, elle était fort agitée, se croyait riche, parlait de pa-
rures, de bijoux, mais au commencement seulement. Il fallut
quelquefois lui mettre la camisole de force. Elle a toujours re-
connu ses parents.
Elle avait toujours marché difficilement ; elle tomba dans un
grand état de faiblesse, et, six semaines avant sa mort, elle était
dans l’état suivant :
Le bras droit est paralysé; elle ne se tient plus debout ; lors-
qu’on la lève, il faut la tenir attachée sur un fauteuil. Depuis
long-temps on voyait parfois ses jambes fléchir sous elle. Elle
criait et se plaignait beaucoup , ne parlait presque plus, bien
qu’elle pût encore prononcer distinctement. A la fin , il fallait
la faire manger. Elle avait, dit-on, des attaques d’épilepsie.
Autojjsie. — Les os du crâne sont épais et d’une grande du-
reté. Les sinus de la dure-mêre contiennent une assez grande
quantité de sang noir demi-liquide. L’arachnoïde ne contient
pas beaucoup de sérosité; elle pre'sente peu d’opacité, si ce n’est
près de la ligne médiane, où l’on trouve de petites plaques blan-
ches, opaques, assez nombreuses, et d’une grande épaisseur. La
pie-mère est infiltrée d’une assez grande quantité de sérosité,
écartant modérémént les circonvolutions. On en trouve une
quantité très-considérable à la base du crâne. Les artères de la
pie-mère sont presque toutes ossifiées ; ce sont des plaques iso-
lées, minces , et ne diminuant que peu leur calibre ; dons leurs
intervalles , elles sont blanchâtres et épaissies. Les capillaires
sont généralement assez injectés de sang.
oUl RA.VIOI.LliSliMKBT CIlHOjNlQUE. (ajvat. 1-AXll.)
Le cerveau reposant sur sa convexité, on voit que toute la
pointe et la base du lube postérieur et même du lobe moyeu
présentent une dépression profonde dans les deux hémisphères,
surtout du côté droit.
iJans l’hémisphère droit, presque toute la portion de sub-
stance cérébrale , qui forme la base de la portion réfléchie du
ventricule, a disparu ; la pie-mère n’est séparée de la membrane
ventriculaire que par un peu de pulpe blanche , délayée', d’à
peu près un milUmèlre d’épaisseur.
Plus en dehors, c’est-à-dire à la base et à la pointe du lobe
postérieur, les circonvolutions sont toutes ratatinées, leur cou-
che corticale réduite à une lame très-mince , mollasse , couleur-
peau de chamois ^ au-dessous est un espace profond , traversé
de quelques brides celluleuses, renfermant un liquide blanchâ-
tre, trouble , lait de chaux , assez abondant j cette infiltration
celluleuse s elend jusqu a la membrane ventriculaire, c|ui, à son
niveau, est comme disséquée dans une assez grande étendue ;
en dehors, elle est limitée par de la substance médullaire, très-
molle dans quelques millimètres d’épaisseur, pulpeuse, blanche,
contenant çà et là de petits noyaux d’induration tout à fait
blancs, difficiles à couper, et assez semblables à du cartilage.
Encore plus en dehors, c’est-à-dire en remontant un peu sur la
partie externe du lobe postérieur, les circonvolutions sont mol-
les, sans diffluence , laissant entraîner par la pie-mère presque
toute leur couche corticale, et d’une couleur rose peu foncée :
au-dessous , la substance médullaire est également molle et ro-
sée, et un grand nombre de petits vaisseaux rouges s’y dessi-
nent.
Ainsi, en allant de dedans en dehors, c’est-à-dire de la por-
tion réfléchie du yôntricule à la face externe de riiémisphère,
on trouve successivement : disparition de toute l’épaisseur de
la substance cérébrale ; infiltration celluleuse, avec circonvolu-
tions jaunes et ratatinées; ramollissement pulpeux, blanc, avec
de petits noyaux d’induration; puis ramollissement rosé.
Dans toute l’étendue de la basé du lobe postérieur gauche ,
les circonvolutions sont converties en un tissu d’un jaune d'ocre,
sans forme déterminée, plus mince que la couche corticale
<ju’il rc|>réscnlc, se laissant entraîner par la pie-mère, et au-
«lessous duquel on trouve un tissu celluleux blanchâtre, infiltré
SIÛGlv.
3(15
de lait de chaax : les limites de cette infiltration celluleuse sont
d’une part la membrane ventriculaire, mise à nu dans une
îp-ande étendue; d’une autre part, de la substance médullaire
pulpeuse, blanche, contenant quelques points d’induration (1).
Je passe le reste de l’autopsie.
Celte observation est fort curieuse, et parlaiteinent propre à
servir de résumé à l’histoire anatomique du ramollissement
cérébral. Elle suffirait presque à elle seule pour démontrer
l’origine et la nature des alterations que nous avons at-
tribuées au ramollissement chronique , puisqu elle nous
présente tous les degrés de la maladie , ranges les uns à
côté des autres , depuis la ])ériode aiguë jusqu’à celle au-
delà de laquelle elle ne peut plus subir aucune modification ,
en y comprenant tous les degrés intermediaires : ramollisse-
ment pulpeux, plaques jaunes, infiltration celluleuse et même
induration.
article quatrième.
SIÈGE DU RAMOLLISSEMENT CHRONIQUE.
J’ai noté avec exactitude le siège du ramollissement chro-
nique dans 63 observations. Itn voici le résumé :
Circonvolutions 45 lois.
— leur couche corticale seule 7
— avec la substance médullaire. ... 38
La substance médullaire seule 13
Le corps strié et la couclie optique seuls 3
Le corps strié 1
La couche optique 2
Les parois d’un ventricule latéral 1
On a trouvé en outre, ramollis en même temps que les cir-
convolutions :
Le corps strié et la couche optique ensemble. ... 5
Le corps strié 9
(I) Ce cerveau a etc présenté à la Société anatomique. Soy. Bullelint de
la Soc. anal., 183'J, p. tOI.
20
306
^ RAAtOLLlSSEMEJMT CHKOJSIQUE. (anAI . PAXH.)
Le cervelètj[a été trouvé ramolli quatre fois, dont trois eni
même temps que le cerveau.
Eu résumé, sur 67 cas de ramollissement chronique du cer-
veau , les circonvolutions ont été trouvées malades. 45 fois.
Les corps striés et les couches optiques 22
Sur 33 cas de ramollissement aigu , j’avais trouvé :
Les ch'convolutions malades 51 fois.
Les corps striés et les couches optiques 7
Ainsi, sur lOo cas de ramollissement du cerveau, observés
par moi :
Les circonvolutions étaient affecte'es . 76 fois.
Les corps striés et les couches optiques 29
Nous allons voir tout à l’heure quelle est l’importance de ce*
résultat.
J’ai trouvé sur 29 cas de ramollissement chronique emprun- •
lés à différents auteurs :
Les circonvolutions et la substance blanche 15 fois..
La substance blanche seule 6
Le corps strié et la couche optique 1
Le corps strié. 6
La couche optique 1
La voûte à trois piliers 2
Un hémisphère tout entier* 1
Ce qui fait, . sur quinze ramollissements des circonvolutions , ,
huit ramollissements des corps striés et couches optiques.
En additionnant ces 28 cas ( je laisse de côté celui de ra-
inollissemeirt de tout un hémisphère ), et mes 67 observations,
(ne comptant pas le ramollissement du cervelet), nous trou-
vons :
Les corps striés et les couches optiques ramollis 30 fois sur
95;
Et sur 60 cas de ramollissement des circonvolutions.
Comme sur 86 cas de ramollissement aigu, nous avions trouve
précédemment :
Les circonvolutions malades 59 fois.
Les corps striés et les couches optiques 29
De la réunion de ces diftérents faits, nous obtiendrons le lé-
sultat suivant :
SIÈGE.
Sur 181 cas de ramollissement :
0(17
Circonvolutions.
Corps striés et couches optiques.
llaniüllisscment aigu
ây
.70
RamolJissement chronique
eu
•28 .
119
58
De ce résultat, nous allons
tirer quelques inductions qui, si
,/ / ^ vi* a.
sans doute que, dans le ramollissement aigu et dans le ramol-
lissement chronique, nous avons obtenu les mêmes chiffres et
les memes proportions, sauf des différences insignifiantes. Or,
ce rapprochement établit, ce me semble, une forte présomption
que nous ne nous sommes pas trompé dans rinterprétatiou des
lésions attribuées par nous au ramollissement chronique, puis-
que ces lésions nous présentent exactement les mêmes condi-
tions de siège que dans le ramollissement aigu.
Cette première induction va se trouver fortement corroborée
par la suivante.
On a vu que le nombre des ramollissements des corps striés
et des couches optiques était juste la moitié du nombre des ramol-
lissements des circonvolutions. Cette proportion, exactement la
meme dans le ramollissement aigu et dans le ramollissement
chronique, est tout à fait opposée à ce qui s’observe dans l'hémor-
rhagie ceiebiale. Tout le monde sait en effet que l’hémorrhagie
cérébrale a presque toujours son siège dans les parties centrales
du cerveau, en particulier les corps striés et les couches opti-
ques, et presque jamais a la périphérie ; ce fait même est telle-
ment connu que je pourrais me contenter de le rappeler. Je
vais cependant rapporter ici quelques chiffres , car c’est préci-
sément dans les questions de ce genre que les chifïres sont le
mieux applicables et le plus frappants.
Sur 96 cas d’hémorrhagie encèplialique , 14 avaient leur
siège dans le cervelet ou la moelle allongée : 82 dans le cei>
veau lui-même.
Sur ces 8l> cas, riiémorrhagie avait son siège 52 fois dans le
corps strié ou la couche optique :
22 (ois dans h;s deux à la fois j
17 flans II' corps slrii' ;
6
338 ïlAMOLLltiSIiMJLJNX CllRÜiN'lQUIi. (aî(AX. rAlH.)
13 dans la couclic optique.
Les circonvolutions paraissaient avoir fourni ou contribué i.
fournir le sang e'panclié, dans 5 cas seulement ;
2 fois elles paraissaient seules altérées,
3 fois la substance médullaire avait participé, dans une cer-
taine étendue, à l’épanchement.
Enfin , dans les autres cas, au nombre de 22, rhémorrliai
gie s’étaii faite uniquement aux dépens de la substance médul
laire (1).
Ainsi, tandis que les couches optiques et les corps striés pré-
sentent seulement un cas de ramollissement sur deux des cir-
convolutions., ils offrent dix cas d’he'morrhagies , sur un de E:
périphérie du cerveau.
Puisque le siège du ramollissement et celui de l’hémorrhagi»
présentent une aussi notable différence, il ne saurait être indif-f
férent de prendre en considération le siège d’une série donnéi
d’altérations, dont l’origine serait douteuse, mais devrait êtn
nécessairement rapportée à l’une ou l’autre de ces deux aff'ea
lions.
Or, il est arrivé que presque toutes les altérations, autrefoi
attribuées à riiémorrhagie, et que nous avons rattachées au ra.
mollissemeiït, avaient leur siège vers la périphérie du cerveau
Cette circonstance vient à l’appui de toutes les preuves que nom
avons déjà rassemblées, pour éclairer celte question de patho
génie.
Sur 95 cas de ramollissement chronique, on a trouvé :
Le lobe postérieur affecté 18 fois
Le lobe moyen 51
Le lobe antérieur 13
Les lobes postérieur et moyen ensemble 7
Les lobes postérieur et antérieur. 2
Les lobes moyen et antérieur 2
Toute la convexité d’un hémisphère 1
La ligne médiane ^
95
f
^») Je u’ai icivi compte, dans cc rdc^ti, <|uc ilc cas il'liéuiorrliaj^iu ri
cent#.
sii*;ge.
309
Si lo cliiftVe il U loi )C moyeu est si élevé, c’est que les ramol-
lissements des corps striés et des couches optiques y sont com-
pris.
M. Cruveilhier paraît avoir rencontré très -fréquemment le
ramollissement dans le lobe postérieur du cerveau, car il dit :
« Les circonvolutions occipitales sont peut-être, de toutes les
parties du cerveau, celles qui sont le plus sujettes au ramollis-
sement et aux cicatrices qui en sont la conséquence (1). »
Sur 100 cas de ramollissement observés par moi, aigu 33 fois,
chronique 67 fois, je l’ai trouvé ;
Double 17 fois.
Alfeclant riiémisphère gauche 44
— riiémisphère droit 39
Si j’ajoute à cela 69 autres cas de ramollissement, 38 foisaigti
et 31 fois chronique, empruntés à dilféi’ents auteurs, nous aurons
le résultat suivant :
Hémisphère gauche 69 fois.
Hémisphère droit 71
Ligne médiane 3
Hamollissement double 26
169
Sur 89 casd héniorrh.agie cérébrale, riiémorrhagie av^t son
siège :
Dans riiémisphère droit 40 fois.
Dans l’hémisphère gauche 43
Elle était double. 6
89 (2)
(1) Onivrilliier, Auat. 33* livraison, p. 4.
(2) Portai prét end que les luûiiorrhagies réréhrales sont plus freVpientes à
droite qu’.à qaiitlie,; il aitrjhue cela à ce que r.-ii tère carotide droite est pltis
grosse que la gauche, et plus dans la direction île l’aorte {TrniUi Je l'apo-
plexie, p. 333 ).
Suivant M. Gcndrin aussi, le siège de riiéniorrliagic cérébrale .serait beau-
coup plus frequent u droite. Si'f quarante-deux cas pris au hasard, cet au-
teur a trouvé six loj’er.s à gauche, cin([ des deux cftiés, trente et nn à droite.
Morgagni, cité par lui , t vu , sur 1 5 cas, trois liéraorrhagies à gainclie, dei x
«
310
r,\AIOM.lSSKMK>T CUHONIQUK, (sVMl'T.'
CHAPITRE VII.
SVMI'TOMRS nu R AMOLLI SSEIUIÎNT OHnoNI^UE.
ARTICLE PREMIER.
CONSIDÉRATIONS OÉnÉR AI.ES.
I.’étude analoinicjue du ramollisseme|it chronique nou.s a offert
an grand nombre d’altérations, dont la diversité ne nous a pas
permis d’apprécier sans peine les rapports mutuels, et dont le
npint de départ commun , dont le développement relatif nous
eussent échappé si nous n’avions apporté la plus grande atten-
tion aux faits qui nous permettaient de saisir leur mode de tran-
sition des unes aux autres.
Nous trouverons encore bien plus de dilliculté à exposer
d’une façon méthodique les symptômes de cette maladie, à les
classer dans un ordre un peu naturel, à suivre les rapports qui
les unissent aux altérations anatomiques.
Celle dernière recherche, qui me paraît être le but principal
de la pathologie, nous offre plus de difficultés dans les maladies
du cerveau que dans celles de tous les autres organes. Une des
causes en est surtout l’impos.sibilité presque absolue où nous
sommes de soumettre le cerveau aux moyens d’exploration di-
recte que noiis permet la disposition des autres organes, l’im-
possibilité d’apprécier durant la vie les modifications de forme,
de volume , de sensibilité, de couleur , qu’il peut éprouver.
Soyons privés pour le diagnostic des maladies de la poitrine et
de l’abdomen, de l’auscultation (1 ), de la percussion , du tou-
doiib!e.s, le re.si.e il droite. De IJaen dit que, sur 1 0 liemiple'^ies, il n’y eu,avait
qu’une à droite ( mais ceci ne s’apiiliquc pas à l’hémorrliagie ccrebrale en
particulier ). (Geudrln. Tritilé phil. de iiie'il. prat-, t. i, p. St7.)
(1) .ie sais rpie r(iielqucs ine’dcciiis .nmeiric.ains ont e.ssaye d appliifiier 1 aus-
cultalion au dia;4Uoslic des maladies i érchra'es, mais leurs efforls ne me pa-
r.ai.ssent avoir abouti ju.srpi’ici qu'à faire qi;elque chose d a.ssev, bizarre, plti-
/ti’tqup véritahlemeni utile.
coNSiDÉn\TioN> GÉN Duales.
( lier, (le la vue, quels indices nous l'omniront les troubles fonc-
tionnels des organes contenus dans ces cavités? Et encoie il
restera les sécrétions, dont l aspect seul nous dicte souvent le
diagnostic ; et la douleur même pourra nous être un guide pré-
cieux dont nous sommes à peu près privés dans les maladies
cérébrales, car ce symptôme est si inconstant, si peu en rapport
ordinairement avec l’étendue ou la forme de la lésion apparente
qui le produit, que nous ne saurions en tenir que peu de compte.
Le diagnostic des maladies du cerveau est donc tout fondé sur
la physiologie de cet organe, et cette physiologie se trouve pré-
cisément un des points les plus obscurs de la médecine ; et l’ana-
tomie elle-même du cerveau, son anatomie de texture n est en-
core que très-imparfaitement connue. Ebaucher ici l’e'tat de la
science sur ces questions , ce ne serait présenter qu’un tableau
confus d’incertitudes, de contradictions et d’erreurs. Rappelons
seulement, relativement à l’anatomie du cerveau, (jue, si quel-
ques micrograpbes prétendent être arrivés a une connaissance
générale de la disposition des fibres de cet organe, ils n’ont en-
core pu rien nous apprendre de précis sur leur origine , leur
terminaison, leurs rapports mutuels; que nous ne savons rien
encore touchant l’organisation de ces fibres , dont l’existrynce
même pourrait jusqu’à un certain point paraître hypothé*-
tique(l).
Quant à la physiologie du cerveau, il est imposffihle à un
11 est pourtant un signe local qui peut fournir quelques indications pré-
cieuses dans les maladies delà tête, bieà que son apjjreci<uibri’sdil'fott‘res-
treinte : c’est la chaleur. Ddns lés niàlh'dîcs'des j’élifies' èhfàhfs éri'piirliculier,
il est [)ossible d’en tirer uri'gi'and'parfi’pour distinguer des‘syn>ptôme«t>nre-
ment sympathiques ', ;dc ceux (}fti lieimepl à‘ une nkéralion pRriiculiôre, ,de
l’ence'pliale. Mon ami , le, docteur Roger (de l'Orne), a remarqué que , dans
quel(pies ca^ de congestion cérébrale chez les adultes , un point de la lêie se
trouvait ,1c siège d’nne.chaleyt plus vive que le.s autres , et il a '.suivi avec
avantage ceup indication .dans l’emploi' des mo'yens lllérapëuliqucs ' l'ô'-
ca IX. M. Roger (de l’Orne}, a aussi presque toujours vu, dans de' semblables
cas, prédominer une forme spéciale de délire .
(t) Ce n’est pa.s que je np place aupi haut que personne les rcclièrclies ha-
b Içs et patientes qui ont été faites, surtout en Allemagne et en France ,
touçlianl 1 anatomie c^e texture du système nerveux ; mais je m’exprime ;lci
en praticien, et je. dis le peu de friiil que le.s médecins ont, jie eu i c lirer de
ees études. ■ • ■ - . ,
312
RAMOIXISSr.MF^T CHROMQÜK. (SYMPT.)
esprit exact traccepler aiijoiml’lnû aucune des tentatives Je lo-
calisation de ses fonctions , qui ont été faites successivement ,
depuis le grand système psychologique de Gall, jusqu’aux locali-
sations les plus récentes du mouvement et du sentiment des di-
verses parties du corps. On voit quelles dilïicultés se présentent,
dès qu’il s’agit de lire dans l’intérieur de la tête l’explication des
troubles des fonctions de l’encéphale, qui se montrent à nous
sous des formes si diverses. Si j’insiste sur ce sujet, c’est que
l’on est souvent obligé d’en appeler . à ces difticultés, pour justi-
fier l’incertitude que l’on voit planer dans une foule de cas, sur
le diagnostic des maladies du cerveau, et surtout du ramollisse-
ment auquel s’adressent en particulier toutes les réflexions dont
nous croyons devoir faire précéder l’histoire de ses symptômes.
line autre source de con fusion dans l’étude delà pathologie du
cerveau, c[u’il importe de signaler ici, c’est, d’une part, la pré-
sence fréquente de lésions organiques sans symptômes appré-
ciables; d’une autre part, l’existence de symptômes qu’il n’est
possible d’expliquer par aucune altération visible. Ces deux
faits sont incontestable*; une observation attentive les fait re-
« f)nuaîlre plus fréquents encore qu’on ne saurait le croire. (iOm-
muus à tous les organes, ils doivent se rencontrer surtout dans
le i'( rveau, dont l’exploration pendant la vie, et l’examen après
la mort, ofti eut des diflicultés toutes sj)éciales.
Arrêtons-nous quelques instants sur ce.s cpicstions sur les-
((iielles il importe de bien s’entendre, avant d’entreprendre
l’élude des symptômes du ramollissement, car elles doivent re-
venir à chaque instant, lorsque 1 on cherche a rapprocher ces
symptômes des lésions anatomiques (1 ).
On a cherché à s’expliquer de plusieurs manières comment
un point rlu cerveau , quelquefois étendu , pouvait se trouver
(I ) J’ai li aitc celle ([.icslion , des rai)j>orls qui existent e?iti-e le rumollisse-
nient drébral et les symptômes epdon lui attribue, dans un mémoire publié
sous ce titre, dans la Gazette medicale de féuier 1839. Quelques journaux
de médecine ont bien voulu bo.iorer ce tiao ail de leur critique. Mais par une
oppo.siiion assez bizarre, tandis que ks un.s trouvaient que j aitacbais trop
de valeur à l’anatomie pathologique {Rcuue medicale , avril 1839 ). les au-
tres me reprochaient d'isoler trop .souvent les symptAmes, de l’allération
anatomique , et de méconnaître riidluence directe de celle-ci sur les
premiers. ( /Irchires^ mai 1339).
CONSIDÉn\tlONS G^NF-RALES.
pcnlu pour cet organe , sans cpie ses fondions parussent aucu-
nement s’en ressentir. Il semble qu’il n’en doive pas être du cer-
veau comme du poumon, du loie, qui, leur texture étant pai-
faiteinent semblable dans tous les points de leur étendue ,
peuvent avec la plus grande facilité suppléer à la perte d une
partie de leur substance, par l’activité du reste. La conformation
complexe du cerveau semble montrer qu’il n eu saurait êtie
ainsi dans cet organe , chacune de ses parties se trouvant sans
doute chargée de fonctions toutes spéciales.
Le cerveau étant double , on a pensé qu un heniisplièie pou-
vait l'emplacer l’autre. Il est arrive cependant de rencontiei une
lésion double de la même partie des deu.x hémisphères, avec
des symptômes limités à un seul côte du corps. On peut croiie
que beaucoup d’altérations qui nous paraissent avoir complète-
ment détruit une portion du cerveau, ont laissé aux points ma-
lades une faculté de transmission , ou ont respecté quelqtte
chose de leur texture intime, sans que nous puissions savoir eu
quoi cela consiste.
Mais je crois que l’on peut établir qu’en général, surtout clans
la pathologie cérébrale, les symptômes résultent moins de l’al-
léralion locale, visible, prise matériellement, que de circon-
stances totU à fait inconnues, existant en dehors d’elle, et qui,
je le crains, seront longtemps un mystère. Line foule de faits le
démontrent. Personne ne doute que le corps strié n’ait les
mômes fonctions chez tous les sujets. Eh bien ! que trois indi-
vidus soient frappés d’une hémorrhagie circonscrite dans cet
organe, un aura une paralysie du bras , un autre de la jambe ,
un troisième une hémiplégie complète (Rochoux), et ce ne
sera peut-être pas celui chez lequel l’hémorrhagie aura le plus
d’étendue. Vous rencontrez chez plusieurs sujets une altération
toute semblable de la superficie du cerveau ; par exemple, cette
atrophie partielle de quelques circonvolutions, avec coloration
jaune , légère induration , texture membraniforme 5 chez un
d’eux, il y avait démence, chez un autre , hémiplégie ^ chez un
autre enfin, à peine Cjuelque trouble ajipréciable des fonctions
cérébrales. Cette altération locale n’est donc elle-même presque
pour rien dans la pliysionomie des symptômes. Sans avoir re-
cours ici à une ontologie contre laquelle nous n’entendrions
plus s’élever une voix célèbre, ne peut-on pas admettre, qu’au
I
■ ’ * ^ >t A^rOI.USSEMF.!\T CHRONIQUE. (SYMPT.V
moyen d’une sorte de sympatliie, si l’on veut, cette alléralion
agit sur les parties qui l’avoisinent , et les modifie de diverses
façons? Il semble que du point malade parlent des rayons qui
se portent tantôt dans un sens, tantôt dans un autre, et donnent
ainsi des physionomies très-différentes à la même altération.
Que l’on ne me reproche pas ce mot de sympathie : vague
comme le fait auquel il se rapporte , il est aussi l’expression
d’une idée qui ressort naturellement de l’étude de la physio-
logie et de la pathologie des centres nerveux, et que M. Andral
a tendue en disant: <• Qu il existe entre toutes les parties du
système nerveux une solidarité merveilleuse qui les unit et les
ramène à l’unité d’action (1). »
N’est-ce pas dire qu’il est presque impossible d’établir d’une
façon absolue la localisation des fonctions ou des maladies du
système nerveux ? Non pas que chaque point n’ait des fonctions
spéciales, et que sa lésion ne doive entraîner des troubles par-
ticuliers, mais c est que les relations étroites qui unissent en-
semble ces points divers, ne permettent pas d’isoler dans l’ob-
servation ce qui appartient à chacun d’eux, et de distinguer
avec précision le point de départ de la fonction ou des symptômes
que l’on cherche à localiser.
Je crois donc. que s’il ne faut pas refuser les lumières que peut
nous fournir l’étude des sytnptômes, il faut être sobre d’induc-
lions à leur égard , et craindre de leur accorder une confiance
qu’ils ne méritent pas. Ces considérations, du reste, qui s’adres-
sent spécialement à la symptomatologie cérébrale, ne sauraient
s’appliquer sans restriction aux maladies des auü’es organes.
11 est maintenant deux ordres de faits plus particuliers sur
lesquels je dois appeler spécialement l’attention, car ils nous
montrent avec quelle réserve nous devons apprécier les symp-
tômes cérébraux dans l’étude du ramollissement cérébral.
A. Les premiers sont des cas où des symptômes apoplecti-
ques bien tranchés, c’est-à-dire tout à fait semblables à ceux
qui terminent souvent la vie des sujets affectés de ramollisse-
ment, se sont montrés, sans qu’il fût possible de les rattacher à
aucune lé.siou organique appréciable.
M. Les autres sont ceux où l’on a trouvé un ramollisseincnl
(1) Andrul, t. v, p. 881
r.ONSim'lUTlON.S r,KM';n\i.F.s. M >
(lu CCI veau chez lies imlivulus qui n’avaieiiL présenté pemlaiit
leur vie aucun pbénoinène capable d’en faire soupçonner l’exis-
tence.
Je vais successivement étudier ces deux classes de faits.
A. Il n’est pas rare de voir succomber à des attaques apo-
plectifornies bien caractérisées des individus , à l autopsie des-
quels on eberebe en vain une altéi’ation qui rende un compte
satisfaisant des accidents qui les ont emportés. Quelquefois ces
sym])tômes cérébraux, chose remarquable, paraissent être sym-
pathiques d’une phlegmasie viscérale très-aiguë , qu’ils mas-
quent complètement ; c’est même une forme de la pneumonie
des vieillards qu’il importe de connaître, et il ne sera peut-être
pas sans intérêt de rapprocher ces phénomènes apoplectiques
de la pneumonie des vieillards, des symptômes ataxiques de la
fièvre typhoïde chez les adultes, des convulsions des enfants
atteints d’afièctions diverses, etc. , et de montrer qu’ainsi
chaque âge nous présente un groupe particulier de phénomènes
cérébraux , indépendant de toute lésion anatomique appré-
ciable.
Plusieurs personnes pensent qu’on peut toujours rattacher à
la. congestion cérébrale ces accidents auxquels les premiers ana-
tomo-pathologistes avaient donné le nom à' apoplexie nerveuse.
Cette supposition, qui a l’avantage de remplacer une inconnue
par un fait, peut être .soutenue, dans beaucoup de cas, avec
quelque apparence de raison , mais est-elle toujours admis-
f sible ?
La congestion dans le cerveau se présente sous deux formes ;
elle est caractérisée , tantôt par la plénitude et la rougeur des
vaisseaux, tantôt par l’augmentation de la quantité normale de
sérosité contenue dans le ciâne, avec pâleur des tissus.
La première forme paraît se rapporter spécialement à une
augmentatioû de la circulation artérielle ; la seconde à un en-
gorgement du système veineux, consécutif souvent à la préc'é-
dente. l^a présence d’une certaine quaiiliié de sérosité dans le
crâne peut donc suffire pour indiquer l’existence d’une conges-
tion cérébrale. Mais comment apprécier la valeur de ce phéno-
mène, lorsque l’on sait que, chez les gens âgés surtout (ceux
chez qui l’on fait, en général, ce genre d’observations), la quan-
tité de sérosité physiologique pré-ente les plus .grandes variétés,
31(5
nAArOLI.ISSK MENT CIinON’lQUE. (SYMPT.)
et c|u’ainsi, chez les uns, la pie-mère peut être indllrée dans l’é-
paisseur de plusieurs lignes, sans que le cerveau en soit aucune-
ment gêné, parce que cette infiltration, lente et consécutive au
retrait progressif de cet organe, n’exerce sur lui aucune com-
pression, tandis que, chez les autres, au contraire, dont le cer-
veau volumineux remplit le crâne, 1 épanchement d’une petite
quantité de sérosité détermine des symptômes de compression
grave.
Il est certain qu’à la suite des apoplexies dites nerveuses , il
est très-ordinaire de trouver un certain . degré de congestion
sanguine ou séreuse , à laquelle il est peut-être permis d’attri-
buer quelque part dans leur production ; et nul doute c{ue, dans
beaucoup de cas, on n’ait négligé de tenir compte de ces cir-
constances, propres à échapper à des yeux peu habitués à ce
genre d’observation.
Mais il faut dire que, dans quelques cas rares, on ne trouve
rien dans la cavité du crâne qui puisse permettre même de sup-
poser l’existence d’une congestion.
Dira-t-on que, dans ces cas, la congestion a existé dans le
principe, mais qu’elle a disparu à la fin de la vie, ou après la
mort? Dans un ouvrage récemment publié, M. Gendrin a sou-
tenu cette hypothèse : •< Les altérations de la congestion céré-
brale, dit-il, ont été facilement méconnues. Ensuite elles peu-
vent facilement disparaître après la mort. Il se fait toujoui’s un
certain degré d’absorption de la sérosité ; et ne voil-cn pas les
rougeurs inflammatoires de la peau, de la bouche, des con-
jonctives..., disparaître après la mort (1)?» Cet auteur ne se se-
rait-il pas mépris sur l’analogie qu’il admet entre les altérations
de ces diverses surfaces, dont les unes sont soumises à la pres-
sion atmosphérique, et les autres complètement soustraites à
cette influence? M. Scoutetien a reconnu , par des expériences
faites sur des animaux, que , sur quelque surface que l’on déve-
loppât de rinflammation , on voyait les traces de celle dernière
disparaître apiès la mort, si on la laissait exposée à la pression
atmosphérique, persister, au contraire, dans les circonstances
opposées (2). La disparition de la congestion cérébrale après la
(t) (lendrin. Traité j>hilosophir]ue de méd. prat., l. i, p. 491 .
(2) Srouiettcn, ■/trchû'es, t. iii, p. 497. ^
CO.NSlUÉKAllUiNS CiÉ>ÉUALKS.
317
mort paraît d’autant plus, je ne dirai pas impossible , mais au
moins diflicile à admettre, que , d’après les recherclies du doc-
teur Kellie, de Leitli , la pression de ralmosplièrc, qui s’exerce
sur toute la surface du corps, et non sur les organes contenus
dans le crâne, suffirait souvent pour déterminer après la mort
une congestion encéphalique (1).
Quant à l’absorption de la sérosité par la substance céré-
brale, je vais consigner ici quelques résultats communiqués à
M. A. Jlecquei'el par M. Natbalis Guillot.
•< Des expériences nombreuses sur les animaux ont dé-
montré à M. Guillot que, dans l’état normal et pendant la vie ,
les ventricules cérébraux sont remplis et même distendus par-
la sérosité 5
» 2° Que la quantité de ce liquide diminue à inesui-e qu’on
examine ces cavités à un instant plus éloigné de la mort;
» 3“ Que cette sérosité ainsi disparue se retrouve dans la
substance cérébrale ;
» 4® Ces mêmes expériences, très-souvent répétées, ont dc-
nrontré à M. G. que le cerveau est doué de propriétés hygro-
métriques très-fortes, et telles que, par exemple , un fragment
de substance cérébrale recueilli chez un chien qu’on venait de
tuer, et pesé, si on |e plongeait dans l’eau ou la sérosité , pou-
vait absorber jusqu’à son poids de ccs liquides;
« 5” Sous le rapport de celte propriété cependant, M. G. a
trouvé des dilFérences suivant les animaux, et chez ces irrérrres
animaux, suivant l’âge , l’époque plus ou moins éloignée de la
mort à laquelle on les examinait; enfin, les conditions d’âge, dit
même temps écoulé depuis la mort, étant remplies, il a constate
des variations qui dépendaient probablement de conditions in-
connues, propres aux individus » (2).
M. A. Eecquerel a de nouveau insisté, dans sa thèse inaugu-
rale, sur la résorption delà sérosité épanchée soit dans les ven-
tricules, soit à la surface du cerveau, avec ou sans diminution
de consistance de la substance cérébrale (5j, mais sans indi-
(E T. ramacLions de lu Société iiicd. d' Kdimboiirÿ^ l, 1.
(2) Alfred Becquerel , Recherches cliniques sur lu meniitÿite des en-
Juiils-, 1838.
(3) A. Bee(|iiercl, Disserlulion tnau^unde sur les affections tubercu-
leuses du ccivcau cl de ses nicmbrunes chez les enfants ; I t-lU.
318 , ramollissement CHUONIQUE, (S'VMPX.)
quer les recherches spéciales qu’il a pu faire sur ce [joinl.
Un médecin anglais vient de publier récemment le résultat
d’expériences assez semblables à celles de M. Guillot. « Le cer-
veau, dit-il, absorbe rapidement les fluides avec lesquels il est
mis en contact; cette absorption s’opère même quand l’organe
est recouvert de ses membranes d’enveloppe , mais dans une
étendue plus grande lorsqu’elles ont été enlevées. Nous avons
fait séjourner, pendant un certain nombre d’heures , dos cer-
velles de mouton dans un poids donné d’eau , et celle-ci a été
rapidement absorbée. Le poids de l’organe était proportionnel-
lement augmenté, et les parties, qui avaient été en contact plus
immédiat avec l’eau, étaient ramollies. Dans un cas, on dé-
pouilla le cerveau de ses membranes d’un côté, et, six heures
après la mort, il fut plongé dans un mélange composé de parties
égales d’eau et de bile de bœuf : il pesait cent vingt-cinq grammes
vingt centigrammes, au moment de la préparation ; après trente-
six heures de séjour dans le mélange, son poids était de deux
cent soixante grammes ; il avait une teinte jaune sombre beau-
coup plus foncée du côté oii les membranes avaient été enle-
vées. De ce côté, la teinte jaune de la bile avait pénétré dans
toute la profondeur de la substance corticale, mais la substance
médullaire était intacte de celte coloration. Du côté où les
membranes avaient été laissées, le tissu cellulaire sous-arachnoï-
dien était tout imbibé de hquide jaune, et les parties internes
du cerveau étaient très-ramollies (1). »
Il est bien évident que le cerveau peut absorber la sérosité
épanchée à l’entour de lui : il y alongU inps que l’on a constaté
chez, lui la propriété de résorber la partie séreuse du sang épan-
ché dans sa propre substance ou à sa surface. IMais ce qu’il im-
porte surtout d’apprendre, c’est s’il se fait dans le cerveau de
l’homme vivant une résorption constante, et dans quelle pro-
portion et jusqu’à quel point cette résorption peut être consta-
tée dans les points qui en ont été le siège. Nous appelons de
tous nos vœux des recherches dans ce sens" car celles que nous
(3) Robert l’ale.rsou , o/z lUc pàe.udo-morbid ufijJCurancLX o/ Ikc brain ,
etc.; Kchuibuig, Med. and suri^, joiinutl, <t>42. (Extrait des Ar-
chU’cs rezz. de incd,, iiuiv.s
O
CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES.
venons de signaler ne nous apprennent réellement pas grand’
chose à ce sujet.
Je pense qn’il faut admettre aujourd’hui qu’il y a une- cer-
taine modification des fonctions cérébrales qui simule parfai-
tement une apoplexie proprement dite, et qui, tantôt sympto-
matique d’une altération locale des centres nerveux eux-mêmes,
ou d’une maladie éloignée, tantôt résultat probable d’un certain
degré de congestion sanguine de l’encéphale, échappe quelque-
fois à toute explication certaine, et peut être alors, jusqu’à
nouvel ordre, considérée comme due à un trouble profond
des fonctions nerveuses , dont la cause matérielle nous est in-
connue. Or, de ce fait, quelle qu’en soit la nature, on doit con-
clure que, lorsqu’à la suite d’accidents apoplectiques aigus , on
ne trouve à l’autopsie qu’un ramollissement d’apparence chro-
nique, il faut se garder d’établir comme nécessaire , entre l’al-
tération anatomique et l’appareil symptomatique, un rapport
qui n’existe peut-être pas, et demeurer dans un doute philo-
sophique sur la cause des accidents mortels, plutôt que de leur
chercher une interprétation que la réflexion et d’autres faits
viendraient bientôt démentir.
B. On trouve quelquefois des ramollissements considérables
dans le cerveau de sujets chez lesquels on n’avait observé pen-
dant la vie aucun symptôme propre à faire soupçonner l’exis-
tence d’une altération cérébrale. Ces faits, assez rares encore,
se rencontreraient plus souvent sans doute si l’on avait le soin .
d’examiner attentivement le cerveau de tous les sujets morts
de maladies étrangères à cet organe. On ne saurait croire com-
bien d’altérations diverses on rencontre dans le cerveau de
vieillards chez lesquels on n’avait observé durant la vie aucun
phénomène qu’on pût rapporter à cet organe , si ce n’est peut-
être ces troubles fonctionnels plus ou moins prononcés qui
accompagnent toujours un grand âge, et qu’il n’est pas possible
de rattacher à une altération précise du système nerveux.
Si , par une circonstance étrangère à ces ramollissements
eux-mêmes, on avait observé avant la mort ces symptômes
apoplectiques que produit, soit une forte congestion cérébrale,
soit cette altération inconnue qui ne laisse point .sur le cadavre
de traces de son existence, on n’eùt pas manque d’attribuer ces
symptômes au ramollisscniciit, seul capable, dans ce cas.
320
riA-MULLlsSLAlK.NT UlUOAiK^UE, ( SY.MPX.)
d’expliquei' la mort et les phénomènes qui l’avaient précédée;
alors l’absence de symptômes précurseurs aurait rendu l’er-
reur plus grande encore, et l’on se serait cru obligé de noter,
comme exemple de ramollissement aigu, un cas où la maladie
avait au contraire suivi une marche essentiellement chronique.
Sans doute plus d’un fait de ce genre s’est présenté à l’observa--
tion ; il n’y a aucune raison de le nier, et d’ailleurs j’en rappor-*
terai plus loin quelques exemples, ainsi c[ue des cas assez nom--
breux de ramollissement latent.
ARTICLE SECOîsD.
L’étude des symptômes du ramollissement chronique doit
être divisée en deux parties : dans la première, nous prendrons
isolément chacun des symplômes, et nous les étudierons sépa-
rément, comme nous l’avons déjà fait pour le ramollissement,
aigu, mais avec moins de détails; dans la seconde, ces symp--
tomes seront réunis, groupés ensemble, et les diverses formes dui
ramollissement chronique présentées telles que nous les obser--
vons dans les cas les plus ordinaires.
§ 1" Troubles du inouvcnieiit.
Dans la plupart des cas de ramollissement chronique, mais,
non dans tous, la motilité est soustraite plus ou moins complè-
tement àl’emph’e delà volonté ; mais tantôt elle est simplement
affaiblie ou abolie, tantôtelle éprouve des modifications diverses .
tout à fait opposées aux précédentes, c’est-à-dire qu’il y a
tantôt résolution , tantôt contracture, tremblements, mouve-
ments convulsifs, etc
Ces troubles de la motilité doivent être considérés aux mem-
bres et à la face. Il est certain qu’il est un bon nombre de cas
où, péndant tout le cours de la maladie , on u observe qu une
résolution simple sans contracture. La résolution est rarement
complète dans le ramollissement chronique ; il y a presque
toujours un reste de motilité qui persiste et permet aux mem-
bres au moins de se retirer quand on vient à les piquer ou à
les pincer.
rUUUJJLliS DU U(JU\ E.MKM .
;‘2 •
La coilUacluie se monlre plus souvent, ei esl plus caracléris-
lirjiie <pie la résolution simple. Elle peut paraître à des épo-
ques très-dillérentes de la maladie et qu’il importe de préciser.
Tantôt on l’observe seulement au début, et elle fait place cn-
suiteà la résolution; tantôt au contraire, elle ne se moiiir®
qu’à la suite de cette dernière, absolument comme dans les cas
où un ramollissement se développe consécutivement à une lié-
inorrbagie. D’autres fois, elle paraît dans le cours de la mala-
die d’une manière intermittente, alternant avec la résolution
simple ; d’autres fois enfin, elle existe dès le commencement,
et s’observe jusqu’à la fin.
La contracture se montre encore à des degrés et sous des
formes très-diverses. Je crois qu’on l’observe plus souvent dans
les cas où la luarcbe de la maladie est lente ou progressiv’c, que
dans les cas où son développement se fait subitement. Alors on
la \oitd abord se fixera un ou deux doigts; elle peut demeurer
un certain temps ainsi limitée, puis guigner ])rogressivement
toute la main, le poignet, le coude. Dans son plus haut degré,
ou voit les membres revenus sur cu,\-memes dans une lle.viou
forcée, les droits appliqués avec force contre la paume de la
main, l’avanl-bras retenu sur la poitrine, la jambe fléchie sur
la cuisse; et telle peut être cette raideur, qu’elle s’oppose éner-
giquement a tous les efforts d extension que l’on peut tenter
l.es niu.scles sont raiJis comme des cordes tendues. Le inembre
supeiieui est toujours dans la flexion; l’inférieur est jilus sou-
vent, mais non toujours dans l’extension. La raideur disparaît
ordinairement quelques jours ou quelques heures avant la
mort, et les membres contracturés demeurent entièrement
fiasques. Quelquefois, mais rarement, les muscles du col, le
sterno-mastoïdien surtout, participent à cette contracture :
alors la tête est déviée du côté oppo.sé aux membres contrac-
turés.
Tl importe de distinguer de la raideur due à la conlraclion
p. rmanente des muscles, celle qui dépend de la rigidité des
articulations, qu’une longue immobilité rend souvent^ comme
1 on sait, impropres à jouer (1;.
I.a contracture peut exister dans des membres non paralysés :
(t ) Foyez le cli.-ipiuc du Diagiioslie.
21
322
K-I.MULUiSEMÜJNX CHllOMQUE. (sYAll>X,)
mais ceia esl iuliuiment rare. Lorsqu’elle est légère, les inouve-
menls peuvent encore conserver une certaine indépendance;
mais quand elle est énergique, ils sont en général complètement
abolis.
Il arrive so uveiil, dans le ramollissement chronique, que les
membres soient affectés de tremblements. Ces tremblements
sont généraux ou limités à un côté du corps, aux membres pa-
ralysés ou contracturés; quelquefois liés plutôt à un certain
affaiblissement de la motilité qu’à une véritable paralysie. J^ai
vu un cas où il n’y eut guère, pendant longtemps, d’autre gêne
du mouvement qu’un tremblement continuel des membres du
côté gauche. Ces tremblements augmentent en général facile-
ment sous l’influence des émotions , d’une souffrance quelcon-
que, des mouvements de congestion vers la tête, etc.
Enfin on observe quelquefois, mais assez rarement, des mou-
vements convulsifs, intermittents, soit généraux, soit limités au
côté paralysé ou au côté opposé; quelquefois de véi'itables accès
épileptiformes, comme nous en avons vu dans le ramollisse-
ment aigu. Ces derniers phénomènes peuvent se montrer tantôt
comme symptôme ordinaire, tantôt comme accident passager,
dans le cours de lamaladie: dans ce dernier cas, ils annoncent
qu’un travail de congestion se fait vers la tête ; s’ils se répètent,
il est de toute probabilité que le ramollissement fait des progrès
en étendue , car lorsqu’ils sont assez graves pour entraîner la
mort, il arrive souvent de trouver un ramollissement aigu, sur
les limites de l’altération chronique.
On sait maintenant que la contracture, à laquelle on a fait
jouer un si grand rôle dans le ramollissement cérébral, est loin
d’être fréquente dans la période aiguë de cette maladie , puis-
quesur47 cas de ramollissement aigu accompagné de paralysie,
nous n’avons trouvé de contracture que 13 fois dans les mem-
bres paralysés, dans un peu plus du quart des cas. La contrac-
ture se montre beaucoup plus fréquemment dans le ramollisse-
ment chronique.
J’ai trouve l’état des membres décrit très-exactement dans
43 de mes observations de ramollissement chronique : je suis
obligé d’en laisser de côté une douzaine, dans lesquelles il n’est
pas indiqué si la paralysie était accompagnée ou non decontrac-
TRÜUÜIÆS DU iWOb Vli.UENX. 3 25
Inre, et je ne veux point Mippléci- à celte lacune par mes sou-
venirs.
Sur ces 43 cas, 10 lois les mouvements sont demeurés tout à
fait intacts;
6 fois il y avait affaiblissement général des mouvements sans
paralysie proprement dite ;
I fois, des mouvements spasmodiques sans paralysie ,
II fois, résolution simple sans aucune contracture ; dans 5
de ces cas , les malades ont été observés soigneusement par
moi, pendant tout le cours de leur maladie;
16 fois enfin j’ai trouvé de la contracture. Un de ces cas est
un des sept précédemment indiqués, où il y avait affaiblissement
général, sans véritable paralysie. Dans tous les autres, il y avait
hémiplégie. Je dois faire remarquer que dans un de ces cas la
contracture était à fcine prononcée; que dans un autre clic
n’existait qu’aux doigts , il n’y en avait ni au coude ni au ge-
nou. Dans 5 cas il a été constaté que la contracture avait apparu
consécutivement à la résolution \simple.
De ces faits , on peut, il me semble, conclure : qu’à l’opposé
de ce qui s’observe dans le ramollissement aigu, la contracture
est plus commune, dans le ramollissement chronique, que la ré-
solution simple, bien qu’elle manque encore assez souvent.
Je n ai pu tiier aucun parti, sous ce rapport, des observations
de ramollissement chronique de M.Rostan, presque toutes très-
incomplètes.
Douze observations de M. Andral m’ont paru présenter des
détails suffisants: sur ces 12 cas, 2 fois les mouvements sont de-
meutes intacts, 6 fois la resolution a etc observée sans contrac-
ture ; 4 fois seulement on a noté de la contracture dans les
membres paralysés.
La paralysie d’un coté de la face accompagne presque tou-
jours riiémiplégic. La bouche se trouve déviée du côté opposé à
celte deiTiière; la narine correspondante au contraire est affais-
sée. On y observe aussi quelquefois des mouvements convulsifs
passagers, des lies variés, .le voyais, il y a quelque temps , une
femme hémiplégique, affectée de ramollissement, et qui exerce
presque constamment avec .sa bouche uu mouvement de suc-
cion. Dans les ramollissements avancés, la déviation de la bou-
che peul elle portée au point de jp-ner beaucoup l’introduction
IVAMOLLlSSEAlli.NT CHUüM(^UE. (SV.Ml'X.)
des liquides. A la face comme aux lueinbres , il peul y a voir
coiitraclure au lieu de résolution des muscles: dans ce cas la
bouche est tirée, non pas dii côté sain, mais du côté privé de
mouvement volontaire.
Un certain degré d’hemiplégie faciale peut être un des pre-
miers signes qui fixent l’attention sur le développement lent
d’un ramollissement du cerveau, lorsque la paralysie des mem-
bres est encore peu prononcée: je ne reviendrai pas ici sur les
juécautions que j’ai recommandées pour ne pas se laisser trom-
per par des déviations, que présente souvent par d’autres causes
la bouche des vieillards.
Les mouvemiens de la langue ne m’ont pas babituellemenl
paru gênes , bien que l’articulation des sons soit très-souvent
difficile. La gène de la parole tient, je crois, le plus ordinaire-
ment à l’oubli des mots. La langue n’est pas souvent dévice.
S II. Troubles du senliuienl.
Comme le mouvement, le sentiment pré.sente tantôt un sim-
ple affaiblissement, tantôt diverses autres modifications.
Celles-ci sont ordinairement un des premiers signes qui
fixent ratteiuion sur le ramollissement cérébral, lorsqu’il dé-
bute graduellement. Les malades éprouvent dans les membres
qui devront être jilus tard paralysés ou contracturés, de l’en-
gourdissement , des fourmillements , des picotements parfois
très incommodes. Ces symptômes se montrent tantôt dans les
deux membres d’un même côté , tantôt dans le bras seulement
ou dans la jambe ; ils commencent par l’extrémité même des
membres, et demeurent quelquefois limités pendant un certain
temps à un ou deux doigts, ou à un orteil ; puis ils remontent
peu à peu de bas en haut. Quelquefois il s’y joint des crampes.
Ces symptômes sont, je crois, plus prononcés quand ils doi-
vent être suivis de contracture, que quand ils précèdent une ré-
solution simple.
Il n’est ])as rare que , dans les premiers temps , les malades
éprouvent ces diverses sensations des deux côtés du corps: cela
prouve que la congestion qui précède et produit le ramollisse-
ment est souvent jjénérale avant <lc se fixer sur un point du cer-
veau. C’est pour la même raison (|ue la maladie débute souvent
TP.oi'Ur.KS mr si'\rnii;xj.
;V?.)
par uno aholilioii jp'nt’rale «li*s laculü's de riiilelli;;eiice et des
sens, uncatiaque d’apoplexie, à laquelle succèdenl des pliéno-
inènes plus limites.
Les douleurs dans les membres se montrent rarement au
commencement ; presque toujours à une époque un peu avan-
cée , et coïncidant avec de la contracture. Elles ont leur siège
dans les articulations ou dans la continuité des membres. Quel-
quefois , assez souvent même, elles se fixent opiniâtrement à
une épaule , par exemple , et peuvent y causer , pendant des
mois entiers, des douleui's fort vives. Le toucher ne les exas-
père pas ordinairement; mais les mouvements que l’on imprime
à ces jointures sont souvent très-douloureux. D’autres fois elles
se fixent sur un point quelconque d’un muscle : je vois en ce mo-
ment une femme chez laquelle l’insertion inférieure du deltoïde
est le siège d’une douleur fixe, permanente, assez vive et qu’é-
veillent surtout les conlraclions énergiques de ce muscle.
M. Valleix m’a dit avoir trouvé plusieurs fois, sur un point
quelconque d’un membre paralysé, un point très-circonscrit ,
que pouvait recouvrir l’extrémité de l’indicateur, douloureux à
la pression, sans que l’on pût savoir ni la cause ni le siège précis
de ce phérromène. • '
Lorsque les douleurs se montrent avec une faible paralysie,
il faut savoir les distinguer d’une affection rhumatisinale. Ce
diagnostic peut être réellement difficile, quand il n’y a que de
simples engourdissements, et que l’affaiblissement du mouve-
ment larde à se prononcer : cependant il suffit , dans la plupart
des cas , de connaître la possibilité d’une erreur , pour l'éviter.
Les maladies de la moelle en fournissent du reste l'occasion
plus fréquemment que le ramollissement cérébral. Il faut savoir
aussi que les malades s’y trompent souvent eux-mêmes ; j’en ai
vu plusieurs qui, affectés d’un ramollissement avancé, croyaient
avoir des douleurs.
Ces douleurs varient beaucoup de caractère, et il est difficile
de les décrire; beaucoup de malades disent qu’on leur déchire,
(pi on leur tord la chair, lu riande, suivant une expression po-
pulaire ; une femme me disait qu’il lui semblait qu’on lui suçait
les os. Ils distinguent très-bien celles qui sont profondes. Quel-
ques-uns souffrent excessivement, et dans les paroxysmes, elles
sont parfois assez aiguës pour arracher de grands cris. On fera
■J'” R A Morj.issE^rKNT rnr,ONiorr,. (syaii>t.)
attienlion que, comme les tloulcnrs rlmmatismales, celles ré-
suUaut d anciennes blessures, etc., les chaujifements de temps
les révedlent. Il y a des malades chez lesquels l’influence du
froid est remarquablement prononcée.
Dans quelques cas de ramollissement, on a vu la sensibilité
de la peau exagérée comme dans la méningite rachidienne. Ce
symptôme peut se montrer habituel ou passager j seulement ces
cas sont lares. Ils se rapprochent de ceux où les mouvements
sont douloureux, et qui n’indiquent pas autre chose qu’une
exagération de la sensibilité musculaire.
Quelque soit le degré de paralysie ou de contracture, la sen-
sibilité peut demeurer tout à fait normale.
D auties fois elle subit une diminution en rapport avec l’af-
ladDhssement du mouvement ; cependant il est rare d’observer
une anesthesie complète. On ne l’observe guère, que dans ces
attaques apoplectiformes qui marquent si souvent soit le début,
.soit le dernier terme du ramollissement. .Te ne sache pas que
l on ait jatnais rencontré, dans le ramollissement chronique, l’a-
neslhesie indépendante de la paralysie du mouvement.
5 Ih' Céphalalgie.
Non.s avons vu, en étudiant le ramollissement aigu, que la cé- .
phalalgie s’observait rarement dans les cas où cette maladie sui-
vait line marche rapide , puisque sur 3l observations qui m’ap-
pariiennentj ce symptôme n’a été noté que 7 fois, et 12 fois seu-
lement sur 3()oI)ser vations empruntées à MM. Rostan, Andral
et à d’autres auteurs; ce qui fait 19 fois sur 67, dans un peu
plus du quart des cas.
Nous allons voir que, dans le ramollissement chronique, lise
montre dans une proportion un peu plus considérable : l’ab-
sence ou l’existence de la céphalalgie a pu être constatée dans
34 seulement de mes observations de ramollissement chronique;
j’ai dû laisser de côté les cas où les renseignements ne me pa-
raissaient pas snfUsanls, et ceux où les malades n’etaient pas en
état de rendre compte de leurs sensations. Sur ces 34 cas , la cé-
phalalgie n’a été notée que 1.5 fois. Sur 19 observations dues à
mm. Rostan et Andral, où l’état de la têie a été noté, on trouve
que la cépbalalgie a é'té obsiu véc 9 foj.s ; ce qui fait en tout 24
357
IMITAT DE I.’lNTELMGEWCE.
lois sur 53 observations, près de la moitié des cas . La cépha-
lalgie serait donc plus commune dans le ramollissement duo-
nique* que dans, le ramollissement aigu, bien qu elle soit encore
loin de jouer un rôle très-important, même dans le premier,
par sa fréquence au moins ; car nous verrons plus loin si son
existence n’aurait pas beaucoup plus de valeur pour le diagnos-
tic^ dans les cas où elle s’observe.
La céphalalgie se montre quelquefois dès le commencement
de la maladie, surtout lorsque celle-ci suit une marche gra-
'duelle; alors elle peut même'en être le premier symptôme.
Lorsque la maladie débute par unejattaque apoplectiforme, la
céphalalgie peut se montrer aussitôt que le malade a recouvre le
sentiment, *ou, au contraire, apparaître à une époque plus ou
moins éloignée. Elle peut, après avoir existé comme prodrome,
cesser lorsque le ramollissement s’est formé . Elle peut manquer
alors qu’il existe de vives douleurs dans les membres.
La céphalalgie varie beaucoup d’intensité ; j’ai vu peu de
malades se plaindre vivement de la tête : maintenant , comme
beaucoup d’autres symptômes, elle augmente notablement pen-
dant les paroxisines. Il y a souvent simplement de la lour-
deur, de l’embarras dans la tête. Les sensations que l’on y
éprouve sont du reste très-variées. Plusieurs femmes qui en
souffraient beaucoup, me disaient qu’il leur semblait qu’il leur
bouillait un pot-au-feu dans la tête.
La céphalalgie est presque toujours frontale, quelquefois gé-
nérale, rarement limitée à un côté de la tête : l’expérience de*
M. le docteur Prus est , sous ce point de vue , semblable à la
mienne.
Quant aux étourdissements, il y a quelques malades chez qui
Us se montrent habituellement ; inai.s, la plupart du temps, ils
ne s’o'ljservent qu’alors que surviennent des paroxysmes. Je ne
décrirai pas leurs diflérents degrés, depuis un simple éblouisse-
ment jusqu’à une perte presque absolue de connaissance.
S TV. Etat de rintelligencc.
Le ramollissement cérébral peut parcourir scs ;li\ crses pé-.
/ iodes sans que l’intelligence soit notablement altéiéc; mais
(• estasses rare. Les altérations de l’intelligence suivent, on gé-
RAMOr.LlSSK^rF.NT c.fino\ioi;i;. (sympt.)
lierai , une n.arclie analogue à celle des autres sympiA.nes.
Ainsi , chez les individus chez qui la maladie se développe lua-
duelleinent on voit peu à peu les facultés s’affaisser, la mémoire
s al aiblir: les idees uevieimeut plus rares, les malades sentent
et disent tres-bien que leur tête s’en va ; enfin ils tombent en
enjcmce.^ Le ramollissement chronique peut encore donner lieu
a une véritable démence ^ la manie peut être le seul symplôme
du ramollissement ; mais, en général, chez les vieillaj-ds , il y a
])luAot affaiblissement que perversion de l’intelligence. Le ca-
ractère des lualades peut être diTersement modifié. Quelquefois
ils sont portes à la gaké, ils chantent toute la journée; plus
souvent ils tournent à la mélancolie.
Chez une femme de la Salpêtrière, évidemment affectée d’un
.■amolli.ssement avancé, et qui était babituellement plongée
dans une mélancolie profonde, cette dernière vint à être rem-
placée par des hallucinations. Elle entendait sans cesse ses voi-
sines lui crier des injures; la nuit, on s’occupait à troubler son
sonnneil ; les jours où elle était le plus agitée, c’était moi-incnie
qui avais donné des ordres pour qu’on la tourmentât. D’autres
m il.adesunl, à ce degré du ramollissement, des hallucinations
lie la vue ; une d’elles voyait un singe s’asseoir au pied de son
lit; une antre voyait des fagots brûler devant elle.
Lorsque le raniollis.seinent a débuté par une attaque apo-
plei tiforme, ou que de semblables attaques se sont montrées
dans son cours, l’intelligence en reçoit ordinairement des at-
teintes pins ou moins profondes ; les malades tombent souvent
à la longue dans une hébétude absolue. On remarque chez eux
ces alternatives de pleurs et de rires sans sujet, qui sont un
des signes les jdiis certains d’une altération de texture du cer-
veau, et qui sont peut-être quelquefois causés par un simple
kyste apoplectique.
jj V. Trouilles de la parole.
Ici, comme dans les autres maladies cérébrales, il faut dis-
tinguer avec soin les altérations de la ])aroIe qui tiennent à la
gène des mouvements de la langue, de celles (jui résultent de
l’oubli des mois. Quand la marche de la maladie est graduelle,
ce symptôme, quelle qu’en soit la cause, se développe aussi
ÉTAT DES SENS ET DES DIVEESES l'ONCTIONS.
pou à peu. Lorsque surviennent, soit au début, soit plus lard,
des accidents apoplectiforines, la parole s’en ressent presque
toujours d’une manière très-prononcée.
Elle offre à peu près constamment, dans le ramollissement ,
et même indépendamment de toute gêne appréciable, une sorte
de monotonie qui lui donne un caractère tout particulier. Je
ne saurais trop appeler l’attention sur ce phénomène, qui , à
lui seul , m’a quelquefois mis sur la voie d’un ramollissement
chronique, encore mal caractérisé.
Les altérations de la parole présentent quelquefois des phé-
nomènes très-bizarres et dont l’explication échappe complète-
ment. Une femme, Reine Julin, ne pouvait parler sans que, au
bout de trois ou quatre mots , elle dît : par le commande-
ment... (1). Celte femme présenta le même phénomène pendant
plusieurs années ; c’était , avec l’hébétude de la phy.sionomie ,
l’engourdissement de l’intelligence, le seul signe qui pût révé-
ler l’existence d’une lésion organique du cerveau. Une femme,
âgée de soixante-huit ans, ne faisait entendre que des sons in-
cohérents, toujours les mêmes, et qui formaient le mot sinona
ou chinona; elle entendait et comprenait parfaitement; elle
répondait à tout par ce mot unique, variant seulement l’iir-
flexion de sa voix, suivant ce qu’elle voulait exprimer. Le
membie. supérieur droit était raide et fléchi, privé de mouve-
ment et douloureux dans ses articulations, quand on cherchait
à le mouvoir. La sensibilité y était fout à fait abolie.
Il y a peut-être encore maintenant à l’inlinuerie de la Salpê-
trière une femme d’une quarantaine d’années, tout à fait hémi-
plégique, et qui ne pouvait dire que : madame été... mon Dieu,
est-il possible... bonjour, madame Son intelligence est par-
faitement conservée , elle rit des choses plaisantes quelle en-
tend, elle pleure quand elle veut témoigner sa reconnaissance
des soins que l’on prend d’elle; elle prononce parfaitement ces
mots qu’elle peut dire et qu’elle répète sans cesse ; et cependant
d lui est inipo.ssible d’en dire davantage.
S VI. Etat dc.s sens et des diverses fonctions.
Les yeux participent quelquefois , mais assez rarement , à la
(f) Voyez Oh.<:prvntion 92. ' 'j
’-J'' >»A.\IOLr,lSSKMF,NT CHRONlOür. (SY:\rPT.)
<lévi.ition de la bouche el; de l’aile du nez, le strabisme est
plus souvent simple que double. On ne trouve guère les pupilles
altérées dans leur forme et leur mobilité que lorsqu’il survient
des attaques apoplectiformes, ou, au moins , des signes de con-
pstion cérébrale grave ; hormis ces cas , je les ai presque tou-
jours vues égales et mobiles. La vue s’affaiblit , en général ,
quand le laniollissement fait des progrès j mais je n’ai jamais
-vu cet affaiblissement aller jusqu’à la cécité.
Les individus affectés de ramollissement ne m’ont pas paru ;
en général, avoir l’ouïe plus dure que les vieillards dont le
cerveau est sain : je n^ai non plus jamais remarqué d’altération
spéciale des sens de l’ouïe et de l’odorat; mais je n’ai peut-être
pas suflisamment fixe mon attention sur ce point. Il ne faut pas
oublier cependant que toutes les tnodificalions des sens que
nous avons notées dans le ramollissement aigu , se rencontrent
toutes les fois qu’une attaque vient à survenir dans le ra-
mollissement chronique , attaque de paralysie , de convul-
sions, etc.
II y a des personnes chez lesquelles le ramollissement peut
arriver à un degré avancé, sans que la santé générale paraisse
s’en ressentir aucunement. Il semble même que l’état d’apathie
ilans lequel ils végètent favorise la nutrition chez eux, et leur
embonpoint , une certaine fraîcheur dans leur teint, montre
le peu d’influence que le, cerveau peut exercer sur le reste de
l’économie.
Chez d’autres, au contraire, la maigreur est extrême, la peau
terreuse, les muqueuses pales ou d’un rouge d’irritation j ce
sont ceux ordinairement chez qui il existe de la contracture,
des douleurs dans les membres, de la céphalalgie. Ces douleurs
n’existent jamais pendant un temps un peu long sans entraîner
un certain degré de marasme.
L’évacuation involontaire des urines et des matières fécales
est une fies circonsiances les plus ordinaires de la fin du ramol-
lissement ; elle se montre quelquefois dès le début, quand la
maladie commence par une attaque apoplectiforme.
Les fonctions digestives n’offrent en général rien de particu-
lier chez les individus aflectés de ramollissement : s ils pu-
sentent assez souvent de la constipation, cela ma p.niu te-
nir générahnient plus à leur ;'ige, à leur genre de vie, a un
ATARCOE RT DDHÉF. DU P.AMOEURSEMEAT CHRON'IQrjE. ?>?>!
AÔjour liabitnol on pvolonfiié dans le lii , qu’à la lésion du
eerveau.
y
§ VII. Marche et durée du ramollissement chronique;
]ja marche du ramollissement chronique présente les plus
grandes variétés : je ne pense pas qu’il y ait une maladie qui
offre, sous ce jaoint de vue, des oppositions aussi tranche'es, et
cela sans que les altérations trouvées sur le cadavre en donnent
aucunement la raison.
Lorsque la physionomie anatomique d’une altération chro-
nique et ancienne ne rend pas compte des phénomènes qui ont
ont eu lieu pendant sou cours, il faut chercher si Létude des
premières périodes et du début de cette altération ne pourrait
pas jeter quelques lumières sur ce sujet. Tel est le résultat au-
quel je crois être arrivé , en démontrant que le ramollissement
se formait toujours à ta suite d’une congestion cérébrale. J’ai
fait voir que le mode de développement de cette affection dé-
pend de la congestion qui l’a précédée et lui a donné nais-
sance ; ainsi nous avons vu, dans le ramollissement aigu , que
l’apparition des .symptômes, chez les sujets qui succomhent à
celte affection, avait tantôt été subite et tantôt graduelle, et
(pie, chez les individus affectés de congestion cérébrale, celle-
ci présente exactement la même marche et les mêmes phé-
nomènes.
Maintenant nous trouvons que les faits de ramollissement
chronique se rangent naturellement dans les quatre formes
suivantes :
Première forme. — Le ramolli-ssemeut s’annonce , dès son
principe, comme une maladie essentiellement chronique. Ac-
compagné d’une réunion de symptômes plus ou moins com-
plète, il marche lentement ou par secousses, mais toujours
d une manière progressive.
Deuxième forme. — Le ramollissement débute brusquement,
comme l’hémorrhagie cérébrale, dont il suit quelquefois la
marche subséquente avec une ressemblance frappante.
T ! ol sième forme. — Le ramollissement se développe sans dé-
tei miner de svmpiomes prononcés, ou au moins bien earartéri-
CUnONIOliF. (SYMPT.)
Sf-s; puis loin à coup il .loiim; lieu à des acci.lei.ls ,lonl la
•iiai-c lie lapide ne larde pas à lermiuer l’exislence.
Qnalncme Jonne. — Le ramollissement ne délennine aucun
sympiome appiéciable : la mort arrive par une circonstance
etranfrère A lui, et avant que rien ait pu faire soupçonner son
existence. [Ramollissement latent.)
lel est l’ordre dans lequel je ranfrerai les observations de
ramollissement chronique qui vont être rapportées dans les
pages suivantes : on voit qu’il est subordcmié à la manière
dont la maladie s’est comportée dans ses premières périodes.
J ai cru devoir l’adopter, parce que c’est là ce qui constitue et
les différences les plus tranchées, et les analogies les plus rap-
prochées qui peuvent exister entre ces faits ; enfin, parce que je
n ai pu trouver de méthode plus naturelle pour les classer.
Piien déplus variable que la durée du ramollissement chro-
nique : aucune limite ne peut lui être fixée, depuis un ou deux
mois jusqu a un grand nombre d’années. Plusieurs ramollisse-
ments anciens, trouvés sur des cadavres, dataient, d’après des
renseignements certains, de plus de trente ans. Beaucoup d’u-
/ropAie.f prétendues du cerveau, non congénitales, rencontrées
sur des individus adultes ou avancés en lîge, ne sont autre chose
que des lamollissements survenus dans l’enfance, spontanément
ou par suite de causes externes.
A^oici seulement ce qui peut être établi d’une manière gé-
nérale.
Loisqu un ramollisâomcnt passant à l’état cbronifjue fait des
piogies incessants jusqu’à la mort , et que celle-ci paraît surve-
nir sous son influence, il est très-rare que la vie se prolonge plus
d’une année. Mais lorsque, ce qui est si commun, le ramollisse-
ment parvenu à une certaine époque ne fait plus que des
progrès très-lents ou presque nuis, et ne semble exercer pres-
que aucun influence sur le reste de l’organisation, il est fort
rare que la mort survienne par son fait ; elle est due presque
toujours à quelque circonstance fortuite, à une complication
développée dans un autre point de l’économie , ordinairement
une pneumonie, chez les vieillards, ou dans le cerveau lui-
nirme, ainsi un ramollissement aigu.
Je regarde donc comme tout à fait inutile de présenter ici
un tableau de l’àge des ramollissements que j’ai ob.servé.s. parce
rnKMJlilUi l'UiiMJi.
que ce ii’ost que dans le |das petit noiubre des cas, que ces
cliillres nous iiidiqueiaicut la durée exacte du rainollissenietil
lui-même.
ARTICLE TROlSlÈiVlE.
0BSERVAT10;^S.
§ !'■. Pieiiiièrc lornie du ramollissement chronique. — îlamollisscmeut
marchant i>ar degrés successifs.
Rieu n’est plus difficile que de tracer avec exactitude l’iiistoire
de cette forme du ramollissement; cardiaque cas presque se pré-
sente sous un aspect particulier, chacun des symptômes du ra-
mollissement pouvant manquer à son tour^ et son absence ou
sa présence donner lieu à un grand nombre de combinaisons
dillérentes. Nous aurions, si nous voulions ne rien passer sous
silence, à faire connaître une foule de nuances, depuis les cas où
tous les signes du ramollissement se trouvent réunis ensemble,
justpi’à ceux où la maladie n’est plus caractérisée que iiar l’hé-
bétude, la paralysie de la langue Je me contenterai de si-
gnalei les cas les plus tranches, les mieux propres à servir de
types.
Commençons par ceux où les symptômes se montrent aussi
complets que possible.
Des malades, ordinairement d’un câge assez avancé, commen-
cent par se plaindre de malaise, d’engourdissements dans la
lète, puis de céphalalgie, quelquefois générale, le plus souvent
frontale, rarement limitée à un côté de la tête ; cela s’accompa-
gne de vertiges, d’étourdissements, quelquefois assez forts pour
occasioner des chutes, même des pertes de connaissance. Cet
état peut durer des années entières ; quelquefois , au bout de
plusieurs mois , de plusieurs jours seulement , surviounent de
nouveaux symptômes et plus caractéristiques.
Les malades accusent des engourdissements à l’extrémité des
membres, dans les doigts, des picotements à la peau, comme si
des lournus couraient à sa surface; ces phénomènes ne se mon-
trent ordiuaircmcnt ((ue d’un côté du corps. Ils peuvent precé-
OOl HA.MOLLlSSIi.\lEJ\X CiUlOiMQJLiE. (SiiMPX.)
cler la céphalaljwie ou se moutrei' en même temps qu’elle. On
peut dire que presque toujours la céphalalgie et les engourdis-
sements précèdent et annoncent le ramollissement, lorsque ce-
lui-ci débute graduellement ; mais ces deux ordres de symptô-
mes manquent fort souvent , soit comme prodromes , soit sur-
tout comme symptômes du début, lorsque la maladie détermine
dès le commencement des accidents brusques et rapides.
Ce que je dis ici de cette forme de ramollissement, que l’on
pourrait appeler primitivement chronique, nous l’avons déjà
remarqué à propos du ramollissement aigu , où nous avons vu
que la céphalalgie et les engourdissements manquaient très-ha-
bituellement dans la forme apoplectique. C’est encore au ra-
mollissement graduel qu’est particulièrement applicable cette
proposition précédemment émise : qu’il est généralement im-
possible de distinguer l’instant où le ramollissement de la pulpe
nerveuse vient à succéder à la congestion cjui l’a toujours pré-
cédé. Ainsi cette céphalalgie, ces engourdissements dont je
viens de parler, peuvent exister pendant longtemps, sans re-
connaître d’autre cause qu’un état do congestion lente, habi-
tuelle, ou des congestions répétées du cerveau ; d’un autre côté ,
de tels symptômes peuvent exister comme unique manifestation
de ramollissements déjà formés , et dont le développement gra-
duel avait pu ne pas entraîner d’accidents plus graves.
Ceci bien entendu, continuons la description que nous avons
commencée.
Aux engourdissements succède, à une époque variable, la
faiblesse des membres : la jambe se traîne dans la marche; la
main laisse tomber par instants les objets même les plus légers.
Une femme qui présentait, depuis un certain temps, des symp-
tômes de ce genre, prélude.s d’accidents plus graves et mieux
caractérisés, pouvait encore travailler ; mais, de temps en temps,
l’aiguille lui tombait des doigts, ceux-ci demeuraient plusieurs
instants, un quart d’heure, une demi-heure au plus, immobi-
les, comme morts, puis ils reprenaient leur activité, et elle se
remettait à l’ouvrage. Souvent , à cette époque, la main éprouve
de la dillicullé ou même de l’impossibilité à sc fermer ; chose
remarquable, il arrive souvent qu’elle ne parvienne à se fermer
que lorsque sa face palmaire sent le contact d un corps étranger
autour duquel les doigts viennent se serrer, tandis qu ils de-
X'IlIiMlEHE l'ÜllAIE. 835
Jiieurent fixement immobiles , dès que ce corps est retiré.
M. Marshall Hall a également observé ce phénomène et en a
donné Texplication.
Dans certains cas, à cette faiblesse vient se joindre la con-
tracture, se montrant taniôt aux doigts, tantôt au coude, s’éten-
dant, au bout d’un certain temps, à tout un côté du corps ; sou-
vent intermittente avant d’être continue; n’attendant pas tou-
jours, comme dans le ramollissement aigu, que la motilité soit
profondément altérée.
En meme temps, la face se dévie du côté opposé à la paraly-
sie ou du cote correspondant, en participant à la contracture des
membres. L œil de ce cote perd quelquefois la faculté de se
fermer; il demeure entr’ouvert, et la conjonctive oculaire,
sans cesse en contact avec l’air, s’enflamme. Si l’on joint à cela
un air d bebetude , d’étonnement et d’indifférence tout parti-
culier, et surtout à une époque avancée, des pleurs, des sanglots
survenant sans motif, on aura une physionomie qui suffit géné-
ralement, a elle seule, pour caractériser le ramollissement.
Dès les premiers accidents , en général, la mémoire a com-
mencé à s’altérer, le jugement à perdre de sa sûreté, les idées à
se confondre dans l’esprit. Cet affaiblissenrent des facultés suit
une marche graduelle , en rapport avec le développement des
autres symptômes, favorisé encore par l’obtusion des sens ; la
vue sè trouble, le toucher s’émousse. La parole s’embarrasse en
même temps, soit par oubli des mots, soit par gêne de la langue;
elle se ralentit et prend un caractère de monotonie tout particu-
lier.
A une époque plus éloignée encore, la paralysie du mouve-
ment devient complète et peut s’accompagner d’une anesthésie
absolue. La contracture devient souvent extrême , et ce n’est
qu’aux derniers jours de la vie qu’elle fait place à la résolution.
La céphalalgie diminue ordinairement alors, mais les membres
peuvent rester le siège de douleurs vives, d’élancements insup-
portables. ^
L affaiblissement de l’intelligence amène quelquefois à un
idiotisme complet , bien que, dans cerlains cas, on voie les fa-
cultés intellectuelles demeurer intactes au milieu de l’abolition
generale des fonctions cérébrales. Les malades perdent la fa-
culté de retenir l’urine et les matières fécales ; ils tombent dans
RA.MüLL1SSE_MEWT cmvOûlQUE. (hVAll'X.)
le marasme et succombent ordhiaivement avec d’énormes es-
chares au siège et souvent une pneumonie, soit hypostalifiue ,
soit intercurrente.
Les symptômes du ramollissement ne se montrent pas tou-
jours ainsi au complet.
Quelquefois les mouvements sont à peine altérés , ou l’intel-
lig-ence ne subit aucune modification, ou la sensibilité demeure
intacte. Chez quelques individus, les facultés intellectuelles
sont seules lésées ; tels sont certains aliénés dont les mouve-
ments et la parole n’ont jamais subi la moindre atteinte; des
vieillards affectes de démence sénile, souvent considérés comme
en enfance, et n’offrant avec cela qu'’une faiblesse générale des
membres que l’on attribue volontiers aux progrès de l’âge; les
douleurs dans les membres et dans la tête manquent souvent;
quelquefois les effets de la maladie semblent se circonscrire
ilans un ou deux rneml)res qui s’engourdissent et s’affaiblissent
peu à peu, sans qu’aucun autre point du corps participe à ce
trouble fonctionnel... Il serait trop long d’insister sur ces va-
riétés, dont je vais présenter quelques exemples.
ÜBsEKVATiON 87.' — Céphalalgie; affaiblissement, iiiouvcineiits in-
volontaires et engourdissenionts dans les membres du côté droit; lé-
gère modification dans la parole.
Langer, âgée de soixante-huit ans, domestique, entra à l’in-
lirmerie au mois d’avril 1839, pour une indisposition passagère.
M'étant aperçu de l’existence de symptômes cérébraux pronon-
cés, mais dont elle ne se plaignait pas, je l’examinai et je l’in-
terrogeai dans ce sens.
Elle me raconta que depuis plusieurs années elle elait sujette
à de la céphalalgie, à des étourdissements assez forts pour qu’il
lui fallût quelquefois s’appuyer de peur de tomber (1), acci-
dents qu’une saignée avait notablement diminués, lorsqu il y a
deux ans, assistant à une fête publique au champ de Mars
(1837), elle se trouva enveloppée dans une foule considérable ;
son sein droit fut meurtri , elle eut une vive frayeur. On se
(I) Celle femme , .sans enfants , a\ail cesse d être réglée à irenle-deux
au.s, sans que su sanie eùl paru alors eu éprouver aucune alleiulc.
l'UEMaili-E fülVME.
337
rap]>clle sans cloule les malheurs qui sont arrivés àceUe’époqiic.
Quelques jours après, elle commença à se trouver aH'cclée
d’un tremblement du bras et de la jambe droite; ce tremble-
ment, d’abord faible et passager, devint ensuite continu, beau-
coup plus fort et très-incommode. ÎMaintenant ces membres
sont lourds et affaiblis; la malade peut marcher, mais souvent
elle sent scs jambes fléchir sous elle, et elle tomberait si elle ne
pouvait s’appuyer. Elle se sert de la main droite pour ses ac-
tions ordinaires, mais elle est lourde et se fatigue du moindre
poids. L’annulaire et le médius sont particulièrement faibles;
il arrive souvent qu’ils se rapprochent l’un de l’autre, et de-
meurent forcément accolés. Le soir, cjuand elle veut s’endor-
mir, le tremblement des niembres devient ordinairement plus
fort. Souvent mèinp sa jambe est soulevée par des mouvements
spasmodiques : alors elle est obligée de se coucher sur le coté
droit et de presser fortement la jambe droite avec la gauche.
Le bras droit n’a jamais éprouvé de ces secousses. Elle ne res-
sent pas de douleurs dans les membres; il y a seulement une
sensation d’engourdissement dans les extrémités, mais faible et
sans fourmillements.
La sensibilité est notablement diminuée du côté droit : ou
peut pincer assez fortement la peau sans cjue la malade témoigne
de souffrance, tandis que l’autre côté sent très-vivement; quand
on chatouille la plante dos pieds, la jambe droite se retire beau-
coup plus lentement et moins loin que la gauche.
La face et la langue ne sont point déviées. Les yeux sont
égaux, les sens également conservés des deux côtés.
Les étourdissements sont rares maintenant. Il y a de la cé-
phalalgie frontale, mais supportable ; plus vive depuis quelque
temps. Depuis plusieurs jours, elle éprouve uu peu de difllculté
à s’exprimer. Elle ne ressent aucune altération dans ses facultés,
sa mémoire. Elle donne avec assez de précision les renseigne-
ments qu’on lui demande, et son intelligence paraît à peu près
semblable à celle des personnes de son âge et de sa condition.
On ne fil aucun traitement à cette femme et elle quitta bien-
tôt rinfirmcrie. Je la revis quatre mois après.
L’état des membres était à peu près le même, seulement le
tremblement était beaucoup plus prononcé et commençait à
gagner le côté gauche ; il y avait des picotements et des eneour-
22
'JOO HA.MOLUSSEJ\4T.I\ï CDKUJNK^UE. (SYAUT.j
dissemeuts dans les deux membres inférieurs; mais la face était
profondément altérée, jaunâtre, exprimant la souffrance, l’in-
quiétude, le regard étonné ; il n’y avait pas de déviation de la
lace, et les moiivcments de la langue étaient bien libres. La parole
sans etre gênée, était lente, traînante, et avait un caractère de
monotonie tout particulier, chaque phrase retombant sur le
même ton, comme un enfant qui récite une leçon ; caractère
loit in)portant, et qui, dans plus d’une occasion, m’a mis sur la
voie d’un ramollissement chronique ; je n’avais rien remarqué
de semblable à mon premier examen. La céphalalgie était de-
venue continuelle et plus vive , occupant toute la partie anté-
lieuie et supérieure de la tete. La sensibilité cutanée n’avait pas
nottdjlement diminue. La malade était devenue depuis quelque
temps très-mélancolique, d une exlrêine susceptibilité, d’une
impatience, qu’oii n’avait jamais remarquée chez elle. Elle
disait elle-même que par instants elle n’avait plus la tête à elle.
Celte observation présente plusieurs circonstances qui ne sont
pas très-communes ; ainsi le tremblement dcsmomhres, les
mouvements spasmodiques. Ces mouvements involontaires se
rencontrent plus souvent dans les maladies de la moelle que
dans celles du cerveau : je soigne cependant en ville, dans ce
moment, une femme âgée de 48 ans et qui a présenté cette par-
ticularité d’une façon très-prononcée. Il y a maintenant chez
elle , paralysie complète du bras gauche , incomplète de la
jambe ; il y a eu de fréquents étourdissements, de la céphalal-
gie , troubles de l’intelligence , de la parole , douleurs dans les
membres... enfin tous les signes du ramollissement. Il y a quel-
que temps, avant l’invasion graduelle de l’hémiplégie, il surve-
nait de temps en ten\ps des mouvements involontaires très-
énergiques des membres gauches; cela lui a pris deux ou trois
fois dans la rue, et on croyait qu’elle était épileptique. Quant
au tremblement, on l’observe rarement ainsi, au début delà
maladie; mais il n’en est plus de même à une époque avancée,
ün rencontre assez souvent de vieux hémiplégiques affectés de
tremblements continuels dans leurs membres paralysés : on peut
être sûr que leur paralysie résulte d’un ramollissement et non
pas d’un foyer hémorrhagique, ün a vu , dans l’observation de
l’UILMlliUJÎ l'üll-Mli.
33n
Langer , que de temps en temps le médius et l’annulaire Se
rapprochaient l’un de l’autre, et demeuraient pendant quelque
temps invinciblement accoles. Le sujet de la huitième ob-
servation de M. Andral présentait quelque chose de semblable :
de temps en temjis le petit doigt et 1 annulaire de la main gau-
che se portaient avec force, sans que la volonté put 1 empêcher,
vers la paume de la main. Cette contracture partielle duiait de-
puis un quart d’heure jusqu’à deux heuies, puis elle cessait.
Observation SB. — Faiblesse graduelle, engourdissements, insensi-
bilité de tout le côté gauche du corps. Céphalalgie intense depuis
longtemps. A une époque plus avancée, engourdissements et louimil-
lements du côté droit.
La nommée Picard , âgee de 66 ans, petite, d un embonpoint
médiocre, marchanrie, sujette pendant toute sa vie aux rhumes
et ayant à plusieurs reprises craché du sang, entra, au mois d’a-
vril 1839, à l’infirmerie, pour une oppression considérable et
une vive douleur à la région précordiale. Ces accidents, survenus
à la suite d’une forte contrariété et non accompagnés de fièvre, ne
purent être expliqués par l’auscultation ; on les considéra comme
nerveux. Ils se dissipèrent au bout de peu de jours. Il y avait
en outre un catarrhe pulmonaire léger. Cette femme avait une
hémiplégie incomplète à gauche et une violente céphalalgie.
Elle me donna les détails suivants.
A l’âge de 40 ans, huit jours après être accouchée, elle
éprouva une frayeur vive, et ses règles ne reparurent plus dé-
sormais. lîlle commença dès cette époque à devenir sujette aux
étourdissements, à la céphalalgie, aux pertes de connaissance;
il fallut la saigner souvent. Elle ne paraissait avoir éprouvé jus-
qu’alors aucun trouble du côté de l’intelligence , des mouve-
ments de la langue, des membres, lorsqu’il y a quatre mois, à
la suite d’une grande frayeur, elle éprouva un étourdissement
et se laissa rouler du haut en bas d’un escalier; elle demeura
longtemps sans connaissance; Use fit une plaie au cuir chevelu
du coté droit.
Depuis cette époque, la céphalalgie qui jusqu’alors ne se
montrait (juc par intervalles, est conLinue ; par instants cllo est
assez lorte pour lui arracher de ;;rands i ri.s , surtout dans les
temps chauds ou à l'approche de la pluie. Elle a Inujour.s son
KAiMOLLlSSEMJiJNX CUUÜJdQtE. (sYMPT.)
Sié{;e a droite et s’accotnpa',nie souvent de batteineuls doulou-
reux. Il e.st survenu eu même temps une faiblesse toujours crois-
sante du côtêgaucbe du corps, la bouche s’est un peu déviée à
droite. Elle a beaucoup de peine à se servir de son bras;
il lui est impo.ssible de .soulever une tasse vide; si elle cliercbe
à vous serrer lamain, sesdoigts refusentde se plier. Cependant il
lui est encore possible de tricoter. La jambe gauche est lourde
traîne en mardiant ; Picard ne peut même faire que quelques
pas sans béquilles.
^ Les membrcsgauches sont égalenient le sié.ge de picotements,
d engourdissements, même de douleurs vives , surtout lorsque
le temps change : alors la faiblesse augmente sensiblement. 11
lui arrive également alors de ne plus sentir sa main et .souvent
dans de telles circonstances elle éprouve comme un monvernent
île rétraction des bras en arrière, auquel elle ne peut s’opposer.
Depuis ([uelque tcmp.s; le bras commence à ressentir des engour-
dissements et des fourmillemenls. Depuis deux mois elle pré-
sente en outre un tremblement léger de la tête et des membres,
surloul à gauebe. Les sens et les fonctions digestives paraissent
en bon état. La vue en particulier est lionne; les pupilles sont
égales et moyennement dilatées. L’intelligence paraît bien con-
servée, la méinoii c assez nette; seulement Picard dit que par
instants elle se trouve béliêlêc.
Ces notes ont été prises au mois d’avril 185S. Au mois d’oc-
tobre, j’eus occ.ision d’examiner cette femme; je ne remarquai
chez elle aucun changement digne d’être noté.
Au mois de juin 1839, elle revint à l’infirmerie pour une en-
térite assez grave qui nécessita plusieurs applications de sang-
sues. Ou négligea alors d’examiner l’état de ses fonctions céré--
luales, dont elle se jilaignait peu.
J’ai été visi'er cette femme dans son dortoir, le 7 août 1839,
c’est-à-dire 16 mois api ès l’époque où avaient été recueillies les
notes précédentes. Je la trouvai dans l’état suivant:
l''mbon[)oint passable, physionomie assez gaie ; un peu de pâ-
leur de la face, céphalalgie occupant spécialement le coté droit,
plus supportable qu’auti efois, as.sez vive encore par intervalles.
La bouche est nu peu déviée à droite. Les pupilles d’un dia-
mètre normal, égales, nettes. Lieu coiUraeliles. Depuis quelque
temps la vue ml allaihlie du eolég.auche. L’ouie est assez hoiinc.
l.f’s mPiH lires sont nfleclés de ireiid,ileinpii(s font muels, sni innt
reuxdii loté gniulie; la malade ne peut se servir de ses mains
qu’en appuyanl ses avant-bras sur sa ceinture, ce qui leur donne
un point d’appui. C’est ainsi qu’elle parvient à tricoter et a
porter, mais avec beaucoup de peine, sacuillerà sa bouclie. Les
mouvements sont fjénéraleinent affaiblis, lourds et paresseux ,
mais surtout à gauche. Cependant la main gauclie peut serrer
un peu ; la malade fait quelques pas sans appui ; elle peut des-
cendre et monter un escalier assez cleve. Il y a parfois des mou-
vements involontaires dans les membres, surtout à gauclie. Elle
est un peu courbée.
Toute la surface du corps, les nicndjres, le tronc, la face sont
le siège de picotements tout à fait semblables à des piqûres
d’aiguilles, et qui empêchent souvent Picard dedormir de toute
la nuit. Elle éprouve encore souvent des douleurs vives dans les
deux épaules et des crampes douloureuses dans les membres :
c’est là son plus grand mal -, ces phénomènes sont presque aussi
prononcés à droite eju’à gauche. Il y a encore de l’engourdis-
sement dans les mains ; Picard est souvent obligée de les frotter
l’une contre l’autre. Elle n’a jamais remarqué de raideur dans
ses articulations.
La sensibilité est abolie dans tout le coté gauche du corps. La
malade ne sent pas quand on la pince. Une piqûre d’épin.gle
profonde est à peine perçue. A la face, au col , à la poitrine,
celte insensibilité s’arrête avec une précision remarquable .sur la
ligne médiane. Le nez sctdement ainsi que la langue est insen-
sible sur toute sa surface. On peut pas.ser le doigt sur la con-
jonctive gauche .sans qu’idle le sente à peine , loucher les cils
sans faire à peine mouvoir les paupières, f^a pituitaire est tout
à fait insensible au toucher à gauche. La sensibilité est conser-
vée partout à droite. Le côté droit de la face est le siège de dé-
mangeaisons trè.s-vivcs, bien qu’il n’y ait aucune rougeur.
Les mouvements de la langue ne paraissent pas sensiblement
gênés, si ce n’est pour la parole ; de temps en temps elle paraît se
refuser à ai liculer. La parole, toujours assez dilbcilc, est cepen-
dant assez distincte; elle est très-monotone.
L’intelligence paraît intacte. La malade rend parfaitement
compte de ses sensations. Elle trouve qu’il y a, depuis quelques
mois, une amelioration notable dans la motilité des membres
K A\IOI.T.TSSK^rP.^T CHP0NI01IF..(SYMPT.)
^anches ; mais il n’en est pas de même pour les antres fonr-
iions.
Cette observation, assez semblable, sous plusieurs rapports, à
la précédente, nousa permis, comme elle, de suivre la marche
du ramollissement pendant un temps assez long. Une des par-
ticularités les plus remarquables que nous a offerte cette étude,
a été de voir les symptômes, d’abord bornés à un côté du
corps, envahir au bout d’un certain temps le côté opposé. Cela
tient sans doute à ce que le ramollissement a également atteint
l’autre hémisphère. Je signalerai plusieurs autres points : l’in-
lluence de l’état de l’atmosphère sur la céphalalgie et les autres
troubles de la sen.sibilité ; ce léger retour des mouvements dans
le côté gauche, eu même temps que la maladie paraissait .s’é-
tendre au reste du corps, et au contraire, celte anesthésie deve-
nue si profonde et si bien limitée à une moitié du corps ; la con-
servation des facultés de l’intelligence, au milieu du trouble de
tant de fonctions. Enfin j’ajouterai que je ne doute pas qu’en
ville on n’eiit pu à l’aide d’un traitement rationnel et attentif,
amoindrir beaucoup, sinon arrêter, des accidents aussi lents et
graduels dans leur développement : mais il est habituellement
difficile d’obtenir des indigents, dans les hospices, de se soumet-
tre à des traitements, dont ils sentent souvent à peine le besoin et
dont ils ne comprennent presque jamais rutililé.
Observation 89. — Paralysie et contracture apparaissant grailuelie-
nient dans les quatre membres. — Ramoliissenient des lobes anté
rieurs des deux hémisphères.
La femme Membre,- âgée de soixante-seize ans , bien conser-
vée, active, et prise d’une céphalalgie violente, de douleurs, de
fourmillements dans la main gauche, dans l’avaut-bras du même
côté. Bientôt la jambe gauche devint le siège des mêmes symp-
tômes, puis la main droite et la jambe droite; mais la douleur
et les fourmillements ont toujours été plus prononcés du côté
gauche du corps que du côté opposé. Il y avait quelque temps
que ces symptômes avaient commencé à se montrer, lorsque
l’on observa celte feivime. Les traits de la face étaient fixes , la
langue embarrassée, déviée à droite. La sensibilité générale et
l’intelligence ne paraissaient pas troublées. Tl ynvaitalors, en ou-
PREMIJ'-I^E FOUATE.
343
tve, quehines troubles des fonctions dij^esUvcs. line applicalion
de sangsues au cou ne fut suivie d’aucun résultat ; la maladie
continua de faire des progrès. La douleur de tête, celles des mem-
bres devinrent plus vives ; il survint de la rétraction des mem-
bres abdominaux, ainsi que des crampes dans les mollets , les
cuisses et les hanches. Bientôt les deux jambes furent paralysées
complètement. Il y eut aussi un peu de contracture dans es
bras. La parole se perdit , la face devint livide. La contracture
des jambes fit toujours de nouveaux progrès , celle des bras
restant au même degré; la sensibilité devint de plus en plus
obtuse sans disparaître complètement; enfin la malade expira.
Autopsie. — La dure-mère est plus injectée que de coutume.
Il y a de l’infiltration entre l’arachnoïde et la pie-mère.
La partie antérieure des deux hémisphères est ramollie; mais
le ramollissement du côté droit du cerveau n’est pas borné à
la partie antérieure , il s’étend aussi en haut et un peu en ar-
rière. ‘
Les poumons n’olfrent aucune altération profonde. Le cœur-
est hypertrophié (1).
ÜBSERVAïiOîf 90. — Céphalalgie, paralysie graduelle du cote droit
du corps, — Ramollissement à la partie externe du corps strié gauche.
Un homme, Agé de trente ans , entra à l’hôpital Guy avec
une paralysie incomplète. Il se plaignait, depuis trois ou quatic
mois, de douleurs du côté gauche de la tête, sans vertiges. De-
puis un mois juste, il avait une céphalalgie violente qui 1 empê-
chait de travailler.
fl vint une faiblesse du côté droit ; les doigts perdirent gra-
duellement le pouvoir de saisir les petits, ïorps ; il potivail en-
core marcher et parler.
A son entrée à l’hôpital, il se tenait debout , mais sans pou-
voir marcher. Il avait perdu la parole la nuit précédente; il
(t) Pio.sUm, /oc. cû. XVlh oZi.sc/vo/io«. Il ii’y a aucune e.<;pèc(j dédale
dan.s celle oliservalion, de sorte qu’il e.sl iinpoïsihie de .savoir conihirn de
Icinps la maladie à dure, cl la hrièvêlè des (hîinils aiiatmvil(|ues ne nous
(•claire pas sur ce point. CependaiU j’ai cru ilevoir la ra|iporler ici, par ce
(pi’ollc olïrc mi nnxlèle de la l'uriue du r.iniolllsscmcul (juc iiou': éi edion.';,
<:HRO'irOl;E, (svHPT.)
..« pouvait . «,|,i, 1,
• ...a-, il a, t.cula.t à pcmo (|uelq„es monosyllabes. Il nessail-
a t souvent dans son sonnneil. Les pupilles étaient peu mobi-
si in P"' i P“‘'la faible, à 70 ; pileur. Pas de con-
stipation. (On avait applique des sangs., es , des ventouses , des
vesicatoires. Baser laide et U tenir fraîche ; i grains de calomel
par jour.)
Les jours suivants, pas de selles. {Calomel et coloquinte,
I •) grains.) '
^ Quelques jours après, une oppression qui rxislait auparavant
.s accrut ; la main droite devint presque complètement immo-
iMle; il biullait souvent , s’assoupit (pouls à 96). {Fentouses au
cou.)
Après une légère amélioration , il tomba dans un sommeil
profond, avec stertor, de légers mouvements convulsifs des bras,
surtout du bras gauche ; lorsqu’on les touchait, ils se contrac-
taient comme par une secousse électrique. Après beaucoup d’ex-
citation, on lui faisait ouvrir les yeux, mais non tirer la langue.
Pouls a 60. Les symptômes augmentèrent, les convulsions sur-
tout, et il mourut quatorze jours après son entrée.
.Autopsie. Point d’injection des méninges. Un peu de sé-
rosité dans la pie-mère. En enlevant celle ci, on enlevait la sub-
stance grise ramollie , surtout à la partie antérieure de l’hémi-
sphère gauche. Injection de la substance médullaire, qui la
rendait comme maibrée. Ramollissement à la partie externe
rlu corps strié, blanc, ayant le volume d’un petit œuf, et occu-
pant une partie de ce corps. Il s’étendait jusqu’à la scissure de
Sylvius, où il y avait un peu de coloration rouge. Artères très-in-
durées et cartilagineuses, surtout de ce côté fl).
Obseiu'atioa' ()i. — Alîuihlisscmcnt graduel des facullcs. Désorgani-
sation du corps strié droit.
Un homme, âgé de quarante ans, athlétique, entra à riiôpllal
(*iiy, le 2l janvier l829; il ))ortaildes iraccsd’anciennes blessures
à la tête. Il y avait une faiblesse générale du mouvement et de
l’intelligence, avec strabisme et double vision; la faiblesse était
plus prononcée à gauche, la démarche irrégulière, comme celle
(I) Rriglit, medical reporlSj rase J.WXlV '''• .
TRFAnÈRIÎ FORME.
,r„n l.oin.nR Ivre, h face non paralysée; les urines invoion-
Laires, quelquefois meme les fèces, depuis six semaines. Les ré-
ponses étaient assez nettes, mais suivies de paroles tout a fait
iiicohéi-eiites; il s’imaginait les clioses les plus étranges. On ra-
conta que, depuis un an, il lui arrivait parfois de tomber tout à
coup, comme par «n étourdissement subit et passager. La fai-
blesse des membres et de rintelligence était survenue peu à peu.
Il se plaignait habituellement de maux de tête et de vertiges.
Les jours qui suivirent son entrée , la faiblesse et 1 hébétude
augmentèrent. {Sangsues, -vésicatoires, hfdrarg., sulfate de
zinc.)
Les mois suivants, peu de changements. On employa la a-aZé-
rinne, puis la noix 'voiiiicjue, sans grand ellet; il en fut de meme
de Y électricité.
Le 8 juillet, il sembla plus hébété qu'à l’ordinaire. {Fentouses
entre le.-! épaules.) Il s’allàiblit dès lors peu à peu, cessa de pou-
voir quitter le lit et se soutenir sur scs jambes. La déglutition
devint fort difficile; U se plaignait de souffrir dans les jambes.
La mort survint le 23 juillet.
Autopsie. — Adhérences entre les deux feuillets de l’arach-
noïde, surtout à droite, où l’on enlève avec la dure-mère, non
seulement toutes les méninges, mais encore la substance grise
qui les suit. Injection normale de la pie-mère. Sérosité épanchée
entre les circonvolutions. Une once de sérosité dans les ventri-
cules latéraux. Sérosité entre les lames du septnni.
Le corps strié droit était un peu aplati, jaunâtre, mou ; à l’ex-
térieur, il était entièrement détruit et avait une apparence fila-
mentons, et était infiltré d’une sérosité brunâtre. (1).
Bien que nous n’ayons point de renseignements sur la ma-
nière dont la maladie s’est développée, dans l’observation sui-
vante, je la place ici, parce qu’elle a offert dos circonstances trop
particulières pour la passer sous silence.
Onsi.nvA.TioN gi. — Ân’aiblisseiucnt des facultés. Altération singu-
lière du langage. Point de lésion a|)préciahlo des inouveiuents. — Ra
mollissemcnt énorme de la partie externe et postérieure de 1 lu’-mi-
splicrc gauclie.
(t) P.riglil, Inr, cit,, case T.XXXV p. 83.
RAMOLLISSHMKNT chroniouk (syatpt.)
Pleine Jnliii esi entrée à la Salpêtrière, le 20 janvier 1837,
tians letat que nous allons décrire; ou ti’a aucune espèce de
renseignemenis sur ses antécédents.
Celte feinnie, âgée de soixante-seize ans, petite, maigre, sem-
blait vivre tout eu elle-même, sans s’occuper jamais de ce qui se
passait autour d’elle . passant des journées entières assise ou
couchée, sans parler ni changer de place. Sa figure, non déviée,
toujours sérieuse, exprimait un certain degré d’hébétude. Elle
ne paraissait pas avoir beaucoup de peine à prononcer les mots,
et les mouvements de la langue semblaient assez libres. Mais
son langage présentait une particularité fort bizarre : lorsqu’elle
répondait à une question, elle commençait bien , mais, à peine
avait elle prononcé quelques mots, souvent une phra.se, elle di-
sait par le cominandement. Ces mots lui revenaient inévitable-
ment à la bouche, dès qu’elle voulait parler. Ainsi elle disait :
j ai bien dormi par le coinmandemenl ; ou : je voudrais manger
de la. par le commandement Elle ne semblait pas, du reste,
s’en apercevoir, et ne paraissait en éprouver aucune contrariété ;
cependant, quand une fois elle avait prononcé ce mot de com-
mandement, elle le répétait irrésistiblement , sans pouvoir aller
plus loin. On n’a jamais su l’origine de cette singularité , et il
était inutile de le demander à sa faible intelligence.
Pendant les deux années que celte femme a pas.sées à la Sal-
pêtrière, elle n’a présenté aucune modification appréciable dans
son état.
Le mouvement paraissait intact , faible seulement , mais
également des deux côtés. Cette femme, jusqu’aux derniei-s jours
de sa vie, se levait et s’habillait elle-même, marchait sans canne
et d’une manière assez égale.
Elle .se plaignait souvent de la tête; de temps en temps , la
face se colorait beaucoup , et elle tombait dans un alfaissement
plus profond , dont on la faisait sortir avec peine. Des émi.ssions
sanguines ou des dérivatifs la ramenaient assez promptement à
son état naturel. On m’a assuré qu’elle éprouvait , de temps à
autre, des altacjues épileptiformes, avec perte de connaissance,
mouvements convulsifs, écume à la bouche, évacuations invo-
lontaires; mais je n’ai jamais a.ssisté à de semblables accidents.
Je l’ai seulement vue venir à l’infirmerie, à plusieurs reprises.
PREMlklUi FORME. ‘
avec les symptômes île con,o,esüon cérébrale dont je parlais loin
à l’heure. „ - -
A la fm de 1838, elle était tombée dans un étal d’Iiébeludo
assez complet ; elle gâtait ; cependant elle s’habillait encore seule,
mangeait elle-même, se servait de ses deux mains et répétait
toujours le commandement. Le 11 février 1839 , elle tomba
dans un coma profond, et mourut le lendemain.
Autopsie. — La cavité de l’araclinoïde contient un peu plus
de sérosité qu’il Ji’est ordinaire. La pie-mère offre une injection
normale, avec peu de sérosité ; ses vaisseaux, surtout ceux de la
base, sont ossifiés ou couverts de plaques blanches , denses et
opaques.
Toute la partie externe du lobe postérieur gauche et de la
moitié postérieure du lobe moyen offre une dépression pio-
fonde; la pie-mère, à ce niveau, n’est ni plus injectee ni plus
épaisse qu’ailleurs; mais lorsqu’on l’enleve, on la trouve dou-
blée, à sa face profonde, d’une couche épaisse d’un tissu cellu-
leux, blanchâtre, tomenteux , envoyant de nombreux prolon-
gements dans la profondeur de l’hemisphere. Celui-ci , dans
tout le lobe postérieur et une grande partie du lobe moyen, est
converti en un réseau de brides celluleuses , molles , très-la-
ches, blanchâtres , avec un reflet jaunâtre moins prononce pro-
fondément qu’à la superficie, entrecroisées en tous sens ; les in-
tervalles , assez larges , qui séparent ce tissu fort raréfié , sont
remplis par un liquide blanchâtre, trouble, comme grumeleux.
Cette vaste altération est , en outre, parcourue par un assez
grand nombre de vaisseaux injectés, sinueux, assez volumi-
neux.
L’infiltration celluleuse s’étend jusqu’à la membrane ventri-
culaire, dans toute l’extrémité postérieure du ventricule,; celle
membrane est doublée par une couche lormée de plaques car-
tilagineuses, dures , blanches, d’un demi-millimètre d’épais-
seur, et qui lui donnent, du côté du ventricule, l’aspect rugueux
et inégal de certaines aortes.
Le ramollissement n’est pas nettement limité dans la sub-
.stance médullaire ; il l’est davantage à la superficie; les circon-
volutions qui ^environnent présentent une couclie jaune d’ocre,
membraniforme, un peu mollasse (platjues jaunes), dans une
étendue de .3 ou d millimètres, puis deviennent saines.
- >M...,.,ssi.-vrR^T THROviour. (sYArpT.)
Ou trouve au (levant d,. corps siru- gauche une peliic exra-
val.on, |rcs-].\gèreiuent jaunâtre, pisilonne, sans fausse inem-
biane; dans le corps strié droit, «ne petite cavité semblable
tloutles parois plus lisses sont parcourues de petits vaisseaux.
li-es-peu de sérosité dans les ventricules latéraux. Kien à
noter du reste.
Pneumonie au premier degré du coté droit.
Le cœur , plein de sang demi-liquide, présente au pourtour
de loriHce aunculo - veutriculaire gauche un cercle osseux
presque complet, avec racoiiiisscunent et sans doute insuffisance
des valvules , sans rétrécissement apparent. A part cela le
cœur paraît tout à fait sain. ’
Plaques osseuses et cartilagineuses , larges et nombreuses, à
la face interne de l’aorte.
§ II. Deuxième foiiiic du rainollissement chronique. — Raniollisseinenl débu-
tant subitement. (Début apopiectilbrine. )
Lorsque le ramollissement suit la marche que nous avons
décrite dans le chapitre précédent, il semble souvent qu’il soit,
si je puis m’exprimer ainsi, chronique dès le principe; c’est-à-
dire que ses progrès lents et graduels se confondent avec les
prodromes ou les phénomènes qui ont pu précéder son déve-
loppement, et il est alors impossible d’y .s.iisir une période
d’acuit(’;.
il n’en est plus de même dans la forme que nous étudions
maintenant : ici les deux périodes du ramollissement sont
bien nettement tranchées, période aigue et période chronique.
Nous n’avons pas à nous occuper actuellement des phéno-
mènes qui se pas.sent à l’époque du début lui-même ; nous les
avons sulûsamment étiuliés au chapitie du ramollissement
aigu. Je renverrai également aux chapitres de l’appréciation
des symptômes et du diagnostic du raniollis.sement aigu, où j-’ai
étudié les relations c]ui peuvent êtie saisies entre les lésions
anatomiques qui constituent ou accom])agneut le ramollisse-
ment, et les synqitômes soit primitils , soit secondaires delà
maladie. Je vais seulement essayer de faire connaître ce qui se
passe à une époque plus avancée, alors que le l'amollissement
est décidément passé à l’état chronique, de donner une idée de
;jio
J’aspect sous lequel se présentent les individus aiîeclés d’uni a-
mollisseinciit dont le début a été subit, apoplectifonne.
Ici encore l’on peut observer les nuances les plus variées,
les phénomènes les plus diflérents. Prenez en nflét tous les
symptômes dont la réunion forme en général le tableau delà
maladie à son début, et vous verrez que presque tous peuvent
indifïéremment ou persister ou disparaître, ou subir telles ou
telles modifications.
Un fait bien curieux et bien important à connaître, c’est que,
tandis que dans la forme précédente , les accidents suivent en
général une marche successivement croissante, depuis le début
jusqu’à la fin; dans la forme que nous étudions maintenant,
on voit, au contraire, les accidents suivre , après le début, une
marche tout opposée , c’est-à-dire graduellement décroissante.
On regarde généralement la première marche comme carac-
téristique du ramollissement, et celte observation est parfaite-
ment juste. Mais on considère la seconde comme propre à
riiémorrhagic. à tort , en ce sens, au moins, qu’elle appartient
également au ramollissement. Si l’on y réfléchit, on verra
du reste qu’il n’en saurait être autrement : car si à la suite de
ces attaques apoplectiformes intenses, par lesquelles commence
si souvent le ramollissement , les accidents ne diminuaient
pas, la mort surviendrait infailliblement. La première condi-
tion pour que, dans les cas de ce genre, le ramollissement puisse
passer à l’état chronique, c’est la diminution des symptômes;
celte diminution s’opère nécessairement peu à peu , et l’on a
alors la marche de l’hémorrhagie.
Dans certains cas , toutes les fonctions frappées au début de
la maladie se ressentent indéfiniment des atteintes qu’elles ont
subies ; ainsi les membres restent paralysés , le retour de la
connaissance ne fait retrouver que des facultés plus ou moins
profondément altérées, la parole demeure embarrassée ou
même tout à fait impos.sible, les excrétions continuent de se
faire involontairement , enfin le malade végète misérablement
sans que la plupart du temps sa vie se prolonge beaucoup, bien
qti’il ne soit pas impossible de vivie encore plusieurs années
dans un état de dégradation aussi profonde.
Dans un giand nombre de cas , l’intelligence , la parole re-
viennent plus ou moins complètement , mais la paralysie per-
.360
KAMOLLlSSE.MliJNT CHUONlQUJi. (SYAIPT.)
sisle , au moins dans un membre , et rarement sans avoir sul)i
quelque diminution. On croit alors avoir affaire à un foyer
hémorrhagique. On le croira bien plus encore lorsque l’on
verra, au bout d’un certain temps, à la résolution simple du dé-
but , succéder la contracture du membre paralysé. On dira
alors qu’à l’hémorrhagie s’est joint un ramollissement consé-
cutü. Il est difficile en effet, dans les cas de ce genre, d’éviter
l’erreur. Nous pouvons affirmer Cependant qu’ils sont loin
d’être rares, et nous en citerons où il est incontestable qu’au-
cun foyer hémorrhagique n’a pu exister à aucune époque. Re-
marquons du reste que ce sont les faits de ce genre qui font
tous les jours attribuer à des foyers hémorrhagiques , des lé-
sions qui appartiennent uniquement et certainement au ra-
mollissement.
Les facultés de l’intelligence et des sens sont celles qui re-
paraissent le plus vite et le plus complètement , lorsque les ac-
cidents du début tendent à se dissiper. Il faut bien s’attendre
cependant que la mémoire ne reprendra pas habituellement
toute sa netteté, que le jugement , le caractère ne seront pas
toujours ce qu’ils étaient auparavant.
Il est rare que la parole demeure à jamais abolie ; mais il
est plus rare encore , peut-être , qu’elle reprenne entièrement
son caractère naturel. Lors même qu’elle n’est plus gênée, elle
conserve toujours cette monotonie que j’ai déjà plusieurs fois
indiquée, et qui est un signe si caractéristique d’une lésion du
cerveau et surtout d’un ramollissement.
La contracture des membres paralysés peut se montrer dans
les trois circonstances suivantes. Tantôt elle existe dès le début
et persiste jusqu’à la fin; tantôt après avoir existé au commen-
cement, elle disparaît au bout d’un certain temps ; tantôt en-
fin elle vient à se montrer à une époque plus ou moins éloi-
gnée du début , sans avoir paru de toute la première période
de la maladie.
I)e toutes les fonctions lésées au début , le mouvement est
celle qui conserve le plus inévitablement des traces de l’attaque ;
cependant il arrive souvent que le malade reprenne l’usage de
ses membres, au moins en partie, et peut-être même que tout
affaÜdisscmenl disj)araisse. .le n’ai rien à ajouter de particulier
aux détails tlans lesquels je suis entré ])réeédcinmenl, lelaliAe-
uEu xiiîMi;; rou mü .
.'151
ment aux troubles divers de la sensibilité ; ils peuvent tous se
montrer , soit dès le début, soit à une époque plus avancée,
avec toutes les variétés que j*ai indiquées ; douleuis, engourdis-
sements , fourmillements des membres, céphalalgie. Je ferai
seulement remarquer que lorsque le mouvement doit reparaître
dans des membres paralysés , son retour e.st presque constam-
ment annoncé et accompagné par des fourmillementsprononcés,
quelquefois même douloureux.
L’existence de ces douleurs, fourmillements, etc., est lort
importante pour le diagnostic : elle annonce toujours un ra-
mollissement, à moins que ces phénomènes ne soient très-peu
prononcés. Lorsque le malade les accuse dès le début, ou au
moins dès qu’il a recouvré sa connaissance, on doit penser que
l’on n’a affaire qu’à unramollissement^ mais lorsqu’ils ne se mon-
trent que consécutivcnient, ils peuvent très-bien tenir au déve-
loppement d’un ramollissement à l’entour d’un foyer hémor-
rhagique.
Cette forme du ramollissement paraît être la plus fréquente:
on se rappelle en effet que précédemment nous avons trouve
que sur 138 cas de ramollissement où la maladie avait été sui-
vie dès son principe, 80 avaient offert un début apoplectiforme,
58 avaient suivi à celte époque une marche différente. Il nous a
paru résulter également de l’examen de ces faits, que la pre-
mière forme était surtout commune à un âge avancé (1). Nous
ajouterons que dans un grand nombre de faits , appartenant à
nous ou à d’autres, et dont les détails n’étaient pas du reste
assez explicites pour pouvoir les faire entrer dans ce relevé,
nous avons trouvé mentionnées des attaques d’apoplexie qui ,
sans aucun doute, avaient, dans mainte occasion, joué un rôle
important clans leur début.
Observation g3. — Hémiplégie gauche subite sans raideur. Six se-
maines après, douleurs et raideur dans les membres paralysés. Mort au
bout de six mois. — Double infdtration celluleuse de la convexité de
l’hémisphère droit.
La nommée Lemoine, âgée de 87 ans, était depuis longtemps
(I ) l^oycz di. 111, url. ii, § 2.
r.A.-\LOLL!SSi;MLi\T UlUOiNK^L'E. ( SVAU’T.)
à rinfirmerie de la Salpétrière, pour une afieclioii du cœur. Je
Ja vis pour la première fois au mois d’avril 1838. Elle était con-
tinuellement en proie à une oppression très-vive et qui lui cau-
sait des angoisses exlrémes ; elle passait les nuits assise dans un
fauteuil, pre.sque entièrement privée de sommeil ; les extrémités
inférieures étaient enflées, la face pale, altérée, la respiralioni
très-frécjuente , les accès de dyspnée souvent répétés et d’une*
grande intensité. La région du cœur présentait une matité
étendue 5 ses battements étaient irréguliers , tumultueux, très-
forts, accompagnés au premier temps d’un bruit de souille.
Les antispasmodiques sous toutes les formes, la digitale, les,
sinapismes... ne la soulageaient point. On pensait qu’elle suc-
comberait bientôt à la dyspnée toujours croissante. Elle parais-
sait avoir toutes ses facultés à peu près intactes , et l’attention
ne s’était jamais portée du côté du cerveau.
Le 12 mai, elle fut prise tout à coup, le malin, d’une attaque
apoplectiforme ; je la trouvai une demi-beure après dans l’état
suivant:
La face est morne et sans expression, les paupières ouvertes,
les veux fortement tournés à droite et en haut: la bouche aussi
•/ ^
tiès-forlement déviée à droite; il s’en écoule un peu de salive
écumeuse. Elle n’est pas sans connaissance, mais les facultés
de l’intelligence paraissent très-obtuses : cependant elle pousse
des gémissements et essaye de prononcer quelques mots.
Il y a une bémiplégie gauche complète du sentiment et du
mouvement, sans aucune raideur. Le bras droit s’agite vive-
ment. La respiration est fréquente, le pouls irrégulier comme à
l’ordinaire, et sans aucun changement appréciable dans sa
forme ni sa fréquence. (Saignée, sinapismes.) Le soir, le pouls
était plus fréquent, la malade parlait, mais peu distinctement.
l^c mouvement ne se rétablit pas du côté gauche; la parole
demeura toujours un peu gênée; les yeux reprirent leur posi-
tion normale, la sensibilité reparut presqu’entièrement. A par-
tir du jour de l’attaque, la malade cessa de se plaindre d’étouf-
fer ; les palpitations se calmèrent, le bruit de souille disparut, le
pouls devint moins irrégulier.
A peu près six semaines apres, Lemoine commença à se plain-
dre de douleurs aiguës dans l’épaule gauche et dans la main.
Peu à peu le coude devint raide, le bras se plia au-devant de la
UEUXUi-Mü FOUJIE.
363
pohrint;, et il devint impossible de le ineltie dans l’extension ;
la luidenr des doigts était moins forte. Le membre inférieur se
flédiit à demi, mais ne fut jamais aussi raide que le supérieur.
Les douleurs, que la malade rapportait surtout à l’épaule, du-
rèrent jusqu’à la mort; elles étaient incessantes et quelquefois
assez vives pour arracher des cris. Tous les efforts c]uc l’on fai-
sait pour mouvoir quelqu’une des articulations de ce côté
étaient fort douloureux. Lorsqu’on pinçait la peau, le bras se
rctiraitun peu, les doigts demeuraient toujours parfaitement im-
mobiles. La jambe, bien que raide, était encore assez mobile, et
sa sensibilité presque intacte.
L’intelligence s’affaiblit; elle pleurnichait souvent sans cause.
Cependant elle conserva toujours la conscience de son état et de
toutes les choses qui se passaient autour d’elle. Les évacuations
furent toujours involontaires depuis l’attaque.
Vers la lin du mois de septembre , une eschare se forma au
siège; Lemoine tomba dans une grande prostration- A cette
époque le pouls était tout à fait régulier. L’eschare lit des pro-
grès rapides; bientôt la fièvre s’alluma, la langue se sécha, la
peau devint brûlante, les douleurs des membres paralysés ex-
trêmement vives, puis Lemoine tomba dans l’assoupissement et
la mort arriva le 6 octobre.
j4iitopsic. La cavité de 1 arachnoïde contient une très-
grande quantité de sérosité un peu trouble. Beaucoup de séro-
sité dans la pie-mère et plus à droite qu’à gauche.
A la partie externe et supérieure des lobes moyen et posté-
iieui de lhemispheie dioit, on voit un vaste ramollissemeut
de plus de 6 centimètres carrés en tous sens, ayant réduit les
circonvolutions en une substance mollasse , jaune et dans quel-
ques points verdâtre, informe, et à laquelle la pie-mère. adhère
intimement. Au-dessous, la substance médullaire est, dans une
assez grande profondeur, transformée en une pulpe très-molle,
blanchâtre, grumeleuse, infiltrée d’une grande quantité de lait
de chaux. A la partie externe du lobe antérieur , on trouve un
ramollissement tout semblable au précédent, mais beaucoup
moins étendu, sans aucune communication avec lui.
Le corps strié est affaissé, du côté du ventricule, et trans-
formé en une cavité à parois Uès-légèrement jaunâtres, sans fausse
23
354
nAMOLLlSSJiMEHT CIHIOHIQUE. (SYMPT.)
membrane, et pleine de lait de chaux. Dans le corps strié gau-
che, cicatrice jaunâtre, assez large.
Les poumons ne présentent rien de remarquable. Le cœur
est très-volumineux, couvert de légers nuages blanchâtres. Le
ventricule gauche a ses parois extrêmement épaissies, et sa
cavité un peu élargie. Ses orifices sont paifaitcment sains.
L’aorte est dans toute son étendue parsemée de plaques os-
seuses et athéromateuses.
Si jamais la marche d’un ramollissement a simulé celle d’une
hémorrhagie, c’est bien dans ce cas. Invasion subite sans pro-
dromes, au moins appréciables, sous l’influence apparente
d’une hypertrophie du cœur; diminution graduelle des acci-
dents primitifs; hémiplégie simple d’abord , puis développe-
ment consécutif d’une contracture sans eesSe croissante , de
douleurs vives dans les membres paralysés. Ne trouvions-nous
pas là, aussi bien caractérisés que possible, les symptômes
d’une hémorrhagie cérébrale , puis d’un ramollissement con-
sécutif , développé , comme il arrive souvent , à l’entour du
foyer sanguin ? Cependant l’absence de toute cavité, de toute
trace de sang au sein du ramollissement, montre avec assu-
rance qu’il n’y a jamais eu là d’hémorrhagie.
Pourquoi , chez cette femme , la contracture s’est-elle ainsi
montrée consécutivement à la résolution simple? Il y avait
deux ramollissements distincts dans le même hémisphère. La
contracture ‘aura-t-elle été le résultat du second ramollisse-
ment, qui se serait formé lentement, au lieu de la production
rapide du premier, et cette différence dans leur mode d’origine
ne pourrait-elle pas rendre compte de cette différence dans les
symptômes ? Ne serait-ce pas plutôt que la contracture se se-
rait développée lorsque la compression qui accompagne si
souvent la période aiguë du ramollissement des circonvolu-
tions se serait dissipée? Il est des symptômes à l’apparition
desquels la compression du cerveau peut faire obstacle.
Un des ])oints les plus intéressants de cette observation,
c’est le changement qui s’est opéré du côté du cœur. Il n’y a
pas eu seulciueul diminution de quelques symptômes, comme
deuxième eobme. 366
dyspnée, palpitations..., mais disparition complète du bruit
de souffle, et incomplète de rirrégularité du pouls. Il est vrai
qu’il n’y avait pas dans le cœur d’obstacle mécanique au
cours du sang ; cependant le développement rapide d une lé-
sion cérébrale grave peut exercer une action bien remarquable
sur les altérations organiques les mieux prononcées. M. Du-
parcque rapporte « qu’une femme agee portait depuis une
trentaine d’années un cancer au sein gauclie ; ce cancer était
énorme, d’un aspect hideux , d’une extrême fétidité Un
jour cette femme, qui se plaignait de vertiges et de pesanteui
de tête depuis quelque temps , eut une attaque d apoplexie ,
perte dé connaissance, hémiplégie gauche complète. Lapaia-
lysie diminua graduellement. Un mois apres l attaque, le can-
cer avait complètement disparu. Plus de gonflement squii -
rheux, plus de plaie, plus de suintement d’aucune espèce. La
peau s’était rapprochée de la circonférence au centre, et avait
formé une cicatrice sans perte apparente de substance , mais
plissée comme la cicatrice qui reste après l’amputation d un
sein cancéré. » Il semblait que la malade eut ete operee. Plus
tard, la paralysie ayant presque entièrement disparu, l’affec-
tioncancéreuse du sein récidiva et redevint progressivement
ce quelle était auparavant (1).
Observation 94. — Hémiplégie gauche subite j contracture six se-
maines après. Mort au bout de six mois. — Ramollissement pulpeux
et plaques jaunes de l’hémisphère droit.
Une femme de 65 ans a été prise , au mois de janvier 1838,
d’une attaque apoplecliforme. Il y a eu perte de connaissance,
hémiplégie gauche complète, sans raideur. Plus tard la malade
assura que son attaque n’avait été précédée d’aucun prodrome
récent ou éloigné. Il paraîtrait seulement qu’au moment de l’at-
taque, elle aurait éprouvé une vive douleur dans les muscles. La
connaissance, l’intelligence et la parole se rétablirent. L’hémi-
plégie demeura toujours complète. Seulement, six semaines
après l’attacjue, à peu près, il survint de la contracture dans les
membres paralysés, et il s’y joignit des signes de congestion cé-
1) lJiq>ûrct[ut', Mahulifn de la iiiaUicr, 5ü“étlil., 1. 1, p. -88.
HA.UOLUSSliHlLM’ CHUüMQUE. (sVMPX.)
rébrale. Il lallut pratiquer des saigiiees locales et générales. La
malade s’élcignit lentement et succomba le 9 juin. Un mois
auparavant , on avait constaté de la matité dans le côté gaudic
de la poitrine.
Autopsie. — La cavité de l’arachnoïde contient quelques cuil-
erées d’une sérosité trouble et grisâtre.
L’hémisphère droit du cerveau présente un volume beau-
coup {dus petit que l’autre, ce qui est dû à la destruction de
toute sa partie externe. Les circonvolutions de cette région, dans
presque toute la longueur de rbéinisphère, sont à peu près dé-
truites, remplacées par une couche mince, d’urr jaune vif, très-
molle, sans forme distincte. La substance blanche au-dessous est
très- molle, presqu’en bouillie dans toute la moitié externe de
riiémisplière, et présente dans quelques points une couleur gri-
sâtre, dans d’autres une teinte blanche éclatante. Le corps strié
de ce côté est’d’un très-petit volume, jaunâtre à rextérieur, d’un
gris sale au-dedans.
Les ventricules sont très dilatés, surtout le droit, et contien-
nent un liquide trouble et grisâtre. Tout le reste de l’encé-
phale est sain.
Hépatisation de tout le poumon gauche.
Cette observation présente absolument la môme marche que
la précédente ; les memes réflexions y sont par conséquent ap-
plicables. Nous en dirons autant de l’observation suivante.
Obsekvation g5. — Hcîr.iplégie gauche suivie de contracture. Mort
deux mois après, d’une gangrène du poumon.— Iiililtratioii celluleuse
du lobe postérieur droit, dans une petite étendue.
Une vieille femme mourut à la lin du mois d’octobre 1840 ,
au numéro G de la salle St-Luc, dans le service de M. bouvier.
Cette femme avait été prise, deux mois auj)aravaut, d’une atta-
que apoplectiforme à la suite de laquelle elle était demeurée
hémiplégique du côté gauche. Au bout de quelque temps, la ré-
solution avait fait place à la contracture. Les excrétions se fai-
saient involontairement. La mort arriva par- suite d’une gan-
giènc puluionaire. Ces rensciguements me lurent donnés par
nKiTyriiME fop.mk.
M. Bouvier et M. Fiaux , interne du service : ces messieurs
avaient été pardenlièrement frappés de la succession de la ré-
solution et de la contracture , et avaient diLignosticpié une hé-
morrhagie suivie d’un ramollissement.
Autopsie. — La pie-mère contient une assez grande quantité
de sérosité limpide. Les artères de la base ont, dans une grande
étendue, leurs parois blanchâtres et épaissies.
La substance corticale des hémisphères du cerveau est un peu
pâle , mais la substance médullaire est assez vivement injectée.
A rexlréinité du lobe postérieur dx'oit, tout à la pointe de l’hé-
misphère , on trouve une circonvolution détruite dans un es-
pace grand comme une pièce de vingt sous- à la place de la sub-
stance corticale, est un tissu celluleux, jaunâtre, adhérent à la
pie-mère et faisant un peu saillie à la surface du cerveau. Ce
tissu celluleux d’où s’écoule, lorsqu’on détache la pie-mère, un
liquide peu épais, point transparent, à peine colore en gris jau-
nâtre, est formé de filaments déliés, d’un blanc jaunâtre, entre-
croisés en tous sens, infiltrés de lait de chaux, et remplit une
petite cavité creusée dans l’épaisseur du cerveau. Cette cavité,
qui contiendrait une noisette, a des parois assez lisses , non ta-
pissées par une membrane, mais par une couche de tissu cellu-
laire condensé , à laquelle viennent comme s’attacher ces fila-
ments celluleux. La substance cérébrale environnante est tout
à fait saine. Ses parois sont assez fermes, d’une teinte très-légè-
rement jaunâtre dans une petite épaisseur ; mais cette teinte
n’est un peu prononcée qu'au niveau de la couche corticale de.s
circonvolutions, qui se trouvent très-nettement coupées. Le voi-
sinage de cette altération n’est pas plus injecté que le reste du
cerveau.
Bien à noter dans le reste de l’encéphale. Gangrène de tout
le lobe supérieur de l’un des poumons.
Dans ce cas comme dans les précédents, la marche des symp-
tômes avait fait diagnostiquer une hémorrhagie suivie d’nn ra-
mollissenienl. Oo n’a trouvé à l’autopsie qu’un ramoHissemem
à l’état d’infiltration celluleuse, .le sais que la forme sous la-
qiiellc s’est présentée celle altération l’eût fait attribuer par
quelques personnes à un foyer hémorrhagique ; mais je nedoate
358
rAmot.lissemîînt chronique, (sympt.)
pas qu’elles ne se fussent trompées. Ce n’est pas d’ailleurs en
deux mois qu’un foyer hémorrhagique eût pu subir une trans-
formation semblable , sans conserver aucun indice du sang
épanché, et si une hémorrhagie s’était faite en ce lieu, le sang
se serait, de toute nécessité, répandu au-dehors du cerveau. J’a-
jouterai que je ne pense pas qu’un foyer hémorrhagique simple
puisse déterminer consécutivement de la contracture, à moins
qu’il ne survienne de l’inflammation à l’intérieur de sa cavité
ou du ramollissement à l’entour de lui. ;
J’engage le lecteur à étudier, aux observations 113 et 114,
ces deux cavités béantes à la surface du cerveau, que, pour des
raisons que nous avons développées avec soin, nous avons
cru pouvoir rapporter à des ramollissements et à des ramollis-
sements guéris. Que l’on prenne celle qui vient d’être décrite et
dont l'origine est encore moins douteuse; que l’on suppose enlevé
par absorption ce lacis celluleux et frêle qui la remplissait, et
l’on aura une cavité toute semblable, béante à la surface du cer-
veau, bienarrêtée sur ses bords, tapissée par une couche de tissu
cellulaire condensé, à peine jaunâtre, environnée de substance
cérébrale saine...
Quelques jours avant cette autopsie, j’avais examiné avec le
même médecin une altération, sur l’origine de laquelle nous
n’étions pas demeurés d’accord.
Une femme était venue dans le service de M. Bouvier, por-
tant une hémiplégie complète, accompagnée de coutracluro, à
droite. Cette femme, dont l’intelligence était parfaitement con-
scrve'e, avait dit avec beaucoup de précision que son hémiplé-
gie s’était formée tout à coup, neuf mois auparavant, que, sans
raideur dans le commencement, elle s’était plus tard accompa-
gnée de contracture. Cette femme était morte en quelques jours,
d’une pneumonie.
Nous trouvâmes le corps strié gauche creusé d’une cavité du
volume d’une grosse noix, empiétant un peu sur la couche op-
tique. Du côté du ventricule , elle était limitée dans une cer-
taine étendue par la membrane ventriculaire transparenîe, bien
qu’un peu épaissie, légèrement opaque seulement sur quelques
points. Inférieurement, cette cavité n’était séparée de la super-
licie du cerveau que par une couclie mince de substancè cere-
luale. Mlle ne cnnlenait point de tissu cellulaire , mais un li-
deuxième forme.
quide grisâtre , trouble, mêlé de petits grains blancs , lait de
chaux. Ses parois étaient tapissées par des fibres celluleuses ,
entrecroisées, fines, qu’on soulevait et qu’on développait un
peu, à l’aide d’une pince ; ces fibres , au lieu d être tendues
d’unedes parois à l’autre, étaient couebées sur ces parois. Celles-
ci étaient fermes , dures même dans quelques points , molles
nulle part, à peine colorées en jaune, si ce n’est dans la couche
optique, qui présentait, dans un espace grand comme un noyau
de cerise, une couleur d’ocre jaune fonce, avec un peu d indu-
ration de son tissu, sans trace de cavité ni de cicatrice.
Je me fondais , pour soutenir que cette cavité résultait d’un
ramollissement et non pas d’une hémorrhagie , sur ce qu’un
épanchement de sang aussi considérable n’eût pu disparaître en
neuf mois sans laisser aucune trace de sa presence, pas meme de
coloration jaune (car celle de la couche optique tenait a une in-
filtration sanguine distincte), sur l’absence de toute fausse mem-
brane, et sur la présence de ces fibres celluleuses entrecroisées
des parois, dont on ne comprendrait guère la disposition dans
l’hypolbèse d’un foyer hémorrhagique. Quant aux symptômes
dont on invoquait surtout la marche, pour appuyer cette hypo-
thèse, les observations précédentes nous ont suffisamment éclai-
rés sur leur valeur.
Obskrvation 96. — Hémiplégie droite complète, sans raideur. Con-
servation du sentiment. Altération de l’-intelligcnce. Mort danslemême
état au bout de soixante-lmit jours. — Ramollissement pulpeux du
corps strié et de la partie moyenne de riiémisplière gauche ; infdtra-
tion celluleuse et plaques jaunes du lobule du corps strié.
La nommée Cochu, âgée de 72 ans, est une femme d’un em-
bonpoint considérable; elle est d’un naturel apathicjue ; cepen-
dant il ne paraît pas y avoir d’altération notable de ses facultés;
elle travaille beaucoup à l’aiguille.
Il y a un an, elle a eu une attaque avec perte de connaissance,
(jui ne lui a laissé aucune trace de paralysie, de gêne de la lan-
gue... Une semblable atlacpie a eu lieti au mois d’août der-
nier.
Depuis deux jours, elle se jilaignaiide niau\ de tête, lorsque
tout à coup , hier soir à minuit, (dl(‘ perdit la parole; on ne
A:\roT.T. issj'Air.NT CFinoNiQrrr, (sa'mpt.)
peuL savoir s’il y eut alors, passagèrement, perle complète <lc
connaissance. Il paraît qu’on fut averti Je cette attaque par des
plaintes assez vives.
L’élèveide garde, M. Duméril, qui la vit alors, lui pratiqua
une saignée de 3 palettes, et lit appliquer 40 sangsues au cou. Le
sang étau peu séreux, et ne présentait pas de couenne.
Suivant son rapport, cette femme était alors dans l’état dans
lequel nous la trouvons ce matin, 9 mars 1839, couchée au nu-
méro 7 de la salle Saint-Antoine.
La malade est couchée sur le dos, dans un abattement assez
piofond. La face est rouge, hébétée; tant qu’on est auprès
d elle et qu on la touche, sa physionomie est assez éveillée ; ses
yeux sont ouvert.s et mobiles ; si on la pince, ou seulement
qu’on agite ses membres, 'ses traits se'conti actent et expriment la
contrariété : mais dès qu’on la laisse tranquille , ses paupières
s abaissent, et elle demeure comme endormie. '
Il n y a pas de déviation des globes oculaires, les pupilles
sont égalés, contractiles, médiocrement dilatées.
La bouche est fortement déviée à gauche et en haut ; la na-
rine gauche est un peu tirée de ce coté. On nepeutlui faire ou-
vrir la bouche, pour constater l’état de la langue. La dégluti-
tion se fait assez bien. La respiration se fait passablement et
sans bruit ; il y a 28 inspirations par minute.
Elle essaye de parler, et cherche à jirononcer quelques mots
que l’on a peine à saisir ; elle pousse de temps en temps quel-
ques plainte.s; quand on lui demande où elle a mal, elle porte la
main gauche à sa tête.
Lorsque, ses yeux étain fermés, on veut relever la paupière
gauche, elle la contracte avec force, tandis que la droite n’op-
pio.se aucune résistance.
Le bras et la jambe droite sont en résolution, et soulevés re-
tombent comme des masses. On n’y remarque pas de mouve-
ments spontanés. Lorsqu’on pince le membre supérieur, il se
letire très-légèrement, mais le bras gauche s’agite, et la figure
se contracte. Quand on chatouille la plante du pied droit, le
membre se retire à peine, et les orteils s’agitent. Du côté gauche,
la motilité et le sentiment paraissent intacts.
Aucune raideur nulle part.
I.e pouls est régulier, assez développé, à 72. Pas de clialenr
DEUXIKMr, FOnAriî.
r.oi
à 1.1 pe.in. fSaignéc de 3 pnl. Julep ai’cc goinme-gutle gr. viij.
Le sang- sortit rutilant de la veine , semblable presque à du
sang artériel. Il ne se forma pas de couenne.
Il y eut une selle involontaire.
Soir. — Même état. On ne remarque aucune raideur dans
les membres paralysés. Elle demeure toujours assoupie : mais
quand on s’approche d’elle, ses yeux s’ouvrent, sa figure s’a-
nime ; elle est assez colorée. Elle essaye de montrer sa langue,
la tire un instant. Elle dit : Mon Dieu.
Il n’y a pas de chaleur à la tête. La peau a généralement une
température normale. Le pouls a pris plus de développement.
Ou ne trouve rien de remarquable à l’auscultation du cœur. {Sai-
gnée de 2 palettes.)
10. — Même étatj même décubitus ; la face est assez colorée ;
la malade se plaint par instants, et porte la main gauche à sa
tête. Lorsqu’on lui demande à voir sa langue, elle fait un mou-
vementpour la porter en avant, puis la retire aussitôt, elle ne
paraît point déviée. Elle ne profère aucuneparole. On ne remar-
que de raideur nulle part. (40 sang, au cou • lav. purgé)
Soir. — Face pâle, demi-coma. Quand on la cjueslionne vi-
vement, elle/lit oui à voix basse, et retombe dans l’a.^soupisse-
ment. Le pouls est à 60, régulier, dépressible ; pas de chaleur à
la peau. Ilespiration calme , paraissant se faire aisément , par
les côtes et par le diaphragme.
Rien de nouveau les deux jours suivants.
13. — Physionomie hébétée ; beaucoup moins d’assoupisse-
ment.
Le bras droit est toujours flasque, résolu ; cependant il paraît
s’y faire quelques contractions musculaires. La sensibilité y pa-
raît normale.
Quand on lui parle, elle essaie de répondre, m.ai.s il est rare
qu’on puisse distinguer ce qu’elle dit. Le peu de paroles que
l’on .saisit paraissent sans suite. Elle semble avoir tout à fait
perdu la mémoire. Elle ne veut pas montrer sa langue, malgré
des instances réitérées. Quand on la presse ainsi, sa physiono-
mie se contracte.
Il n'y a pas de rougeur de la lace, nulle part de chaleur à la
j)eau. Le pouls est lent, régulier, a.ssez développé.
Celte femme vécut encore deux mois dans cet état. Son inlel-
302
RAMOLMSSKMENT CIIRONIQTIE. (SYMPT.)
lifjence ne fil aucun progrès. Elle n’était point assoupie Labi-
luellement ; ses yeux ouverts et mobiles se fixaient sur ceux qui
rapprochaient ; sa physionomie, souvent en mouvement, expri-
mait surtout la contrariété, même la souffrance, principalement
quand on lui parlait ou qu’on la touchait. Mais elle était tou-
jours engourdie , immobile , ne parlant jamais , ou proférant à
peine quelques monosyllabes dépourvus de sens , quand on ve-
nait à l’exciter. Sa bouclie était toujours fortement déviée à
Le mouvement demeura toujours parfaitement libre à
gauche. Elle portait souvent sa main gauche à sa tête; elle se
liâtait de ramener son drap sur elle, lorsqu’on la découvrait.
Quant aux membres droits, ils demeurèrent toujours com-
plètement paralysés, sauf quelques légères contractions, quand
on les pinçait, car leur sensibilité paraissait aussi vive que celle
du côté gauche. Il n’y eut jamais aucune rigidité des membres.
Le bras droit devint le siège d’un œdème considérable.
Les évacuations se faisaient involontairement.
De larges eschares se formèrent de bonne heure autour du
siège. Pendant longtemps elles ne parurent pas avoir une grande
influence sur l’état général de la malade , à moins qii elles ne
contribuassent ii la maintenir dans l’aflaiblissement dans lequel
elle était plongée. Son embonpoint même ne sembla faire que
s’accroîti'e.
Elle succomba enfin lentement, le 16 mai, sans avoir rien
jn ésenlé de nouveau.
Le sacrum était dénudé.
On avait diagnostiqué une hémorrhagie cerebrale probable-
ment du corps strié et de la couche optique gauches, sans pé-
nétration du sang dans les ventricules.
y/utopsie cinquante heures après la mort. Les os duciane
sont très-durs et épais. La dure-mère est tellement adhérente à
la voûte du crâne, qu’elle suit cette dernière lorsqu’on l’enlève.
La pie-mère contient une assez grantic quantité de sérosité
limpide, égale des deux côtés. Elle est injectée d’une médiocre
quanti lé de sang. Les vaisseaux de la base ont leurs paiois par-
tiellement jaunâtres cl épaissies.
Les ventriêüles latéraux contiennent une assez grande quan-
tité (le .sérosité limpide.
/
DEUXÏKME FOTVME.
La surface du cerveau ne présente aucune espèce d’altération,
excepté à la partie externe de l’hémisplière gauche. Toute la
moitié postérieure de Vinsuht présente une destruction des cir-
convolutions que remplace une surface d’un jaune chamois ,
mollasse, ayant l’apparence d’une couche membraneuse ,
d’une ligne à deux d’épaisseur. Paixourue à sa superficie
par quelques vaisseaux assez développés , on n’y voit point
d’adhérences prononcées de la pie-mèi'é. Auprès de cet
endroit , au -dessous et en arrière, on trouve au fond de plu-
sieurs anfractuosités une altération toute semblable , environ-
nant quelques circonvolutions d’apparence saine, seulement
diminuées de volume.
En pénétrant clans le cerveau, au-dessous de cette surface, on
arrive dans un espace étendu, formé de brides blanches, comme
celluleuses', disposées en plusieurs sens, et dont les intervalles
sont remplis d’un liquide trouble , blanchâtre , lait de chaux.
Plus profondément encore, la substance blanche de l’hémi-
sphère, moins complètement désorganisée, est très-molle, pul-
peuse, blanche, parcourue par des vaisseaux rouges , assez nom-
breux et volumineux. Ce ramollissement s’étend juseju’à la
membrane du ventricule latéral ; il n’occupe c[ue la partie ex-
terne de la couche optique , mais la presc^ue totalité du corps
strié, dont la portion grise a pris une teinte jaunâtre.
Du côté de la cavité ventriculaire, la surface du corps strié pa-
raît afiaissée , et offre une teinte un peu jaunâtre. La tête du
corps strié est seule demeurée saine , mais dans une petite
étendue.
Ce ramollissement occupe à peu près le tiers moyen de l’hé-
misphère. On voit qu’il est formé, de dehors en dedans, de trois
couches successives et bien distinctes : Couche jaune chamois,
membraniforme, bien limitée , extérieure , répondant à la cou-
che corticale des circonvolutions-, — disparition delà substance
médullaire, remplacée par des filaments celluleux, infiltrés d’un
liquide lait de chaux j — énfin, et ces deux dernières altérations
se fondent l’une dans l’autre, ramollissement blanc , pulpeux ,
s ctendant jusqu’au ventricule.
Le reste du cerveau parai.ssail tout à fait sain^ à peine injecté
et d’une assez bonne consistance, maigre le tenqis qui s’était
ecoulc depuis la mort du sujet.
” ^ T’^AMOLLISSn-MENT CHr.OXlQÜE. (sYmPT.1
Rien à noter au cervelet ni à la moelle alongée. _ Les pou-
mons étaient infillrês d’une grande quantité de sérosité spu-
meuse et sanguinolente, surtout aux parties déclives. —Cœur vo-
lumineux, flasque.Ses cavités, très-larges, sont presque complè-
tement vides desang. Un peu de sang liquide dans les oreillettes.
Aucun épaississement des parois.
§ III. Troisième forme du ramollissement chronique. — (La mort survient
par des accidents aigus, paraissant s’èlre développés sous l inlluencc d’un
ramollissement chroni(|ue.)
On voit souvent, chez les individus affectés de ramollisse-
ment chronique, la vie se terminer par des accidents cérébraux
aigus, bien caractérisés , et pour l’eiplication desquels on ne
trouve autre chose sur le cadavre qu’une altéi’ation évidemment
ancienne, et rien que l’on puisse rapporter en aucune manière
aux phénomènes observés à la fin de la vie. J’ai toujours vu ces
accidents consister en de.s attaques apoplcctiformes , simulant
parfaitement soit une hémorrhagie , soit un ramollissement
aigu, et ces faits représentent ainsi précisément ceux que nous
avons déjà rapportés, où un ramollissement aigu se développait
enté sur un ramollissement chronique.
Parmi ces faits, on voit que tantôt le ramollissement chroni-
que s’était déjà annoncé par des symptômes évidents et carac-
téristiques, tantôt, au contraire, par des phénomènes vagues et
cjui ne pouvaient que faire pré.^uiner ou à peine soupçonner
son existence ; enfin que, dans d’autres cas, son développement
s’était fait d’une façon tout à fait latente, de manière que ces ac-
cidents rapides de la fin de la vie se trouvaient précisément les
premiers auxquels eût donné naissance une lésion chronique et
ditant d’une époque éloignée. On conçoit toute l’importance de
ces faits : ces derniers, en particulier, se rapprochent heaucoiip
de ceux cpje nous avons rangés dans la quatrième forme, où le
rajnollisseinent demeure latent jusqu’à la fin de la vie; peut-
être mcnie trouvera-t-oii que nous ayons eu tort de les en sépa-
rer, car il est permis, jusqu’à un cci tain point, de douter si c’est
bien en effet sous rinllueiice du ramollissement chronique, que
ces accidents se sont développés. Nous reviendrons tout à l’heffre
TROisiijili; lüiiJME. 56 5
sur les conséquences qui nous paraisseul devoir eue tirées des
laits de ce genre.
Oeservation 97. — 'Etat d’hébétude. Tout à coup, iiertc de con-
naissance, raideur dans les membres, puis résolution complète à droite;
mort au bout de trente-six heures à peu près. — Double ramollissc-
inent dans riiémisphère gauche. Production anormale dans le quatrième
ventricule
Une femme, nommée Truchot , âgée de soixante-seize ans,
était en enfance; il fallait la lever et l’habiller. Elle était dans la
division des gâteuses.
Le 27 novembre 1838, dans la matinée (il y avait deux jours
qu’elle paraissait assez affaissée), elle tomba tout à coup dans
l’état suivant :
Elle est très-pâle, couchée sur le dos, profondément assoupie;
les paupières sont fermées, mais s’entr’ouvrentunpeu quand on
l’excite. La bouche est déviée à gauche, la narine droite afl’ais-
sée, la mâchoire raide; un peu de mucus spumeux s’écoule en-
tre les lèvres ; les pupilles sont très-dilatées et mobiles. Les bras
sont raides et immobiles, se mouvant seulement un peu, surtout
à gauche, quand on les pique profondément. Les jambes sont un
peu raides, plus mobiles, se retirant un peu quand on chatouille
la plante des pieds , la gauche plus que la droite. On remarque
quelques tremblotements du peaucier. Le pouls est fréquent ,
peu développé, la peau un peu chaude.
Le soir, quelques mouvements spontanés du bras gauche.
Le lendemain, les membres droits sont complètement résolus;
le bias gauche se soutient un peu en l’air. Légère raideur des
coudes. Respiration fréquente. Chaleur moindre de la peau ;
pouls plus faible, mort le soir.
yliLtopsic 11 cvAC’liiiii liciiTcs cipvcs Ici fnoi't* — — Il y a encore une
. cei tainc quantité de seiosite dans la cavité de l’arachnoïde. La
pie-mèrc offre une injection assez considérable , un peu d’infil-
tratiou séreuse à la convexité, beaucoup de sérosité limpide à la
base. Les méninges s’enlèvent très-aisément.
A la partie externe du lobe moyen de l’hémisphère gauche ,
tiois ou quatre circonvolutions et leurs anfractuosités sont ra-
tatinées et transformées en une laine jaune, ridée, assez dense ,
366
ramollissement chronique, (sympt.)
au-dessous, la substance médullaire est convertie en un lacis de
6bres celluleuses, jaunâtres, entrecroise'es, et laissant entre elb s
de larges vacuoles pleines de lait de chaux; des vaisseaux rouges
et assez dilatés traversent ce tissu. La surface ventriculaire du
corps strié est jaunâtre et affaissée ; on voit que ce corps et une
partie de la couche optique se trouvent occupés par une cavité
assez large, pleine d’un liquide épais, trouble, grisâtre, chargé
de flocons grisâtres; ses parois sont de même couleur, iné-
gales et un peu molles. On trouve quelques petites cavités jau-
nâtres dans la couche optique gauche.
Quelques cuillerées de sérosité limpide dans les ventricules
latéraux. Etat parfaitement normal de tout le veste de l’encé-
phale, sauf l’altération suivante du quatrième ventricule.
On trouve dans ce ventricule, au-devant de chacune des py-
ramides postérieures, près de la pointe du calamus, deux petites
tumeurs du volume d’un très-petit pois, vasculaires à leur sur-
face , mamelonnées. Elles sont formées d’un tissu blanc, sem-
blable à la substance médullaire , mais beaucoup plus dense.
Ces espèces de végétations se continuent sans ligne dedémar-
cation avec le tissu des pyramides, qui ne présentent aucune*
autre altération (1).
Engouement assez considérable des poumons ; infiltration i
sanguine de leurs parties déclives. Le cœur est assez volumi--
neux , mais ne présente aucune alteration.
Les reins sont d’un très-petit volume, surtout le gauche, quii
est évidemment atrophié. Leur enveloppe enlevée, on voit leur
surface très-injectée, présentant un grand nombre de petits ma-
melons irès-rapprochés. A l’interieur, la substance tubuleuse ai
disparu dans quelques endroits ; le tissu des reins est rougeâtre
et assez ferme; on trouve quelques petites concrétions jaunâtres:
dans les calices.
Cet exemple est très-précis : la date des altérations de la pulpe
fl) Ces sories de végétations élalenl-elles le résida d’un ancien épanchc-
menl de sang ? Elles avaient la forme, mais non pas l’apparence mleneure
des produits qui reconn.iis.sent une s.-mblahle origine. Elaient-elles une pro-
ducion de la pulpe nerveuse elle-même? Je ne saurais résoudre ccLie <jues-
lion.
TUOI5IEMK FORME.
367
cérébrale, ramollissement chronique bien caractérisé , est évi-
demment ancienne ; les accidents qui ont terminé la vie ont été
bien tranchés. On ne leur trouve aucune explication anatomi-
que satisfaisante : si l’on invoquait la sérosité épanchée à la
base du crâne, je ferais remarquer que la résolution du côté
droit suffirait pour détruire cette hypothèse. Voici donc une
observation qui nous montre, sans pouvoir laisser aucun doute
dans l’esprit, que, chez des individus affectés de rainollissement
chronique, il peut se développer des accidents aigus et mortels,
sans que l’on trouve, à l’autopsie, autre chose que ce ramollis-
sement chronique lui-même. ^
Obseuvatios g8. — Contracture pendant quatre ans du côté gau-
che. Résolution générale et subite; mort au bout de quelques heures.
— Ramollissement pulpeux de la substance médullaire des deux hé-
misphères sans changement de couleur. Aucune autre altération.
La nommée Lebreton, âgée de soixante -quatre ans, était af-
fectée, depuis quatre ans, d’une contracture permanente et éner-
gique du côté gauche du corps. Le bras était complètement im-
mobile; les doigts et le coude ne pouvaient être redressés. La
jambe, un peu moins raide, exécutait encore quelques mouve-
ments. La malade, maigre et chétive, laissait souvent échapper
les urines et les fèces. Les mouvements du côté droit étaient
libres. Le 18 mars 1838, à quatre ou cinq heures du matin, elle
tomba, dit-on, en paralysie. A huit heures, elle fut trouvée
plongée dans un coma profond, avec résolution et insensibilité
générales , slerlor, pouls insensible ; les parties, auparavant
contracturées, . pouvaient alors etre redressées sans peine. Elle
mourut dans la matinée.
Autopsie. — Les méninges sont saines, ainsi que -la surface
de l’encéphale. Au centre de chaque hémisphère, dans la sub-
stance médullaire, existe un ramollissement assez étendu, d’en-
viron 4à 5 centimètres, d’avant en arrière, et de 1 centimètre
dans les autres sens. Le ramollissement du côté droit est le plus
considérable. La substance ramollie est à l’état d’une pulpe
encore assez consistante, mais qu’un filet d’eau éparpille aisé-
ment, tandis que les parties voisines non altérées résistent in-
définiment à l’action de ce jet. Pas d’altération de couleur. Le
reste de l’encéphale ne présente rien à noter.
1368
HA.MÜLLli)SJi.MEi\T CauOjVlQLE. (sY.Ml'X.)
Le cœur esl peu volumineux. Les poumons paraissent paiiai-
teinent sains, ainsi que les autres organes.
Ce fait es», entièrement semblable au precedent. L’ancienneté
de l’altération anatomique est aussi évidente q«c les symptômes
de la lin de la vie ont été tranchés par leur forme et par leur
marche. On pourra peut-être s’imaginer que, n’y ayant eu
<iu une hémiplégie pendant plusieurs années, le ramollissement
de 1 hémisphèie droit existait seul, et que les accidenis de la lin
de la vie ont été produits par le développement du ramol-
lissement de l’hemisphère gauche. Mais si l’on réfléchit que ces
accidents n’ont duré que plusieurs heures, et que l’on ne peut
supposer qu’un pareil espace de temps soit suffisant pour la for-
mation |d’un ramollissement pulpeux; en second lieu, qu’au-
cune différence n’a été notée entre ces deux ramollissements, ce
qui annonce nécessairement un âge, je ne dis pas semblable,
mais au moins rapproché, ou concevra aussitôt l’impossibilité
de s’arrêter à cette idée. Il n’est pas très-rare, du reste, de ren-
contrer une simple hémiplégie avec un ramollissement des deux
hémisphères, occupant même dans tous les deux un point sem-
blable ou à peu près. C’est, comme l’a très-bien remarqué M. De-
chambre, une circonstance que le ramollissement présente beau-
coup plus souvent que l’hémorrhagie.
OBSERVATioji 9ç). — Ancienne faiblesse des membres droits. Tout à
coup chute avec perte de connaissance. Mort au bout de trois jours. —
Ramollissement de tout un hémisphère.
Un homme âgé de quarante-sept ans ressentait depuis deux
ans une douleur habituelle dans le côté gauche de la tête, avec
affaiblissement des membres droits. Tout à coup, après s’être
plaint de la tête plus que de coutume , il tombe privé de con-
naissance ; deux jours se passent dans cet état. On trouve au
bout de ce temps les quatre membres résolus et insensibles, les
pupilles contractées, la bouche fortement déviée à gauche, le
pouls très-petit, sans fréquence ; la face est tuméfiée, la respi-
ration s’embarrasse. La mort survient le troisième jour.
Jidopsie . — Les méninges ne présentent rien de remarquable.
XllUlSli:..Mli l'OUAH;.
36!)
L'liéniisi)lière gauche est tuméfié, les cifconvuiiitiotis sont apla-
ties et fiuctuantes, saines d’ailleurs. Au-dessous la substance cé-
roLrale est d’une mollesse extrême; plus bas encore elle ne
représente qu’une bouillie grisâtre. On ne découvre aucune
trace de sang épanché. La substance ramollie est traversée eu
divers sens par des vaisseaux dont les parois ont conservé leur
consistance accoutumée. L’autre hémisphère est sain. Il n’y a
que peu de sérosité dans les ventricules.
Poumons fortement engoués. Cœur hypertrophié ; rétrécisse-
ment de l’orifice aortique. Engorgement général du système
veineux (1).
Cette observation ne me paraît pas avoir été convenablement
appréciée par le judicieux auteur qui la rapporte. « Il est vrai-
semblable, dit- il, que ce ramollissement, lentement formé, resta
borne a une petite etendue de 1 hémisphère gauche, juseju’au
jour oîi le malade tomba tout à coup sans connaissance et sans
mouvement... » Je ne puis admettre cette hypothèse, par cela
seul que, si une partie de ce ramollissement eût existé depuis
deux ans, et qu une autre se lût formée tout à coup trois joiu’s
avant la mort, on eût remarqué entre elles des difiérences ana-
lomiques tranchées, et que je cherche en vain dans l’observation.
Une partie de cette altération eût sans doute offert les carac-
tères cjue nous avons indiqués au rainollissemeut récent. Je ne
prétends pas que tous les points de ce ramollissement fussent
egalement anciens : il est probable qu’il s’es't graduellement
elendu. Mais je ne puis admettre que ce soit à ces progrès suc-
cessifs qu’il faille attribuer le développement instantané des ac-
cidents qui ont entraîné la mort.
ÜBsnRVATioN loo. - Depuis plusieurs mois, céphalalgie, fouruiilie-
menis dans les membres.Tout à coup, perte de connaissance, hémiplé-
gauche. Mort trois jours après. - Kamollissement pulpeux de
1 liemispherc droit. Ramollissement du cœur.
La nommée Chevet, âgée de soi.xanle-seize ans, de robuste
constitution, sc plaignait depuis plusieurs mois de céphalalgie,
(0 .iudral, Clini'jiic, l, v, p. -164.
24
-'i72 KAMÜLLlSSE.UL.Ni' CUUOjNU^.bi:. (^sVAU'l.)
à i’iuliimcrie ; lueus une lictire s’ctait à pciuc écoulée, qu’elle ne
présentait plus de signes de paralysie, parlant assez bien, ne se
trouvant pas mai, se iilaignant seulement d’étouireiueut. La nuit
suivante, elle fut prise de nouveau d’une attaque plus grave que
la précédente.
Le lendemain matin, le bras droit était complètement para-
lysé, sans raideur; bien que la sensibilité fût demeurée nor-
male, il restait immobile quand on le pinçait; le membre infé-
rieur droit n’était qu’incomplétement privé de mouvement. La
lace était très-pâle, les paupières également ouvertes, les pu-
pilles fort étroites, la bouche très-légèrement déviée à gauche.
L’intelligence semblait bien conservée; malgré ses eflorts pour
parler, elle ne pouvait parvenir à se lairc eompreiulrc, elle bre-
douillait. Lea mouvements étaient parlaitenient libres a gau-
che. Le pouls était à 100, et présentait quelques intermittences.
La respiration était fréquente et gênée. [Saigjive de 4 ])ciL Lav.
jnirg. Sin.)
10. Même état. {Trente sangsues au cou.) Le soir la respira-
tion devient plus difficile.
Le 11, la sulfocation paraissait imminente, la malade ne
donnait plus signe de connaissance ; l’état des membres était le
même. Elle mourut dans la nuit, 70 heures après le début de
l’hémiplégie. On avait diagnostiqué une hcmorrliagie céré-
brale,
Autopsie. — IjC crâne est d’une extreme épaisseur, adhérent
à la dure-mère. Les méninges contiennent peu de sérosité ; la
pie-mère n’oftVe qu’ime injection médiocre. Elle s’enlève aisé-
ment de toute la superficie du cerveau, qui parait parfaitement
saine. Les ventricules contiennent peu de sérosité ; leurs patois
ne présentent rien à noter.
Le corps strié gauche est ramolli dans toute son étendue ,
d’une teinte légèrement jaunâtre, surtout prononcée a son ex-
trémité antérieure. Ce ramollissement assez bien circonscrit au
corps strie, lui donne la consistance d’un iromage mou.
La couche optique présente dans sa partie centrale une cavité
de la forme et du volume d’une très-petite amande , et conte-
nant un peu d’un liquide épais, légèrement roxigeatre. Les pa-
rois de cette cavité sont saines-
La substance médullaire qui avoisine le corjis strié ne parait
T, WOT.T.lSfir!MKNT T.ATR\T. •> ' '>
pas avoir tout à fait sa consistanco normale. Il n’y a .In vesu-
aucune injection ilans aucun point du cerveau. Les héinispliè
res sont généralement assez pâles et de iDOnne consistance.
Rien à noter dans le reste de l’eucépliale.
Congestion sanguine générale des poumons; les deux lobes in-
férieurs présentent un commencement d hépatisation rouge.
Les bronches sont rouges et contiennent beaucoup de mucus.
Le cœur est assez volumineux , les parois du ventricule gau-
che sont épaisses. Les orifices sont sains. Le cœur renferme une
assez grande quantité' de sang demi-liquide.
L’attaque d’apoplexie qui avait ou lieu un au avant la mort,
était sans aucun doute le résultat d’une hémorrhagie de la cou-
che optique, dont on retrouva sur le cadavre la trace incontes-
table, sous une apparence qui se rapporte parfaitement à cette
épo(jue (liquide rougeâtre et épais;. Quant au ramollissement
du corps strié, il n’y a pas à douter non plus qu’il n’ait pré-
cédé, d’un espace de temps que l’on ne saurait préciser, les ac-
cidents de la fm de la vie ; et cela non pas seulement parce
qu’il ne s’accompagnait pas de rougeur, mais encore et surtout
àcausede sa couleur jaune. Il est bien certain en elfct que lacott-
lenr jaune nesaurait être primitive dans un'ramoUissement; il est
certain également, au moins telle est notre conviction , qu’elle
n’est autre chose que le résultat d’une décoloration du sang. Or il
faut un certain temps pour qu’au tel cbangement de couleur puisse
.s’opérer, et je ne connais aucun fait qui nous autorise à croire
que soixante-dix heures siillisent pour cela. Ce rainoüissement
préexistait donc aux accidents que nous avons décrits ; il s’était
développé d’une façon len'.e, peut-être sous l’influence du foyer
hémorrhagique qu’il avoisinait, et il est plus naturel de rappor-
ter à lui^qu’à ce foyer, dontles parois étaient saines, la céphalal-
gie et les étourdi-ssements dont se plaignait la femme Couillcau.
§ IV. Quatrième forme du ramolli.s.semenl chroniipic. — Hamidlisscmcnt
latent.
On pciit renconlm’ des rnmnllissemcnls du cerveau chrz des
individus qni, a 1 époque de icnr mort, ne présent, aient aucun
^^MOLtrsSEiWENT CHRONIQUE. (sTMPT.)
trouble appréciable des fonctions cérébrales. Cliez quelques-
uns, le ramollissement s’était développé sans avoir jamais donné
lieu à aucun symptôme propre à déceler son existence ; chez
d’autres, il avait déterminé quelques accidents plus ou moins
bien caractérisés à l’époque de sa formation ; mais ces accidents
s’étaieut dissipés et les malades ne s’en étaient plus ressentis.
Quelques-uns de ces individus avaient bien éprouvé, du côté
de l’organe encéphalique , certaines souffrances plus ou moins
prononcées , qu après la mort on a pu rattacher au ramollisse-
ment, mais qui, pendant la vie, étaient tout à fait impropres à
faire reconnaître ou même à laisser soupçonner la présence
d’une lésion organique du cerveau. Mais le plus souvent, il faut
le dire, il est seulement permis de constater qu’il n’y avait, de-
puis un temps plus ou moins éloigné, aucune lésion des facul-
tés cérébrales ; on est privé de renseignements assez complets
pour acquérir la certitude de l’absence ou de l’existence de
symptômes, à une époque quelconque.
Il est probable qu’un ramollissement qui a pu marcher ainsi
d une façon latente, s’est développé dès le principe avec lenteur,
et u’a entraîné que peu à peu la désorganisation du point où il
siège. Le ramollissement cérébral a cela de commun avec toutes
les autres lésions chroniques et dans tous les organes : ainsi ou
sait que dans le cerveau lui-même, il arrive très-souvent de ren-
contrer, à tous les âges de la vie, des productions morbides qui
n’avaient entraîné aucune modification dans ses fonctions. Dans
les poumons, dans les organes abdominaux, rien de plus ordi-
naire que de trouver des lésions tout à fait imprévues, soit sur
le cadavre d’individus qui n’en avaient jamais ressenti d’effet ap-
préciable, soit chez des sujets chez lesquels leur présence ne dé-
termine d’accidents que lorsqu’elles ont déjà acquis un certain
développement. Mais ce sont surtout les personnes qui se
sont adonnées à l’anatomie pathologique des vieillards et des
enfants, qui peuvent se faire une idée du grand nombre de lé-
sions organicjues qui se développent ainsi sans symptômes.
OusEKVATioN 10:/,. — Mort à la suite d'une pleurésie, intégrité en
apparence complète des fonctions cérébrales. — Ramollissement étendu
du lobe antérieur de l’hémisplière gauche.
La femme Dtiian, âgée de qualre-vingt-liuit ans. entra à l’in-
RAMOLLISSEMENT LATENT.
375
fumeiie au mois de septembre 1838, avec un épanchement
pleurétique énorme. Malgré un traitement assez actif, elle suc-
comba au bout de huit jours , sans avoir beaucoup souffert.
Cette femme conserva jusqu’à la fin une intégrité remarquable
des mouvements et de l’intelligence : elle mourut sans agonie,
assise sur sou séant, appuyée sur ses genoux, comme elle se te-
nait habituellement. Une demi-heure avant , elle nous avait
parlé fort distinctement, à la visite.
Des renseignements certains m’apprirent que cette femme,
parfaitement conservée pour son âge, ne présentait aucune trace
de lésion du cerveau. Elle avait passé dernièrement quelques
jours dans le service de M. Prus, pour un lombago. A part cela,
elle n’était pas allée à l’infirmerie depuis quelques mois.
Jutopsie. — Légère infiltration séreuse de la pie-nière , in-
jection normale de ses vaisseaux.
A la partie inférieure et interne du lobe antérieur de l’hémi-
sphère gauche, plusieurs circonvolutions paraissent à travers les
méninges, violacées, aplaties, fort adhérentes à la pie-mere, tres-
molles et fluctuantes. Une incision étant pratiquée sur ce point,
on pénètre dans une sorte de détritus , formé d’une bouillie
rougeâtre , coulante , de laquelle s’échappe un liquide un peu
rouge, épais et trouble comme s’il était mêlé à du pus. Au mi-
lieu de ce ramollissement plus large qu’un gros œuf de poule ,
et plus étendu profondément qu’à la superficie, on voit un lacis
considérable de petits vaisseaux rouges, manifestement dilatés ,
semblant représenter la trame vasculaire de la substance mé-
dullaire. Ce ramollissement, partout d’un rouge brunâtre
également foncé, assez exactement limité à son pourtour, a
complètement envahi le corps strié. Du côté de la cavité ventri-
culaire , la saillie habituelle du corps strié est remplacée par
une légère dépression mollasse , violacée et très-injectée ; la
substance de ce corps ne se reconnaît en aucune manière au mi-
lieu du détritus qui l’environne. La couche optique est saine.
Un peu de sérosité limpide dans les ventricules. La pie-mère
n’est pas plus injectée au niveau de ce ramollissement qu’ail-
leurs.
Par une circonstance singulière, ou trouva enerre sur le
mêmesujet dertx altérations organiques considérables, dorri on
ne soupçonnait pas l’existence. C’était d’abord, à l’eruonr du
n AArou.TssFArr.NT rfinn\rnT)e. ( svaipt.)
cœur, line masse graisseuse plus grosse que le poing, avant la
lorme (le ces végétations en crête de coq qui ont été main tes fois
décrites ; puis, dans le flanc gauche, au-dessous de la rate, dans
Je tissu cellulaire qui unit le péritoine aux muscles, une tumeur
un peu ovoïde, grosse comme les deux poings, formée d’un
tissu fibreux, blanchâtre, lamelleux, très-dur.
Lois même que l’apparence de ce ramollissement ne. serait
pas celle d une désorganisation profonde et presque nécessaire-
ment dironique, 1 absence complète de symptômes dans les
derniers temps de la vie ne pourrait laisser aucun doute sur son
ancienneté. En effet, si l’observation nous force d’admettre que
des altérations chroniques peuvent lri;s-bien se développer sans
déterminer de symptômes appréciables , elle nous a appris en
même temps que ce fait ne s’observait presque jamais à propos
d aliéiations aiguës uifpeu étendues.jJe sais bien cpie la lougeur
de ce ramollissement n’est pas d’accord avec une semblable ori-
gine, mais c est que ce fait rentre sans doute dans ces très* rares
exceptions que j ai signalées précédemment, à la règle générale
(le 1 alxsence de rougeur dans le ramollissement chronique.
Oii.snRv.CTiox to5. — Signes de congestion cérébrale. Agitation, puis
prostration profonde ; insensibilité des deux bras , paralysie du droit.
Mort au bout de r[nclques jours. Auparavant, intégrité compli-te dé®
fonctions cérébrales. — Ramollissement aigu. Eamollisscrnents ebro-
niques multiples du cerveau et du cervelet.
Richard, âgée de soixante-sept ans, maigre et sèche, est de-
jiuis deux ans a l hospice de la Salpétrière. Elle n’a jamais été
a 1 infirmerie pendant ce temps. On n’a jamais observé chez elle
désignés de paralysie. Deux fois par semaine elle allait voir son
mari à Ricêtre, à la distance d’une lieue, hiver comme été.
Elle rapportait son linge cl le raccommodait eile-inênie Elle ne
se servait jamais de canne. Ses facultc's semblaient très-bien
conservées. Elle ne se plaignait jamais, en particulier de la tète.
Elh’ avait fait son dernier voyagea Ricctre, dix jours avant d’en-
trer à J’infirmcric. 11 paraît (pic quinze jours avant , elle y était-
|Oml.)ée par suite d’im étourdissement; il avait fallu la ramener
?. V-vrou.issKMBTyï latent. •-* i (
à la Salpéirlôre en la soutenant par le bras. Dès lors elle avait
paru un peu soulîrantej niais elle cliercliait a le cacliei, de peui
d’aller à rinfirmerie.
Elleenlraàrinfirineriele21 niai 1840, présentant des signes
de coiigestioii cérébrale. La, face était rouge, la langue seclie ,
elle était agitée, déraisonnait un peu; elle se levait d elle-même,
allait aux lieux d’aisance en paraissant se soutenir avec peine et
avant d’y arriver avait laissé aller sous elle -, elle parlait volon-
tiers, niais avec lenteur.
Lavement purgatif le 22; quarante sangsues sous les oreilles
le 23 ; vésicatoire à la nuque le 25.
Le 29, elle est couchée sur le dos, dans une immobilité abso-
lue, les yeux fixes, les paupières immobiles ; elle ne bouge que
lorsqu’on lui parle ou qu’on l’excite. Elle répond juste à toutes
les questions , ne manque pas de mémoire. Ses réponses sont
brèves et se font un peu attendre, la voix est faible. Les pu-
pilles sont égales, moyennement dilatées.
La teinte de la face est terne, les joues livides ; le bord des
paupières couvert d’une exsudation épaisse; la langue d’une ex-
trême sécheresse , croûteuse. La peau est sèche -, assez chaude ;
le pouls est plus fréquent et plus développé que ces jours der-
niers, très-irrégulier.
Quand on lui fait lever les bras, elle tient bien le gauche en
l’air, mais le choit retombe promptement ; cependaiU il exécute
cjuelques mouvements spontanés. La peau des deux bras est
tout à fait insensible au pincement. Les jambes paraissent bien
mobiles et sensibles.
Cette femme mourut le 4 juin, de bonne heure. Elle était
tombée peu à peu dans une prostration profonde, sans coma, et
•à cela près, était restée jusqu’à la fin exactement dans le même
état: conservation de la connaissance, insensibilité des membres
supérieurs , paralysie du droit, conservation du mouvement et
du sentiment dans les membres inférieurs. Seulement il était
survenu de la raideur dans le coude droit, et la fièvre était de-
venue plus intense .
ytulopsie vingt-quatre heures après ta mort. — Os du crâne
épais.
Ln peu de sérosité légèrement jaunâtre dans la cavité de l’a-
raclinoide. Peu de sérosité dans la pic-inère; quelrpies cuille-
378
UAMOLLISSE^TENT CHRONIQUE. (SYjMPT.)
vées à la base du crâne. Les artères sont dans la plus grande
partie de leur étendue cartilagineuses, ossiûées même dans quel-
ques points.
La pie-mère est peu injectée ; mais au-dessus des deux lobes
postérieurs, elle présente une suffusion sanguine qui lui donne
une rougeur uniforme. Elle se sépare aisément des circonvolu-
tions qui sont généralement petites, ratatinées, inégales à leur
surface.
A la convexité de l’hémisplière gauche , vers la réunion des
lobes moyen et postérieur, deux circonvolutions présentent
à leur sommet des marbrures rougeâtres , sans aucune adhé-
rence à la pie-mère. Une coupe verticale fait voir que ces deux
circonvolutions sont dans toute leur épaisseur un peu ramollies,
se laissant seulement fendiller par un jet d’eau. La substance
corticale est marbrée de rouge ; ce sont de petites infiltrations
sanguines, on distingue parfaitement le sang hors des vaisseauxj
au-dessous, la substance médullaire ramollie présente de nom-
breux vaisseaux très-fins, qui lui donnent par leur rapproche-
ment un aspect rosé et se dirigent vers la superficie du cerveau.
Un peu plus en arrière , deux autres circonvolutions sont con-
verties en un putrilage rougeâtre, dont la pie-mère entraîne avec
elle la superficie ; ce ramollissement, du volume d’une grosse
noisette , présente également et de petites infiltrations san-
■guines partielles et bon nombre de petits vaisseaux injectés. Un
ramollissement tout à fait semblable , mais du volume d’une
grosse noix, occupe le point correspondant de rhémis}dière
droit.
Ces altérations, évidemment aiguës, étaient accompagne'es
d’autres lésions d’une date toute différente.
Vers la partie moyenne de l’hémisphère droit, au fond dune
anfractuosité, on voit, dans l’étendue d’une pièce d’un franc, la
couche corticale remplacée par une lame jaunâtre, luembiani-
forme, non vasculaire, d’un millimètre au plus dépaisseui,
au-dessous de laquelle la substance blanche n offrait lien a
noter.
Ma base du lobe postérieur du même hémisphère, on trouve
une cavité, pouvant contenir plus qu un noyau de cerise,
bouchée par la pie-mère (pii passait au devant sans offrir rien
de particulier, si c- n’est un peu de tissu cellulaire qui la dou-
379
RA.M0LMS5EMENT LATENT.
blait. Celle cavilé avail des parois lisses, un peu jaunâtres et
dures au touclier, qu'environnait la substance médullaire saine.
A Tintérieur elle présentait de petites fibres blanchâtres, fra-
giles, celluleuses, entrecroisées, et baignées d’un liquide blan-
châtre, très-légèrement trouble.
La substance médullaire, voisine du corps strie, était molle,
raréfiée, dans une assez grande étendue, très-blanche et sans
vaisseaux. Le corps strié lui-même était altéré j on n y pouvait
pratiquer de coupes nettes •, l’arrangement de ses fibres parais-
sait altéré, mais il était endurci, avec une teinte légèrement jau-
nâtre.
A la face inférieure du lobe droit du cervelet, on trouva une
petite cavité, bouchée parla pie-mère, pleine de tissu cellu-
laire infiltré de lait de chaux , à parois indurées , tout à fait
semblable à celle de la base de l’hémisphère droit.
Dans le centre de ce même lobe, petite cavilé de la forme
d’une très-petite amande, dirigée transversalement, à parois
rapprochées, contenant un peu de liquide incolore. Ses parois
étaient indurées dans une certaine étendue , sans changement
appréciable de couleur.
Engouement des poumons. Le cœur est sain.
On ne .saurait avoir aucun doute sur la nature des altérations
chroniques trouvées dans le cerveau de celte femme, et dont
l’étude emprunte encore de l’intérêt au voisinage des lésions
aiguës et bien cai'actérisées qui s’y rencontraient également.
Notons d’abord le ramollissement blanc, voisin du corps strié,
puis l’induration de ce dernier, puis cette plaque jaune de
l’hémisphère droit. Quant aux deux cavités superficielles de
l’hémisphère droit du cerveau et du lobe droit du cervelet, à
parois indurées, traversées débridés celluleuses, infiltrées d’un
liquide trouble, et béantes à la périphérie où elles étaient seu-
lement bouchées par la pie-mère, elles nous offrent des exemples
d’infiltrations celluleuses bien circonscrites et même guéries,
en ce sens que le travail qui avait présidé à leur développement
paraissait entièrement arrêté. A ceux qui voudraient encore voir
là d’anciens foyens héniorrbagicities, il me suffirait de rappeler ce
que j’ai déjàsisouvent représenté, quedesfoyers hémorrhagiques
K amoij.bsf.aik-vt r.H?.n?frQi!F. (sympt.)-
ne peuvent s’ouvrlr à la surface du cerveau, sans épancher le
sang au dehors de cet organe, et qu’une semblable supposition
est aussi inadmissible dans ce cas que dans les autres faits de ce
genre. Il n’y a que la petite cavité du centre du cervelet, dont
tous les caractères étaient ceux d’un foyer hémorrhagique.
Les renseignements qui m’ont été fournis sur la femme Ri-
chard sont de telle nature, qu’ils m’ont permis d’acquérir la
certitude de l’absence complète de tous symptômes cérébraux
pendant les dernières années de la vie. Il est fort probable, du
reste, qu’à l’époque où s’étaient formées les altérations dont nous
letiouvons les traces dans le cerveau, elle avait éprouvé des
accidents plus ou moins prononcés j aussi rappellerai-je ce
fait au chapitre de la Curabilité du ramollissement.
ÜESEnvATioN 104. — Paraplégie ancienne; céphalalgie habituelle. Hé-
miplégie subite; délii'e; résolution générale ; mort au bout de dix-sep^
heures. — Hémorrhagie de l’arachnoïde ; iuliltration sanguine du cer-
veau ; petits foyers de la protubérance. Ramollissement pulpeux du
cerveau et de la moelle épinière.
Catherine Jacob, âgée de quarante-trois ans, est depuis dix
ans affectée d’une paraplégie à peu près complète, survenue à
la suite d’une clmte sur le siège. Il n’y a point paralysie des
sphincters. Le mouvement des membres supérieurs est intact,
et l’occupation liabituelle de cette femme est la couture. On n’a
remarqué aucun trouble de l’intelligence ni de la parole ; la
face n’est point déviée. Elle est sujette à des vomissements que
l’on attribue à une gasirite chronique, et pour lesquels elle s^est
fait traiter récemment dans le service de M. Prus ; on n’a con-
staté à cette occasion rien autre chose, du côté du .système ner-
veux, que la paraplégie. Celte femme est en outre sujette à des
maux de tète.
bille s’en plaignait plus qu’à l’ordinaire le 2 juin 1838, et,
dans la soirée, il lui arriva pour La première fois de laisser aller
sous elle.
Le Icudcmain, à dix heures du matin, après avoir mangé la
.soupe, elle perdit tout à coup la connaissance et la parole. .Te la
trouvai un instant après sans connaissance, la pupille gauche
dilatée, la droite contractée, toutes deux immobiles ; le Inas
droit ilasque et rnmpléteineut dévié. Le bras gauche s’agite sans
381
llAMOLLl&SJiMIiiM' LAIÜÏNÏ.
cesse, et la malade se fioUe presque contiimellemcut le liez
avec le dos de la main, quelquefois le ventre. Les membres m-
l'érieurs sont complètement paralysés sans raideur; ils sont
absolument insensibles, ainsi que le bras droit et le cote droit
de la face. Efforts de vomissement. La bouebe n’est pas déviée.
(30 sangsues au cou, lav. purg.)
Après les sangsues, il survint une agitation excessive ; elle
avait repris une partie de ses sens, et, ne pouvant parler, elle
faisait effort pour crier. On prétend lui avoir vu alors remuer les
deux bras. 11 fallut l’attacber de peur qu’elle ne tombât de son
lit. Elle se calma dans la soirée. A onze beurcs elle était dans
un coma profond , avec résolution et insensibilité générales. La
dé.glutition était impossible; la respiration fort difficile et inter-
mittente. Elle mourut à trois lieures du matin, dix-sept heures
après le début.
Autopsie trente-deux heures après la mort. — Il s’écoule de
la cavité de l’aracbnoïde une certaine qnanlite de sérosité san-
guinolente. Le feuillet pariétal de la séreuse est tapissé par une
lame mince, rouge, demi-transparente, mollement adhérente.
La pie-mère ne contient qu’a peine de sérosité.
On trouve dans l’hémisphère droit, au-dessous de la portion
réfléchie du ventricule, un point assez étendu, de couleur lie-
de-vin, un peu ramolli, occupant et la substance blanche et la
substance grise des circonvolutions de la base. La protubérance
contient quatre ou cinq petits foyers de sang, gros comme une
lentille : la substance cérébrale est saine à l’entour. Les ven-
tricules contiennent très-peu de sérosité.
Au centre du lobe postérieur de l’hémisphère gauche, la sub-
stance médullaire présente un ramollissement pulpeux, assez
étendu, se laissant délayer par un filet d’eau, d’une grande
blancheur.
Il y a dans le canal rachidieir une quantité normale de sé-
rosité non sanguinolente. La région dorsale de la moelle pré-
sente dans sa nroitié supérieure un ramollissement qui en oc-
cupe toute l’épaisseur, mais, en haut, s’étend plus loin dans la
substance grise centrale. Ce ramollis.sement pulpeux, sans alté-
ration de couleur, a tout à fait la inêine apparence que lo ra-
mollissement du cerveau.
Les poumons ne sont que légèrciuent engoués. Le cœur est
382
RAMOLLISSEMENT CHRONIQUE. (SYMPT.)
volumineux; les parois du ventricule gauche hypertrophiées.
L’estomac a son volume normal; sa muqueuse est épaisse et
présente une injection générale assez serrée.
Ici, pour expliquer les accidents qui ont précédé et causé la
mort, il y a surabondance de lésions aiguës ; hémorrhagie dans
l’arachnoïde , dans riiémisphère droit par infiltration , dans la
protubérance par petits épanchements multiples ; seulement,
comme il n’y avait eu de paralysie qu’à droite, il est à regret-
ter que l’observation ne nous donne pas déplus amples détails
sur les foyers de la protubérance, dont la disposition eût sans
doute rendu compte de cette circonstance. Personne ne pensera
sans doute que le ramollissement pulpeux et sans coloration de
l’hémisphère gauche se fûtformé en dix-sept heures, bien que la
malade ne présentât auparavant que delà céphalalgie, signe fort
insuffisant pour caractériser à lui seul un ramollissement. On a
remarqué la ressemblance de ce ramollissement avec celui de la
moelle qui datait de dix ans.
Observation io5. — Intégrité apparente des fonctions cérébrales.
Mort en soixante-dix heures d’une hémorrhagie cérébrale. — Ramollis-
sement chronique du cerveau.
Une femme, nommée Mas, âgée de quatre-vingt- six ans, était
entrée depuis plusieurs mois à la Salpétrière ; on n’avait jamais
rien remarqué chez elle qui parût résulter de quelque trouble
des fonctions cérébrales. Elle était fort maigre, et le teint na-
turellement peu coloré. Son intelligence, assure-t-on, était re-
marquablement conservée pour son âge ; sa parole n’était au-
cunement altérée. Les mouvements de ses membres semblaient
également libres des deux côtés : elle marchait sans boiter et
sans s’appuyer sur un bâton, n’avait jamais accusé de faiblesse
d’un bras. Elle était trop âgée, du reste, pour se livrer à aucune
occupation. Elle se plaignait quelquefois de maux de tête, ja-
mais d’étourdissements, mais beaucoup d’étouffements, et la
nuit elle était souvent obligée de se tenir assise sur son séant.
Le 22 juin 1839, elle eut une attaque d’apoplexie à laquelle
elle succomba en soixante-dix heures : il n’est pas nécessaire de
rapporter ici le détail des accidents qu’elle éprouva.
383
RAMOLLlSSIiMENT LATENT.
Autopsie trente-sept heures après la mort. — On trouva le lobe
postérieur et le lobe moyen de l’hémisphère droit du cerveau
creusés à leur partie externe d’un énorme foyer sanguin, plus
volumineux qu’un gros oeuf de poule. Ce foyei présentait une
déchirure étroite qui avait permis au sang de s’épancher en cer-
taine quantité dans les méninges.
A la partie interne du même lobe postérieur se rencontra une
altération d’une toute autre nature. A peu près à trois centi-
mètres de la pointe occipitale, trois ou quatre circonvolutions,
et les anfractuosités qui leur sont communes, sont tout a fait
détruites, ou plutôt transformées en un tissu mince, aplati, d un
jaune très-clair, membraniforme, de tm à deux millimètres
d’épaisseur, que je ne puis mieux comparer pour sa texture et
sa consistance, et l’impression qu’il donne au toucher, qu à une
toile d’araigiîée, un peu dense et épaisse. La pie-mère s’enlève de
sa surface sans la déchirer, et la laisse couverte d’une lame très-
mince de tissu cellulaire, assez vasculaire et bien distincte de
l’altération elle-même. Au-dessous, la substance médullaire est
molle, comme floconneuse, grisâtre, ce qui paraît dû à l’infil-
tration d’une petite quantité de liquide lait de chaux. Ce ra-
mollissement s’étend à un ou detix centimètres de profondeur,
assez mal limité sur ses bords, et se rapproche du ventricule. La
lame mince et membraniforme de la superficie semble s’attacher
à la couche corticale des circonvolutions demeurées saines. On
ne remarque point de vaisseaux dans le tissu ramolli ; il n’y a
pas d’injection à l’entour lui. Tout près de la cavité digitale
du ventricule, on trouve une petite cavité, assez arrondie, pou-
vant contenir une noisette dépouillée de ses enveloppes, à parois
blanches, tapissées d’une membrane lisse et comme séreuse, et
contenant un peu de liquide lait de chaux.
Il n’y avait rien à noter dans le reste de l’encéphale. Plaques
opaques et jaunâtres des plus gros vaisseaux de la base. Petite
quantité de sérosité.
Il y avait une double pneumonie. Le cœur, plein de sang li-
I quide, était notablement dilaté, surtout le ventricule gauche,
sans hypertrophie de ses parois.
Observation io6. — Mort par une hémorrhagie du cervelet. Point
382 ramollissememt chronique, (sympi.)
volumineux ; les parois du ventricule gauche hypertrophiées.
L’estomac a son volume normal; sa muqueuse est épaisse et
présente une injection générale assez serrée.
Ici, pour expliquer les accidents qui ont précédé et causé la
mort, il y a surabondance de lésions aigues ; hémorrhagie dans
l’arachnoïde , dans l’hémisphère droit par infiltration , dans la
protubérance par petits épanchements multiples ; seulement,
comme il n’y avait eu de paralysie qu’à droite, il est à regret-
ter que l’observation ne nous donne pas de plus amples détails
sur les foyers de la protubérance, dont la disposition eût sans
doute rendu compte de cette circonstance. Personne ne pensera
sans doute que le ramollissement pulpeux et sans coloration de
l’hémisphère gauche se fiitformé en dix-sept heures, bien que la
malade ne présentât auparavant que delà céphalalgie, signe fort
insuffisant pour caractériser à lui seul un ramollissement. On a
remarqué la ressemblance de ce ramollissement avec celui de la
moelle qui datait de dix ans.
Observation io5. — Intégrité apparente des fonctions cérébrales.
Mort en soixante-dix heures d’une hémorrhagie cérébrale. — Ramollis-
sement chronique du cerveau.
Une femme, nommée Mas, âgée de quatre-vingt-six ans, était
entrée depuis plusieurs mois à la Salpétrière ; on n’avait jamais
rien remarqué chez elle qui parût résulter de quelque trouble
des fonctions cérébrales. Elle était fort maigre, et le teint na-
turellement peu coloré. Son intelligence, assure-t-on, était re-
marquablement conservée pour son âge ; sa parole n’était au-
cunement altérée. Les mouvements de ses membres semblaient
également libres des deux côtés : elle marchait sans boiter et
sans s’appuyer sur un bâton, n’avait jamais accusé de faiblesse
d’un bras. Elle était trop âgée, du reste, pour se livrer à aucune
occupation. Elle se plaignait quelquefois de maux de tête, ja-
mais d’étourdissements, mais beaucoup d’étouffements, et la
nuit elle était souvent obligée de se tenir assise sur son séant.
Le 22 juin 1839, elle eut une attaque d’apoplexie à laquelle
elle succomba en soixante-dix heures : il n’est pas nécessaire de
rapporter ici le détail des accidents qu’elle éprouva.
RAMOLLlSSliMENÏ LATENT.
383
Autopsie trente-sept heures apres la mort. — On trouva le lobe
postérieur et le lobe moyen de l’hémisphère droit du cerveau
creusés à leur partie externe d un enorme foyer sanguin, plus
volumineux qu’un gros œuf de poule. Ce foyer présentait une
déchirure étroite qui avait permis au sang de s’épancher en cer-
taine quantité dans les méninges.
A la partie interne du même lobe postérieur se rencontra une
altération d’une toute autre nature. A peu près à trois centi-
mètres de la pointe occipitale, trois ou quatre circonvolutions,
et les anfractuosités qui leur sont communes, sont tout a fait
détruites, ou plutôt transformées en un tissu mince, aplati, d’un
jaune très-clair, membraniforme, de un à deux millimètres
d’épaisseur, que je ne puis mieux comparer pour sa texture et
sa consistance, et l’impression qu’il donne au toucher, qu’à une
toile d’araignée, un peu dense et épaisse. La pie-mère s’enlève de
sa surface sans la déchirer, et la laisse couverte d’une lame très-
mince de tissu cellulaire, assez vasculaire et bien distincte de
l’altération elle-même. Au-dessous, la substance médullaire est
molle, comme floconneuse, gi'isâtre, ce qui paraît dû à l’infil-
tration d’une petite quantité de liquide lait de chaux. Ce ra-
mollissement s'étend à un ou deux centimètres de profondeur,
assez mal limité sur ses bords, et se rapproche du ventricule. La
lame mince et membraniforme de la superficie semble s’attacher
à la couche corticale des circonvolutions demeurées saines. On
ne remarque point de vaisseaux dans le tissu ramolli ; il n’y a
pas d’injection à l’entour lui. Tout près de la cavité digitale
du ventricule, on trouve une petite cavité, assez arrondie, pou-
vant contenir une noisette dépouillée de ses enveloppes, à parois
blanches, tapissées d’une membrane lisse et comme séreuse, et
contenant un peu de liquide lait de chaux.
Il n’y avait rien à noter dans le reste de l’encéphale. Plaques
I opaques et jaunâtres des plus gros vaisseaux de la base. Petite
i quantité de sérosité.
Il y avait une double pneumonie. Le cœur, plein de sang li-
quide, était notablement dilaté, surtout le ventricule gauche,
sans hypertrophie de ses parois.
Observation io6. — Mort par une hémorrhagie du cervelet. Point
(
KAMULJLlSsli.UEAT CHKORlQljü. (sYAIl>X.)
d’autres troubles cérébraux, depuis longtemps, quede la céphalalgie et
«les étourdissements. — Piamollissement chronique des parois du ven-
tricule droit.
La uoiniuée Leblanc, âgée de soixante-quinze ans, succomba,
en dix-sepl heures, à une hémorrhagie du cervelet. Voici quels
renseignements j’ai obtenus des personnes cjui vivaient habi-
tuellement avec elle, renseignements qui m’ont paru offrir quel-
que certitude.
Elle s’était cassé la jainbe, il y a cinq ans, et depuis lors n’c-
tait pas allée une seule fois à l’infirmerie. Depuis cette époque
elle boitait et ne pouvait marcher sans s’appuyer .sur un
bâton. Depuis quelque temps elle avait été obligée de cesser
de s'occuper à tricoter, comme elle faisait autrefois j cependant,
toujours agissante,, le matin de son attac|ue, elle avait préparé
elle- même son déjeuner, et avait aidé à nettoyer son dortoir.
Elle parlait sans aucune difficulté ; elle aimait à plaisanter et
avait des prétentions à faire de l’esprit. Assez généralement souf-
frante, surtout dans ces derniers temps, elle toussait beaucoup,
se plaignait d’oppression, de frissons. Elle se plaignait souvent
de céphalalgie, d’étourdissements ; quand ceux-ci lui prenaient,
elle n’y voyait plus clair ; cependant ils n’étaient jamais assez
forts pour qu’elle tombât par teire ou perdît connaissance. Elle
n’avail jamais parlé d’ancienne attaque, et personne n’avait ja-
mais remarqué chez elle aucune trace de paralysie. Depuis plu-
sieurs mois elle baissait beaucoup, et on l’avait plusieurs fois
engagée à aller à l’infirmerie.
Autopsie vingt-quatre heures après la mort. • — On trouva une
vaste hémorrhagie de l’hémisphère gauche du cervelet.
La voûte et le septum lucidum étaient complètement ramol-
lis et convertis en un tissu rosé, ou plutôt parsemé d’un grand
nombre de points rouges, sans aucune consistance , se laissant
délayer par un courant d’eau. La face inferieure du corps cal-
leux présentait un ramollissement tout semblable.
Les quatre ventricules et l’aqueduc de Sylvius avaient des
dimensions énormes, dues à la distension opérée par une grande
quantité de sérosité rougeâtre qui les remplissait et qui s’était
écoulée.
Les parois des ventrictiles latéraux étaient rauioUies dans une
K A JI OLl. XS s E.M K NX AX EN X .
SS S
J>iautlc partie do leur étendue, niais surtout à leurs cxlrénulcs
antérieure et postérieure. A l’extrémité antérieure du ventricule
droit, la ineinbrane interne était coiume disséquée et séparée du
tissu sous-jacent; celui-ci était, dans un point, lougeatie et su-
perficiellement ramolli; dans un autre, il formait des faisceaux
lilancs, strjés longitudinalement, entrecroisés, assez semlilables,
en petit, aux colonnes cbarnues de second ordre c|ui tapissent
les ventricules du cœur. La substance médullaire sous-jacente
était dans l’épaisseur d’à peu près deux millimètres, comme ra-
réfiée, comme si elle avait été le siège d'une sorte d’atropbie
interstitielle. Toute la partie postérieure de ce ventricule était
aussi ramollie superficiellemeut; la membrane interne détruite ;
une couebe très-mince de sang coagulé recouvrait une partie
du tissu ramolli ; le reste était soulevé par un courant d’eau en
forme de chevelu blanchâtre, tacheté d'un grand nombre de
points rouges. Ce dernier ramollissement ressemblait beaucoup,
comme on le voit, à celui qui forme les parois des foyers hé-
morrhagiques récents.
Au milieu de ce tissu ramolli, du plancher inférieur du ven-
tricule, naissaient trois petites végétations arrondies, du volume
d’un petit pois, formées d’un tissu grisâtre, ayant la teinte de la
substance corticale des circonvohztions , mais une plus grande
consistance.
Les parois du ventricule gauche présentaient des altérations
analogues, mais beaucoup moindres. Les corps striés et les cou-
ches optiques étaient parfaitement sains à leur surface et dans
leur intérieur.
Les ramollissements que nous trouvons décrits dans ces deux
observations présentaient , au moins dans une partie de leur
étendue, des conditions de texture qui ne permettent pas de
douter de leur ancienneté. J’ai exposé tout au long les l enseigne-
ments que j’ai pu me procurer sur ces deux femmes ; le lecteur
jugera s’ils sont de nature à nous autoriser à considérer ces ra-
mollissements comme latents.. Te ferai remarquer que, dans le cas
de Leblanc, où les renseignements remontent à cinq ans, et où
le ramojlissemcat, n’ayant que peu d’étendue et de profondeur,
ne date sans doute pas d’une époque aussi éloignée, il est tout à
• 25
386 KAIMOLLlSSliMlilVÏ CMUOKIQUE. (SYMPT.)
fait probable que celle allération s’est développée Icnteuieut, et
sans avoir donné lieu à aucun symptôme, à aucune , époque de
son existence.
Je dois rappeler ici notre 77® observation, celle deThirion.
Cette femme vint mourir, à l’inâmierie de la Salpétrière, d’une
maladie du cœur. Son intelligence était parfaitement conservée.
Elle fut examinée avec soin, interrogée sur ses antécédents ;
rien, ni dans ses réponses, ni dans sa personne, n’était de na-
ture à nous faire soupçonner une altération du cerveau, dont les
fonctions ne furent pas par conséquent l’objet d’un examen spé-
cial. Eli bien, on trouva à la superficie du cerveau de nom-
breuses plaques jaunes et une ulcération étendue, un vaste ra-
mollissement de la substance médullaire d’un hémisphère, un
ramollissement du cervelet.
M. Lallemand rapporte une observation, non pas de ramol-
lissement latent, mais d’induration latente, induration qui sans
doute avait elle-même pour origine un ramollissement.
\
Observation 107. — Induration d’une circonvolution sans aucun
symptôme cérébral. Mort par un ramollissement aigu.
Un homme âgé de trente ans entra à l’Hôtel-Dieu, présentant
tous les signes d’une phthisie pulmonaire avancée, mais aucun
indice d’une lésion de l’encéphale. Quelques jours après, il fut
pris d’embarras de la parole, puis d’impossibilité d’articuler *,
trente heures après, il tomba dans le coma, et mourut à peu près
cinquante heures apres le début de ces accidents.
Autopsie. — La substance céiébrale est peu consistante, et les
plus petits ramuscules sanguins sont plus injectes que de cou-
tume. A la suiface inférieure du moyen lobe, en dehors de la
couche optique et du corps strié, endurcissement cartilagineux
en forme de cupule, de l’étendue d’une pièce de trois francs,
résistant et criant sous le scalpel, emboîtant pour ainsi dire la
circonvolution sous jacente; substance grise de cette circonvo-
lution ramollie et pénétrée de sang récemment infiltre; sub-
stance blanche également ramollie et d’une teinte jaunatie fl).
(1) LiiUcHiuijd, heure Vi, 11. 'J.
Ri^MOiitilSSEMENT LA.TEAX.
38T
Observation io8. — Ramollissement pulpeux chocolat du corps
strié et de la couche optique gauches.
Un maçon de 23 ans était aft’ecté d’une communication des
deux ventricules du cœur. 11 était phthisique, sujet à delà
dyspnée et à des palpitations. Il n’avait ni céphalalgie ni vertiges.
Il éprouvait seulement des étourdissements frequents. Il suc-
comba peu après une hémoptysie. Ce malade avait été examiné
et interrogé sur ses antéce'dents , avec tout le soin que l’on
connaît au savant observateur auquel j’emprunte ce fait : l’ab-
sence de tous symptômes cérébrau.x avait été parfaitement
constatée.
yiutopsie le 25 o,yril , seize heures après lu mort. — La cavité
de l’arachnoïde contenait de trois à quatre petites cuillerées
de sérosité louche ; la pie-mère était très-rouge , la substance
corticale très-rosée , la médullaire très-injectée, mais d’ailleurs
d’une couleur naturelle. Le ventricule latéral gauche contenait
environ une cuillerée et demie de sérosité : à droite il n’y en
avait nulle trace , et la partie antérieure du corps strié était
d’un rouge brun chocolat, ramollie , à consistance de crème,
dans une épaisseur de six lignes , une hauteur de quatre et la
longueur d’un pouce ; l’arachnoïde correspondante était un
peu épaissie, mais sans la moindre trace de fausse membrane.
Un peu en arrière et dans la couche optique du même côté,
était un second ramollissement tout à fait semblable au pre-
mier, un peu moins étendu seulement , autour duquel la sub-
stance médullaire était jaunâtre et un peu ramollie. Je passe
sous silence les 'altérations des autres organes (1).
M. Louis a rapporté, dans un autre travail, un second fait
qu’il donne également pour un exemple de ramollissement
latent, mais dans lequel l’altération du cerveau est beaucoup
moins bien caractérisée que dans le cas précédent. Un menui-
sier , âgé de vingt-un ans, passait devant la Charité, allant
déjeuner , lorsqu’il tomba tout à coup sans mouvement. Un
quart- d’heure après il était mort. On trouva à l’autopsie pra-
(t) Louis, Mémoire iur la comintinicalion îles c unies (Ii uUr.s arm Us ca~
nUs gauches du cœut i x* obseuv.
38S nA.MOLLlSSEMEM' CHIlOJMQUE. (sVAIET.)
liquée le 13 septembre , vingt-deux heures après la mort , que
le cerveau était en général plus mou qu’à l’ordinaire, ainsi que le
cervelet, la moelle alongée et la moelle épinière. En outre, le
lobe antérieur gauche et le corps strié correspondant étaient
plus mous évidemment que ceux du coté opposé ; la cloison
transparente et une partie des piliers de la voûte étaient encore
plus ramollies , sans néanmoins être pulpeuses. La substance
médullaire n’était pas injectée , les ventricules latéraux con-
tenaient chacun une petite cuillerée de sérosité (1).
M. Andral rapporte quatre observations de ramoflisseinent
sans symptômes ; voici l’analyse succincte des trois pre-
mières (2) :
Oiis. 1. — \ieillard de dix-huit ans. Mort dans l’adynamie,
sans symptômes cérébraux particuliers. L’hémisphère gauche
est transformé à sa base, dans l’ctendue d’un œuf de poule, en
une bouillie d’un blanc sale.
Obs. II. — Un homme, âgé de quarante-sept ans, succomba
à un cancer du foie et de l’estomac, sans avoir présenté de
symptômes du côté du cerveau. Plusieurs points du cerveau
présentaient un ramollissement blanc considérable ; toute la
substance blanche des deux couches optiques , quelques cir-
convolutions , le pourtour des cavités ancyroïdes, la base de
l’hémisphère gauche.
Obs. ni. — Un homme, âgé de soixante- onze ans , mourut
des suites d’une affection chronique de la poitrine et de l’ab-
domen. Aucune altération des fonctions cérébrales. Ramollis-
sement blanc de la voûte , du lobe postérieur de riiémisphère
gauche et du lobe moyen de l’hémisphère droit.
•Te citerai le quatrième fait, au chapitre de la guérison du ra-
mollissement.
(I) Louis, Miinoire sur les morts subites j vn ousriiv.
(5) Amiral, Clinique, l. v, p. 3'Jl et sui\ .
DTAGiNOSTIC.
.^89
;
CHAPITRE VIH.
DIAfiNOSTTC I)ü BAMOLT.ISSEMEM CDRONIOITE.
.le ne lu’occiipcMal pas ici du dlappiosllc du rainollissetuent
clirouique à son début, bien que ce soit l’époque à laquelle il
importe le plus de savoir bien reconnaître la nature de cette
maladie. Le ramollissement ebronique, succédant en p;énéral ù
nu ramollissement aip;u, les détails (}ue j’ai donnes précédem-
ment, lelativement au diafjno.stic de ce dernier, .se trouvent par-
iaitement applicables à la première pciiode du v.amollisscmenl
chronique.
Ce qu’il nous faut étudier ici, ce sont les moyens de recon-
naître un ramollissement cluonicjue à une époque plus avancée
de son développement, lorsque l’on se trouvera privé de ren-
seignements précis sur son début, ou bien encore lorsqu une er-
reur aura été commise dans le principe, ou que l’on sera resté
dans le doute sur la nature de la maladie au moment do son
apparition. Kous aurons encore à étudier les moyens de recon-
naître le ramollissement qui viendrait à se développer à l’entour
ou à une distance rpielconquc d’une altération organiq:ie pré
existante, ainsi d’un ancien foyer bémorriiagiquc ou d’une tu-
meur.
.li; ])uis dire d’avance que j’aurai beaucoup île peine à arriver
à quelque chose de précis sur ce sujet. Le diagnostic différentie
est le poiiule pins difficile à traiter dans la pathologie cérébrale;
la plupart des maladies de l’encépliale offrent bien un groupe
de symptômes particuliers, qui permet d’en tracer un tableau
spécial ; mais il est toujours im certain nond)re de faits qui,
])lacés sur les limites des düTéreiues famille.s, établissent entic
clics une confusion qu’il est souvent impossible de faire cesser,
soit à cause de rabscnce de phénomènes importants, caracté-
ristiques, soit au contraire par la présence de symptômes inu-
sités ou appartenant babilm llcmeiU à des fads d’un ordre dif-
férent.
390,
fl i UUI.l.lS.>K.\ih.X,l cHhU '«lÿLi:. SI-UPT.
<j’csi juiiüul av<r los ;>nd<*ïi'j lojeis héinoiiliagjqües ci avec
les uimeurs encéphaliques de diverse nature que le ramollis-
sement chronique peut etre confondu. Occupons-nous d’abord
des foyers hémorrhagiques.
§ I
Nous savons qu’il est un certain nombre de cas où il est im-
posible, lors de l’apparition d’un ramollissement et pendant les
premiers jours de son existence, de le distinguer d’une hémor-
rhagie cérébrale. Lorsque la mort n’aura pas empêché le ramol-
lissement de passer à l’état chronique, c[uelles circonstances
pourront venir .alors éclairer le diagnostic ?
Ce qui paraît surtout caractériser riiémorrhagie ce'rébrale,
c’est une marche graduellement décroissante, jusqu’à l’époque
où elle devient stationnaire, tes facultés le'sées ayant aussi com-
plètement recouvré leur intégrité que le permet la persistance
d’une lésion organique guérie, mais non disparue.
Or, il est des cas où le ramollissement suit exactement la
même marche. On en sera convaincu, sii’on veut bien relire
l’observation de Doutremont (i), où la marche de la maladie,
pendant sept ans, ne semblait pouvoir laisser aucun doute sur
l’existence d’une hémorihagie aussi simple que possible, tandis
que l’on n’a trouvé autre chose qu’un ramollissement pulpeux,
sans aucune trace d’épanchement sanguin.
Si la marche de la maladie peut être toute semblable, n’existe-
t-il pas quelques phénomènes particuliers qui puissent mettre
sur la voie du diagnostic ?
La question n’est pas aussi facile à résoudre qu’à poser. Il n’y
a sans doute autre chose à faire qu’à prendre un nombre suf-
fisant d’observations d’hémorrhagies anciennes du cerveau, et
à les rapprocher des observations de ramollissement, pour re-
connaître les différences qui peuvent exister entre elles
Mais, si l’on nous accorde ce que nous avons avancé touchant
l’origine de toutes les altérations que nous avons cru devoir rap-
porter au ramollissement, et qui la plupart étaient considérées
comme les vestiges les plus habituels de rhéinorrhagie, on con-
(i) ttbsprvalion 62.
D1A.GN0STIC.
391
viendra également que sans doute cetle dernière guérit moins
souvent qu’on ne le pensait ; et le nomhre des faits, appartenant
légitimement à l’hémorrhagie, se trouvera ainsi singulièrement
restreint ; si l’on songe encore qu’il est essentiel de ne tenir
compte que des foyers hémorrhagiques non entourés de ramo -
lisseinent, et que ces, deux lésions se rencontrent très souvent
simultanément ; enfin si l’on croit nécessaire, avec nous, de ne
s’adresser qu à des observations suffisamment circonstanciées, et
dans lesquelles la simpliciié de l’altération anatomique ne puisse
laisser aucun doute, on comprendra la difficulté de reunir des
faits assez nombreux pour arriver à des résultats un peu con-
cluants. _ , .
Cependant je crois, d’après les observations que j’ai pu réunir,
de foyers hémorrhagiques guéris et trouves chez dés individus
morts de diverses maladies ; je crois pouvoir établir qu à la suite
de la guérison de l’hémorrhagie cérébrale, les choses se passent
d’une des trois manières suivantes :
Tantôt il n’y avait plus, dans les derniers temps de la vie, de-
puis une époque plus ou moins éloignée, aucun vestige de lésion
cérébrale.
Tantôt la parole et le mouvement, primitivement lésés, n’a-
vaient pas recouvré toute leur intégrité ; c’est ce qui arrive le plus
communément.
Tantôt enfin, et c’est le cas le plus rare, il était resté ou une
hémiplégie ou une perte de la parole à peu près au.ssi complète
que dans le principe.
Il m’a semblé que dans tous les cas, ou à bien peu de chose
près, l’intelligence se rétablissait, sauf quelquefois un peu d’af-
faiblissement dans les facultés affectives, portant le plus souvent
sur la mémoire.
Mais ce qu’il y a de frappant et de vraiment caractéristique
dans les c-as de ce genre, c’est que l’on n’observe qu’un certain
degré d’affaiblissement des fonctions primitivement lésees et
imparfaitement rétablies, mais jamais de phénomènes différents,
tels (jue céphalalgie, douleurs dans les membres, contracture,
convulsions, modifications clans la sensibilité cutanée, etc. Au
moins, lorsque ces phénomènes .se rencontrent, il est en géné-
ral facile de reconnaître qu’ils tiennent à quelque circonstance
autre que la présence du foyer hémorrhagique guéri.
392
raaiolt,issf,me:^t chroxique. ( sympt.)
11 faut se garder de confondre la contracture des membres
avccla roidenr des articulations, queTon rencontre souvent chez
les individus demeurés paralytiques à la suite d’anciennes hé-
morrhagies. Lorsqu’un memhreestparalysé depuis long-temps, il
survient habituellement une certaine rigidité des jointures qui
peut aller jusqu’à une véritable ankylosé^ c’est-à-dire une im-
possibilité absolue de les faire jouer. C’est le résultat fort natu-
rel d’une immobilité prolongée. On reconnaît cette rigidité pas-
sive à ce qu’elle survient très-graduellement, toujours à une
époque un peu éloignée du début de la maladie ; mais surtout
à ce que son développement n’a coexisté avec l’apparition d’au-
cun symptôme céréhrrd, à ce qu’elle ne s’accompagne pas de
douleurs dans les membres, de sensibilité à Impression, de ri-
gidité des muscles, qui demeurent flasques et inertes, tandis
(jii’ils sont contractés et tendus alors cju’il existe une véritable
contracture. Les efforts pour redresser ou fléciiir ces articula-
tions peuvent être douloureux, si l’on emploie uue grande
force ; mais ils ne provoquent jamais de douleurs comparables
.à celles que l’on fait naître, en eberebant à imprimer des mou-
v^ements à des membres contracturés. La rigidité passive des ar-
ticulations persiste après la mort, tandis que la contracture cesse
toujor.vs alors, et babilucllcment même disparaît dans les der-
niers jours de la vie,.
Voici cependant une exception bien remarquable à la règle
que je viens d’établir, touchant la marche symptumatique de
riiémorrbagic cérébrale, pendant la période de guérison ; je ne
connais pas d’autre fait de ce genre.
Odserv.vuoîj iO(). — Kj?'C liêr.ion-liagicjiio dans le cervc.nii. — Ac-
cès épileptiformes répétés.
Une femme nicinut. à l’àge de cinquante-sept ans, d’une bé-
luorrhagie cérébrale. Dix sept ans auparavant, clic .avait déjà
éprouvé une attaque d’apoplexie qui lui avait laissé une hémi-
plégie droite et un mutiuuc complet. Depuis quinze ans, cette
femme éprouvait régulièrement tous les huit jours une attaque
d’épilepsie. Ces accès avaient cela de remarquable, que les con-
vulsions u’affectaieiit que les membres perclus, (leux-ci deve-
u.aieiil eu même temps le siège de douleurs aigiu-s ; la malade
DIAGNOSTIC.
39.'’,
poussait les hauts cris ; hientôt elle pci flait connaisssance, sa
bouche écumait ; un assoupissement de deux heures succédait
à cette anxiété, puis le calme renaissait.
j4utoj)sie. — On trouva une hémorrlingic énorme du cer-
velet.
Dans le corps strié etla couche optique du côté gauche, exis-
tait une cavité qui aurait pu admettre une pomme d’api. Cette
cavité était remplie par environ quatre onces d’une sérosité
teinte de sang. Ce liquide était contenu dans une véritable poche
membraneuse, moulée sur la cavité cérébrale. Cette membrane
parlditement organisée, ressemblait à la pie-mère, dont elle ne
différait que par sa moindre transparence et sa plus grande con-
sistance. Sa couleur rouge-jaunâtre paraissait lui être communi-
quée par une couche de substance cérébrale de trois lignes d’é-
paisseur, de même couleur et très-dure, sur laquelle die était
immédiatement appliquée sans cependant lui adhérer, et qui .
formait elle-même les parois de la cavité (I).
()uoi qu’il en soit de ces exceptions dont rexjdicatlon nous
échappe, elles sont trop rares pour nous empêcher d’établir les
propositions suivantes :
Lorsqu’un ramollissement, après avoir revêtu, à son début,
la physionomie propre à l’hémorrhagie cérébrale, ne présente
plus lard autre cliose qu’un décroissement graduel des syin-
plüincs de sa première période, il doit être généralement im-
possible de le distinguer d’une hémorrliagie cérébrale. Exemple,
l’obseivalion de Doutremonl.
Toutes les fois qu’un individu, portant une ancienne liémi-
plégie, ])réseutera delà contracture, ou des inouvemenls convul-
sifs, ou des douleurs dans les membres, ou une altération no-
table de l’intelligence, ou devra croire (pi’il y a autre chose
qu’un foyer hcnioirliagique.
ÏMaintenant il nous faut chercher* a cjucls signes ori pont l'C-
connaître la coexistence d’un ramoHisscmçiu ci d’une Iréinor-
1 hagle.
'1' Moiillii, Trailt! Je l'iqiojJcxie. [■. 7i ; IS|‘J.
oM'l RAMOLI.ISSIeMEKT CHROKIQUH. (s\MPT.)
Lorsqu’un ramollisseinent vient à survenir d’une manière ai-
guë dans le voisinage d’un foyer liémorrhagique guéri ou eu
voie de guérison, on voit alors apparaître les symptômes pro-
,pres au ramollissement aigu, et dans ce cas le diagnostic n’ofTre
pas de difficultés spéciales.
Mais les choses ne se passent pas habituellement ainsi. C’est
presque toujours d’une manière très-lente, souvent même la-
tente, qu’un ramollissement vient à se développer autour d’un
foyer hémorrhagique. Alors il faut beaucoup d’attention pour en
reconnaître l’existence, et surtout il ne faut pas oublier les pro-
positions émises précédeminent ; et, si chez un individu, chez le-
quel un foyer hémorrhagique est envoie de guérison, il survient
des douleurs dans les membres, ou une céphalalgie considérable,
locale, continue, ou de la contracture, -ou une difficulté inac-
coutumée de la prononciation, ou quelques nouveaux troubles
des facultés intellectuelles, il ne faudra pas attribuer ces phé-
nomènes, quelque légers qu’ils soient, au foyer hémorrhagique;
il faudra se garder de voir là, comme on le dit souvent, l’effet
du travail de cicatrisation ; mais on reconnaîtra l’invasion d’un
nouveau travail morbide, d’une complication, aux progrès de
laquelle on devra se hâter de s’opposer.
Un ramollissement peut se développer à l’entour d’un foyer
hémorrhagique presque aussitôt après que l’épanchement san-
guin s’est effectué. Dans ce cas, les symptômes propres au ramol-
lissement pourront se montrer dès les premiers jours de la ma-
ladie : alors du délire succédera au coma, des mouvements con-
vulsifs se montreront, surtout dans le côté non paralysé, les
membres paralysés deviendront le siège de douleurs vives. IMais
il est assez rare d’observer de semblsbles phénomènes. Si le ra-
mollissement est considérable, la mort survient presque toujours
Irès-proinptement ; s’il ne l’est pas, il est rare c[u il s annonce
dès celte époque par des signes un peu caractérisés : il semble
(jue les pbénomènes qui déviaient traduire sa presence soient
ntasqués par ceux de rbémorrbagie. Est-ce aller trop loin que
de dire que c’csl la compression exercée par le sang épanche, et
non encore résorbé, qui s’oppose à ceriaincs manifestations sym-
ptomatiques ?
Du reste, ce n’est pashabittudlement dans la première période
nhVUJSOSTic.
lie l'Iiénioviliajjic «‘éi'ôbi ale iju’uii larnollissejneiiLse loi me a l eu
tour du loyer : on a exagéré le rôle que joue l inflammation a
celte époque de riiéinorrhagie. Aussi, lorsque dans les premiers
jours d’une attaque d’apoplexie, ou observe de la contracture
ou même des mouvements convulsifs, il ne fairt pas voir datas
ces phénomènes l’annonce d’un ramollissement \ on n oubliera
pas que j’ai indiqué précédemment les symptômes de ce genre,
surtout la contracture, comme appartenant aux épairchements
ventriculaires ou des méninges (1). Je serais même porté àcroite,
bien que je ne l’aie pas observé moi-même, que le contact du
sang avec les membranes d’enveloppe du cerveau peut en outre
donner lieu à du délire. En effet, dans trois observations eur-
prrrntées à l’ouvrage de M. Roeboux (2), où un peu de déliie a
été observé le second ou le troisième jour de la maladie, on ne
trouve pas, malgré le soin habituel avec lequel cetauteur décrit
les altérations anatomiques, on ne tr ouve pas autre chose que ce
degré de ramollissement qui environne constamment une hé-
morrhagie récente, et qui, s’il n’est pas primitif à l’épanchement,
comme je le pense avec ce savant écrivain, du moins ne saurait
être considéré comme un ramollissemeut inflammatoire conse-
cutif ; mais, dans ces trois cas, le sang épanché était eir contact
.•\vec la membrane ventriculaire ou les méninges extérieures. Le
délire, du reste, avait toujours été fort léger.
§ 11-
De toutes les affections de l’encéphale, les tumeurs ou dégé-
nérescences du cervelet sont certainement celles qui, par leur
marche et la nature de leurs symptômes, se rapprochent le plus
du r’amollisseinent chronique. Le diagnostic différentiel en est
cependant fort important, ne fùt-ce qu’au point de vue du pro-
nostic, car il n’y a pas à douter qu’il n’y ait beaucoup plus à
espe'rer et du travail de la nature, et des efl'orts de la thérapeu-
tique, dans le ramoUissement cérébral, que dans un cas de tu-
(t) Voyez p. 194.
(2) Rochoux, Traùd de. V apoplexie, seconde edilion, oh.serva lions 3", tO*
«amolijssej.if.nt cnnoNiQUE. (sympt.)
meur Luberculeuso ou cancéreuse de l’encépliale. .le vai.s pre'.scn-
ter un tableau concis des plie'nomènes qui accompagnent le plus
habituellement les dégénérescences du cerveau, et nous les rap-
procherons des symptômes propres au ramollissement.
J’aurais voulu d’abord distinguer les tumeurs non accompa-
gnées de ramollissement, de celles à l’entour desquelles s’est déjà
développé un travail inllammaloire; mais la plupart des observa-
tions publiées, ne contenantaucun détail surFétatdelasubstance
cérébrale, à l’entour des dégénérescences, il m’a été impossible
de tenir com])te de cette circonstance importante. Voici le
relevé de soixante et onze observations de tumeurs du cerveau,
empruntées à différents auteurs, quelques-unes recueillies par
moi. .T’ai réuni ensemble les tumeurs cancéreuses et les tumeurs
tuberculeuses, parce qu’il m'a paru impos.sible de différencier,
pendant la vie, ces deux sortes de dégénérescences autrement
qu’à l’aide de circonstances étrangères aux symptômes do la
maladie elle-même ; telles que l’àge des sujets, par exemple,
qui permet à peine, dans l’enfance, de soupçonner l’existence
d’une tumeur cancéreuse : tandis qu’il doit toujours faire présu-
ïucr alors la nature tiibercLdeuse d’une dégénérescence. Parmi
les observations que j'ai réunies, il en est sans doute plusieurs
qui ont trait à des tumeurs des méninges, ayant pénétré consé-
cutivement dans l’intérieur de la pulpe cérébrale j mais, dans
ces cas encore, les symptômes peuvent être absolument les
mêmes. Enfin, j’ai laissé de côléjes observations de tumeurs du
c nveau, dans la première enfance, afin que la comjiaraison des
symptômes de ces dégénérescences avec ceux du ramollissement
jiuisse être plus exacte.
N’ayant en vue que le diagnostic, nous étudierons seulement
ici les symptômes offerts durant la première période et dans le
coms de la maladie, et nous n’aurons pas à nous occuper des
phénomènes(|ui jirécèdcnt immédialeineut la mort; que sert de
reconnaîtrealors la nature d’uneaffection semblable? Je dirai seu-
lement que, quelle qu’ait été jusqu’alors la marclic et la physio-
nomie de la maladie, il survient ordinairement, dans les derniers
jours de la vie, de.s accidents bien tranchés, et souvent toutdif-
iérents de ceux ob.servés précédemment, ainsi le coma, une
paralysie subite, des convulsion.s, etc.
DIAGNOSTIC..
397
Sur les soixaiue-onza obseï valions que j’ai reunies, dans Irois
cas, il u’y a eu aucun symptôme de noté (1 ).
De tous les phénomènes observés dans les soixante-huit autres
cas, le plus constant et un des plus caractéristiques a été la cc-
phalnlgie : elle a été notée soixante-unc fois. .Te rappellerai que,
sur cinquante-trois observations de ramollissement chronique, la
ccphalal{;ie n’a été rencontrée que vingt-quatre fois, dans moins
de là moitié des cas. Sur quarante cas do tumeurs de rencéphale,
non tuberculeuses, M.Calmeil a trouvéla céphalalgie notée ti en le-
trois fois (2); il dit plus loin que dans les dégénérescences tuber-
culeuses, c’est le symptôme le plus fréquent ; à peine manque-
t-il chez quelques malades (3). Mais ce phénomène n’est pas seu-
lement remarquable par sa fréquence dans les tumeuis du cer-
veau, il l’est encore par sa nature et par son siège : dans presque
tous les cas, la céphalalgie était excessive, arrachant des cris sur-
tout dans les paroxysmes, presque toujours continue, sauf tou-
tefois dans le commencement. Enfin elle était à peu près coii-
slammentbornée àuncôté de la tête, et c’en est là la circonstance
la plus caractéristique ; je ne l’ai vu indiquer générale que deux
fois; dans tous les autres cas, elle était locale, sauf quelques ob-
servations peu détaillées où son siège n’est point indiqué.
Or, dans le ramollissement, la céphalalgie est rarement bornée
àuncôté de la tête ^ elle est quelquefois générale, presque tou-
jours frontale : elle n’est pas habituellement intense, et surtout
il est infiniment rare qu’elle le soit assez pour arracher des cris
au malade.
Dansseize cas, la céphalalgie fut leseul symptôme, (4) au moins
jusqu’aux derniers jours delà vie,oùsurviurent des convulsions,
otiuiiehémiplégie, ou du coma. La céphalalgie fut, dansions ces
cas, extrêiiKinent vive, bornée à un côté de la tête, quelquefois
accompagnée de vomissements.
(1) L.T!icjicr, Journal la CUnitiuc, l, i, n" -fü ; 31 juillcL ttî27. Aiulral,
CH nique medicale, t. v, p. 6’j(),
(2) Calmcil, Dicl. demiid., deuxième edit., t. ii, p. o<)0.
f3) Loc. cit.. p. i)74.
^4) Aljcrerorubie, J^es maladies tic l’encc'fjhale, etc., irad. de M. (Icn-
drii), |), <16o. Gazette des hôpitaux, 19 lévrier 1833 ; cliuique da ÎU. Liu r-
■seuL. A udral, /oc. cil-, p. üî2. VîouûVaxxd, Traitd de l’encdjdiulitc, oh%e.T-
Tuliou xr.iii.
3g8 RÀMOLLlSSKMEttX CHHONU^UE. (sYMPT.j
Six fois à la céphalalgie s'ajouta une cécité graduelle (1), sans
aucun phénomène de paralysie, sauf un seul cas, mais où la pa-
ralysie ne se montra que long-temps après la perte de la vue.
Une autre fois, il s’y joignait des convulsions survenant à dif-
férents intervalles. Assez souvent encore, on a rencontré ou im
affaiblissement ou des troubles divers de la vision.
Le ramollissement ne présente guère de semblables phé-
nomènes : ainsi, pour tout symptôme, une céphalalgie très- viv^e,
partielle, sans paralysie, ou bien accompagnée de troubles de
la vision. .Te ne connais pas un seul cas où une perte complète de
la vue ait paru s'opérer sous l’influence d’un ramollissement.
On a observé une hémiplégie graduelle dans quatorze cas (S),
.marche qui se rapproche davantage de celle du ramollissement.
La céphalalgie ne paraît avoir manqué que dans trois de ces cas.
Deux fois il n’y eut qu’un simple affaiblissement du mouve-
ment d’une des moitiés du corps. Il y eut des convulsions dans
trois cas ; deux fois elles avaient précédé de long-temps la pa-
^ralysie. Les membres paralysés ont présenté quelquefois delà
contracture : les observations que j’ai sous les yeux ne sont pas
toutes assez détaillées, pour me permettre de donner le chiffre
précis de la fréquence de ce symptôme j mais je ne pense pas
qu’il ait été souvent rencontré.
On a observé quatre fois une paraplégie (3). Elle succédait
une fois à une hémiplégie. Dans trois cas elle fut précédée par
une céphalalgie très-violente 5 dans un quatrième, la céphalalgie
n’est pas notée, mais la parole était embarrassée ; il n’y avait
pas, du reste, une véritable paraplégie, mais une paralysie .géné-
rale, survenue graduellement.
Des convulsions ont été observées vin; t cinq fois (4) : elles
(t) Abercromhie , loc. cil., p. 470. Lalleiiiand, 7c LcUre , n° t9.
(2) Anclral, loc. c/i-,p. 646 et652i Roslan, loc. cil., obs. xciv. Aber-
crombie, ^oc. où., p. 482. Lau:;ier, Zoc. cU. Bulletins de la Socidle' ana-
tomiijue, iie année, p. 43, et 13' année, p. H4, Komberg,^/cA/Vej geV». de
mdd., 2c série, t. vu. Carré, Archives, juin t834. Bouillaud, loc. cil., ob-
servation XLlI .
(3) Abcrcroiïibic, /oc. c//. , p. 485. An//e/. de la Soc. anal., t5oan.,p.8t.
(4jIloslan, loc. cil., obs. xcin et xciv. Aberorombie, loc. cù.p.473. Lau-
i»icr, loc. cil. Kainbclii, Clinique des hôpitaux, 1. 1, juin 1827. Bulletins de
lu Soc. anat., 12* anu , p. 37. Lallemand, loc. cil., u. 3 et 18. Hoiiillaiid,
loc, cil., ubs. XLii.
lilA-GNOsllC.
399
soûl presque toujours indiquées sous le nom d’épilepsie ou de
convulsions épileptiformes. Ceileforine de convulsions, presque
constante dans les tumeurs du cerveau, est moins commune
dans le ramollissement chronique, bien qu’elle s’y observe aussi.
Elles étaient assez souvent limitées iiun seul côté ducorps. Vingt
fois elles ne s’accompagnaient d’aucune paralysie. Ceci est im-
portant à noter, parce que, dans le ramollissement chronique,
les convulsions se rencontrent infiniment rarement sans para-
lysie.Dans tous les cas, sauf un on deux, on a noté cette céphalalgie
si caractéristique qui, en général, avait précédé les convulsions.
Dans cinq cas, le symptôme dominant fut encore la céphalal-
gie; mais, en outre, on nota, comme phénomènes habituels, des
étourdissements, des vertiges, des attaques avec perte de con-
naissance , quelquefois un coma prolongé; à cela se joignaient
souvent des nausées, des vomissements, des troubles divers des
sens (1). Les cas de ce genre sont difficiles à caractériser. Une
fois, il y avait seulement de la rigidité dans les membres avec un
état de démence (2).
Dans deux cas d’hémiplégie précédemment indiques, il surve-
nait de fréquentes attaques apoplectiformes. Une fois, des at>
taques d’hémiplégie gauche se répétaient fréquemment, accom-
pagnées de symptômes spasmodiques (3). D’autres cas encore
suivent une marche peu usitée : ainsi on a vu une violente cépha-
lalgie s’accompagner d’une roideur tétanique des membres avec
du délire par intervalles (4), ou bien d’un affaiblissement géné-
ral sansparalysie(5).Enfm,M.Calrneil paraît avoir observé quel-
quefois la démence (6).
Il me semble résulter de ce résumé que, dans le plus grand
nombre des cas, il est possible de distinguer les tumeurs du cer-
veau, du ramollissement cérébral.
L’existence prolongée d’une céphalalgie violente, bornée à un
côté de la tête, accompagnée ou non de vomissements, de cécité
(1) Aburcrombic, loc, cil., [). 190. liullelim de la Soc» anat , \ te annc'e
p. 109.
(2) AndraH, loc. c//.,p. 619.
(3) Lallemand, loc. cil., ii. 11.
(4) Bulletins de la Soc. anal., 15o anii., p. 3}J.
fS) Bidlelins de la Soc., anal., tru; ami , p. 8r>.
(6) Cnlmeil , loc. cil., p. 562.
4U0
n.V.MOLLlSàüAIEKX CUllüMQtJE. {sYAri'T.)
OU de troubles divers de la vue, sans pliénomciies de paralysie,
si elle n’indique pas toujours avec certitude la présence d’une
tumeur dans le cerveau, ne saurait guère au moins laisser sup--
poser celle d’un raïuollisseiuent : s’il s’y joint des accès convul-
sils sous forme épileptique, sans paralysie dans leurs intervalles,
les probabilités sont encore plus grandes en faveur d’une tumeui-t
encéphalique, surtout si la parole ou l’inielligencesont demeu-
rées intactes. En effet, la parole est moins fréquemment lésée
dans les alTeclions do ce genre que dans le ramollissement ; elle
présente beaucoup moins souvent, en particulier, ce caractère
de monotonie que nous avons signalé comme une des circon--
stances les plus constantes du ramollissement chronique. Quant
à l’intelligence, M. Andral, se basant sur l’examen tic quarante-
trois faits, dit qu’elle est restée intacte dans le plus grand nom-
bre des cas (l). J’ai fait exactement la même observation que ce
jrjol'esscur. Cependant, M. Calmeil a trouvé que sur quarante
cas d’affections organiques de l’encéphale, l’intelligence était lé-
sée dans la moitié des cas (2). Si ce chiffre est vrai pour la géné-
ralité des faits, cette circonstance perd beaucoup de sa valeur ;
mais il faudrait savoir si cet auteur y a compris les phénomènes-
observés tout à fait à la fin de la vie.
La paralysie est certainement le phénomène c]iil est dénaturé
à ajouter le plus de difficulté au diagnostic. M. Calmeil dit que
les cinq huitièmes des individus atteints d’affections organiques
de l’encéphale pre'sentent des symptômes de paralysie, etquelai
moitié sont hémiplégiques (.3). J’ai obtenu des résultats bien dif-
férents ; car, sur les soixante-onze observations que j’ai réunies,,
je ne trouve de phénomènes de paralysie indiqués que vingt-
deux fois, encore quatre de ces individus étaient paraplégiques.
M. Andral dit simplement que les lésions du mouvement existent
dans plus de la moitié des cas (4); mais il entend parler des con-
vulsions aussi bien que de la paralysie.
31. Calmeil dit encore que la paralysie s’établit graduellement
(I) Andi'.'il, loc. oit. , [I. Gj8.
(i) Calmeil, loc. cil. p.!>G2. Cela luuU-11 à cc ipic M. Calaie.il a rmioilli la
pliipai'l de ses observations clans des Iios[iiccs d’alicaes ?
(3) Culmcil, loc. cil., p. oGI.
(4) Audral, loc. ctt., p. 638.
mAGNOSXIC.
•un
ou toiil à coup (1). Celle assertion, ainsi présentée, me paraît
manquer de justesse : non pas que je nie absolument que la pa-
ralysie puisse survenir tout à coup; cette circonstance a dù se
rencontrer, puisque cet auteur le dit; mais au moins elle doit
être bien rare, puisque je n’en trouve pas un seul exemple dans
mes soixante-onze observations. Cependant il faut s’entendre :
on voit bien quelquefois, chez un individu non encore paralysé,
survenir tout à coup une attaque apoplectiforme, accompajpiée
de paralysie géne'rale ou partielle ; mais alors le mouvement re-
vient avec la connaissance. Ce sont des attaques toutes passagères,
auxquelles certains malades sont sujets : mais cela ne peut cire
considéré comme un mode de début de la paralysie. J’ai toujours
vu cesymptôme apparaître graduellement. J’insiste sur ce point,
parce qu’il est capital pour le diagnostic qui nous occupe, et qu’il
trouvera souvent son application. Nous savons combien souvent
l’hémiplégie débute tout à coup dans le ramollissement, ün
pourra être à peu près certain, dans les cas de ce genre, que l’on
n’apasaffaire à une tumeur de l’encéphale, surtout si cette inva-
sion de la paralysie n’a été précédée ni d’une céphalalgie spéciale,
ni de convulsions.
Il n’en est plus de même dans les cas où il se forme une hé-
miplégie graduelle : il est alors presque toujours difficile, quel-
quefois impossible, de distinguer une tumeur d’un ramollisse-
ment, à moins toutefois qu’une céplialalgie locale, vive, des
accès convulsifs, n’aient précédé de longtemps la première ap-
parition de la paralysie. *
M. Rostan paraît attacher beaucoup d’importance, dans le cas
de tumeurs cancéreuses du cerveau, à l’existence de douleurs
dans les membres paralysés, très-vives, lancinantes^ lien difj'c-
r entes de celles du ramollissement (2). Je ne sais en quoi consiste
celte différence ; mais desdouleurs vives et lancinantes des mciii
lu es sont trop communes dans le ramollissement, pour pouvoir
servir à caractériser les tumeurs de l’cncéphalc.
En résumé, les circonstances les plus propres à faire distin-
guer les tumeurs encéphaliques du ramollissement cérébral sont :
pour les premières, l’existence d’une céphalalgie très-vive, bornée
2(i
(1) Galmeil , eod. loc.
(2) Rostau, loc. ciL. p, 404.
4^2 llAMOLi,lat.EMKHX CUKONIQUE.
à une moitié de la têle, de la cécité ou d’un afiaiblisseineut
considérable de la vue, de convulsions épileptiformes sans pa-
ralysie : pour le ramollissement , l’apparition subite d’une hé-
miplégie persistante (1).
(J) Un médecin allemnod, le docteur Romberg, • prétendu que l’on pou-
vait distinguer la céphalalgie dépendant de productions morbides du cer-
veau, à ce que les fortes expirations raugmenlaienl, en pressant le cervelet
contre la tente, et le cerveau contre la voûte. Cela remplace, disait-il, la
pression dans les maladies abdominales et thoraciques. Il se demandait en
mAme temps si la même remarque, faite dans l’inspiration, où le cerveau
était pressé contre la base du crâne, ne pourrait pas éclairer le diagnostic
des tumeurs de la base. ( yirchives, 2< série, t. vu, juin, 1835.)
TROISIÈME PARTIE.
CHAPITRE IX.
t>U LA CURABILITÉ ET DES MODES DE GUÉRISON DU
RAMOLLISSEMENT.
«
Que le raniollissemenl cérébral soit curable, c’est un fait dont
on ne saurait guère plus douter aujourd’hui que de la curabi-
lité des tubercules pulmonaires. Mais, dans l’une comme dans
l’autre de ces questions, une des difficultés, c'est de savoir quelles
sont précisément les traces que peuvent laisser ces affections en
subissant l’arrêt dans leur marche, ou bien le travail de cicatri-
sation, ou d’induration, ou de transformation, qui est la con-
dition de leur guérison. Il serait facile de pousser plus loin ce
parallèle, qui s’appliquerait à plus d’un point de l’Iiisloire de
ces deux maladies.
On peut employer deux méthodes pour arriver à la solution
d’une telle question. L’une, interrogeant avec soin les phéno-
mènes observés pendant la vie, essaie de juger, par les carac-
tères qu’ils ont présentés, de la nature des altérations rencon-
trées après la mort, et de retrouver, à l’aide d’un tel examen,
la physionomie primitive de ces dernières; l’autre, n’accordant
qu’une importance secondaire aux données que peut fournir
cette étude, s’attache simplement à suivre, dans leurs différentes
périodes et avec leurs nuances diverses, les altérations qui se
rencontrent dans le tissu du cerveau, et ne peuvent en général
exister pendant un certain temps sans subir des transformations
variées. Eu procédant ainsi par l’anatomie pathologique,
on suit une voie peut - être plus lente, mais sans doute plus
sûre ; en nous apprenant ainsi à' connaître les nuances diverses
qui conduisent à ces transformations, elle nous permet de re-
construire, une altération étant donnée, tous les éléments qui
ont présidé à sou développement primitif et aux degrés consé-
cutifs par lesquels elle a passé.
Je ciois avoir facilité cette étude en décrivant, avec plus
de soin et de luécision qu’on ne l’a fait jusqu’ici, les divers de-
grés que suit le raniollissemenl ciTcbral entre ses deux périodes
iO'i
ramollissement céuébral.
extrêmes. Nous allons reprendre successivement chacun de ces
degrés, et l’étudier sous le point de vue qui fixe maintenant
notre attention.
Ce n’clait pas pour un seul motif, qu’à l’occasion du ramollis-
sement aigu j’insistais siir ce fait : que, hors les cas de sup-
puration, il se distinguait spécialement du ramollissement chro-
nique par l’absence de désorganisation, qui est un des caractères
les plus constants de ce dernier.
En effet, tandis qu’un tissu non désorganisé peut parfaite-
ment revenir à son état normal sans conserver aucune trace de.s
modifications qui l’ont affecté, une altération profonde dans
l’organisation d’un tissu ne saurait guérir que par un travail
analogue à la cicatrisation, c’est-à-dire qui laisse une empreinte
ineffaçable, et souvent altère à jamais les fonctions de l’organe.
Ainsi on n’a dû jamais douter que l’on n’eût guéri maintes lois
de ces encéphalites, au premier degré, le plus souvent superfi-
cielles, développées à la suite d’opérations ou de plaies de tête,
ouspontanemeut, et que devait caractériser déjàun premier degré
de ramollissement. Tels sont peut- être les faits que j’ai mppor--
lés comme exemples de congestion cérébrale, et dont j’aisignalc
l’identité parfaite, sous le rapport des symptômes, avec le ra-
mollissement à son début. Il est difficile de savoir, dans les cas
suivis de guérison, quelles ont été précisément les limites de
rallératiou anatomique ; jusqu’à quel point, par exemple, elle
a été au delà, ou est restée en deçà du point qui lie le ramollis-
sement à la simple congestion. Mais ce point même, que nous
supposons par la pensée, existe-t-il dans la nature? N y aurait-
il pas seulement dans tous ces faits une différence du plus au
moins? Je le pense, au moins pour un bon nombre d entre
eux ; et je crois que dans beaucoup de cas d’apoplexie, de coup
de sang, de délire, arrêtes par un traitement li*ureux, ce sont
de.s ramollissements commençants que l’on a gueris-
LeramoUissement chronique, lorsqu’il se présente sous loi tue
d’une simple molle.sse pulpeuse, sans rougeur, n est le plus
souvent, comme nous l’avons vu, qu’un état de transition entre
le ramollissement aigu et les degrés consécutifs que nous avons
désignés sous le nom de plaques jaunes et d’inliltration cellu-
leuse Il n’y a pas encore précisément transformation du tissu
cérébral, et pourtant il est difficile de ne pas regarder comme
GUÉnlSON DU KA.MOI.LISSEMEST.
une véiilable désorganisation, cette altération qui ne laisse a ses
moléculesguèreplusde cohésion que n’en ontcellesd unliqmde.
Cependant nous avons vu que, dans certains cas, la maladie
pouvait persister presque indéfiniment, à ce degre, comme ans
l’observation de Doutremont, où elle datait de sept ans (
Le ramollissement à cet état, le ramollissement pulpeux, est-i
susceptible de guérison ? Si nous entendons par guérison le re-
tour à l’état anatomique normal, je ne crois pas qu’il puisse
en être ainsi dans le plus grand nombre des cas, car la diimmi-
tion de cohésion du tissu cérébral est trop grande pour qu il
puisse reprendre la consistance qui lui est propre. On peut
douter même que, lorsqu’il est parvenu à une grande iluidite,
il puisse éprouver diiectenient des transformations analogues a
l’induration, à la cicatrisation, etc. (2) , sans avoir passe par
l’état d’infiltration celluleuse ; c’est ainsi qu’il faut également,
pour que les ramollissements pulpeux de la couche corticale dis-
paraissent par absorption et fassent place à de véritables ulcé-
rations, qu’ils aient passé à l’état de plaques jaunes; c’est au
moins ce que nous ont appris les observations d’ ulcérations des
circonvolutions que nous avons rapportées précédemment.
Mais, lorsque le ramollissement pulpeux a cessé de faire des
progrès, lorsqu’on même temps son état d’anémie l’isole, en
quelque sorte, de l’organe au sein duquel il s est développé,
il se trouve dans un état stationnaire, qui paraît remplacei poui
lui la cicatrisation dont les autres périodes du ramollissement
nous fournissent des exemples.
Ainsi, chez Doutremont ()Obs. 62), le mouvement, d abord
tout à fait perdu du côté gauche, est presque complètement re-
venu ; la parole est redevenue libre, l’intelligence est demeurée
Qj .Si l’on s’cn ra]-.pürle aux observations des aulcur.s, on croira que
relie lorme de ramollissctnenl (pulpeux) est de beaucoup lapins frc.quenle ]
mais on est sans doute convaincu maintenant avec moi, que beaucoup d en-
ire elles ne sont autre chose que ce (jue j’ai dû eu distinguer sous le nom
d’infiltraiion celluleuse.
(23 Dans les autres tissus naturels ou sans analogues do l’économie, c(uand
le ramollissement a atteint un certain degré, il peut se fondre, en pus ou
s’éliminer par ulcération.... Mais je pense que les inflammations que nous
voyons sc terminer par induration, n’avaienl jamais délermuié qu’un ra-
mollissement léger.
-lue;
K ‘ Ml \ i,,
Imatlc. CelU; iciume I i;iit daiib IVliiL tjiii peut suu t-iier à Ja
guérison d’un foyer liémorihaglque, celle-ci laissant de toute
nécessité une cicatrice, dont la présence neperinetpas habituel-
lement l’entier rétablissement des fonctions lésées. L’observa-
tion suivante est un exemple de guérison complète des acci-
dents causés par un ramollissement ; seulement d s’agit d’une
encéphalite traumatirjue. •.
Observation iio. ■ — Ancienne blessure à la tète. Intégrité absolue'
des fonctions cérébrales. — ^’races d'nn ancien ramollissement cé-
rébral .
Un cocher, âgé de cinquante-cinq ans, fut blessé à la tête*
dans la campagne de Tlussie ; il présentait, comme vestige de'
cette blessure, une dépression notable, de lalargeur d’une pièce
de cinq francs, sur le pariétal gauche. Cet homme u’éprouvait
âucunë cé[)halalgié 5 il avait toute l’intégrité de ses facultés in-
tellectuelles ; aucun de scs sens n’était troublé, sa parole était:
hélte ; ses mouvements n’offraient pas le moindre désordre. Il
‘ süccoi’nba ainsi aux progrès d’une phthisie pulmonaire.
Jfuiops'ie. — Vers la partie moyenne du pariétal gauche, l’osi
était complètement détruit, et une siuiplc lame cartilagineuse ■
se trouvait interposée entre !è cuir chevelu et le cerveau. La.
diire-mère adhérait intimement à cette lanre et se confondait
àvéc elle. An-dessons de la dure-mère existait un épaississement
^ notable de l’arachnoïde, ou mieux de la pie-mère, dont le tissu
, tr.insparent et mince était remplacé par une membrane dense
et opaque. Enfin, au-dessous de cette déinière , on trouva les
circonvolutions correspondantes singulièrement ramollies ; à la
place de cinq ou six circonvolutions, il n’cxistàit plus vérita-
blement qu’une sorte de fluide comme gélatineux. Aucune in-
jection Ae se montrait ni dans la partie ramollie, ni autour
d’elle. Le reste de l’encéphale n’offrait aucune altération ap-
préciable (1).,
«Il est bien vraisemblable,, ajoute le professeur Andra), qu’au
# • .*
GUÉRISON DU KAMOLIifSSRMENT. ’wi
inomenl où la blessure eut lieu, des accidents révélèrent que
l’encéphale venait d’être atteint ; mais ils se dissipèrent. •
Il me semble que cette observation , que cet auteur envisage
seulement au point de vue de l’état latent du ramollissement,
peut être aussi bien considéi ée comme un exemple de guérison de
« ette maladie ; et cette guérison n’était- elle pas aussi complète
cju’on puisse le supposer, avec une altération qui avait désorga-
nisé sans retour une portion du cerveau ?
Je ne saurais cependant affirmer que le ramollissement pul-
peuxne fût pas susceptible de guérir par cicatrisation, sans avoir
passé par la période d’infiltration celluleuse.
Le docteur Sims, qui paraît avoir parfaitement compris la
possibilité de démontrer par l’anatomie pathologique la cura-
bilité du ramollissement cérébral, regarde les petites cavités que
l’on rencontre souvent dans la substance blanche ou grise du
cerveau, tapissées par une membrane pâle, celles qui la font
ressembler, ainsi que la grise, à du pain frais ou à du fromage,
comme la preuve de l’arrêt ou de la guérison du ramollissement
blanc (1). Mais celte opinion n’a d’autre valeur qu’une simple
assertion, car l’auteur ne s’appuie d’aucun fait probant, d’au-
cune démonstration raisonnée, et la plupart des observations
qu’il rapporte sont très-incomplètes sous le rapport des sym-
ptômes et même de l’anatomie pathologique.
\oici un de ces faits : une femme de cinquante ans eut, dans
les deux dernières années de sa vie, plusieurs attaques de para-
lysie d’un côté ou de l’autre, qui se dissipaient au bout d’un cer-
tain temps, et qui laissèrent une paralysie de la jambe gauche
et du bras droit. Elle mourut presque en enfance. Les deux
hémisphères présentaient des ouvertures semblables à des pi-
qûres dè vers ; il y en avait aussi quelques-unes dans le cerve-
let. Elles étaient de grandeur variable, quelques-unes sphé-
riques, d’autres au contraire très-inéguhères ; les unes à parois
nettes et blanches, les autres tapissées par une membrane fine et
jaunâtre. On trouva, sur plusieurs points, de petits corps noirs,
de forme sphérique, semblables à de la m'danose, mais qu’on
reconnut pour des caillots de .sang enveloppés d’une mein-
(t) Docteur Sims, Mémoire uir la guc'risnn du ramoUissr.ment du cer-
yrnu ( Gawtte médicale. , 58 juillet 4838).
^ÛvS nAAIOLLIssE^rR^^T rr.RÉBiui..
hrane. Toule l*i siibslance cérf'brale, excepté la couche optique
droite, était plus ferme qu’à l’état ordinaire.
Je crois qu’il y a lieu de douter que ce fait soit un exemple de
guéaison d’un ramollissement : le ramollissement ne se montre
guère ainsi parsemé par petits points dans le cerveau. ]Nf’était-ce
pas plutôt la trace de petites liémorrliagies miliaires ? Ou
trouva encore çà et là un certain nombre de petits caillots san-
guins, envelopj)és d’une membrane, et l’auteur lui-mème attri-
bue à la résorption de semblaldes hémorrhagies, les petites ca-
vités tapissées d’une membrane jaunâtre. N’est-il pas d’ailleurs
.singulici- de voir présenter, comme guérie de ramollissement,
une femme qui meurt en enfance et paralysée à cinquante-deux
ans, et chez laquelle des attaques se montraient encore de temps
en temps ?
On trouve quelquefois un point circonscrit du cerveau, sur-
tout des corps striés, comme criblé d’un grand nombre de va-
cuoles, souvent jaunâtres, tapissées ou non d’une fausse mem-
brane, et dans l’intérieur riesquelles on reconnaît difficilement
la ])i'ésence d’un liquide. Ou ne sait guère à quoi rapporter ces
vacuoles que l’on a souvent comparées aux yeux du fromage
<!(• Oriiyère : I\lorgagni en a parlé le premier, je crois , et sans
eu expliquer le mode de formation ; M. Rochoux a exprimé la
même ignorance. Ces vacuoles, avec lescjuelles , dans les corps
striés, ou a quelquefois confondu des cavités destinées à loger
des vaisseaux assez volumineux, mais revenus sur eux-mêmes
après la mort, pourraient bien n’ètre autre chose cjue la trace
de ramollissements guéris, à la période dont nous nous occu-
pons maintenant.
En général, les individus chez lesquels j’ai rencontré de sein- .
blables alterations ne présentaient, du côte des fonctions céré-
brales, aucun phénomène qui pût leur être rapporte. Voici
(pielqucs exemples de ce genre.
Une femme de soixante-treize ans, parfaitement conservée
sous le rapport des facultés céréinalcs, mourut d’une gastrite
chronique. Ou trouva, dans le corps strié gauche, cinq ou six ca-
vités très-petites, pouvant contenir les unes une tête depingle,
les autres une lentdle. Leurs parois n étaient pas tres-lisses, et
ou pouvait, dans deux ou trois, soulever une petite lame cellu-
leuse et vasculaire. Il n’y avait pas d’altération de ronlenr lu
GTJÉUISOU DU RAMOLUSSEMETÏT. IDn
lie consistance à l’entour. On n’y distinfiiiait pas de liquide.
Kien à noter dans le reste du cerveau.
Une femme nommée Thomas, â.gée de quatre-vinj^t-un ans,
mourut d’une hémorrhagie cérébrale. On trouva chez elle une
altération particulière des circonvolutions , qui nous paraît un
vestige certain de ramollissement guéri, et dont nous nous oc-
cuperons quelques pages plus loin (1); mais en outre on nota
que le corps strié du coté gauche était criblé de petites cavités
du volume d’un pois , revêtues d’une membrane et à parois un
peu jaunâtres, sans altération de consistance à l’entour. On
trouva dans le corps rhomboidal du cervelet, d un coté seule-
ment, plusieurs petites cavités à peu près semblables aux pie-
cédentes.
Une femme de soixante-onze ans succomba à une pneumo-
nie ; elle ne présentait durant sa vie aucune lésion des facultés
cérébrales. Les centres nerveux étaient sains : seulement ou
trouva, dans le centre des corps striés, deux ou trois petites ca-
vités pisiformes, paraissant tapissées par une inembiane tiè.s-
line, parfaitement transparente et incolore, parcourue de pe-
tits vaisseaux louges, fort délies. La substance cercbiale, a
l’entour, était tout à fait saine (2) ,
Voici comment je crois pouvoir rattacher cette altération au
ramollissement.
Lorsqu’un ramollissement, encore recent et dans cet état oxi
le tissu cérébral non désorganisé est encore susceptible de re-
prendre ses qualités normales, va passer à un degré plus avancé,
sans doute ce dernier se montre d’abord dans des points isoles
pour envahir ensuite la totalité du ramollissement, de même
que, dans un poumon hépatisé en rouge, le passage à la suppu-
ration s’annonce par des marbrures grises, qui indiquent que
le pus se forme dans des points circonscrits avant de s’élendie à
i’organe tout entier. Que si, en ce moment, la maladie vient à
s’arrêter tout à coup sous une influence quelconque, le tis.su ra-
molli tendra à revenir à sa con.sistance normale ; mais les points
les plus désorganisés ne saill aient en faire autant ; et, lorsqu’ils
(t ) Voyez observation 1 1 .1.
(Z) Voyez, observations 7t> et 9l,d’aulrcs exemples d’une altc'rntion sem*
1)1.1 ble des corps Ktrio'.s.
410
1! AMOL 1 , 1 SS E M r. ÎS T C Ér. É B R i I, .
se trouvent ainsi cotn pris au milieu de substance cérébrale saine,
on conçoit parfaitement un travail de résorption qui les fait
disparaître et les remplace par de petites cavités ; ces dernières
conservent quelquefois une teinte jaune, trace du sang qui im-
bibe si souvent les tissus ramollis au premier degré.
« L’idée d’une résorption de la matière ramollie n est pas
une idée purement théorique, dit M. Decliambre. Elle est
fondée sui ce que l on trouve souvent, aux environs ou au centre
deiamollissementsen bouillie, des cavités évidemment récentes,
de véiitables foyers vides ou ne contenant plus qu’une petite
quantité de détritus cérébral. On peut aller plus loin : on peut
piendie en quelque sorte sur le fait, surtout dans les ramollis-
sements blancs étendus, la formation des vacuoles. Ici la sur-
face est toute seniee de points blancs, brillants comme des
paillettes , ce sontautant de gouttelettes de substance médullaire
liquefiee. Là, au lieu de simples gouttelettes, on voit une foule
de petites lacunes, variables pour la grandeur et pour la forme,
plus ou moins pleines de liquide lactescent, et donnant à cette
surface, surtout vers les parties centrales du cerveau, un aspect
celluleux et entrelacé, comme si la trame organique avait été
mise à nu (1). » Ce que M. Dechambre décrit ici, c’est l’infiltra-
tion celluleuse : nous chercherons tout à Lheure si le ramollis-
sement paraît susceptible de guérison sous cette forme, et com-
ment cette guérison peut s^opérer.
l.’ indur atiun n’est-elle pas un mode de guérison du rainollis-
sement?Djns laplupart des organes, dansles organesglanduh u\
surtout, l’induration est généralement présentée comme une des
terminaisons de l’inflainmalion : cette terminaison est une espèce
de guérison, dans ce sens qu’habituellement elle ne s’accom-
pagne plus d’aucun des syunptômes qui caractérisaient la
maladie; mais ce n’est qu’une guérison très-incomplète, puis-
qu’elle ne permet en général qu’un retour tout au plus impar-
fait des fonctions de l’organe lésé. Toutefois nous devrons
regarder comme très-heureusement terminé un ramollisse-
ment qui aurait abouti à une induration définitivement cir-
conscrite, lors même que les fonctions de l’organe ne se seraient
(t ) Decliambre , Ménoire sur la curabililé du raiiiollisseiitenl cerSral
( Gazeilr Mddicnie, m«i
(ÎUM'.SON DL lUMOI.Î ISSJiMEN't .
41 i
l^•..saLsulalllent léialilics; niaisàpluslorte raison, si elles avaieiK
complètement reparu.
L’induration jouerait un bien grand rôle dans 1 inflamma-
tion du cerveau , si l’on en croit M. Lallemand , puisque cet
auteur lui a consacré trois de ses lettres , une aux indurations
rouges , une autre aux indurations libreuses et cartilagineuses ,
une autre aux indurations minces, aplaties, etc., et qu il rattache
toutes ces indurations au ramollissement. Assurément ces lettres
contiennent un grand nombre de faits instructifs ; cependant, si
l’on réfléchit que la presque totalité de ces observations n’ont
pas été recueillies par l’auteur lui-même (1) , que beaucoup ,
empruntées à des écrivains peu récents , n’offrent que du vague
et de l’incertitrrde, dans la rédaction surtout de leur partie
anatomique , que la plupart présentent des complications im-
portantes, on hésiter a sans doute un peu à suivre cet auteur dans
tous les développements qu’il a donnés à celle partie de son tra-
vail , et l’on trouvera peut-êire avec nous que l’on n’en saurait
tirer tout le fruit que semblent promettre des faits aussi nom-
hrerrx et analysés avec autant de talent.
L’enseuible de ces observations nous démontre ceperrdant
d’une façon incontestable que le ramollissement cérébral peut
aboutir à l’induration : cette circonstance est sans doute fort
rare , puisque le professeur de Montpellier a trouvé si peu d’oc-
casions de l’observer, et nous ne l’avons nous-même rencontrée
que dans bien peu de cas : c’est-à-dire que nous avons vu assez
souvent l’induration unie aux plaques jaunes ou à l’infillration
celluleuse j ainsi des plaques jaunes plus fermes que la substance
corticale saine , ainsi les parois d’une infiltration celluleuse ,
comme fibreuses ou cartilagineuses ; mais ce que nous avons fort
rarement observé, c’est une induration de la pulpe cérébrale,
ayant pris la place d’un ramollissement. Telle serait . l’ohserva-
[i) Des \ingt-quairc dli.servàtioris'dé la leUrc sur les indurations min-
cP.S'ri aplaties..., trois" seulfement ont été vues par M. Lallemand lui-mème j
deux, Siirle^ vingt iix de Ià7* leilie sur les indurations lihreii.se.s etcanila-'
gineiises ç ancmie enfin dc,s vingt-cinq ohservalions de la b' lettre sur le.s ia-,
durations rougc.s. Ainsi, sur spixanle-quinze faits d’après desquels oet puleur
a établi un grand nombre de propositions affirmatives sur l’induration du
cerveau, il n’y en a que cinq fiui aient, été observés par lui,
' ‘ '• otr' .. i I ^ .OUI,;. ,U.
nAMOU.lSSKAIF.rVT C^nÉBUAL.
lion suivante, dans laquelle IM. Lallemand volt un exemple
incontestable de [jiie'rison du ramollissement.
Obsekvation 111. — Induration partielle du cerveau, probablement
consécutive à un ramollissement. Ramollissement aigu de la moelle
épinière.
Une fille de quatorze ans , grande , mais d’une constitution
faible et lymphatique , avait été traitée à l’hôpital des Enfants
pour une hémiplégie du côté droit , presque complète , et sur-
venue sans cause connue. Elle sortit de riiôpital à peu près gué-
rie , mais seulement un peu faible. Quatre mois après , elle fut
prise des accidents suivants: faiblesse des jambes, augmentant
graduellement, mais avec vitesse; paralysie du mouvement,
ensuite de la sensibilité , qui s’étend à l’abdomen et a la poi-
trine; gène de la respiration , augmentant jusqu’au sixième
jour. Mort à cette époque.
Autopsie. — On trouve un épanchement de sang entre la
dure-mère et les vertèbres , surtout à la partie inférieure du
col; dans cet endroit , augmentation de volume de la moelle,
rougeâtre à l’intérieur, désorganisée dans l étendue d un pouce ,
et re’duite eu une espèce de bouillie.
Une portion de la substance médullaire de Ihcinispbeie
gauche , immédlateiueut au-dessus du ventricule latéral , avait
subi une altération remarquable dans l’étendue d environ un
jrouce et demi eu longueur, sur deu.x à trois lignes d épaisseur ;
elle était endurcie au point d’ofiVir de la résistance sous le scal-
pel. On peut se faire une idée assez exacte de sa consistance, en
la comparant à du iroinage de Oruyère (1;.
M. Lallemand, après avoir établi qu’une semblable altération
ne pouvait en aucune façon être attribuée à une hemorrliagie ,
dit qu’il est très- probable, 'certain même, que la lésion du cer-
veau était de inèine nature que celle de la moelle; que cet en-
durcissement particulier de la substance cérébrale avait été le
résultat d’une inflammation eircouscnte ; la suite , en un mol ,
d’un ramollissement partiel du cerveau.
(t) Lallemand, lettre II, n. 30. Observation reoueillie par M. Legouais.
GUliPaSOiN' DU llAJIÛI-LlSSEMliNT. 1
J’ai cité précédemment (1) une observation empruntée à
M. Trousseau, et qui paraît un exemple certain de la trans-
formation d’un ramollissement en une induration.
M. Hostau parle , dans son livre , de la possibilité que le la-
nioHissement se termine par induration ; mais il n avait , à
l’époque où il l’a publié , observé aucun fait qui lui permit de
se prononcer sur celte question (2). . > ■ i
Lorsque le ramollissement des circonvolutions est à l’elat de
plaques jaunes ou d’ulcération , est-il susceptible de guérison ?
Sous le point de vue anatomique , il est certain qut: l’on ren-
contre des plaques jaunes bien circonscrites, fermes, sans ra-
mollissement de la substance médullaire sous-jacente, des
ulcérations parois saines ou légèrement indurées , qui offrent
tous les caractères de lésions anciennes, tout a fait arrêtées dans
leur marebe, assez analogues, sous ce rapport, à des cicatrices ,
mais nous les avons presque toujours rencontrées chez des indi-
vidus présentant dans le reste de leur cerveau d’autres altéra-
tions , dont la présence pouvait être la cause des troubles fonc-
tionnels qu’ils éprouvaient , et s’opposaient ainsi a ce qu on put
parfaitement apprécier l’état des précédentes.
Dans l’observation soixante-dix-septième seulement, où les cir-
convolutions présentaient plusieurs plaques jaunes et une ulcé-
ration étendue , il ne fut trouvé aucune lésion notable des fonc-
tions cérébrales ; il n’y avait point de trouble appréciable de
l’intelligence , de la parole , des mouvements ; la malade , exa-
minée avec soin pour des accidents d’une autre nature, n’accu-
sait rien du côté du système nerveux , si ce n’est des étourdisse-
ments habituels. Sans doute cependant elle avait éprouvé à une
certaine époque des accidents dus au développement de ces
altérations, et sans doute ces accidents avaient guéri. Nous de-
vons également renvoyer aux observations rapportées comme
cxemplesde ramollissements latents (3). La plupart des individus
qui eu font le sujet n’ont pas été interrogés suHisammeut sur
leurs antécédents , parce que rien ne faisait soupçonner les alté-
rations que présentait leur cerveau; mais ou s’est contenté de
(1) Voyez page 182.
(2) Rüstaii. loc. cil., p. 176.
(3) Voyez cliap. VII, art* 3 , § iv-
RA.\10LLlSSEMiiJ<X CÉRÉÏiUÀL.
4 U
constater l’absence d’aucun trouble des fonctions cérébrales
dans les derniers temps de leur vie. Tant que l’on ne possédera
pas riiistoiie complète et certaine d’un individu , il pourra être
difficile de distinguer les ramollissements latents , dès leur
principe , des ramollissements guéris , c’est-à-dire dont les ma-
nifestations symptomatiques auront complètement disparu.
Lorsque le ramollissement est arrivé à la période d’infiltra-
tion celluleuse , il paraît pouvoir guérir de trois manières :
A. Le tissu cellulaire cjui garnit le pourtour de cette infiltra-
tion , celui qui la parcourt , éprouvent un certain degré d’eii-
durcisscment ; quelques points même deviennent fibreux ,
presque cartilagineux ; les espaces compris entre les mailles de
ce tissu cellulaire, agrandis par un commencement d’absorption
ou par un véritable raccornissement de ce dernier, sont remplis
de lait de chaux ou de sérosité ; à l’entour on trouve la sub-
stance cérébrale saine , ou un peu endurcie , ou légèrement ra-
mollie, ordinairement sans changement de couleur.
B. La portion de substance cérébrale qui présentait l’infiltra-
tion celluleuse est complètement résorbée , et il en résulte une
cavité circonscrite , à parois blanches et plus ou moins indu-
rées , tapissée ou non d’une membrane , pleine de lait de chaux
ou de sérosité, et contenue dans l’intérieur des hémisphères ou
s’ouvrant au dehors.
C. Enfin cette cavité , si elle n’est pas très-large , peut se ré-
trécir par une sorte de plissement de ses parois, s’oblitérer, et
donner lieu à une cicatrice blanche, étoilée ou linéaire.
Tels sont également les trois modes de guérison du ramollis-
sement, auxquels se peuvent rapporter ceux qu’indiquent les
observations de l’excellent mémoii'ede M. Uechambre.
A. Disposition fibreuse, avec infiltration.
B. Cavités séreuses.
C. Cicatrices véritables.
La première forme répond tout à fait à notre infiltration cel-
luleuse ; seulement , à la place de ce tissu celluleux , lâche et
mollasse qui est décrit dans nos observations, ce sont « des
brilles grisâtres , d’une densité assez considérable pour résister
aux frottements du scalpel, n’olFrant aucune trace d’organisa-
tion celluleuse, et n’ayant d’autre apparence que celle de fais-
ceaux isolés de substance cérébrale indurée (obs. I du mcinoiri:
\
GUÉIUSÜN DL UAMOLGlSSEMJiA'l'. 41 5
%
de M. Dechanibre )... ; une induration... caractérisée par l’intri-
cation irrégulière de fibres blanches , résistantes , difficiles à
couper, mouillées d’une petite quantité de liquide blanc de
chaux , qui se trouve comme infiltré dans leurs intervalles
(obs. 2)...; une infiltration d’une soi te de bouillie blanche, très-
liquide, au sein d’une induration blanche, à fibres nattées, sans
traces de tissu celluleux (obs. 3). »
\oici une de ces observations.
Observation iiu. — Ramollissement guéri par induration d’une
iiiGltration celluleuse.
Une femme , âgée de cinquante-neuf ans , fut transportée à
l’infirmerie de la Salpétrière, le 4 mai 1839, dans l’état sui-
vant : air de stupeur j ellerernue les lèvres comme si elle parlait,
sansaiticulei un seul mot; prolapsus de la paupière supérieure
dioite, et déviation de la bouche à gauche ; le membre supé-
rieur gauche est presque complètement paralysé; point de
signes de sensibilité dans les deux membres supérieurs ; rien
de semblable dans les inférieurs. Il paraît qu’on avait entendu
cette femme se plaindre la nuit précédente , et que , tandis
qu elle essayait inutilement de se lever, le matin , on lui avait
tiouvé la parole embarrassée. La paralysie du bras gauche aug-
menta pendant cinq jours , accompagnée d’une légère contrac-
tion, puis tous ces accidents diminuèrent, le mouvement re-
païut, ainsi que la sensibilité, presque entièrement, et la pax’ole
aussi , mais elle demeura toujours fort embarrassée.
M. Dechambre vit de nouveau cette femme entrer à l’infir-
inerie vingt-deux mois après ,pour une pneumonie , à laquelle
elle succomba. Il paraît qu’elle n’avait plus qu’un peude faiblesse
dans les membres gauches ; la sensibilité , examinée un peu ra-
pi ement , sembla intacte; 1 intelligence l’était également.
Autopsie. — Dans le centre ovale gauche , vers l’union du
ders antérieur et du tiers moyen , noyau d’induration blanche,
<1 un demi-pouce environ en longueur et en largeur, et d'une
prolondeur de trois à quatre lignes , caractérisée par l’intrica-
t.on irregu lere de fibres blanches , résistantes , difficiles à cou-
pei, mouillées d’une i>elite quantité de liquideblanc.de chaux
qui se trouve comme infiltré dans leu, s intervalles Cotte alté-
416
UAMOLLlSSEiMENT CÉaÉUUAK.
ration , plus prononcée à son centre , se perd graduellement
dans le tissu normal environnant.
Petite cavité irrégulièrement arrondie , à parois un peu gri-
sâtres , denses , et non tapissées de membrane au centre de la
couche optique gauche; une autre analogue , mais plus alou-
gée , dans le coi ps strié; aucune altération dans le reste de l’en-
céphale ni dans la portion cervicale de la moelle.
Les symptômes observés dans ce cas ont été ceux du ramol-
lissement. Leur augmentation graduelle pendant plusieurs
jours suffit pour le caractériser, et nous savons que la contrac-
ture éloigne l’idée d’une hémorrhagie centrale des hémisphères.
Il y a eu réellement guérison, autant au moins que le permettait
l’altéi'atiori indélébile dent les fibres cérébrales se trouvaient le
siège, puisqu’il ne restait plus qu’un peu de faiblesse des mouve-
ments et d’embarras de la parole. Quanta la lésion cérébrale,
l’absence de toute trace de sang, le lait de chaux, la disposition
celluleuse... , nous révèlent l’existence ancienne, dans ce point,
d’un ramollissement et non point d’un loyer hémorrhagique.
Les deux observations c|ui suivent nous présenteront presque
absolument les mêmes altérations. Je crois pouvoir les rangei
au nombre de celles qui démontrent le mieux la curabilité du
ramollissement.
OnsEnvATiON ii5. — Perte de substance du cerveau, considérée
comme trace d’un ramollissement guéri.
La femme Thomas, âgée de quatre-vingt-un ans, mourut
d’une bemorrbagie cérébrale presque foudroyante , le 29 nicus
18139. On m’a assuré ejue depuis trois ans qu’elle était à la Sal-
pétrière , elle n’avait jamais présenté aucun signe de paralysie.
Elle descendait souvent dans les cours, et ne se servait point
de canne. Elle avait bien un peu de difficulté a marcher , tuais
elle ne paraissait pas boiter ; la prononciation était legerenicnt
Autopsie. — Je trouvai , outre les désordres produits par
l’hémorrhagie cérébrale , les altérations suivantes : à la partie
externe de l’hémisphère gauche , sur le bord tranchant qui
GbÉalSON DU lUMÜLLlsSEAiESX. ' ‘
l éuuillal'ace externe à la face inférieure, on voit une fente iou-
giludinale , béante , parallèle à l’axe du cerveau , de cinq centi-
nièlres de longueur, et s’ouvrant dans une cavité qui pénétrait
dans l’épaisseur de l’héniisplière, à quinze ou vingt inillimctrea
de profondeur ; cette cavité était tapissée par une inenibranu
épaisse , transparente , sans aucune coloration , parcourtte ])ar
quelques vaisseaux fins qui se dirigeaient de dedans en dehors ;
les parois étaient , à la partie prolonde où elle se terminait en
manière de cul-de-sac, réunies par des filaments celluleux ,
blancluitres, d’autant plus longs qu’ils étaient plus rapprochés
de l’orifice ; vers cet orifice , elles se trouvaient un peu rappro-
chées l’une de l’autre, sans adhérer et sans se toucher immédia-
tement; la substance corticale des circonvolutions environ-
nantes était saine et nettement découpée ; la pie-mère s’en
détachait sans qu’on pût lui reconnaître de continuité avec la
membrane qui tapissait cette cavité ; les parois de cette der-
nière étaient très-blanches , saines, et peut-être un peu plus
fermes que le reste du cerveau.
fje corps strié gauche et le corps rhomboïdal présentaient de
petites cavités qui ont été décrites page 408.
ÜJiSERVATioK I i/i. — Altération toute semblable à la précédente.
La femme Coclin , âgée de soixante-sept ans , mourut d’une
pneumonie, le 23 janvier 1839, dans le service du docteur
Prus. Cette femme ne m’avait présenté aucun signe d'une af-
fection cérébrale quelconque. Voici les renseignements que j’ai
pu me procurer sur elle.
Elle n’était pas à l’hospice depuis longtemps j elle était très-
affaissée , avait toujours l’air soulïrant ; elle ne se plaignait , du
reste , que de la respiration , toussant habituellement et souvent
oppressée; son intelligence , peu développée , n’ofi'rit jamais au-
cune altération ; on n’a remarqué aucun signe de paralysie ;
elle prononçait assez bien. Quoiqu’elle ne travaillât jamais, elle
paraissait se servir également bien de ses deux bras ; elle mar-
cliait d’un pas égal , et sang .sc servir de canne.
^iulopsie. — Les os du crâne sont épais , très-injectés , fort
adhérents à la dure-mère; la pie-mère contient une certaine
27
il8
al.MOLUSSE.ME>T C^aÉBHAl..
quantité de sérosité incolore et limpide , qui n’écarte pas nota-
blement les circonvolutions ; elle est très-injectée , et égale-
ment des deux côtés; épaississement léger des parois de c[uel-
qut's-uns de ses vaisseaux ; sérosité assez abondante à la base ;
les méninges se détachent facilement de la superficie du cer-
veau. ^
A la face interne du lobe postérieur de l’hémisphère gauche ,
deux ou trois circonvolutions sont tout à fait détruites et rem-
placées par une cavité creusée dans la substance médullaire , ca-
pable de contenir une noix de moyenne grosseur. Cette cavité,
pleine d’une sérosité transparente, est béante à la surface du
cerveau , où elle se trouve fermée par la pie-mère qui passe au-
devant , épaissie à son niveau ; elle est tapissée à l’intérieur par
une membrane un peu jaunâtre , vasculaire , assez épaisse , et
qui semble se continuer avec la pie mère ; la couche corticale
des circonvolutions qui environnent l’orifice de cette cavité est ,
dans une petite étendue , transformée en un tissu mollasse ,
jaune, membraniforme ( plaques jaunes). La substance avoisi-
nante paraît tout à fait saine.
La surface ventriculaire du corps strié gauche présente , près
de son extrémité antérieure, une déjtression un peu jaunâtre ,
et que recouvrirait la pulpe de l’index ; une coupe faite en ce
point ne montre qu’un peu d’affaissement de la substance
grise.
Au milieu de la substance médullaire de l’hémisphère droit,
à la réunion du lobe postérieur avec le lobe moyen, on trouve
une cavité arrondie , du volume d’une grosse noisette , pleine
de sérosité limpide , et tapissée par une membrane épaisse jau-
nâtre et vasculaire. Intégrité absolue de la substance environ-
nante. . , , ,
On trouve encore dans les corps stries et les couches optiques
plusieurs petites cavités pis formes, quelques-unes un peu jau-
nâtres , et bien distinctes des cavités vasculaires que présentent
souvent les mêmes points; leurs parois sont saines. Un peu de
sérosité limpide dans les ventricules; rien dans le cervelet ni la
moelle alongée.
Les deux cavités ciue je viens de décrue , creusées à la sur-
ftliÉRIhüW DU KAMOLLlSSEMliST.
il9
face des hémisphères , béantes au dehors du cerveau , ne peu-
vent avoir été produites que par une hémorrhagie ou un l'amol-
lissement. Sans nous arrêter à l’absence de coloration de leurs
parois (1), je dirai que leur situation et leur forme rend la
supposition d’une hémorrhagie tout à fait inadmissible.
Il est certain , en eft'et , qu’un épanchement de sang n’eût pu
former une semblable excavation , sans se répandre au dehors
du cerveau; et dans ce cas, la guérison n’eût pas eu lieu , car il
n’existe pas , que je sache , un seul fait qui autorise à croire
qu’une hémorrhagie du cerveau , avec rupture du foyer au de-
hors, puisse guérir, et l’on ne conçoit guère la possibilité d’une
semblable terminaison. Maintenant si un tel phénomène avait
eu lieu , on aurait trouvé au moins quelques traces de sang
épanché dans les méninges , où l’on en cherche aussi vainement
que sur les parois de l’excavation. Si l’on remarque , outre cela,
que dans les deux cas l’altération a évidemment , d’après sa
disposition en cul-de-sac , marché de dehors en dedans , c’est-
à-dire de la couche corticale vers la substance médullaire ,
marche opposée à celle de l’hémorrhagie , tandis qu’elle est la
plus habituelle dans le ramollissement; que, dans l’observât ion de
Coclin, l’orifice de l’excavation était entouré de plaques jaunes ,
iuite certaine d’un ramollissement ; enfin , que les observations
précédentes nous ont permis de suivre graduellement le ramol-
lissement jusqu’à cette période , où la partie ramollie disparaît ,
pour laisser à sa place des pertes de substance ou des cavités de
formes variées, ou ne doutera plus de l’origine de ces deux exca-
vations , et on n’hésitera plus à y voir la trace d’anciens ramol-
lissements guéris.
(t)M. Dechambre paraît attacher uue a.-sez grande importance a l’ab-
jence de la couleur jaune, dans les cas de ce genre. « Quand celte coideur
existe, dit-il ( autour des cicatrices), elle change peu de chose à la question •
mais quand elle manque, c’est un caractère impcriant , car il est douteux
qu’une cicatrice de foyer hémorrhagique puisse se faire, sans conserver quel-
ques traces de la teinte jaunâtre que les résorptions sanguines laissent tou-
jours après elle. » ( Mémoire cild, p. 3<0). Ce que M. Dechambre dit des
cicatrices, il doit l’cnlcndrc des cavités ; i! arrive cependant assez souvem
de rencontrer, dans le cerveau, d’ancienne;, cavités, sans coloration de leur
parois, et qu’il cm d.lhcile -le ne pas ullrij.ucr i d'antifimvs lu'aioirhu-
Siei.
RA.M0M.1SSH.MENX CÉKÉBUAL. .
M. Cniveilliier s’exprime dans les termes suivants, relali ve-
inent à la {juérison du ramollissement, considérée anatomi-
quement :
« Le ramollissement hlanc et le ramollissement rouge (1), dit-
il , ne sont pas marqués au sceau de l’incurabilite. Plusieurs
laits m’ayant permis cl’établir positivement la possibilité de leur
;;uérisou et d’en établir le mécanisme , je crois être en mesure
de ditlérencier les cicatrices du rainollisseinent, des cicatrices
des foyers sanguins.
« Les cicatrices du ramollissement blanc sont, lorsqu’il est
circonscrit , des espèces de petites cavités ou géoles à parois con-
tiguës , remplies ou non de cellulositc sans couleur. Lorsqu’il
est diffus , la cicatrice n’est autre chose qu’une cellulosité làcbe,
blancbaire, infiltrée de bouillie lait de chaux ; 1 absence de co-
loration dans la cicatrice atteste l’al-isence du sang dans 1 altera-
tion primitive.
« Les cicatrices du ramollissement rouge , ou apoplexie capil-
laire , sont diversement nuancées de jaune ou de brun , et ne
peuvent être différenciées des cicatrices des foyers sanguins que
par leur siège et leur disposition : ainsi les apoplexies avec
foyer, lorsqu’elles occupent les circonvolutions, ont leur siège
au centre des circonvolutions , taudis que les apoplexies capil-
laires ( ramollissement rouge infiltré de sang ) des circonvolu-
tions affectent presque toujours exclusivement la substance
grise. Il en résulte que , lorsque nous trouvons une circonvolu-
tion dépouillée de substance grise , laquelle est remplacée par
une pellicule jaune diversement nuancée , nous devons en accu-
ser, non une apoplexie en foyer, mais une apoplexie capillaire
( ramollissement ) (2). » . '
Tout ceci est parfaitement exact comme description; mais on voit
qu’en considérant, d’une manière générale, les plaques jaunes et
l’infiltration celluleuse comme àescicalrices du ramollissement,
(1) Nous avons cléj.i eu occasion de faire remarquer que M. le professeur
CruveiUner s’efforce toujours de distinguer le ramollissement blanc du
ramollissement rouge. On verra, dans les lignes suivantes, riuc ces expressions
de ramollissement et ùlanc répondent pre.eisciucnt au ramollissemu.
des circonvolutions et à celui des parties cculiales.
(2) Criivcilliicr, ^nat. pathol. , 35* livraison.
clkiuson nt; f.amom.issement.
421
cet anleiu- esl à côté de la véiUé , puisque ces altérations iie
constituent, à proprement parler, que des pcrmdes de transi-
tion du ranmllissement, et qu’on ne les voit que dans des eu -
constances toutes spéciales iouer le rôle de cicatrices- Remar-
quons encore que cette distinction du raniollisseinenl et
In ramollissement hlanc , ce nom d apople.ne capdlnay
donne au ramollissement roufie ou infiltre de sang , jettent ne.
cessairement une certaine confusion dans ce passage. ^
Le docteur Carswell, cité par le docteur Sans , dit n avoir
pas vu un seul cas de cicatrisation complété du cerveau a la
Lite du ramollissement -, cependant il indique comme le pre-
mier degré du retour de la substance ramollie , la foimation
d’une excavation remplie d’une matière fluide , laiteuse , gri-
sâtre, rougeâtre ou iaunâtre, avec un peu de tissu cellulaire
lâche. Peu â peu ce tissu cellulaire se transforme en une mem-
brane séreuse qui tapisse l’excavation. Il dit avoir observe trois
cas de ce genre (1). Ce passage indique avec beaucoup de préci-
sion comment le ramollissement arrive à ces cavités que nous
venons de décrire dans les observations précédentes, apres avoir
passé par l’infiltration celluleuse. Je suis heureux de voir mes
observations confirmées par un médecin aussi distingue.
Inobservation suivante, rapportée par M- Decbambre, me pa-
raît un exemple aussi certain que possible d’une cicatrice pro-
prement dite appartenant au ramollissement : je n’ai pas rencon-
tré rnoi-mêine de laits de ce genie.
Obskrvatioîi ii5. — rTiiêrison du ramollissement par cicatrisalion.
La nommée Beitliier, âgée de soixante-dix-neuf ans , avait
re.s.senti passagèrement , en septembre 1834 , de vives douleurs
le long du rachis , sans rien dans les membres; elle as.sura
qu’elltVavail jamais rien éprouvé de ce côté. Le 4 février sui-
vant , elle revint à l’infirmerie. Il paraît que , depuis une quin-
zaine’ de jours, on la voyait s’affaiblir de plus en plus et
chanceler sur ses jambes-, l’étreinte de la main gauche était
sensiblement moins forte que celle de la droite j il n y avait pas
de diftérence appréciable dans les mouvements des deux mem-
(1) Sims , Ménoire cit^, p- 4G(j.
IliMill I ,11 I
t ÙhKIMAI .
nf,miicli,«,sement de l’intelligence ; la malade dit qu’elle se sent
om 3er en paralysie, qu’elle éprouve de l’engourdissemeni dans
Les jours suivants, jusqu’au 10,1a stupeur devint plus con-
sidérable , les iiiouvements du bras gauche plus bornés, sans
ntiactuie , la faiblesse demeura égale dans les deux membres
inleneurs ; mais à partir de ce moment, la malade devint plus
alerte , 1 intelligence s’éclaircit uu peu sans reprendre sa netteté
première ; la parole resta lente ; le bras gauche conserva sa
'iialade quitta rinbrmerie. Elle y revint deux
ans plus tard . Depuis lors , elle s’était considérablement affai-
blie , elle était devenue gâteuse ; des étourdissements, des four-
millements et des douleurs dans les membres inférieurs avaient
eu beu depuis un an ; le sommeil était pesant, la parole lente ,
la mémoire obscure; elle ne pouvait marcher sans être soute-
nue , et ses deux jambes fléchissaient sous elle; la main gauche
était sensiblement plus faible ; il n’y avait pas d’hémiplégie fa-
eiale ; la sensibilité était conservée partout. Cet état d’engour-
dissement du système nerveux augmenta peu à peu, et elle suc-
comba paisiblement à un engouement pulmonaire.
Autopsie. — Très-grande quantité de sérosité .dans la pie-
mère et les ventricules j injection générale extrêmement intense
des veines de la périphérie cérébrale ; teinte opaline , épaississe-
ment et induration inaniiesie de tout le feuillet viscéral de l’a-
raclinoïde ; la masse entière du cerveau est très-molle et très-
pâle.
Dans la substance blanche du lobe postérieur droit , près de
rextrcmité du ventricule latéral , existe une induration blanche
d’iiii derni-pouce de diamètre, dont les fibres, au lieu de s’en-
tremêler, convergent toutes vers un point central , de manière
à donner à la cicatrice la forme radiée ; le tissu cérébral s’est
évidemment plissé dans co point pour oblitérer une ancienne
cavité : tous ces petits faisceaux convergents ne laissent entreoux
aucun intervalle capable de contenir un liquide; la cicatrice
est sèche. Rien à noter dans le reste de l’encéphale.
Les veines du rachis sont toutes gorgées de sang noir; le
feuillet vi.scéral de l’arachnoïde spinale est tacheté de points
423
G13ÉUÎS0H DU RAMOULISSEMEWT.
jaunes opaques dans toute son étendue ; la moelle eit petite et
saine (1).
On ne peut douter de la nature des accidents éprouvés par
cette femme deux ans avant sa mort , et auxquels se rapporte
l’altération trouvée dansl’liémisphere droit. Ces plienomenes eu-
rent tous les caractères du ramollissement , et ne pouvaient en
aucune façon laisser soupçonner une hemorrliagie. Malgie la
marche décroissante qu’ils suivirent , leur guérison parut tres-
incomplète ^ mais il faut tenir compte des complications qui
existaient du côté des méninges de la moelle et du cerveau.
Quant à l’altération cérébrale elle-même, elle offrait tous les ca-
ractères d’une guérison par cicatrisation.
M. Bouillaud a rapporté un cas de cicatrice linéaire du cer-
veau, comme appartenant au ramollissement. Il n’y a malheu-
reusement aucun detail sur les symptômes. Une femme de
soixante-treize ans succomba à une hémorrhagie cérébrale. Un
an auparavant, elle avait déjà éprouvé une affection cérébrale. On
trouva à l’autopsie un foyer hémorrhagique récent. Vers l’u-
nion du lobe antérieur avec le. lobe moyen de l’hémisphère
droit, dans la profondeur de la substance cérébrale, on obser-
vait une ligne ou lame jaune, dense, comme fdîreuse, ayant en-
viron un pouce d’étendue transversale, cinq à six lignes de hau-
teur, un quart de ligne d’épaisseur, et entourée, de tontes parts,
d’une couche de substance cérébrale légèrement indurée ,
brune, épaisse d’une ligne. La teinte brune était très-pro-
noncée près de la lame jaune, ancienne cicatrice, s’éclaircis-
sait insensiblement et comme par dégradation, en s’en éloignant,
et disparaissait à une ligne au delà d’elle. M. Bouillaud ajoute
que cette lame jaunâtre était tout à fait comparable aux cica-
trices que l’on observe quelquefois dans le tissu des poumons;
la légère induration qui existait autour d’elle est encore un in-
dice que ce point avait été autrefois le siège d’une phlegmasie(2).
Le passage suivant montre cjue M Rostan avait observé quel-
ques-unes des altérations que nous avons décrites, mais sans en
(t) Dediambre, Mémoire cit^, p. 308.
f2) Ronillaud, Traité de f encéphalite, p, 221 .
«AMOLLlSSliMENT CÉRÉBUAr..
4‘M
l er.onnaître la nature, « J’ai rencontré, dit-il, dans des cadavres
d’anciens paralytiques, des altérations qui paraissaient guéries ,
et qui m’ont semblé n'être pas le résultat d’un ancien épanche-
ment. Chez ces sujets, on ne trouvait pas de kyste ; et quoique
Vallération ne fût pas très-ancienne, il n’y avait aucune trace
de sang. La portion malade du cerveau était changée de cou-
leur, coupée par une muUitude de filaments se dirigeant dans
tous les sens, formant des mailles irrégulières , mais point de
cavités, point de membranes: une humeur particulière humée
lait cette portion altérée. Celte absence de la trace du sane et de
la membrane, suflit-elle pour prononcer négativement sur un
épanchement ? C’est ce que la suite éclaircira (1). »
L’observation suivante, bien que dépourvue d’autopsie, me
])arrnt un exemple certain de guérison du ramollissement.
On.<;rnvATio.N i iR, — Hémiplégie avec raideur considéral)le ilii genou,
survenue sans perte de , connaissance. Disparition graduelle des acci-
dents.
La nommée Morin , âgée de soixante-douze ans , est une
femme de ])etite taille , d’un assez grand embonpoint^ la face
pleine et toujours très-coloiée, d’uu caractère extrêmement gai,
Ibri, douce et d’une intelligence peu développée. Elle a souvent
l;r tête lourde et des étourdissements, qui ii’onl jamais été assez
forts pour la faire tomber: à part cela, sa santé est bonne. Elle
n’.n jamais eu d’attaque d’apoplexie.
Ee 18 mars 1839, vers le soir, elle était debout dans une des
cours de I bospice, lorsque tout à coup elle se sentit faible sur
ses jambes et fut obligée de s’appuyer contre un mur pour ne
])as tomber, Elle regagna avec peine son dortoir et put monter
tieux étages ; mais arrivée à la porte , ses jambes fléchirent , il
fallut la porter dans sou lit. Elle allirme qu’elle n’éprouva pas
alors le moindre étourdissement , pas même un peu de cépha-
lalgie. Elle ne ressentit absolument qu’une faiblesse qui ne s’ac-
compagna d’aucune sensation particulière dans les membres ,
et sans remarcpier alors que cette faiblesce fût plus prononcée
d’un côté que de l’autre Elle demeura assoupie toute la nuit.
IjC lendemain matin, cpiand elle voulut se lever, elle s aperçut
<(l) R«*lau, /or. ri/ , p. ir.’i.
guérison ou ramollissement. 425
que ses membres ^Haient raides et privés de mouvemeal du
’ "^Elle fo\ alors portée à l’infirmerie, où je la trouvai dans l’état
Elle est coucliéesur le dos, la face très-coloiée, la pbysiono
mie naturelle. La parole est un peu génée ; la bouche fortement
relevée ù gauche. Le bras droit est presque complètement résolu ;
il se soulève et se déplace avec beaucoup de peine. Les doigts ne
peuvent aucunement se mouvoir; le coude résiste un peu a la
flexion, sans offrir beaucoup de raideur.
La jambe droite est tout à fait immobile. Le genou présente
une raideur telle qu’il est impossible de le fléchir sans emp oyer
une grande force, et qu’au premier abord je crus à mie aidcy-
lose : mais hier encore il était parfaitement flexible. Quand ou
chatouille la plante du pied, tout le corps s’agite, se soulevé ,
la malade rit aux éclats; la jambe cherche à se retirer et se de-
place légèrement , mais elle ne peut opérer le moindre mouve-
ment de flexion. Les mouvements sont parfaitement libres a
gauche. La sensibilité est bien conservée partout.
La malade donne avec netteté les renseignements qui lui sont
demandés ; sa mémoire n’est altérée en rien. Elle afiirme quelle
n’éprouve aucun embarras, ne ressent rien d’extraordinaire
dans la tête.
Apyrexie complète. Chaleur normale à la peau. Etat normal
des fonctions organiques fSaignée ; huile de ricin GO grammes ;
sirop de nerprun 30 grainmesj.
Dès le lendemain la motilité du bras avait commencé à repa-
raître, et elle continua de faire des progrès les jours suivants.
26. Il n’y a guère de changement dans le membre inférieur.
Les orteils peuvent à peine se mouvoir ; la raideur du genou est
toujours fort grande. Le bnus se meut passableaient ; la main
serre avec assez de force. Aucune souffrance du côté de la tôle ;
état général excellent.
20. Quelques picotements et des démangeaisons viennent de
paraîtré dans le membre inférieur, sans autre changement dans
son état.
Dans les premiers jours du mois d’avril, Morin commença a
mouvoir un peu sa jambe paralysée , et le genou perdit un peu
(le sa raideur. Ces progrès se firent lentement, mais sans être
«amüllisskmkwt cérébral.
entravés par aucun accident. Il ne se forma pas la moindre
écorchure au siège ; il n’y eut jamais aucun mouvement fébrile,
h le répété encore aujourd’hui qu’elle n’a jamais eu ni cépha-
lalgie ni étourdissements.
Au mois de mai , on la levait, on l’asseyait sur une chaise ;
plus tard elle put faire quelques pas, soutenue sous les bras.
Voici tjuel était sou état a la fin de Fannée,
Elle avait l’apparence de la meilleure santé , grasse , la figure
coloree, toujours rieuse; l’intelligence, comme avant le début
de la maladie, c’est-à-dire assez peu développée. Il n’y avait
plus de déviation de la bouche ; la parole ne paraissait pas sensi-
blement gênée. Le bras droit avait tout à fait recouvré sa mo-
tilité et sa force naturelles.
Quant à la jambe, elle présenlait encore, mais par instants
seulement, une raideur assez grande pour que l’on éprouvât
quelque peine à la fléchir. Elle la pliait elle-même assez aisé-
ment, quand elle était au lit, mais sans pouvoir arriver cepen-
dant à une flexion complète. Elle marchait assez bien, même
sans s appuyer sur un bras, tout en boitant légèrement. La jambe
ne se fléchissait presque pas dans la marche, et ressemblait à un
genou ankylosé. La sensibilité était intacte partout. Tl n’y avait
nulle part aucune douleur.
Cette femme ne peut avoir éprouvé que deux choses : ou une
hémorrhagie cérébrale, ou un ramollissement. Deux circonstan-
ces me paraissent peu d’accord avec l’idée d’uu foyer hémorrha-
gique: l’ab-sencodu moindre étourdissement, de toute altéra-
tion même pa.ssagèie des facultés de l’intelligence, et leproinpt
retour des mouvements du bras. Mais ce ne sont là que des
présomptions.
Quant à la contracture, elle ne me paraît pouvoir laisser
aucun doute dans le diagnostic.
On se rappelle les considérations dans lesquelles je suis entré
relativement à la contracture, dans rhéinoirhagie cérébrale:
j’ai dit que la contracture ne se rencontrait que lorsque le foyer
venait à communiquer avec l’intérieur des ventricules ou la
surface du cerveau ; ce qui ne peut être un instant supposé che*
<;u^ lu^ü^ JJl KA.UOJ.I.I.'SJ- MK» J'.
Ir snjoide notre observalion. .Te frouverais as.sez natui el que l’on
ne voulût pas adopter entièrement les propositions que j’ai
émises à ce sujet , sans les développer et sans en rapprocher la
preuve : mais je crois pouvoir affirmer qu’il n’existe pas, dans
la science, un seul fait d’hémorrhagie circonscrite à l’épaisseur
d’un he'misphère, dans lequel on trouve notée une contracture
primitive et persistante comme celle de Morin.
Maintenant voici une observation dans laquelle l’examen ca-
davérique a permis de constater un ramollissement, et oiile dé-
but des accidents a été exactement semblable à ce que nous a
présenté l’observation précédente.
OBSERVATIo^ 117. — Hémiplégie subite avec contracture, .Mort au
bout de vingt-cinq ou trente jours, due aux progrès d’une affection
du cœur. — Ramollissement du corp.s strié et de la couche optique.
Un homme de. 53 ans était entré à l’hôpital pour des accidents
résultant d’un anévrysme de l’aorte et d’une hypertrophie du
cœur. Vingt jours après, il montra un iTiatin son bras droit par-
faitement contracté. Il raconta qu’en se réveillant il avait été
tout étonné de ne pouvoir plus étendre la main sur l’avant-bras.
<Ielui-ci était ramené sur le bras, et les doigts, fléchis sur la
paume de la main, marquaient sur la peau de cette partie l’im-
pr ession des ongles. Quelque effort que fit le malade, il ne pouvait
pas changer celte position. L’idée d’un ramollissement du cer-
veau se présenta sur-le-champ à l’esprit; ou lui demanda s’il
souffrait ou s’il avait souffert de la tête; il répondit négative-
ment. Il n^avait pas non plus d’étourdissements, et ses facultés
Intellectuelles avaient toute leur netteté. La contracture per-
sista une partie de la journée ; elle cessa le soir, et le lendemain
matin on trouva les membres droits complètement relâchés ,
mais paralysés. Pendant les vingt cinq ou trente jours suivants,
cette paralysie resta la même ; les membres n’offrirent pas la
moindre trace de contracture , et du côté du cerveau aucun
nouveau phénomène n’apparut. Cependant la maladie du cœur
poursuivait son cours, les membres s’étaient infiltrés et l’ascite
commençait à devenir évidente, quand le malade mourut subi-
tement.
Aulnp^ie, — cerveau ne présenta rien de notable jusqu’au
428
B AMOLLISSEMENT CÉKÉBUAL.
niveau <3c la coudre optique et tlu corps strié du côté «auclie.
(les deux corps étaient transfcnués en partie en une bouillie jou-
mUre. La substance nerveuse située autour d’eux participait à
ce ramollissement. Rien autre chose de remarquable ne fut ren-
contré dans l’encéplialc (1).
Voici donc deux individus qui un matin, à leur réveil, se
trouvent affectés d’une contracture éuerj^ique avec perte du
mouvement volontaire et conservation de la sensibilité, d’un
côté du corps; il n’y a ni étourdissements, ni céphalalgie , ni
aucune altération de l’intelligence; rien de semblable ne sur-
vient non plus les jours suivants. La seule différence que 1 on
observe, c’est que chez l’un d’eux il se lait un retour graduel
des mouvements, avec conservation de la contracture, tandis
que chez l’autre la contracture fait place dès le lendemain a la
résolution. Bans l’un de ces cas , la guérison s achève; dans
l’autre on trouve un ramollissement sur le cadavre. JNe faut-il
pas admettre qu’une altération semblable existait chez le pie-
cédent? Notez bien que , dans le cas où l’autopsie a e'te piati-
tpiée, la mort n’a été nullement le lait de la lésion cerehiale ,
mais bien de l’affection organique des centres circulatoiies.
L’observation suivante, que j’emprunte textuellement à M.
Roslan, mérite de trouver place ici.
Onsar.vATioN i .8. - Céphalalgie. Pesanteur, picotements , engoiu-
(hssements graduellement croissants clans les membres gauches. Au
fioiit de quelques jours, disparition graduelle de ces accidents.
Madame Biseau, âgée de soixante-dix-neuf ans, d une con-
stitution délicate , d’un tempérament lymphatico-nerveux, se
plaignit, vers sa cinquante-huitième année, de palpitations m-
lermiltentes. Ce symptôme, insensible pendant la belle saison,
reparaissait toujours en hiver sous 1 influence des ligueuis
l’atmosphère. Stationnaire pendant treize ans, il fut accoinpa-
,mé par la suite de toux, d’orthopnée, et d’une expectoration
inuqueuse, épaisse et abondante. Très-souvent, en montant un
(t) Andral, CùmV/r/e, t. v, p. 410.
DU 1\ A-AlOLÎjlSSliAlli^ J- • I
escalier, la malade a senü sou cœur battre avec un surcroit de
force et de vitesse ; et cette impulsion, s’étant transmise aux ca-
rotides, des pulsations se sont fait sentir dans toute la tete et ont
retenti dans ses oreilles ; la vue s’est troublée des veilises se
sont manifestés et ont déterminé la chute de la malade, sans
cependant lui faire perdre connaissance.
Le 18 mars 1823, inadameDiseau ressentit des douleuis tics-
iatenses dans le côté droit de la tête ; ciuoiqu’elles Persiste
le 19 elle ne voulut pas suspendre son travail. Le 2U, elle se
plaignit d’un sentiment de fatigue et de pesanteur dans la
iambe et surtout dans le bras gauche; la céphalalgie n a-
vait pas diminué d’intensité. Madame] Diseau, dominée pai
l’appât d’une légère rétribution qu’elle obtenait en hlant, n y
voulut pas renoncer ; alors se manifestèrent les symptômes
suivants : l’extrémité du doigt auriculaire gauche devin e
siège d’un fourmillement et de picotements tres-vii^s. Let c
sensation, que la malade comparait à celle ciui resuite de a
contusion du coude quand le nerf cubital se trouve comprime,
se propagea le long du bord externe de la main, atteignit peu
à peu et successivement l’annulaire, le pouce, l’index, et e
médius; bientôt le bras tout entier participa à cet état, et la
cuisse îgauche ne tarda pas à présenter le même symptôme.
Les picotements devinrent ensuite moins sensibles, et furent
remplacés par l’engourdissement des membres gauches. La ma-
lade attribuant son état à un mal passager, chercha pendant
quelque temps à continuer son travail ; mais, en tenant le fil
qu’elle devait tordre, elle était incertaine qu’elle 1 eut réelle-
ment saisi, tant son tact lui paraissait trompeur, et le fil échap-
pait sans cesse à sa main tremblante. Il semblait à madame Di-
seau qu’un duvet fût interposé entre scs doigts et^ les objets
soumis à leur contact : elle-marchait en hésitant, n’osant por-
ter sur sa jambe gauche, et se mettre en équilibre sur un pied
quelle ne sentait plus et qui lui semblait inerte ; elle voyait
des lilaments, des brouillards son ouie était] dure ; mais cette
lésion n’étant pas récente, on pouvait l’attribuer au grand age
delà malade. Le 22, la céphalalgie avait diminué; cependant
la malade entra à l’infirmerie, ou l’on constata les symptômes
qui viemicut d’être énumérés ", l’état anévrysmatique du cucuiS
mais l’intégrité de l’intelligence et des lonctioiis re.spiraloiies
Ramollissememx céiiébual.
et digestives. M. Rostan craignit le ramollissement commen-
çant du cerveau, et prescrivit en conséquence des sinapismes
aux mollets, des lavements légèrement purgatifs, la diète et le
repos. Le 23, les engourdissements furent beaucoup moins pro-
noncés, et présentèrent des intermittences très-marquées. Le
24, même état. La malade se plaignit, le 25, d’engourdisse-
ments fréquents et de l’insensibilité presque complète du doigt
auriculaire. Ce redoublement fit craindre que la maladie n’eût
une terminaison fâcheuse ; cependant, à partir de ce jour, elle
ne cessa de s’amender , et, dans l’espace d’une semaine, la ré-
solution fut complète : aux engourdissements succédèrent le»
lourmillements et les picotements, et ceux-ci se dissipèrent peu
à peu ; et, dans la résolution, la maladie suivit une marche in-
verse à celle de son invasion, c’est-à-dire que l’engourdisse-
ment, qui avait procédé des extrémités des orteils et des doigts
pour gagner la partie supérieure des membres, se dissipa d’a-
bord dans les parties les plus rapprochées du tronc, et en der-
nier lieu dans le doigt annulaire (1).
« Cette observation, dit M. Rostan, pourrait être citée comme
exemple de guérison du ramollissement, si les symptômes d’une
maladie suffisaient pour la caractériser. » Il ajoute plus loin :
• Cette observation ne peut tout au plus que faire soupçonner
la résolution du ramollissement, puisqu’on ne saurait avoir la
certitude de l existence de cette maladie. Au reste, nous pensons
que, lorsqu’il n’est qu’au premier degré, il peut se résoudre.
Ainsi cet exemple et quelques autres qu’on a publiés ne lé-
solvent nullement la question (2). »
Dans ce cas, en particulier, la marche des accidents a été assez
rapide pour qu’il soit permis de les attribuer, non pas précisé-
ment à un ramollissement, mais à une simple congestion. Quoi-
qu’il en soit, cette observation n’en est pas moins digne d’inté-
rêt : il est infiniment rare qu’une simple congestion suive une
marche semblable. J’ai presque toujours vu de tels symptômes
appartenir à un ramollissement, .soit qu’une mort prompte per-
(t) Itüslan, loc. cil., i>. t72.
(7.)fcW. /oc.,p. 175.
ÜUÉRISOK DU ramollissement. 431
mit de conslaler sur le cadavre l’existence d’un ramollissement
aigu, soit que la maladie, passant à l’état chronique, ne laissât
plus dès lors aucun doute sur sa nature.
Le docteur Deslandes a publié, il y a un certain nombre
d’années, comme exemple de ramollissement guéri, et on a
depuissouvent cité comme tel, une observation qui nemériteau-
cunement ce titre. Je dois en dire ici quelques mots.
Il s’agit d’une femme de trente-neuf ans, sujette aux attaques
de neifs,et qui présentait depuis plusieurs mois un affaissement
notable des facultés intellectuelles.
Elle fut prise un matin de mouvements convulsifs, après avoir
^•souffert de la tête pendant la nuit ; quelques heures après, pa-
|iralysie complète de la jambe droite avec raideur excessive,
moindre dans le bras ; sensibilité presque nulle de ce côté •, un
.peu de railleur et d’anesthésie dans les membres gauches ; pe-
tits mouvements convulsifs des membres; langue déviée à gau-
Iche, meurtrie par des morsures. Assoupissement, œil stupide,
^nausées, pouls petit, faible, sans fréquence. (Sangsues au col,
tigljcesur la tête, synapismes). Le second jour, plus de raideur,
lia sensibilité reparaît, l’assoupissement diminue, la malade rap-
Itporte au côté droit la douleur du pincement du côté gauche.
|lLe troisième jour, l’assoupissement et l’hébétude persistent
f(Sangsues au col, glace sur la tête). Le quatrième jour, il ne
reste plus qu’un peu de trouble dans l’intelligence, mais qui per-
sista si bien qu’il fallût la mettre à la Salpétrière, où elle mou-
rut un an après (1).
Il y a une remarque bien simple à faire sur cette observation
c’est que l’on ne saurait considérer comme guérie, une altéra-
tion qui entraîne un trouble de l’intelligence tel qu’il faille met-
tre un individu dans une maison d’aliénés. Je sais bien que la
stupidité avait disparu , que la raideur des membres, l’affaiblis-
sement de la sensibilité, les mouvements convulsifs n’existaient
plus. Mais cela vient de ce que, lorsqu’une maladie pas^e à l’état
chronique, elle cesse de déterminer un certain nombre des sym-
ptômes qui l’accompagnaient à l’étal aigu.
Maintenant est-il bien certain qu’il y ait eu ramollissement ?
f.a méningite ne saurait- elle, chez un adulte, donner lieu à de
ît) Nouvelle ùibUoihci/ue incdicule, i82ti, l. p. ^7.1
RA.MOLUSSIiMEJiX CÉUÉBUAL.
432
semblables symptômes? On voit cpie, sous plus d’un rapport,
cette observation, assez Incomplète du res te, ne mérite pas qu’on y
attache une grande importance. Si j’en ai parlé ici, c’est qu il
m’a semblé utile d’en présenter ce que je crois être la véritable
appréciation.
Ce chapitre de la guérison du ramollissement se trouvera na-
turellement complété par celui que j’ai consacré au traitement
de cette maladie : j’engage le lecteur à y chercher, dès u pré-
sent, robservation de la femme Gard, un nouvel exemple, et
je crois, incontestable, de guérison d’un ramollissement cérébral
à un deeré assez avancé.
O
CHAPITRE X.
DE LA MORT DAKS LE R AM0LL1SS£ME>T,
Telle est, surtout chez les vieillards, l’indépendance dans la-
quelle la vie organique peut se trouver de la vie animale, qu il
est rare de voinun malade succomber uniquement aux piogiès
successifs d’un ramollissement chronique. Ce sont ordinairement
des complications qui amènent la fin de la vie ; mais il faut re-
marquer que c’est presque toujours sous rmlluence de 1 af-
fection cérébrale elle-même, que se développent ces comph-
cations.
Elles peuvent avoir leur siège : A. Dans le cerveau lui-meme
dans un point autre que celui qui était le siège de la lésion chio
nique.
B. Dans le poumon.
C. Consister en des eschares des téguments.
I.es autres complications qui peuvent survenir dans le couis
du ramollissement, sont ou fortuites ou trop peu impoi tauto
pour mériter de nous arrêter.
I 1. Mort par le cerveau.
Il peut se ialie <|u’„n i.talade, atteint tl’un ramollisse, nent
a,ro.,i<|Ucpa, ïem. à sapm iodela plus avancée, meui e sa„s ,|ne
(le nouveaux symptômes cérébraux vieiment annoncci i
COJVTI'LICATIOAS CÉUÉBllAJLKS.
433
lermiiiaison fatale, et sans que l’on trouve à l'autopsie autre
chose que l’altération ancienne, sans aucun changement d’appa-
rence récent, qui explique pourquoi la maladie s’esi terminée
dans ui:jj temps plutôt que dans un autre.
Quelquefois une hémorrhagie cérébrale vient terminer brus-
quement la raai'che d’un ramollissement chronique; j’ai rare-
ment observé ce fait. Beaucoup plus souvent, les accidents qui
paraissent avoir emporté. le malade tiennent au développement
d’un ramollissement aigu, rouge, presque toujouv.s voisin de
l’altération chronique elle-même. J’en ai rapporté un certain
nombre d’exemples, surtout au chapitre du ramollissement
aigu.
Une méningite aiguë peut survenir, très-rarement chez les
vieillards, avec uneinfiltration laclescenteou purulente de la pie-
mère. Enfin on a vm du sang s’exhaler dans la cavité de l’araeh-
noïde : mais je ne connais pas un cas où cet épaiîcheinent de
sang ait paru assez considérable pour entraîner la mort par lui-
meine, chez un sujet affecté de ramollissement.
On attribue assez volontiers la mort des sujets affectés de ra-
mollissement aux infiltrations sereuses de la pie-mère ^ plus
généralement encore, on considère ces infiltrations et les pla-
ques blanchâtres, et 1 épaississement de l’arachnoïde, comme
1 effet du ramollissement, comme une méningite chronique, dé-
veloppée sous 1 influence du ramollissement.
Mais on ne fait pas attention que ces altérations, si on peut
leur donner ce nom, sont presque un état normal chez les vieil-
lards ; que chez eux l’épaississement, les taches de l’arachnoïde
sont à peu près aussi constants que les plaques laiteuses du cœur,
les adhérences des poumons, celles de la vésicule biliaire , etc.;
qu’il n’est point de séreuse , chez les vieillards , qui ne pré-
sente de nombreuses traces des souffrances qu’elles ont presque
toujours éprouvées pendant la vie ; que ces diverses altérations
ont presque toutes le même caractère, sont le reliquat des dou-
leurs de la vie tout entière, et qu’on ne saurait, dans la plupart
des cas, leur trouver de relation véritable avec les altérations
développées dans la vieillesse.
Quant aux infiltrations séreuses, elles ne sont ni plus com-
munes ni plus considérables dans le ramollissement qu’en de-
29
RAMOLLISSEMENT CÉRÉBRAL.
434
hors du ramollissement ; j’ai déjà eu maintes occasions, du
reste, de m’expliquer sur ce sujet.
• }
§ II. Mort par le poumon.
Les accidents auxquels succombent les sujets affectés de ramol-
lissement cérébral chronique , ou même aigu, ont presque tou-
jours leur siège dans les poumons. Comme ces accidents ont été
peu étudiés jusqu’ici, et que leur étude offre la plus grande im-
portance pratique dans l’histoire du ramollissement, je demande
la permission de leur consacrer un chapitre un peu étendu.
^ On appelle pneumonie hypostatique une forme de pneumo-
nie dont la cause , presque mécanique , est l’accumulation des
liquides dans les parties déclives des poumons. Sa fréquence et
sa marche insidieuse, chez les vieillards, rend son étude impor-
tante, bien qu’elle soit généralement négligée. Laënnec et M. An-
dral traitent de la pneumonie sans en dire un mot, et cependant
elle me paraît devoir faire un des chapitres intéressants de l’his-
toire de cette maladie.
Il ne faut pas confondre la congestion et la pneumonie by-
postatique : la même cause les produit, il est vrai ; l’une n’est
que le premier degré de l’autre ; la seconde n’est habituellement
que le résultat de la première. Mais il y a entre elles cette
grande différence, que tandis que la congestion hypostatique est
un phénomène presque constant qui , lorsqu’il ne s’est pas pro-
duit pendant la vie, se montre au moins comme phénomène ca-
davérique , et ne doit être considéré , dans l’immense majorité
des cas, que comme un épiphénomène , si je puis ainsi dire ,
'des derniers instants de la vie ; la pneumonie hypostatique, au
'contraire, est une cause de mort fréquente, et d’autant plus re-
doutable que son développement se fait d’une façon latente, et
que la nature de la cause qui la détertnine rend plus difficile de
Vopposer à sa marche. ^
A. Congestion hjpostcUiqêe.
Dans la congestion hypostatique, la surface postérieure des
poumons , celle de leurs lobes inférieurs est rougeâtre ou noi-
râtre , mais lisse et sans aucune altération de la plèvre qui les
PNEUMONIE nVPOSTATIQUE.
435
revêt. Je ne suis cependant pas bien convaincu que, dans cette
congestion simple, on ne puisse quelquefois trouver un peu de
sérosité pleurale , comme dans la congestion cérébrale on trouve
de la sérosité épanchée sous rarachnoide. Au-dessous , le tissu
pulmonaire se trouve infiltre de sérosité spumeuse et sanguino.
lente, ou même de sang presque pur. Cette infiltration est tou-
jours d’autant plus considérable qu’on se rapproche davantage
soit de la surface postérieure, soit de la base des poumons ; tan-
tôt elle n’en occupe que le lobe inférieur, tantôt elle remonte
presque jusqu’au sommet; elle occupe enfin, d’arrière en avant,
une étendue plus ou moins considérable de l’épaisseur de ces or-
ganes.
Quelquefois il s’écoule seulement , lorsque l’on comprime le
tissu pulmonaire , une quantité médiocre de sérosité plus ou
moins colorée par le sang; d’autres fois, à la coupe du poumon,
ruisselle une quantité prodigieuse de sérosité rouge et spumeuse;
d’autres fois enfin c’est du sang presque pur que l’on exprime
de la substance pulmonaire*: alors celle-ci est d’un rouge noi-
râtre foncé , comme dans l’apoplexie pulmonaire , mais s’en
distinguant par son étendue et son uniformité , par l’humidité
qu’elle présente à la coupe, par l’absence de friabilité et de dis-
position granuleuse quand on la déchire; souvent même alors,
le tissu rouge, infiltré, a quelque chose de tremblotlant, de gé-
latiniforme.
Lorsqu’il n’y a que congestion, le tissu pulmonaire n’est point
friable, ne va point au fond de l’eau , et le liquide qui l’infiltre
contient une grande quantité d’air.
La congestion hypostatique se reconnaît à son siège aux par-
ties les plus déclives des poumons et des deux côtés à la fois ;
cependant lorsque le malade, dans les derniers temps de sa vie,
se tenait couché toujours du même côté, la congestion peut exis-
ter seulement de ce côté , ou au moins y être plus considérable.
M. Grisolle a consacré, dans son livre si consciencieux sur la
pneumonie, un chapitre à l’inflilence du décubitus sur le déve-
loppement et le siège des pneumonies, qu’il nomme consécutives.
Relativement au dëcubilus considéré comme cause, il mentionne
l’opinion des auteurs qui pensent que le sang accumulé dans les
parties déclives finit, en agissant comme corps étranger , par
provoquer une véritable phlegniasie du parenchyme puliuo
T\AMOLi.lSst.MliN i’ CÉlUiUa.Vl..
43fi
naire , mais sans s’expliquer sur ce sujet (1). H dit cependant
uii peu plus loin d’une façon plus explicite : « Cet engouement
est réellement la cause d’un grand nombre de pneumonies
consécutives » Il cite ensuite plusieurs faits pour démontrer
l’influence du décubitus sur le siège de la pneumonie : ainsi ,
d’après Billard et M. Denis, la pneumonie aurait été trouvée
incomparablement plus fréquente à droite qu’à gauche , dans
des salles de petits enfants, à cause de l’habitude que l on avait
de coucher ceux-ci sur le côté droit j on les fit coucher sur le
côté gauche , et les pneumonies se montrèrent dès lors dans le
poumon correspondant. M. Grisolle et M. Barth ont vu une vé-
ritable pneumonie hypostatique se développer à la partie anté-
rieure des poumons, chez deux individus que desescares au siège
avaient forcés de l’ester couches sur le ventre pendant les dei-
niers jours de la vie. Enfin , M- Renaut, professeur de clinique
à Alfort, a affirmé à M. Grisolle que chez les quadrupèdes, lors-
que la pneumonie est idiopathique , elle occupe presejue con-
stamment le bord supérieur ou postérieur de l’organe , tandis
que chez les animaux affaiblis qui présentent des symptômes ty-
phoïdes , on la voit envahir exclusivement les parties déclives
de l’organe, c’est-à-dire le bord antérieur (-)•
B. Pneumonie hypostatique.
La pneumonie hypostatique est toujours consécutive a la con-
gestion à laquelle son mode de développement et son siège ont fait
donner le même nom. Elle m’a paru se développer habituelle-
ment d’abord dans la partie centrale des points congestionnes,
et ne gagner que consécutivement leur périphérie. Cette cir-
constance ajoute malheureusement une difficulté de plus au
diagnostic, puisqu’elle ne permet pas alors de la reconnaître au
début par l’auscultation.
Au moment où la congestion simple passe à l’etat de Pneumo-
nie, le premier signe de la présence de celle-ci est la friabilité
des points congestionnés. M. Andral avait dit aussi , dans les
premières éditions de sa Clinique médicale, que pour la distin-
(t) Grisolle, Traité pratique de la pneumonie, p. 178, 1811.
(2) Loc. cit.f p. 181.
PSEUMOmE HÏPOSTITIÇDE. 4*’’
fjuer, il fallait avoir ésard moins à la conlour qu’à la ,
du tissu pulmonaire, et que, pour peu que l ou
plus eraude friabilité de son tissu, ou devait le regarder comme
eùnammé. Mais de nouvelles recherches le portèrent a penser
que l’augmeutatiou de friabilité du tissu pulmonaire pouvait
,rès-bien*èlre due au simple fait d'une accumulation de sang
toute mécanique, survenue pendant l’agonie ou apres la mort
(Train d'rinalcmie palhologijac).M. Grisolle a eniislameme
opinion 1 . Cette friabilité , dit-il , avait été donnée autrefois
comme pouvant différencier l’engouement mnammatoiie d
celui qui n’est que passif on mécanique et qu’on voit se formel
dans les parties déclives du poumon , dans les dernieis instants
delà vie on même après la mort. Mais de nombreuses obser-
vations ont démontré que la friabilité du tissu pulmonaiiE
pouvait être indépendante de tout travail plilegmasique , et
qu’elle était souvent le résultat d’une accumulation toute passive
des liquides qui produisent alors une sorte de macération (1). »
Je n’oserais , en cette matière , opposer ma manière de voir a
celle de ces deux observateurs, mais cependant je ne puis m em-
pêcher de penser, qu’il y a un moment où la friabilité est le seul
moyen de distinf^uer l’apparition de l’inflammation, au sein du
parenchyme pulmonaire congestionné. Plus tard , lorsqu il y a
une hépàiisation, sans doute l’inflammation n’est plus douteuse;
mais on remarquera que, dans la pneumonie liypostalique, le
tissu enflammé est généralement plus humide et moins granu-
leux que dans l’hépatisation rouge ordinaire , et sa couleur est
ordinairement aussi plus livide.
La pneumonie hypostatique des vieillards revêt très-souvent
une forme lobulaire. Alors si l’on pratique une incision dans le
])ounion, aujinilieu du tissu pénétré par la congestion on trouve
quelques points friables, grenus , non aérés ou moins aérés que
le reste. Je suis même , d’après les faits nombreux que j ai ob-
servés , porté à penser que cela peut être une des formes les
plus ordinaires de son début. Ces points isoles , h mesure que la
maladie marche et lorsque la mort ne vient pas trop tôt en inter-
l’ompre le cours, se multiplient et se rapprochent, et finissent
par constituer de véritables pneumonies lobaires. C est toujoui s
(t) Grisolle, loc. eit., p. 7.
ramollissement cérébral.
plutôt dans les parties profondes qu’à la périphérie qu’ils se
développent.
La pneumonie hypostatique se montre presque toujours des
deux côtés à la fois. Elle s’accompagne très-rarement de pleuré-
sie 5 celle-ci, lorsqu elle existe, se caractérise habituellement
seulement par un peu de sérosité épanchée dans la cavité pleu-
rale, ou quelques petites p'aques pseudo-membraneuses minces
à la face postérieure des poumons.
La pneumonie hypostatique a donc pour caractères particuliers:
son siège aux parties déclives des poumons et des deux côtés à
la fois, tandis que la pneumonie du sommet est très-fréquente,
et la pneumonie double assez rare chez les vieillards (1) ; sa dis-
position lobulaire , sa teinte livide et la grande quantité de li-
quide qui pénètre le tissu enflammé, toujours plus mou et moins
granuleux que l’hépalisation ordinaire. Je n’ai jamais rencontré
de pneumonie hypostatique à l'état de suppuration. M. Gri-
solle paraît avoir observé des cas de ce genre. Je disparaît, parce
qu’il n’est pas bien certain si les pneumonies secondaires aux-
quelles il fait allusion sont réellement des pneumonies hypo-
statiques.
G. Mode de développement de la congestion et de la pneumonie
' hypostatique.
Plus, dans l’organisation des vieillards, les forces vitales, dont
le système nerveux nous est le représentant le plus matériel, di-
minuent et s’affaiblissent, plus les lois physiques, au contraire,
doivent acquérir de puissance. Aussi les vieillards ne peuvent
guère se trouver soumis à un décubitus prolongé sur le dos,
sans que des liquides viennent à s’amasser dans les parties dé-
clives des poumons. Le mécanisme qui préside à leur accu-
mulation est analogue à celui qui, même chez les adultes, donne
lieu à rcnflure des pieds à la suite d’une station debout très-
prolongée.
Lorsque la sérosité, qui naturellement lubrifie la portion cel-
(1) J'ai recueilli cinquante-deux observations de jmeumonies primitives
chez des vieillards) vingt-cinq fois la (itneuinonie avait son sie'ge dans le
lobe supérieur j elle était double huit fois.
pneumonie hypostatique. 45®
luleuse du tUsu pulmonaire, vieni à s Waer en quantité plus
considérable qu’à l’état normal dans le» parties decbves des pou
tuons, l’absorption, qui déjà paraissait avoir quelque peine à en-
tretenir un équilibre convenable dans cet organe, devient d au-
tantplus insnfflsante qn’unequantité plus considérable de liquide
se trouve réunie dans unpoint donné. A ce dernier, quis accroît
incessamment, viennent s’ajouter les mucosités qui se secretent
dan» les bronches en plus ou moins grande quantité cher a plu-
part des vieillards, et s’accumulent peu à peu dans lespaities les
plus déclives de l’arbre bronchique. Des traces d une semblable
congestion se rencontrent sur presque tous les cadavres d®
larib. Mais il ne faut pas oublier qu’elle peut se produire de ,
plusieurs manières ; qu’ainsi, à l’heure de l’agouie, il se fait or-
dinairement une congestion pulmonaire passive, résultat de 1 as-
pbvxie dans laquelle survient la mort, et qui occupe d abord la
totalité des poumons, dans les parties déclives esque s es 1
quides ne s’amassent qu’après la mort.
Lorsque les parties déclives des poumons sont seulement co--
lorées en rouge, sans contenir à peine plus de liquide qu a l état
normal, on peut être certain que c’est un phénomène purement
cadavérique.
Lorsque la sérosité qui infiltre les parties déclives des poumons
n’est pas colorée par le sang, on peut à peu près affirmer qu elle
s’est formée pendant la vie ; car, si elle était un phénomène de
simple transsudation cadavérique, le sang contenu dans les vais-
seaux eût également transsudé et l’eût teinte en rouge.
Lorsque l’engouement pulmonaire estformépar du sang pres-
que pur, si les vaisseaux sont gorgés de sang, c’est qu’il s’est fait,
pendant la vie une congestion sanguine, peut-être simple épi-
phénomène de l’agonie. Mais, si les vaisseaux sont vides, il est
probable que c’est après la mort que le sang les a quittes et s est
infiltré dans le tissu pulmonaire. Il ne m’est arrivé qu’une fois
de rencontrer les poumons d’un vieillard exempts de tout en-
gouement hypostatique et de toute coloration cadavérique, etce-
pendant il était mort au bout de quelques jours de maladie.
Eu général, l’engouement est d’autant plus considérable que
les individus sont plus âgés, plus faibles, couchés depuis plus
longtemps , et que la maladie dont ils sont affectes est plus dé-
bilitante.
amollissement cérébral.
La pneumonie hypostatique se développe toujours, comme
nous 1 avmis du, consécutivement à la congestion que nous ve-
aiousde décrire. Son développement se fait en vertu de cette loi
quelorsque des liquides s’amassent anormalement dans un tissu.
Il s y développé une tendance à l inflammalion. « La congestion
sero-sangumolente vers le poumon, dit Laennec, qui a lieu chez
presque tous les mourants, se change souvent en pneumonie pour
peu que l’agonie se prolonge, et présente des points distincte-
ment hépatisés, surtout dans les temps où la constitution ré-
gnante est inflammatoire » (1). Cette expression de points dis-
tinctement hépatisés prouve que Laennec avait également ob-
serve le développement lobulaire de la pneumonie hyposta-
tique.
Chez les individus qui, soit parla lenteur avec laquelle s’o-
père la conpstion hypostatique, soit par la force qu’ils possèdent
encore, résistent pendant un certain temps aux progrès de l’en-
gouement pulmonaire, le liquide infiltré agit comme un corps
étranger, irrite le tissu pulmonaire et l’enflamme. C’est ainsique
celte inflammation ne se montre d’abord que sur des points iso-
lés, qui peu à peu se rapprochent et n’ont pas toujours le temps
de s’étendrejdans des espaces considérables.
1 el me parait etre le mécanisme du développement de cette
pneumonie qui enlève beaucoup de vieillards atteints d’affec-
tions chroniques, ou seulement d’infirmités qui les forcent à gar-
der le lit. Tant qu’une certaine quantité de liquide seulement
.se trouve infiltrée à la partie postérieure des poumons, le reste
de ces organes peut suffire aux besoins de l’hématose ; mais, une
fois l’inflammation développée, ils succombent rapidement,
et d’autant plus sûrementquela cause de cette inflammation est
plus difficile à éloigner.
1). Symptômes delà congestion et de la pneumonie hypostatique.
Ilien de plus vague, de plus incertain, que les .symptômes de
la pneumonie hypostatique clioz les vieillards. Son développe-
ment offre par excellence le type de l’inflammation latente; et,
chose remarquable, dans un grand nombre de cas, lorsque quel-
(I) I.aenneo, Traite de rausculiaimn , l. i, i». Ml .
pneumonie HYPOSTATIOUE. 44^
ques symptômes se montrent, propres ^fixer l’attention sur elle,
ce sont précisément des phénomènes qui n’ont point de rapport
immédiat avec l’organe pulmonaire lui-même t amsi 1 alteration
des traits de la face, la sécheresse de la langue, 1 affaiblissement
du pouls. , , . • 1
Il est rare qu’il ne survienne pas dans la physionomie quel-
ques changements propres à frapper un observateur attentif et
surtout prévenu de l’importance d’une observation minutieuse
chez les vieillards. C’est un certain caractère d hebetude, d al-
faissenient, detonnement du regard, une véritable paresse
des muscles de la face; eu même temps les lèvres eUe pom-
tour des ailes du nez prennent une teinte griscàtre qui annonce
une hématose incomplète. ^
A cela se joint à peu près constamment la secheresse de la
langue. Ce dernier signe est d’une haute importance chez les
vieillards ; il est presque toujours l’expression d’uire pneumo-
nie ou d’une affection aiguë du cerveau ou des méninges.
Cette sécheresse de la langue est beaucoup plus constante dans
la pneumonie hypostatique que dans la pneumonie primitive.
Elle a un caractère particulier : la langue ne devient.pas en gé-
néral visqueuse, collante au doigt ; elle est tout à fait seche,
dure, raboteuse, un peu rougeâtre. La soif devient presque
toujours alors assez vive. La peau présente souvent une chaleur
âcre et sèche, mais généralement peu prononcée. Quelquefois
dès le commencement, le nez et les extrémités se refroidissent.
11 y a rarement des sueurs, si ce n’est à la fin, à 1 heure de 1 a-
gonie elle-même, où la peau se couvre d’une sueur froide et
visqueuse. ,
Le pouls ne subit quelquefois aucun changement, et il n y a
de fébrile que la peau. Presque toujours cependant il prend une
plus grande fréquence ; il est rare qu’il prenne en même temps
plus de développement qu’à l’ordinaire. Dans la plupart des caï,
au contraire, il se rapetisse et se concentre.
On observe très-rarement de troubles sympathiques du côté
. des autres organes. Ainsi les vomissements si communs au début
de la pneumonie primitive des viedlards, manquent a peu près
constamment. Je n’ai presque jamais observé de délire. Il y a
surtout un état d’engourdissement général avec faiblesse des
uaouvcTnents, tout à fait en rapport avec le caractère de la pby*
ramollissement cérébral.
442
siononiie. Souvent alors les évacuations deviennent involon-
taires. Dans certains cas , les signes d’un état typhoïde sont
prononcés au plus haut deg.ré; suivant M. Grisolle, ce seraient
surtout les pneumonies secondaires, survenant dans le cours des
affections chroniques du système nerveux , qui revêtiraient ce
caractère. .
Tels sont les phénomènes généraux qui peuvent mettre sur la
voie du développement d’une pneumonie hypostatique. Il en
existe toujours quelque chose ; mais ils sont quelquefois si peu
prononcés qu’il est très-dif6cile de les saisir et de les apprécier
à leur juste valeur, particulièrement lorsque l’on a affaire à ces
vieillards débiles, qui vivent dans un engourdissement des sens,
de l’inielligence et des fonctions animales, en général, tel qu’on
le conçoit à peine compatible avec l’existence. En effet, le dé-
veloppement de ces phénomènes est ordinairement en raison di-
recte de l’activité, de la vitalité que présentent les malades; pres-
que nuis souvent chez les sujets très-âgés, chez ceux qui languis-
sent sous le coup d’un ramollissement cérébral, qui succombent à
un dévoiement chronique, qui sont minés par les progrès lents
de gangrènes superficielles, on les voit se montrer avec quelque
évidence chez les individus moins avancés en âge, gardant le lit
pour une fracture du col du fémur, pour une affection chronique
des membres inférieurs, etc.
Quant aux signes que pourraient fournir les fonctions respira-
toires, ils manquent presque constamment. Je n’ai jamais vu de
crachats caractéristiciues dans une pneumonie hypostatique; s’il
y avait une expectoration habituelle, ses caractères ne sont, en
général, aucunement modifiés; seulement elle diminue presque
toujours notablement. La douleur de côté ne se montre que par
exception : d’abord, parce que la pleurésie est fort rare ; en-
suite, les malades se trouvent souvent plongés dans un état où la
sensation et son expression sont, pour ainsi dire, presque néga-
tives. La gêne de la respiration elle-même manque le plus sou-
vent; les malades sùccombenl fréquemment sans avoir éprouve
la moindre dyspnée. Il est rare cependant que la respiration de-
meure bien naturelle: elle subit presque toujours une certaine
accélération, c[uelquefois en demeurant tres-paisible, et souvent
alors cette augmentation de fi'équence échappé ; d autres fois en
IKEUMOSIÏ KYPOSTAIIQUE. 44*
nécessitant de grand» efforts sans ponr cela, chose remarquable,
causer la moindre souffrance. * n ' i»
Lorsque la congestion hyposta.ique ne survient que tout a la
fin de la vie, pendant une agonie causée par des accidents d une
autre nature, ses signes se confondent avec ceux de 1 agonie.^
Lorsqu’elle se forme lentement, elle ne trouble en general
que fort peu les fonctions respiratoires. Il faut a un vieillaid .
qui languit sans mouvement, sans émotions, il lui faut bien peu
de chose pour alimenter son organisation; il lui faut bien peu
d’air pour Lématoser le peu de sang qu’il dépense. Qu est chez
lui l’évolution nutritive? que sont les sécrétions qui s opèrent.
Mais, lorsque la congestion se fait rapidement, elles annonce,
en général, par des signes bien plus expressifs que la pneumonie
elle-même: ceci tientàce quelle occupe toujours une plus grande
étendue qu’une inflammation à son début, et que les accidents
qui peuvent se développer dans de semblables circonstances tien-
nent beaucoup plus à la gêne mécanique delà respiration et de
l’bémalose,qu’à une réaction qui manque absolument ou se lait
très-incomplètement. Ce sont, en effet, alors des pbenomenes d as-
phyxie que l’on observe; la physionomie s’altere profondément,
la face devient livide, se gonfle quelquefois, les exiremites se c\ a-
nosentet se glacent ; la respiration devient fréquente, intermit-
tente, trachéale ; les canaux aériens se remplissent de mucosUes
qui refluent quelquefois par la bouche et les narines ; et, si la
mort tarde un peu à arriver, il se peut que l’on trouve un com-
mencement de pneumonie. Ces accidents rapides, bienîaiaciei i-
sés, ne sont pas rares dans la première période de 1 hemorihagie
cérébrale, ou dans ces attaques apoplectifonnes que détermine
si souvent à une époque quelconque le ramollissement cérébral.
Mais encore une fois, la congestion hypostatique ne donne heu a
des phénomènes aussi tranchés que lorsqu’elle se fait rapidement
et dans une assez grande étendue.
H est d’une grande importance d’examiner attentivement la
poitrine des individus chez qui l’on a quelque raison de soupçon-
ner le développement des altérations que je viens de décrire,
puisque les troubles fonctionnels ou sympathiques auxquels
elles peuvent donner lieu sont si peu prononcés. Malheureuse-
ment l’auscultation elle-même ne donne souvent que des résul-
tats bien incomplets.
UAMOLLISSEMENT CÉRÉBRAL.
444
Chez les individus avancés en âge, débiles, habitués à garder
le lit, la respiration se fait quelquefois si mal, même à l’état
normal, que l’air pénètre peu profondément dans le tissu pul-
monaire; aussi, lorsque vous posez l’oreille sur les parois de la
poitrine, n’entendez-vous qu’à peine le mouvement respira-
toire. C’est chez ces vieillards principalement que l’on voit si
souvent manquer à l’auscultation le premier degré de la pneu-
monie ; le souffle tubaire et la matité apparaissent alors sans
que l’on ait pu percevoir le moindre râle crépitant. Voilà une
première source de difficultés. Maintenant en voici une autre :
chez beaucoup de vieillards catarrheux, la poitrine offre con-
stamment à l’oreille, surtout en arrière et s’ils restent habituel-
lement couchés, des râles muqueux, sous-crépitants, sibilants,
qui masquent les modifications que peut éprouver le tissu pul-
monaire. Aussi je ne saurais trop recommander d’ausculter sou-
vent les vieillards atteints de maladies chroniques , auxquels on
a à donner des soins : il importe de se tenir toujours parfaite-
ment au courant, qu’on me pardonne cette expression, de ce
qui se passe dans leur poitrine ; et ce n^est pas seulement pour
être certain de saisir à leur début les altérations qui viendraient
à se développer dans les poumons : mais c’est que c’est souvent
le seul moyen de pouvoir bien apprécier les signes vagues et
légers par lesquels elles se traduisent au dehors.
En généi'al, lorsqu’il s’est formé une congestion un peu con-
sidérable des parties déclives des poumons, on trouve un raie
muqueux ou sou.s-crépitant, abondant, égal des deux cotés, a
moins que le malade se tienne toujours couché du même côté,
d’àutant plus abondant qu’on se rappi'oche de la base des pou-
mons, à peu près aussi prononcé dans l’expiration que dans 1 in-
spiration. Lorsqu’il y avait déjà des raies de catarrhe, on dis-
tingue en général le développement de la congestion a ce que
le râle aucpiel elle donne lieu est plus abondant, plus égal, peut-
être d’un caractère différent, qu’il se rapproche davantage de la
base, cju’d occupe également les deux côtes. J ai trouvé à 1 aus-
cultation tantôt un râle muqueux à grosses bulles, tantôt du lale
.sous-crépitant, sansejue l’examen du poumon m apprit la cause
de cette différence. Il est probable que l’état antérieur des bron-
ches y est pour beaucoup ; il ne faut pas oublier que l engoue-
ment Iiypostatiqne peut avoir «on point de départ dans une
/ ^ 5
VNEXJMOWIE HVI’OSTAI'IQUE.
„.S«uo„ acwe ou passive, ei aies sou s^^^PéÇ'^
,0, canaux aériens dou. la
Quand il existe de la avec ceux de
ne peut la dislinguer, et ses »>»■■“ étendue, il est vare
l’engouement qui I enviionne. Loi j , . al de
nn’nn entende de la crépitation ; on ne s apeiçou ei j, ,
^on existence que parle souffle tubaire et la broncboplionie, s il y
a Iiioven d’aJcullei la voix. Eneoie ces signes ne
ils quelquefois appréciables que lorsqu’il est possible de faii
U;rc:lu I^es. pas , eu général , d’un grand secours^Tl y
a bien matité quand la pneumonie est lobaire et
tat d liépatisation; mais au commencement , alors que dia
gnostic est si difficile , elle ne peut l’aider eu nen. 11 est cei an
cependant qu’un engouement considérable s accompagne oïdi-
nairement d’un peu de diminution du son.
Je ne dois pas manquer de signaler ici une circonstance ties-
importante et propre à mettre sur la voie du développement
d’une congestion ou d’une pneumonie hypostatique : c est qu
lorsque les parties déclives des poumons sont infiltrées d une
assez grande quantité de liquides pour que la respiration ne
puisse s’y effectuer dans une certaine étendue , les parties ante-
rieures de ces organes cberclient à suppléer à ce defaut de per-
méabilité ; alors , non-seulement la respiration y prend une ac-
tivité inusitée , mais il s’y développe un véritable emphysème j
non pas que j’aie jamais constaté sur le cadavre de rupture des
vésicules pulmonaires , mais une dilatation extreme des cel-
lules aériennes; la respiration y devient alors puerile et tres-
bruyante,le son tympanique; deux fois même ] ai constate
une saillie des espaces intercostaux. A l’aulopsie , on trouva la
partie antérieure des poumons blanche , presque exsangue ,
gonflée d’air, et faisant une saillie considérable dès que la poi-
trine fut ouverte.
Ainsi , lorsqu’un individu placé dans les conditions qui nous
occupent maintenant présentera une sonorité et une activité
de la respiration inusitée à la partie antérieure de la poitrine ,
on dçyra aussitôt soupçonner le développement d’une conges-
I
446 ramollissement cérébral.
lion ou d’une pneumonie hypostatique. Je ne saurais trop re-
commander cette circonstance à l’attention des observateurs ,
puisqu’elle permet d’obtenir, par l’examen des parties anté-
rieures des poumons , des notions sur l’état des parties posté-
rieures, qu’il est si souvent difficile et quelquefois presque im-
possible d’examiner directement.
S III. Mort par les escares.
Un accident très-fréquent et des plus redoutables dans le ra-
mollissement cérébral, c’est la formation d’escares au siège. Il
' peut survenir à deux époques différentes de la maladie : soit au
commencement, alors que le malade est sous le coup d’une atta-
que apoplectiforme ; soit plus tard , quand le ramollissement a
passé à l’état chronique , à la suite d’un séjour au lit prolongé ;
ce sont surtout les vieillards qui sont exposés à cet accident, et
ils le sont , du reste j dans toutes les affections qui exigent un
long décubitus sur le dos. Ces escares se développent quel-
quefois d’une façon latente chez les individus très-âgés , surtout
quand l’intelligence est lésée d’une façon quelconque, et cela va
sans dire , quand ils sont privés de connaissance. Il importe
d’autant plus , dans de semblables circonstances , de se tenir
soigneusement sur ses gardes , qu’elles font souvent des progrès
extrêmement rapides , de sorte qu’en très-peu de jours on peut
trouver le sacrum mis à nu, et même érodé, et il ne faut guère
compter sur la guérison de semblables lésions lorsqu’une fois
elles sont un peu avancées. Si l’on voit les escares les plus
étendues guérir à la suite des fièvres typhoïdes , c’est que leur
cicatrisation se trouve aidée par le changement immense qui
s’opère dans l’état général du malade ; c’est qu’une fois la con-
valescence commencée , les conditions qui ont présidé à leur
développement se trouvent complètement éloignées. Mais il n’en
est pas de même quand des escares viennent à se former {dans
le cours d’une maladie cérébrale; il n’y a pas à compter sur la
nature pour les arrêter et les guérir, et les moyens que l’art pos-
sède ont bien peu de pouvoir.
Lorsque les escares ont acquis une étendue suffisante pour
réagir sur le reste île l’économie , on voit la face s’altérer, les
lèvres s’entourer d’un cercle grisâtre , les narines devenir pulvé-
PRONOSTIC. '
rulentes; la fièvre s’allume, le soir d’abord , puis elle devient
continue ; la langue et les lèvres deviennent sèches et dures ,
comme grillées ; la peau se couvre d^une couche visqueuse , les
phénomènes cérébraux s’accroissent , le malade tombe dans une
prostration profonde , la respiration s’embarrasse , et la mort
survient, soit dans le coma, soit dans un état d’adynamie toute
semblable à celle de la fièvre typhoïde. Après la mort , on
trouve presque constamment une pneumonie hypostatique , ou
au moins une eongestion considérable des poumons.
Outre les escares au siège , il s’en forme quelquefois au ta-
lon , succédant toujours à une accumulation de sérosité rous-
sâtre qui en soulève l’épais épiderme. Ces escares , si on les
néglige , peuvent entraîner la carie du calcanéum.
CHAPITRE XI.
PRONOSTIC DU RAMOLtlSSEMENT.
Le ramollissement cérébral a été généralement considère
jusqu’ici comme une affection incurable , comme une maladie
fatale , dont l’étude , bonne tout au plus pour les anatomo-pa-
thologistes , ne saurait en rien iutéi esser la pratique. Telle est
aujourd’hui l’opinion la plus répandue parmi les praticiens.
Cette opinion tient aux idées que l’on s’est généralement
faites touchant la nature du ramollissement. Comment songer,
en effet, à guérir une lésion organique spécifique de la substance
cérébrale , ou bien une altération semblable , ou au moins ana-
logue à la gangrène ; car telles sont les hypothèses qui sont jour-
nellement répétées sur ce sujet. Assurément, si le ramollissement
cérébral était tout cela, il serait permis de regretter le temps
que-l’on aurait consacré à son étude ^ mais heureusement il n en
est pas ainsi. En essayant de démontrer que le ramollissement
était toujours, sauf peut-être d’infiniment rares exceptions, une
maladie inflammatoire , j’espère avoir fait voir que c’était une
maladie semblable à la plupart de celles dont nos differents or-
ganes deviennent le siège , en ce que , tout en étant fort grave ,
elle n’en est pas moins, comme les autres, susceptible de guérir,
44^ UA.»MüLLlaSiMj;NT CÉPlLUKAL.
susceptible de céder aux ressources de la nature et aux eüorls
de l’art.
Le rainollissenieiit du cerveau est , en effet , toujours une
maladie fort grave; grave par son siège , car les affections de
l’encéphale, et en particulier de la pulpe nerveuse elle-même ,
paraissent au nombre de celles sur lesquelles notre thérapeu-
tique a le moins de prise ; grave par l’excessive rapidité avec la-
quelle il lui arrive fréquemment de se développer, par la promp-
titude avec laquelle la substance cérébrale , si délicate et si
fragile, peut subir une désorganisation souvent irrémédiable.
Cependant le ramollissement peut guérir. A priori , je ne sais
pourquoi on lui refuserait cette faculté ; ce serait , si j’en excepte
des dégénérescences toutes spéciales et sans aucune espèce de
rapport avec la maladie qui nous occupe , ce serait à peu près la
seule affection qui possédât cette fatale prérogative -, et d’ailleurs
les études que l’on avait faites jusqu'ici sur le ramollissement
cérébral étaient , je ne crains pas de le dire, tout à fait insuffi-
santes pour justifier les propositions que l’on entend chaque
jour émettre à ce sujet. Tout le monde n’a pas imité en cela la
sage réserve de M. Rostan. Cet auteur se demande fort judi-
cieusement si le ramollissement , étant souvent une maladie in-
flammatoire , ne doit pas présenter les divers modes de termi-
naison de l’inflammation .Mais les faits lui manquaient ; aussi,
tout en avouant que la mort lui paraît le terme presque inévi-
table de cette maladie (1) , il dit qu’il laisse aux observateurs
qui le suivront, ou à des faits ultérieurs, de décider si le ramol-
lissement est ou non susceptible de résolution (2). Nous avons
vu précédemment que le même auteur avait pressenti la vérita-
ble origine de certaines infiltrations celluleuses , des indura-
tions (3).
1
(t) Rostaii, loc-cit , p. tSO*
(2)Eod. loc., p. 17t.
Il y a vingt ans que ces ligues ont clé écrites. Il parait que les etudes
auxquelles a pu se livrer, depuis cette époque, cet habile écrivain, lui ont
fait remplacer le doute philosophique qu’il professait alors, par une convic-
tion toute négative. Voici en effet ce qu’il disait récemment dans une de scs
leçons cliniques, à l'Hôlel-Dicu : « Le ramollissement cérébral a une mar-
cbe toujours croissante et ime levniinaison infailliblement Ou i
avancé que le ramollissement était curable : mais les persouBcs qui ont
PKOKÜS'i'lC.
Que le raïuoliisseineut soit susceptible de guérison , c’est
chose qui uepeut plus l’aire de doute inainlenaut : je n’ai , tju
reste , qu’à renvoyer, sur ce sujet, aux chapitres que j’ai consa-
crés à l’étude de la cuifibilité et à celle du traitement du ramol-
lissement. J’ai intitule un chapitre De la curabilité du ramolUs-
seinenL , parce que , dans l’état de la science , c’était encore là
une question neuve et qui demandait une élude spéciale ; mais
j’espère que le moment n’est pas éloigné où , dans l’histoii e du
ramollissement , comme dans celle de tant d’autres alî'eclions ,
un semblable chapitre n’aura plus pour but de prouver la cura-
bilité du ramollissement, mais seulement d’etudier ses modes
de guérison.
Bien d’autres parties de ce livre sont encore remplies défaits
qui démontrent combien le pronostic du ramollissement est
moins grave qu’on ne l’a prétendu ; ainsi je pense que l’on ne
doutera pas avec moi que les laits réunis au chapitre de l’ap-
préciation des symptômes du ramollissement aigu , sous la dé-
nomination de congestion cérébrale , n’aient été , en partie dti
moins, des ramollissements commençants arretés dès leur pre;-
mière période. On a vu que, plus tard, des ramollissements pul-
peux pouvaient persister presque indéfiniment sans déterminer
d’accidents graves , et sans entrer pour rien dans les causes de
la mort ; que la présence de plaques jaunes , limitées à l’épais-
seur de la couche corticale des circonvolutions , n’était souvent
qu’une circonstance peu grave en elle-même, bien que ces pla-
ques jaunes eussent succédé à des ramollissements injectés ou
infiltrés de sang , et qu’elles pussent encore passer à l’état d’ul-
%
avancé une pareille asserliou s’eu sont prohablcineni laissé imposer iJar
une particulariic qui était , en effet , dénaturé à induire en erreur; e’c't
que la marche de la maladie n’est pas régulièrement croissante ; elle pro-
cède au contraire d’une manière irrégulière, présentant des arrêts cl mêiiie
des améliorations .spontanées qui font croire à une guérison spotuaiiée. La
raison de celle marche irrégulière est dans la coïncidence de deux olldra-
tions, c’est-à-dire la compliccUion de mouvemems de congestion périodi-
ques avec le ramollissement, w ( Gazette des hôpitaux, 9 aofii 1812.)
Je crois devoir faire remarquer que les recherches que l’on a fuites sur la
curabilité du ramollissement ayant iu.squ’ici presque exclusivement porté
sur l’anatomie pathologique, les observations précédcnles leur sont dlfiiciie-
menl applicables.
29
450 kamollissemekï cérébral.
céladon ; enlin , en démontrant que l’infiltration celluleuse ap-
partient au ramollissement , j’ai fait reconnaître que bien des
altérations , considérées jusqu’ici comme annonçant des foyers
hémorrhagiques guéris , doivent être , au contraire , rapportées
à des ramollissements guéris , et qu’ ainsi une grande partie des
idées que l’on avait appliquées à la curabilité de l’hémorrhagie,
se trouvent exactement applicables à celle du ramollissement.
CHAPITRE XII.
DK la natdre et de l’étiologie dü ramollissement.
ARTICLE PREMIER.
Il y a deux ordres de causes à envisager dans l’étude de la pro-
duction du ramollissement cérébral : les causes organiques qui
président à sa formation, c’est ce que l’on entend généralement
par nature de la maladie ; puis les causes occasionelles aux-
quelles il doit de se développer dans un instant'pluiôt que dans
un autre. On conçoit qu’unramollissement puisse se former indé-
pendamment de ces dernières , et par la seule influence d’une
modification organique spontanée développée dans le tissu du
cerveau : mais les premières sont tout à fait indispensables ,
car elles sont l’essence de la maladie.
On comprend pourquoi je rapproche ici de l'étiologie, ce que
rpn étudie habituellement sous le nom abstrait de nature. J’ai
cherché à démontrer, dans tout ce travail , comment le ramol-
lissement cérébral était de nature inflammatoire et se formait
toujours à la suite d’une congestion sanguine. La cause organi-
que du ramollissement est donc la congestion, puis l’inflamma-
tion* les causes occasionelles de ces dernières deviendront
celles du ramollissement lui-même.
Mais il ne suffit pas d’avoir démontré ce fait, comme j’espère
au moins y être parvenu ; il faut encore prouver que les diverses
théories que l’on avait essayé d’appliquer à cette maladie ne
NATURE UU RAMOLLISSEMENT.
451
s’appuient sur aucun fait, qu’elles ne puiTent que de données
fausses ou incei iaines, enfin qu’elles n’oflrent aucune garantie à
un esprit exact et ami de l’observation.
Je vais donc passer en revue ces diverses théories : c’est un
travail critique qui m’est imposé par la nature des discussions
auxquelles j’ai déjà dû me livrer, et dans lequel j’entre avec
d’autant plus d’indépendance que j’ai l’habitude de séparer en-
tièrement les idées que je combats, des personnes à qui elles ap-
partiennent.
§ I".
Une des principales hypothèses auxquelles ait donné lieu l’é-
tude du ramollissement, sous le point de vue de sa nature, ou,
pour parler plus clairement, de son étiologie , est celle qui le
considère comme le résultat d’une affection asthénique , ana-
logue à la gangrène sénile, et provenant soit d’un appauvris-
sement général de l’économie, soit d’une diminution spéciale de
la circulation encéphali(iue. A l’appui de cette hypothèse ont
été invoqués quelques laits, peu nombreux, mais surtout des
considérations philosophiques, dues particulièrement à ceux qui
n’avaient pas eu l’occasion d’étudier cliniquement la maladie
dont ils avaient entrepris de disserter. Oubliant un moment les
propositions contenues dans les pages précédentes, nous
allons analyseravec quelques détails les arguments et les faits dont
se sont servis les défenseurs de cette opinion.
« Je considère , dit Abercromhie , le ramollissement de la
pulpe cérébrale comme analogue à la gangrène qui survient
dans les auti es parties du corps j comme la gangrène , il peut
reconnaître deux causes très-differentes, l’inflammation d’abord
et ensuite la suspension de la circulation par maladie des ar-
tères. Je regarde la première de ces causes immédiates comme
l’origine de la maladie que j’ai observée, et la seconde comme
celle des désordres observés par M. Rostan... L’ossification des
artères dans une grande étendue est très-commune chez les
vieillards ; elle paraît être fréquemment la cause de l’apoplexie
avec extravasation de sang dans le cerveau, si commune aux
dernières périodes de la vie. Il me paraît donc extrêmement
probable que cette ossification peut déterminer cette lésion par-
ticulière d’une partie du cerveau, d’où naît le ramollissement
KliMOLLlSSElItKX CÉUÉBUAL,
que M. Uostan a observe' clieÈ les vieillards. « Plus loin; « le
ramollissement correspond précisément avec cet état des ar-
tères par lequel nous savons que la gangrène est produite dans
d’autres parties du corps, et en parliculier dans les jambes et
les pieds des vieillards (1). »
La comparaison que M. Abercrombie cherche à établir entre
la gangrène sénile des extrémités et le ramollissement cérébral,
sous le point de vue de la cause qui les produirait, me paraît fort
défectueuse. En effet, si l’ossification des vaisseaux d’un mem-
bre peut en produire la gangrène, c’est seulement lorsque la cir-
culation se trouve interrompue par suite d’une coagulation du
sang, ou parce cpie l’ossification elle-même a fini par oblitérer
entièrement le calibi’e des vaisseaux, ou encore, ainsi que l’a vu
l’auteur anglais, si le même ^ttet vient a etre produit par la sé-
paration de la membrane interne d’un gros vaisseau ossifié ;
mais il ne s’agit pas ici de ce qui peut arriver , il s agit seulement
de ce qui s’observe. ^
On rencontre, il est vrai , chez la plupart des vieillards, des
épaississements, des productions caiülagineuses dans les artères
de la base du crâne, quelquefois des ossifications ; mais il y a
loin de là à un réirécissement des vaisseaux assez considérable
pour entraîner une gangrène ou quelque chose d’approchant.
Ce n’est pas surtout dans les artères cjui se ramifient dans le
crâne, et dont les anastomoses en tous sens sont tellement mul-
tipliées, que cette altération pourrait avoir une grande valeur :
c’est dans les troncs qui apportent le sang à la tête, que l’inté-
jj-rité de la circulation est importante à considérer. Or, si l’on
songe au volume de ces troncs, si l’on réfléchit que quatre vais-
seaux, les deux carotides et les deux vertébrales pénètrent dans
la cavité du crâne , que leurs anastomoses sont telles qu’il suffit
que l'un d eux soit perméable au sang pour que toutes les par-
ties du cerveau soient, en moindre quantité il est vrai, mais éga-
lement visitées par ce liquide, pu acquerra aussitôt la convic-
tion que rien n’est plus invraisemblable que l’hypothèse que je
combats, et l’on demandera surtout des faits sur lesquels il soit
possible de l’appuyer.
On conçoit qu’il doive être plus que rare de trouver tous les
(t) Abercroiubic, loc. cU>, p. Si.
NATURE DU RAMOLMSSEMENT. 453
vaisseaux qui portent lesang dans le cerveau, oblitérés ou pres-
que oblitérés; aussi je ne connaisaucun faitde ce genre. MM. De-
laberge et Monneret citent cependant un cas où les deux ca-
rotides internes étaient oblitérées par suite d’une incrustation
calcaire, sans qu’il y eût de ramollisseinent ; mais il restait les
deux vertébrales. J’ai vu, à Bicêtre, chez un homme mort par-
suite de l’accumulation d’une quantité considérable de sérosité
dans l’imérieur du crâne, les artères de la base tellement ossi-
fiées, que plusieurs et des plus volumineuses étaient converties
en des tubes pleins. Il n’y avait aucune trace de ramollissement
dans le cerveau. Il est vrai que les carotides internes et les ver-
tébrales, bien qu’assez ossifiées pour se laisser scier plutôt que
couper, étaient encore largement perméables au sang.
Maintenant,.lors même que chez un individu chez lequel les
vaisseaux qui portent le sang dans la tête seraient oblitères par-
ossification, par séparation de la membrane interne ou par coa-
gulation du sang, on viendrait à trouver un ramollissement du
cervearr ; lors même que ce dernier se serait évidemment dé-
veloppé sous l’influence de l’arrêt de la circulation, que prou-
verait un fait semblable ,. que prouveraient plusieurs faits
isolés pour les cas sans nombre où l’on ne retrouve plus ces
circonstances?
L’hypothèse ‘du docteur Abercrombis porrrrait doncbien etie
juste comme hypothèse, car on conçoit parfaitement que le cer-
veau puisse se ramollir sous 1 influence d une cause piopie a dé-
terminer la gangrène. Mais, qu’elle sort applicable au ramollis-
sement cérébral, considéré en general, voici qui doit etie nie ^
car il n’est pas vrai que, 'chez les individus affectés de ramollis-
sement , le cerveau se trouve dans des conditions analogues
à celles que présentent les membres affectés de gangrène sé-
nile.
Voyons maintenant quelle est la valeur de quelques faits in-
voqués pour soutenir- cette hypothèse.
M. Lenoiv, dans une dissertation qui contient quelques remar-
ques sur les gangrènes spontanées (1), a rapporté tout au long
trois observations, où il signale la coïncidence d’une gangrène des
extrémités et d’un ramollissement du cerveau. Notons d’abord
(t) Leijoir, Thes^t de Paris, <8 août t837»
HAMOLUSSEMENT CÉRÉBRAL.
454
que, si une gangrène des extrémités venait à se développer sous
l’influence d’un état général ou d’une altération de l’organe cen-
tral de la circulation, la coïncidence d’un ramollissement céré-
bral serait digne de toute l’attention possible ; mais, lorsqu’elle
résulte , ainsi qu’il arrive le plus communément, d’une oblité-
ration des vaisseaux d’un membre, elle ne peut, de toute évi-
dence, avoir de rapport de causalité avec un ramollissement du
cerveau, à moins, bien entendu, que les vaisseaux qui portentle
sang dans le crâne ne soient eux-mêmes oblitérés. Il importe
donc, dans les trois cas de M. Lenoir, où il s’agit de gangrène de
la main, suite de l’oblitération des vaisseaux du membre supé-
rieur, de voir quel était l’état de la circulation du cerveau.
Dans le premier cas, le ramollissement était jaunâtre, ce qui
y indique, comme nous lé savons, la présence ancienne du sang;
les vaisseaux qui portentle sang à la tête étaient sans doute sains,
puisque leur état n’est pas indiqué. Dans la deuxième observa-
tion, il y avait, il est vrai, ossification des artères du crâne, et
de plus un rétrécissement considérable de l’origine de la caro-
tide gauche; on trouva dans le lobe postérieur droit un ramollis-
sement dont la couleur n’est pas indiquée ; mais au-dessus les
membranes étaient congestionnées.
he. troisième fait paraît aupremier abord plus remarquable: une
coagulation du sang s’était iaite pendaiit la vie dans lasous-cla-
vièreetla vertébrale droite, et l’on trouva un ramollissement du
lobe postérieur droit du cerveau et du lobe droit du cervelet. Mais
il est noté que les carotides et l’autre vertébrale étaient tout à fait
saines: or, je demande si le sang qui arrivait par ces trois vaisseaux
dans le cerveau n’était pas grandement suffisant pour la nutrition
de cet organe, et si les anastomoses de la base n'ont pas dù rétablir
immédiatement dans les points ramollis une circulation tout
aussi complète que celle qui se faisait dans les autres parties du
cerveau. Il est encore une circonstance fort importante à noter :
la couleur du ramollissement du lobe postérieur du cerveau
n’est pas indiquée ; mais il est dit que le ramollissement du cer-
velet était d’un gris rougeâtre Est-il logique d’attribuer à 1 ab-
sence du sang un ramollissement qui s’accompagne de rougeur ?
En outre les premiers symptômes avaient été des contractions
<’pileptiform«5, ce qui est, comme nous le savons déjà, unsym-
NATDRE DU RAMOLLISSEMENT. 4^^
plôme d’encéphalite (1). Il est probable que la cause qui a dé-
terminé le ramollissement se trouvait liée de fort près à celle
qui a donné lieu à la coagulation du sang dans les vaisseaux.
C’est ainsi que, dans notre 31" observation , où l’extrémité
antérieure de l’hémisphère gauche était ramollie, tumefiee,
ronge, adhérente aux méninges, il y avait une coagulation
récente du sang dans la carotide interne de ce coté et ses ra-
meaux voisins du ramollissement. La même circonstance s est
rencontrée dans l’observation 34. La carotide interne gauche
était remplie par un caillot rougeâtre, dense, friable, adhèrent.
Il y avait dans l’hémisphère gauche un ramollissement avec in-
jection considérable de la substance médullaire, et couleur
rouge-vif de la substance corticale ; il y avait également un peu
de ramollissement rose et très- injecté à la superGcie de 1 autre
hémisphère. Je ne doute pas qu’il n’y ait dans les cas de ce genre
une liaison entre ces deux altérations ; mais il n’est pas permis
d’y appliquer sérieusement l’hypothèse que nous discutons.
C’est ainsi que la phlébite des méninges s’accompagne presque
constamment d’infiltration sanguine, puis de ramollissement dei
circonvolutions, comme l’ont vu M. Tonnelé etM. le professeur
Cruveilhier, et comme je l’ai signalé moi-même dans ma dis-
sertation inaugurale. '
Dans deux autres faits que M. Lenoir a empruntés à M. Alli-
bert et à IVI. François, la substance ramollie présentait une fois
une tache ecchymotique, et une autre fois une couleur rosée.
Et, à ce propos, voyez dans quelle contradiction entraîne un exa-
men aussi superficiel des faits : « L’ossification des artères, dit
Abercrombie, paraît être fréquemment la cause de l’apoplexie
avec épanchement dans le cerveau (hémorrhagie cérébrale), si
commune aux dernières périodes de la vie. Il me paraît donc
extrêmement probable que celte ossification peut déterminer
cette lésion particulière du cerveau, d’où naît le ramollissement
que M. Rostan a observé chez les vieillards. » Mais nous avons
vu que cet écrivain compare expressément à la gangrène des
autres parties du corps les faits de ramollissements observés par
M. Rostan, dus à la suspension de la circulation par maladie des
(t) Cette observation a été également publiée dans le Bulletin clinique
août 1835, p. 104.
nA^rOLLISSHUIENT CKRÉP.RAL .
4 5 P)
arlèrcs. Ainsi, voici une altération qui jouirait tle la faculté de
• léterminer également et des hémorrhagies et des gangrènes par
anémie : cette circonstance méritait au moins que l’auteur nous
dit comment il conciliait des effets aussi opposés (1).
(1) On a fait jouer un nMe important, dans la production de plusieurs
maladies ce'rcbralcs, et surtout de riiémorrhagie du cerveau, à l’ossification
des artères cc'rébrales : on aurait du commencer par étudier cette ossilica-
lion elle-mcrae et s’assurer si, comme le dit Abercrombie , et comme on le
pense généralement, l’ossyicnlion des artères du crâne dans une grande
dlendue est très-commune chez les vieillards. On aurait alors reconnu nue
cette assertion est erronée, et que l’ossifîoation des artères du crâne , qui ne
SC rencontre guère , il est vrai , que chez les vieillards, est une lésion assez
rare, et que si les parois de ces vaisseaux sont communément altérées à cet
âge , cette altération ne consiste en général qu’en un simple épaississe-
ment.
Je ne sais trop, du reste, sur quels faits ou a pu s’appuyer jusqu’ici pour
assigner un rôle quelconque à l’ossilicalion des artères du crâne dans le ra-
mollissement ou riicmorrha|iedu cerveau, car les auteurs qui ont réuni quel-
ques observations sur ces maladies ont tous complètement ou à peu près
négligé d’indiquer l’état de ces vaisseaux.
.Ainsi, pour l’hémorrhagie ; dans les vingt-cinq premières observations de
l’ouvrage de M. Rochoux , il n’est pas une seule fois question de l’élat des
artères du crâne; il en est de même des observations de la clinique de
M. Andral , sauf la cinquième , où il e-t dit que ces artères étaient ossifiées
cliezun vieillard de soixante-neuf ans.
l’ourle ramollissement : M. Rostan n’en parle dans aucune de ses observa-
tions ; M. Andral dans deux seulement : lalfic (soixante-onze ans), où il dit :
les grandes artères cérébrales sont ossifiées ; la (soixante-huit ans), ossi-
fication des carotides internes et de leurs divisions. l^Ième silence dans les
lettres de M. Lallemand. Comme nous ne possédons pas de collections d\/D-
servations sur les vieillards, on voit iftie tout ce qui s’est dit sur 1 ossifica-
tion des artères du cerveau n’a aucune espèce de fondement.
Il s’en faut mallieureusemcnt fjue j’aie noté l’état des vaisseaux dans tou-
tes mes observations : voici cependant un relevé rpi’on ne trouvera peut-être
pas dénué de toute utilité.
i^'J’ai noté avec soin l’état des artères du crâniTchcz 32 vieillards morts de
différentes maladies, cl chez lesquels lepervenu était parfakeraent sain ; je
les ni trouvées ;
Saines 9 fois.
Epaissies 21 —
Ossifiées 2 —
Cher. 30 individus affectés de ramollissement cérébral, je les ai trou-
Yfrs :
NATURE DU RAMOUUISSEMENT.
457
Mais continuons. Le docteur Piobert Law a publié (1) un mé-
moire intitulé : De certaines altérations du cœur considérées
comme cause du ramollissement cérébral.
Saines
6 fois.
Epaissies
18 —
Ossifiées
6 -
Enfin, dans 20 cas d’hémorrhagie
cérébrale, elles étaient :
Saines
3 fois
Epaissies
10 —
Ossifiées
6 —
Présentant de petites plaques car
lilagineuscs isolées, 1 fois.
En réunissant tous ces faits, on voit que, chez 82 vieillards, les artères du
crâne étaient :
Saines
18 fois.
Epaissies
49 —
Ossifiées
14 — ( dans G cas , ces ossifications
•
sont notées légères ou com-
mençantes ■
Parliellerae.nl carlilaglneuses, 1 fois.
Ces releves nous apprennent que l’os.sificalion des artères du crâne n’est
pas chose si commune clie?, les vieillards, et surtout à un degré un peu con-
sidéralile. âlaintcnanl je sais qu’au point de vue qui nous occupe, on peut
attribuer autant de valeur à l’épaississement simple <[ii’à l’ossificaiion des
vaisseaux, puisqu’il est surtout question de la diminution de leur calibre.
Mais je ferai remarquer que si, sur trente cas de ramollissement, les artères
ont été trouvées saines seulement six fois et vingt-quatre fois malades , elles
ont été trouvées vingt-trois fois altérées cl saines neuf fois seulement dans
trente-deux cas où le cerveau était sain , ce qui constitue une proportion
a peu près semblable. 11 me semble qu’il est permis de croire que cet état des
vais.seaux n’entre, pas pour beaucoup dans la production du ramollissement,
puisqu’on le rencontre à peu près aussi souvent chez les sujets dont le cerveau
n’est pas ramolli. C’est ainsi que, bien que les épaississements et lesossifica-
*ions des vaisseaux des membres s’observent très fréquemment chez les vieil-
lard.s, la gangrène des extrémités est loin d’être une affection fréquente ,
puisque, pendant deux années que j’ai été attaché h la Salpétrjère, je n’en ai
observé que deux cas , et pas un seul une troisième année où j’ai suivi con-
stamment le service de l’inlirmerie de cet hospice. Je n’ignore pas, du reste,
que d’autres observateurs et à d’autres époques ont rencontré ia gangrène
spontanée dans une plus forte proportion j mais enfin, ce n’est jamais une
maladie fréquente, tandis que les épaississements des vaisseaux des mcmbre.s
(1) f'razettc mifJirale, 8 août 1840.
458 RAMOLLISSEMENT CÉrÉBRAL.
L’idée de ce travail est que s’il est des altérations du cœur
qui déterminent des lésions du cerveau en augmentant la force
de la circulation, ainsi que l’hypertrophie du cœur produit 1 a-
poplexie, il en est d’autres, au contraire, qui causent des lésions
de cet organe en diminuant et en rendant insuffisante la circula-
tion. Tel est, par exemple, le rétrécissement de la valvule mi-
' traie, ou tout autre lésion propre à diminuer la quantité de
sang qui se porte au cerveau, et que 1 on voit produire le ramol-
lissement cérébral.
« Les circonstances, dit l’auteur, dans lesquelles se développe
le ramollissement cérébral dont je me suis occupé dans ce tra-
vail, semblent l’identifier avec la gangrène ou avec la mort d’une
partie causée par la diminution du sang qu’elle reçoit. » Ce se-
rait le cas, il me semble, pour appuyer cette manière de voir,
de citer des exemples de coïncidence de ce ramollissement avec
la gangrène des extrémités j mais l’auteur n’en fait rien, et ne
paraît même pas avoir songé à rapprocher des faits aussi im-
portants, des assertions fort douteuses qu il émet.
Les observations qu’il cite, au nombre de huit, portent sur
des sujets de dix-sept à quarante-cinq ans. U n’y a que quatre
autopsies ; elles manquent généralement un peu de details en
ce qui concerne le cerveau. Daais aucun cas on n’a note de rou-
geur dans le cerveau ; il est indiqué anémique une fois. Dans
tous les cas, le ramollissement était tout à fait partiel et de cou-
leur verdâtre; cette dernière circonstance indique habituelle-
ment de la suppuration dgns le cerveau. Quant au peu d’eten-
due, ou plutôt à la circonscription du ramollissement dans de
certaines limites, elle n’est pas d’accord avec la théorie de 1 au-
teur ; car il semble que si le cerveau venait à souffrir dans sa
nutrition, du défaut de sang que le cœur envoie dans le ciane,
il s’en ressentirait dans toute son étendue, et non ans ui
pace étroit seulement ; et cela d’autant plus que 1 auteur nous
se présentent très-souvent. Ajouterai-je enfin que 1 ^
chei les vieillards?
NATTJRE ramollissement.
montre de semblables ramollissements durant des mois, plus
d’une année même.
On voit combien de doutes s’attachent aux opinions et aux
faits rapportés par le docteur Robert Law. M. le docteur Hen-
roz, qui a analysé ce travail dans le journal V Expérience (1), se
range complètement de Tavis du médecin anglais : « Les ob-
servations que nous venons de citer, dit-il, présentent encore
un autre intérêt en sanctionnant les doctrines de quelques mé-
decins modernes qui , loin de vouloir regarder tout ramollis-
sement du cerveau comme le résultat de l’inflammation, en ont »
e'tabli deux variétés, dont une analogue à la gangrène. Nous ^
même avons vu une fois le ramollissement du cerveau coïncider
avec un rétrécissement considérable de l’orifice auriculo- ventri-
culaire gauche ; et, une autre fois, nous l’avons vu se déclarer
subitement chez un malade affecté de rhumatisme articulaire
aigu, pour lequel il avait été saigné très-ahondainment. Le dé-
lire que l’on observe quelquefois dans le cours des affections
traitées par la digitale à haute dose ne dépendrait-il pas, au
moins dans quelques cas, plutôt de l’action insuffisante du cœur
sur le centre cérébral, que de l’action directe de la uigilale sui le
cerveau ? »
J’ai cité ce passage tout au long, afin de faire voir l ombien
les questions les plus graves et les plus difficiles pouvaient être
traitées avec vitesse et légèreté, car je suis sûr que cet honora i.de
confrère ne voudrait pas se charger de défendre la doctrine
dont il tient à faire honneur aux médecins fi-ançais, à l’aide
des arguments qu’il a exposés dans cet article; en particulier,
lorsqu’il cite au nombre des faits « qui pourraient au besoin
servir d’appui aux opinions de l’auteur anglais, relativement à
l’influence du défaut de la quantité suffisante de sang sur la
production de quelques affections du cerveau, un cas emprunté
à M. Andral, de ramollissement du cerveau survenu subitement
après une saignée ! (2) » _
(1) Expérience, 27 août <840.
(2) Voisiu de Limoges a rapporté, dans V Expérience du 20 août 1840,
l’observation d’un homme qui mourut d’hémorrliagie plusieurs jours après
une blessure de l’artère vertébrale droite. On trouva un ramollissement du
lobe postérieur droit du cervelet, dont la couleur n’est pas indiquée. Il j
ramollissement cérébral.
460
Si la diminution de l’abord du sang dans le cerveau devait
aussi facilement entraîner la désorganisation par anémie, ou, si
l’on veut, la gangrène de cet organe, on aurait dû. fréquemment
observer ce résultat à la suite des opérations qui ont eu pour
effet d’oblitérer immédiatement quelqu’un des gros troncs qui
alimentent le cerveau : car on sait qu’un effet pathologique se
produit en général d’autant plus sûrement, que la cause propre à
le déterminer agit avec plus de rapidité.
La ligature de la carotide est ordinairement suivie du déve-
loppement de phénomènes cérébraux, qui peuvent bien en effet
tenir à la diminution subite de l’abord du sang dans cet organe,
mais à la suite desquels on n’a pas encore noté, que je sache, de
ramollissement anémique du cerveau, sauf toutelois un cas rap-
porté par M. Vincent (1), où le malade succomba le septième
jour avec une hémiplégie gauche, survenue une demi-heure après
la ligature de la carotide droite. « On trouva, dit M. Bérard,
qui rapporte ce fait, le lobe droit du cerveau ramolli et moins
pénétré de sang que de coutume (2). » Il serait bon, du reste,
pour apprécier exactement ce fait, de posséder des renseigne-
ments un peu plus détaillés.
Une femme, il qui IVUlvey avait lie la caiotide dioile, s tndoi**
mit profondément, après avoir éprouvé une quinte de toux, fit
entendre pendant sa respiration un bruit de ronflement qui lui
était ordinaire, puis mourut paisiblement. On trouva que la ca-
rotide gauche était à peu près oblitérée à son insertion à l’aorte,
et que les deux vertébrales se trouvaient plus petites que de
coutume. Le cerveau était sain; ses vaisseaux n offraient rien de
particulier, et contenaient la quantité de sang qui les remplit
ordinairement. Un peu de sérosité était épanchée entre les mé-
ninges'3).Un autre individu, opéré par M. Langenbeck, aussitôt
après l’opération, resta immobile, les yeux fermés, et mourut
.avait Cl à la Tmi de la vie quelques symplôaies ccrel.raux values . \ o.sm
était porté .é penser qwe ce ramollissement tenait .à la rhmmuUon de 1 abord
du .sang.... Comment, disait-il , un ramollissement inflammatoire se .serait-
il développé dans un tel état d’ancmic?
n) The Lancet, l. ii, p. 570.
(2) Bérard, Dict. de nuùL, deuxième édit., t. vt, p. «0, art. UOiTime ne
i.A c.iaoTinE.
(3) Beislef,'i!i. D '.fsertation innu^ffvalc, 2 mars 1841, p. 00.
I
461
KATUltE JÜU llAMOLLlSSEjMl'.SX .
ti-eate-quati-c-heures après, sans avoir présenté dautrcs sym-
ptômes cérébraux. Il ne paraît pas que le cerveau ait présenté
rien déplus remarquable que dans le cas précédent. M. Bérard
dit que, sur soixante-dix cas de ligature de la carotitle, ce sont
là les deux seuls individus qui paraissaient avoir succombé par
lelait du cbangement survenu dans la circulation cciebrale (i).
Mais il faut admettre que ce cbangement se serait opéré sans -
laisser de traces sur le cadavre.
M. Bérard, à l’excellent article duquel j’ai emprunté la plu-
part des détails qui précèdent, y a placé quelques rétlexions que je
demande la permission de rapporter ici. Il pense que la différence
des effets de la ligature de la carotide lient en grande partie à
la différence de diamètre des artères communicantes. Si les ar-
tères communicantes, dit-il, sont volumineuses, le sang qm ar-
rive au trapèze artériel, après l’opération, est presque égaleinenl
réparti dans les deux moitiés de l’encéphale, aussi bien que dans
ses régions antérieure et postérieure. Si au contraire les artères
communicantes sont peu développées, la ligature arrêtera en
partie l’abord du sang dans la partie correspondante du cerveau,
etpourra donner lieu à des accidents primitifs, dusà cette cause ;
mais, ejuant aux accidents consécutifs, bien loin de les considé-
rer comme le résultat de l’état anémique du cerveau, M. Bé-
rard pense qu’il se fait dans le tissu cérébral un travail de circu-
lation supplémentaire, une dilatation des ramuscules infiniment
ténus, qui prédisposent à la rupture hémorrhagique , et, si les
choses se passent réellement ainsi, me paraissent pouvoir pré-
disposer tout aussi bien au développement'd’un travail inflam-
maioire (2).
Au moment de faire imprimer ces pages , je viens de rencon-
trer dans la Gazette médicale une observation de M. le profes-
seur Sédillot qui me paraît digne d’attention. Que l’on me par-
donne d’insister si longuement sur ce sujet ) les faits auxquels
je fais allusion ont, pour quelques personnes , beaucoup de gra-
vité dans la question qui nous occupe , et d’ailleurs c’est , je
crois , la première fois qu’on essaye de les réunir sous ce point
de vue.
(1) Bérard, loc. cil., p. 427. M. Bérard oublie, ce uie semble, le cas de
M. Vincent , cite précédemment.
(2) Bérard, loc. cil,, p. 42B et 430.
462
RAMOLLISSEMENT CÉrÉBrAL.
« Un jeune homme reçut , le 1 1 avril 1842, une blessure pro-
fonde en arrière de la branche droite de la mâchoire inférieure.
Une hémori'hagie très-abondante eut lieu , et se renouvela les
jours suivants. Le cinquième jour, une tentative infructueuse
fut faite pour lier la carolide primitive. Le 23 avril , M. Sédillot
trouva le malade pâle , exsangue , profondément affaibli ; il
parvint à lier la carotide.
Trois heures après cette opération , on constata une hémi-
plégie complète du côté gauche et une paralysie de la face du
côté droit ; l’intelligence du malade s’affaiblit; il resta assoupi
les jours suivants et dans un état demi-comateux. Le 1®>‘ mai, il
s’agita , porta la main gauche à sa tête , et mourut le lende-
main. Les jours précédents il avait éprouvé des frissons suivis ,
de sueur, que l’on avait considérés comme des accès de fièvre '
intermittente perpicieuse.
On trouva , à l’autopsie , des traces d’infection purulente ;
l’instrument vulnérant avait atteint la carotide externe droite ;
la carotide primitive, coupée par la ligature, était oblitérée
dans son bout supérieur et dans plusieurs millimètres de hau-
teur par un caillot partiellement adhérent. Le crâne ouvert, on
vit qu’une injection , pratiquée sur le cadavre , avait beaucoup
moins pénétré dans les artérioles des lobes moyen et antérieur
du côté droit que dans ceux du côté opposé 5 les membranes
étaient saines, et il n’y avait pas d’épanchement séreux apprécia-
ble ; mais tout le lobe antérieur droit était manifestement ra-
molli. Il suffisait d’appuyer alternativement le doigt sur le lobe
antérieur -gauche et sur celui du côté droit pour s’apercevoir
que celui-ci ne présentait pas la même résistance; le ramollis-
sement n’était en aucun point dilîluent , mais la matière céré-
brale se laissait déprimer et s’écrasait sous les doigts avec une
bien plus grande facilité... (1). »
Bien que la couleur de ce ramollissement ne soit pas indiquée,
je ne doute pas qu’elle ne fût naturelle , car une circonstance
de ce genre n’eût pas manqué d’être notée par l’auteur de cette
observation. Ce fait me paraît très-semblable à celui de
M. Vincent que j’ai cité tout à l’heure, et sur lequel je regrette
beaucoup de n’avoir que des indications succinctes ; ce sont les
(t) GazetU medicale, 3 septembre t842.
NATURE DU RAMOLLISSEMENT.
463
deux seuls que je connaisse où le ramollissement ait réellement
paru s’opérer sous l’influence d’une diminution de l’abord du
sang dans le cerveau. En tirerons-nous maintenant les mêmes
conclusions que M. Sédillot? «Cette observation, dit-il, ne
jette-t-elle pas quelque jour sur le ramollissement cérébral des
vieillards , attribué par la plupart des médecins , et en dernier
lieu par W. Durand-Fardel (Voy. Archives générales de méde-
cine) k l’inflammation? Est-il possible qu’un pareil phénomène
se soit développé en deux ou trois heures dans des parties pri-
vées de sang , et les saignées eussent-elles été d’un usage conve-
nable pour combattre une lésion dont le défaut de sang était
la cause ? Il suffit de poser une pareille question pour la ré-
soudre... «
J’admets très-volontiers cette dernière conclusion ; mais
quant au rapprochement que M. Sédillot cherche à établir entre
l’altération qu’il a observée et le ramollissement des vieillards ,
j’en nie absolument la justesse : d’abord , parce que les vieil-
lards ne se trouvent jamais dans des conditions physiologiques
comparables à celles du sujet de son observation ; ensuite, parce
qu’il n’y a réellement pas de rapport entre l’altération anato-
mique que nous avons montrée constituer le ramollissement à
aucune de ses périodes , et cette simple diminution de consis-
tance de tout un lobe cérébral sans diffluence aucune et sans
altération de couleur. Dans aucun des faits contenus dans cet
ouvrage , non plus que dans les divers recueils d’observations ,
on ne trouvera de ramollissement caractérisé uniquement par la
facilité plus grande avec laquelle une portion du cerveau se
laissait déprimer ou écraser sous les doigts. On ne retrouve guère
de semblables caractères que dans ces ramollissements généraux
du cerveau, sur la nature desquels on se rappelle que nous n’a-
vons cru pouvoir exprimer que des doutes.
S n.
11 semble encore à plusieurs personnes que les auteurs qui ont
étudié le ramollissement cérébral dans des hospices consacrés à
la vieillesse, ont observé une autre maladie que ceux qui ne
l’ont rencontré que dans les autres hôpitaux ou dans la pra-
tique de tous les jours ; aussi pensent-elles qu’il faut se garder
464 R-UlOLUSSliMü;]VT CÉkÉUrAL.
d’adresser àTiiue de ces espèces de ramollissemenL les réflexioos
que l’on a pu appliquer à l’autre , et reprochent-elles vivement
à quelques auteurs de les réunir dans un même groupe , dans
un même ordre pathologique.
Avant de rechercher ce cju’il peut y avoir d’exact dans celte
manière de voir, voyons si elle est applicable à d’autres mala-
dies qu’au ramollissement.
Il est incontestable que la pathologie, dans les dilïérenls âges,
présente une physionomie toute spéciale , facile à saisir, et qui,
dominaiU les points les plus élevés de l’observation , se montre
encore dans les menus détails. Il est certain que ces différences
portent aussi bien sur la manière dont se développent les symp-
tômes que sur l’esprit qu’il faut apporter à l’étude des lésions
cadavériques , aussi bien sur la thérapeutique que sur la phy-
siologie. 11 ne faut qu’observer quelque temps dans les hôpitaux
consacrés aux âges extrêmes de la vie, pour être frappé des con-
trastes qu’ils présentent.
Mais cependant il importe d’apprécier avec exactitude en quoi
consistent ces différences.
Des recherches modernes ont appris que désaffections, qui
paraissaient exclusivement propres à l’enfance ou à l’âge adulte,
se montrent encore à d’autres époques de la vie. En est-il
autrement dans la vieillesse? Si nous en exceptons quelques affec-
tions particulières à certains tissus, comme la goutte, les incrus-
tations des artères, etc., qui ne se montrent guère qu’à cet âge,
et encore ceci est loin d’être absolu, la réponse sera négative ,
surtout pour les maladies des organes contenus dans les cavités
splanchniques. Nous voyons bien la vieillesse imprimer à ces
maladies un cachet spécial ; mais chacune de celles que nous
observons chez les vieillards est commune à cet âge et à un
âge moins avancé. Si nous cherchons dans les différentes formes
d’inflammation ou de lésion de texture des organes parenchy-
mateux de l’abdomen , de l’intestin , des poumons, du cœur,
nous ne saurions trouver une seule maladie qui soitpaiticülièie
à cet âge ou qui même y offre des différences absolues. L’hé-
morrhagie, les tumeurs du cerveau, les affections des méninges
se montrent sous la même forme chez les vieillards que chez les
adultes.
Il est donc bien entendu qu’en faisant du i ainoliissetueul des
AAltnt UU liAMOLI.ISSKMEKT.
465
vieillards cL du rainollisseinent des adultes deux maladies dilTé-
1 entes, on atlribue au ramollissement du cerveau ce qui n’existe
point pour les antres maladies de cet organe ou de ses envelop-
pes, et ce qui ne s’observe également dans aucun autre organe(l).
Voici quelle est du reste rargmnentation de MM. Delaberge et
Monneret, cjui soutiennent l’opinion dont je conteste ici l’exac-
titude (2).
Ils commencent par établir les conditions spéciales dans les-
quelles se trouve, suivant eux le cerveau chez les vieillards ,
conditions de vascularité, de volume, de consistance, de fonc-
tions ; modifications qui tiennent les unes aux altérations cau-
sées par l’àge dans le cerveau lui-même, les autres à l’éta't dans
lequel se trouvent les autres organes dont le cerveau perçoit plus
ou moins l’influence , puis ils en déduisent rigom'euscmenl ,
disent-ils:
« Que le ramollissement résulte de la diminution de nutri-
tion de cet organe;
Que le plus souvent il s’accompagne d’une perturbation gé-
nérale des actes de l’organisme , qui entraîne la faiblesse des in-
dividus, et se trouve en rapport avec les altérations que subit le
jeu des divers appareils, par suite des j)rogrès de l’Age;
Que c’est par une prcdispositiçn spéciale, inconnue, que cer-
tains individus en subissent les atteintes ;
Qu’il est 1 analogue enfin de ces dyspnées-'spéciales, de ces af-
fections catarrhales spéciales, de ces perturbations patliologiques
jcnfin qui ne sévissent qu’à cet âge et épargnent les aduUes et
l’enfance. »
Mais il faut remarquer que ces messieurs ont définit ces con-
I séquences non pas de l’observation du ramollissement lui-rnême,
imais du point de vue auquel ils se sont placés.
I Ils ont dit : les conditions anatomiques et physiologiques du
* cerveau sont changées, donc ses maladies doivent être de nature
I
^ f
(t) M. Rodioiix a fait remarquer avec beaucoup de juslessn et à ])iojios du
ramoUissemeiu cérébral , que la gravité d’ime maladie et l’age des siijpis
fiu’elle affecte ne cbaiigenl rien à sa nature. ( Recherches sur l’apoj>lexi<-,
deuxième édition, p, 314.)
(2) Delaberge et Monneret, (JoiniJciuUiwi de iiie'd- , l, ii, p. lOS.
30
s
466 HA.M0LL1SSEME1NT CÉRÉBHAL.
différente. Car tel est leur unique et exact raisonnement. Or cela
pourrait être vrai ; mais ce n’est pas conforme à 1 observation.
Ainsi le poumon a certes ressenti aussi bien que le cerveau 1 in-
fluence de la vieillesse. MM. Dechambre et Hourman ont très- 1
bien fait connaître les conditions anatomiques et physiologiques
qu’il revêt dans un âge avancé : et cependant la pneumonie est
la même à cet âge que chez l’adulte. Je n’insisterai pas sur ce ;
qu’il y a dé bizarre et d’infldèle dans cette comparaison de dys- |
pnées , d’affections catarrhales spéciales , qui ne laissent habi- ^
tuellement aucune trace sur le cadavre , avec une maladie qui
exerce sur l’organisation du cerveau une impression aussi pro-
fonde et aussi caractérisée, que le ramollissement.
L’erreur qui sépare le ramollisseti^ent des vieillards de celui
des adultes est la même qui, à une autre époque, avait créé l a-
poplexie séreuse telle que l’admettaient nos prédécesseurs. On^
avait remarqué que, chez les vieillards surtout, à la suite d’ac-'
cidents particuliers, on trouvait dans le cerveau de la sérosité au
lieu de sang, et parce qu’on observait cela le plus souvent chez
des individus affaiblis , on en avait conclu que ce devait etre
une affection asthénique, et on lui avait crée un cortege e
symptômes' appropriés à cette opinion dont les bons observa-^^
teurs ont, du reste, promptement fait justice.
Je crois qu’il est impossible , après avoir un peu étudié les
faits contenus dan's^iet ouvrage, de ne pas admettre la propo-
sition suivante: que le ramollissement cérébral est une meme
maladie chez les vieillards que chez les adultes : qu il n offre
d’autres différences que les modifications qu’entraîne toujours
avec soi une grande différence d’âge , modifications qui portent
elles-mêmes seulement sur la formé et non sur la nature des .
*"^Orcomme on ne doute pas en général que le ramollissement
cérébral, chez les adultes , ne soit , au moins dans l’immense -
majorité des cas , le résultat d'un travail inflammatoire , qu ill
se développe spontanément , ouà'la suite de plaies de lele
ou à l’entour de productions organiques , si le ramollissement
des vieillards n’est pas une maladie différente de celui des adul-
tes c’est donc très-probablemeut une encéphalite.
\près avoir exposé les raisons qui portent a attribuer au ra-
I
nature UU KAMOLLISSEMEWT. 4^
iiiollissement une origine inflammatoire , M . Roslan continue
ainsi : « Malgré toutes les raisons que nous venons de donner
en faveur de la nâture inflammatoire du ramollissement céré ■
bral, nous ne saurions croire qu’il soit constamment l’effet
d’une inflammation : d’abord parce que , dans le plus grand
nombre des circonstances, il u existe aucun des signes qui carac-
térisent cet état; la diminution de contractilité et de sensibilité,
la paralysie , la stupeur, l’inertie de l’intelligence , sont des
symptômes infiniment plus fréquents que les phénomènes con-
traires, c’est-à-dire que la contracture, les convulsions, les
douleurs des membres , le délire . Ces derniers annoncent , sans
doute, une exaltation dans les propriétés dites vitales du cer-
veau ; mais les premiers^ qui sont plus ordinaires , indiquent
une altération d’uné nature tout opposée. Souvent il n’a point
existé de douleur de tête , la couleur de la substance du cerveau
n’est nullement changée, il n’existe aucune tuméfaction ni aucuns
symptômes fébriles; il nous semble alors impossible d’admettre
que ce soit une pblegmasie. Enfin celte altération arrive chez
des vieillards et dans des circonstances entièrement opposées à
celles qui donnent naissance à des phlegmasies (1). » Je ne com-
prends pas comment ce professeur peut dire que la perte de
l’intelligence, de la sensibilité , la paralysie , indiquent une al-
tération d’une nature tout opposée à l’inflammation. Mais ce
sont là des phénomènes communs à toutes les phlegmasies
encéphaliques ; mais ils se montrent très- fréquemment
comme seuls symptômes ou à peu près , dans la méningite
des enfants, quelquefois même dans celle des adultes; ils
constituent une des formes les plus habituelles de la con-
gestion cérébrale active ; on les observe souvent dans les en-
céphahtes traumatiques. Ce n’est réellement pas là une raison
sérieuse. Et peut-on , lorsque l’on a eu occasion d’obsei ver la
pneumonie des vieillards, à la Salpétrièi’e , s’étonner de la fré-
quence d’une affection inflammatoire dans la vieillesse? « Mais
alors, continue M. Rostan , quelle sera la nature du ramollis-
sement? Nous pourrions nous abstenir de répondre à cette
question -, mais nous croyons pouvoir dire toutefois avec retenue
et sans crainte de tomber dans les. divagations dont nous par-
(I) Roslan, Recherches,.,., p. 165.
468
UAMOr.LlSSKMEN 1’ CÉ K Èui\ A.L .
lions touL ù riieme, (jiie cctle altéraiion du cer’tcau nous paiaîl
être souvent une destiuclion sénile, offianl la plnsjjrande ana-
logie avec la gangrène de la vieillesse. Comme celte dernière, le
ramollissement nous semble la désorganisation de la partie 5
comme dans cette maladie , les vaisseaux destinés à apporter le
sang et la vie dans l’organ^ affecté sont ossifiés, non par suite
d’une inflammation, maispav iesprogrèsde râge(l).». Quelques
lignes plus bas, l’auteur que nous analysons termine ainsi son
chapitre de la nature du ramollissement : « Concluons c|u’il
faut admettre un ramollissement inflammatoire et un ramollis-
sement non inflammatoire une dége'nérescence particulière qui
a ses signes^ ses caractères propres. » Qui ne croirait, d’après
ce passage, C[ue l’auteur va faire l’iiistoire diflè'rentielle de ces
deux ramollissements à l’aide des signes et des caractères qui
leur sont propres? Cependant il n’en est plus question dans au-
cun autre endroit de son livre , et on ne trouve nulle part la
moindre indication qui puisse nous servir à les distinguer l’un
de l’autre. Que prouve ceci , si. ce n’est que cette distinction est
purement imaginaire, puisque celui qui l’a proposée n'a même
lait aucun effort pour essayer de la justifier?
M. Andral a jugé cette cpiestion avec plus de réserve, avec
une réserve cjue commandait l’état de la science , et il s’est con-
tenté , relativement à la nature du ramollissement , de poser des
questions sans prétendre les résoudre: «Pour nous, dit-il
( je vais rapporter un passage un peu long , parce que je crois
juste d^exposer ici les arguments contraires à mon opinionl,
pour nous ejui pensons que, dans une foule d’états morbides, il
n’y a pas plus hypersthénie qii’asthénie, mais simple perversion
des actions vitales , nous ne sommes pas plus obligés de regar-
der le ramollissement cérébral , ou tout autre ramollissement ,
comme une inflanmialion , (|uc les tubercules comme une pneu-
monie. C’c.st une altéi ation spéciale de la nutrition, cjui peut sur-
venir sous l’influence de conditions morbides bien différentes les
unes des autres. Chercher à bien déterminer ces conditions ai-
verscs, voilà le travail à làire, travail diflicile sans doute , mais
il’iuiebien autre importance que celui dans lequel on s estepuisé
î * rîoslau, inc, cil., p. tti'J
NxVTUUE DU ramollissement. 4^9
tlans ces dernieî's temps, lorsqu’on a voulu ramener tout ramol-
lissement cérébral à n’ètre qu’une des formes ou qu’un des de-
grés de l’inllammation des centres nerveux. Nous sommes
intimement convaincus qu’en pi-océdant ainsi on s’est engagé
dans une route ♦diamétralement opposée à celle qui doit con-
duire au vrai. Nous aussi , nous pourrions grouper des faits
pour démontrer que le ramollissement est susceptible d etie
produit par des causes toutes diflcrentes de l’inflammation : ainsi
nous trouverions un groupe de faits^d’où il résulterait que 1 o-
blitération commençante des artères l^ui se rendent au cerveau
est une: des conditions qui concourent à la production d un
certain nombre de ramollissements. Nous citerions d’autres
faits qui nous montreraient une coïncidence remarquable entre
\ appauvrissement du sang ou une altération quelconque de ce
liquide et le ramollissement 'd’un grand viombre de nos tissus (1).
Sont-ce là autant de causes de ramollissement ? L’avenir le dé-
cidera ; l’avenir découvrira sans doute beaucoup d’autres causes
que , dans l’état actuel de* nos^connaissances , nous ne sommes
pas même en état de soupçonner. Tout ce que nous pouvons
affirmer, c’est qu’il faut ebereber ailleurs que dans une inflam-
mation la cause de tous les ramollissements... (2). >•
Ce sont précisément ces groupes de faits qu’il fallait clierclier
à réunir, dont if fallait étudier le sens et*la valeur ; on aurait
alors reconnu que ce que l’on avait pris pour des relations di-
‘ rectes n’était autre chose que de simples coïncidences. M. An-
j dral avait, du reste ^ raison de douter delà nature constamment
I inflammatoire du ramollissement cérébral , qui , il faut le dire,
! dans la grande classe de faits qui se rapportent au ramoUisse-
1 ment des vieillards , n’avait pas été mieux prouvée que les
autres conditions d’étiologie cpie Ton avait supposées.
(I) Ksl-il néoesi;aire de faire remarquer à ce propo.s que les causes de ce
^curc, a;.;l.<;s;mlsiir laijjcnéi alilc des or;^aue.s devraient déterminer, presque tou-
jours au moins, des ramollissemVntsgénéraux, et ne sauraient donner lieu à des
ramollissements (lartlels j or, rien île plus rare nue le ramollissement ge'ne!-
ral du cerveau; j’en ai traité précédemment. Je rappellerai ici qne sur cent
SûixanU'-on7.e cas, M. Andrallui- meme ne compierpie rpiatre ramoHifiie-
inentsde la totalité des h(!mi.sphères, et rjue moi. sur plus de cent cas, je n’en
i rencontré que deux, et encore douteux.
('2) Aiidrnl , Cliuif/ue, t. v, p. .'i2() et 527.
/
RAMOLLISSEMENT CÉr^BRAL.
470
C’est cette lacune que j’ai cherché à remplir dans ce travail ;
c’est à cette démonstration que j’espère être parvenu.
,*§ III.
IA •
M. Rostan a cru voir encore dans le ramollissenient cérébral
une affection scorbutique : «... Dans quelques circonstances , la
substance cérébrale est d’un rouge lie de vin , présente exacte-
ment l’apparence de tacliès, d’ecchymoses scorbutiques , et ,
dans ces cas , il n’a existé dui’ant la vie des malades aucun signe
de réaction. Cet aspect n’est nullement celui d’un ti.ssu en-
flammé. Il offre la plus grande analogie avec l’hémorrhagie
scorbutique , et jusqu’à ce qu’on considère celle-ci comme in-
flammatoire , il nous sera permis de regarder cet état du cer-
veau comme n’étant pas une phlegmasie. Ces deux altérations
pathologiques sont incontestablement les plus fréquentes , ce
qui me porte à croire que , dans Je plus grand nombre des cas ,
le ramollissement n’est pas inflammatoire (1). » Ceci veut dire ,
si je ne me trompe, que, pourM. Rostan , le ramollissement
cér^ral est quelquefois une affection scorbutique. C’est là as-
surément une question fort grave, et qui valait bien d’être
sérieusement discuU’e , ou au moins appuyéè de quelques ob-
servations ; mais, soit que cet auteur l’ait regardée comme trop
évidente pour mériter de l’arrêter plus longtemps , soit qu’au
contraire il n’ait voulu que jeter une idée, sans s’inquié-
ter de ce qu’elle pourrait devenir , il est certain qu’il n’a trouve
pour elle ni d’autres faits , ni d’autres raisonnements, et qu il
n’est pas question davantage dans le reste de son livre de la
nature scorbutique du ramollissement cérébval.
Dans un autre ouvrage , cepeildant , M. Rostan reproduit
cette même idée , mais sous une forme d’argumentation peu
sévère : « Si l’on, admet, dit -il, un état scorbutique dans les or-
ganes, si l’on admet des maladies hyposthéniques , et même des
altérations de ^lutrition , je ne sais pas du tout pourquoi l’on
rejetterait une allcratiou .'cérébrale de cette nature , sui tout
lorsque , pendant la vie , tous les phénomènes morbides géné-
(t) Ro.sian, Recherches.,.^ p.
natuive du ramollissement* 4
raux sont ceux qui accompagneut ces malades (1). . U ne s’agit
uas de savoir si on doit rejeter une semblable ntamere de voit,
Lis si l’on doit l’admettre. Or ce n’est pas sur quelque chose
^e vague , comme la figure d’une altération , qu ou peut baser
1’anDi'écia.tion de sa natui’6.
Le scorbut étant une maladie générale , la premtere condtuon
poGr admettre qu’une lésion du cerveau en dépend , est -
Trouver dans quelques autres parties du corps des traces de cet
état morbide qui caractérise les affections
dans aucune des observations de M- Rostan , deM Andral, du
docteur Abercrombie , dans aucune, des miennes , dans aucune
de celles que j’ai empruntées à bien d’autres auteurs, je n ai
rencontré de coïncidence entre un ramollissement du ceiveau e
quelques lésions scorbutiques des autres organes Maintenant il
n’y aurait eu rien d’étonnant à ce qu’une semblable coïncidence
se fût rencontrée maintes fois entre deux affections communes
dans les hospices de vieiUards , autrefois au moins , car depuis
que les indigents y sont soumis à de meilleures conditions iiy
giéniques, le scorbut est devenu presque rare dans ces asiles ,
et le ramollissement cél ébrai ne parait p^s y avoir diminue
de fréquence; mais enfin je n’en connais pas d exemple; ce
seul fait juge la question (2).
§ IV. -
%
Je crois avoir démontré que les diverses doctrines que ]•
viens d’analyser pèchent par la base, c est-a-diie et pai la lo
gique et par l’observation. Par la logique, car à presque toutes
il est possible d’opposer dès objections (jui les enta^:hent d im-
possibilité ; par l’observation, car il est évident qu’elles n ont
pas été inventées d’après les faits, et que ces deinieis résistent
invinciblement aux efforts que l’on pourrait tenter pour les y
rattacher. ^
(t) Rostan, Traité élément, du diagnostic, t. n, P- 304, 1826.
(2) Ce qui n’est pas exact pour le ramoHis.seraenl, est irès-vrarpour l’in-
filtration sanquine du cerveau. Il n’est nullement rare, en effet , dans les
maladies hémorrhagiques , de trouver quelques lésions de ce genre dans
le cerveau et le cervelet, soit .sous lorme de petits foyers, soit sous forme de
taches, de pétéchies J’ai cité quelques faits de ce genre dans ma dissertation
inaugurale, et aussi dans le chapitre de cet ouvrage sur 1 hsfiltration sab-
gttibe.
i
ramollissement cérébual.
J ai voulu, me plaçant sur leur terrain , combattre ces iliver-
es doctrines par la discussion et les ramener à ce qu’elles sont
léelleinent, des liypotlièses fruit d’idées préconçues chez les uns,
ou simplement du doute chez les autres. Mais il aurait pu suf-
fire réellement de renvoyer aux descriptions que j’ai faites pré-
cédemment et deslcsions anatomiques qui constituent le ramol-
lissement cérébral et des symptômes qui les accompaj^nenl, pou r
démontrer, moins encore que le ramollissement célébrai est
une encéphalite, que ceci: que le ramollissement ne peut être
lien de ce que 1 on avait supposé ; ni une lésion anémique, ana-
ogue a la gangrène, résultat delà diminution de la circulation
sanguine ; ni une alteration senile, produit de l’appauvrisse-
ment de l’oconoinie.; ni une lésion scorbutique, etc.
Lu effet, pour attaquer celte conclusion négative, il fau-
drait nier que le tableau que j’ai tracé du ramollissement fût
vrai, il faudrait en recommencer une autre description.
Car la rougeur qui accompagne toujours le ramollissement
a son début, et c|ui plus tard y laisse presque constamment
pour traces une coloration jaune ; les modifications de texture
qui le caractérisent à un degré plus avancé, ces plaques jaunes
des circouYolutioiVs, ces infiltrations celluleuses, ces indura-
tion^, ces cavités organisées, etc., tout cela caractérise des
lésions de nutrition absolument inconfjaatibles avec les expli-
cations que l’on avait irtiaginées sur celte maladie. J'én pour-
rais dire autant de mille circonstances des symptômes , et
du début, et de la marche du ramollissement.
Maintenant tous ces faits démontrent-ils également que 1p.
ramollisseirfent soit une encéphalite ? Je le crois ; mais , si
j’erre sur ce point, il faudra au moins que l’on ait recours à
une interprétation toute nouvelle, pour rendre compte des
phénomènes que j’ai décrits; car, encore une fois, aucune de
cellesque l’on a proposées n’est, à mon sens, désormais admissible.
Je ne m’arrêterai pas davantage ici sur celte question de
l’encéphalite ; j’y ai consacré trop de place dans le cours de
ce travail, cl les faits anatomiques et les faits symptomatiques
(|ue j’ai rapportés me paraissent concourir trop merveilleusement
à sa démonstration , pour que je croie nécessaire d’exposer ici
de nouveaux arguments dans l’intérêt de cette doctrine.
47?.
hamoi.mssement blanc.
Mais il est, je le sais, une réflexion qui naît d’elle-niêine à
ce propos : il est possible que quelques-uns de ces faits, que
la plupart d’entre eux puissent être rapportes a 1 encéphalite ;
mais n’y en a-t-il pas un certain nombre qui n’appartiennent
pas à cette classe, et qui doivent en être distraits pour être
rappoitéscà d’autres causes? Tel est le raisonnement que je
faisais à l’époque où, commençant à étudier le ramollissement
cérébral, j’étais frappé du peu d’accord que je trouvais entre
mes observations et les opinions cjue soutenaient tant d au-
teurs recommandables, .l’attendais chat|ue jour lappaiiliou
(le ces faits dont ils nous avaient présenté 1 histoire, et ([ui
devaient former à côté de l’encéphalite d’autres sériés bien dis-
tinctes. Puis plus tard , supposairt que üobservation isolee de
chaque fait ne m’avait pas permis d’en. apprécier exactement
la nature, je m’apprêtai, eir réunissant les matériaux que j a-
vais rassemblés, à écarter de la masse les faits spéciaux, ceux
dont la nature particulière exigerait la séparation du ramollis-
sement inflammatoire. Mais il ni’a été impossible de ne pas
voir dans tous ces faits une complète identité de nature, que
pouvaient n’.asquer un instant quelcpies particularités de phy-
sionomie , mais qui ressortait avec la plus grande evidence a
un examen attentif.
Il m’a donc été impossible dès lors d’admettre plusieurs es-
pèces de ramollissements, parce que, d’une part, aucune de
celles qu’avaient établies les auteurs ne paraissait acceptable
à mon esprit ; et que, d’une autre part, je ne trouvais au-
cune distinction possible à établir parmi les faits que j’avais ob-
ser^s.
§v.
Faut-il donc définitivement refuser d’admettre des ramol-
lissements primitivement blancs? .4 vaut de répondre à cette
question il importe de bien préciser l’état de la science sur ce
sujet.
Pour la plupart des auteurs, il existe deux espèces distinctes
de ramollis-semont : un ramollissement rou^e et un ramollisse-
ment blanc. Ce seraient là deux altérations toutes differentes,
et qui n’auraient de commun entre elles que leur siège dans les
R amollissement cérébral.
474
centres nerveux et le fait de la diminution de consistance de la
pulpe cérébrale. Par un abus de langage, on comprend généra-
lement sous celte seconde dénomination tous les ramollissements
qui ne présentent pas de rougeur, car on ne saurait considérer
comme sérieuses les distinctions que l’on a voulu établir entre
tous les ramollissements de couleur différente, griV,yÆ«7ie^^, etc.
Rien n’est plus facile que de démontrer que cette distinction
absolue du ramollissement rouge et du ramollissement blanc
est tout à fait contraire à la vérité. Il nous a été parfaitement
aisé d’établir cette division générale du ramollissement aigu et du
ramollissepient chronique, à laquelle on voit précisément cor-
respondre avec la plus grande fidélité l’absence ou la présence
de rougeur dans le ramollissement.
Si quelques faits semblent en opposition avec les propositions
générales c]ue j^ai établies, j’ai démontré que la plupart ren-
traient cependant dans la règle commune.
Ainsi, parmi les faits que l’on nous donne comme exemples de
ramollissements récents sans rougeur, nous trouvons chez les
uns une coloi'ation jaune, qui montre que du sang les avait pé-
nétrés dans leur principe •, chez les autres, un état de suppura-
tion qui explique la disparition de la rougeur en même temps
qu’il témoigne de leur nature. Beaucoup de ces prétendus ra-
mollissements blancs récents ne sont autre chose que des ramol-
lissements chroniques : tantôt on manque de renseignements ou
on n’en a que d’incomplets sur l’époque qqi a précédé les ac-
cidents de la fin de la vie ; d’autres fois, on n’a pas su appré-
cier la valeur de phénomènes que l’on a négliges ou consideies
comme des prodromes, taudis qu’ils annonçaient déjà le enve-
loppement lent et graduel de l’altération organique ; d autres
fois enfin la maladie était restée latente pendant sespiemières
périodes, et l’on avait faussement fixé sou début à l’époque où
avaient apparu ses premières manifestations.
D’autres fois encore, on s’est trompé sur la nature de l’alté-
ration anatomique, et l’on a pris pour un ramollissement ce qui
n’était qu’un véritable œdème du cerveau. Ceci s’applique
surtout au ramollissement blanc des parties centrales du cer-
veau, septum, voûte à trois piliers. Il est certain que cette al-
tération se montre en général dans des conditions toutes parti-
culières, et qui la distinguent entièrement de toutes celles dont
475
HAMOI-LISSEMENT BLANC.
'.,nî t^nt d’exemples dans cet ouvrage. Ce ramol-
nous avons reuni tant a exeu j » • i Tnl nas as-
■oûrirwn histoire : d’ailleurs c’est dans les hôpitaux consa-
crés à l’enfance, et non dans les hospices de vieillards, qu il
“u que ce ra^ollisseuieut se trouve |ié ^uue faç^
toute spéciale aux épanchements ventriculaires ; c ^
se rencontre rarement sans coïncider avec un epanchement
séro-purulent ou séreux des ventricules, «que d un autie co
on rencontre très-rarement ces épanchements , a l état chi
nique surtout, sans un semblable ramollissement.
Cette double circonstance conduit naturellement à penser qu il
existe entre ces deux phénomènes une relation de cause à effet,
et il ne répugne nullement à l’esprit d’admettre que ce ramo -
lissement soit dû à une imbibition du tissu cérébral pai le li-
quide épanché, à un véritcable cedème. Je m’exprime ainu, parce
que ie dois convenir qu’il n’existe actuellement aucune ilemonsv
tration directe ou indirecte de la vérité de celte propoMtion :
c’est simplement une vue de l’esprit; mais je Ini ci ois lean-
coup deviaisemblance et même de probabilité. i r i
J’ai dit précédemment (1) quelque chose de la facnli«> d al3-
sorption et d’imbibition dont jouit la substance cérébrale . Ce que
nous supposons ici serait un phénomène d’iinbibinon : j’ai rap-
pelé que de semblables phénomènes se passaient assez fréquem-
ment et avec une grande évidence dans la pulpe cérébrale ; en-
suite, et j’en appelle à toutes les personnes qui ont observe ces
ramollissements, il est certain que cette pulpe blanche, molle,
déliquescente, ou plutôt comme délayée, atout à fait l’air d’une
substance infiltrée, imbibée de liquide.
Je sais que l’on a argué contre cette opinion des cas beaucoup
plus rares, où l’on trouve les parties centrales du cerveau saines
et même très-fermes au milieu de semblables épanchements, et
de ceux où des ramollissements tout semblables en apparence
se montrent sans épanchement notable. Mais, de ce cjue nous
ne savons pas quelles conditions peuvent présider à cette infil-
tration séreuse, à cet œdème de la pulpe nerveuse, ou s y oppo
i
(1) Voyez P . 347.
nAAIOLLISSRMENT CkRÉbRAL.
476
sev, il ne s ensuit pas que ce pliënomène ne puisse avoir lieu dans
certaines circonstances données, et manquer dans d’autres. Sou-
vent, dans ces derniers cas, il y a au contraire un certain degi’é
d induration de ces parties : ne serait-ce pas précisément le tra-
vad pathologique auquel est due cette induration qui se serait
oppose à 1 infillration de la sérosité? Lorsque l’on trouve de
.semblables ramollissements sans épanchement, n’est-il pas pos-
sible cjue le liquide épanché ait disparu par résorption, à une
epocjue quelconcjue avant la mort, tandis que la pulpe infiltrée
n aurait pu revenir à son état normal ? Ce n’est là cpa’unesupposi-
tion, mais enha cette supposition repose sur un fait dont la pos-
sibilité ne saurait être contestée. .Te ne veux pas poursuivre plus
loin une cjueslioii cjui ne saurait être résolue ici ; j’ajouterai seu-
lement c{ue j’ai consulté sur ce sujet plusieurs médecins ayant
appartenu à l’hôpital des Enfants-Malades, et c(ue tous ont rap-
porte de l’examen des exemples nombreux de ce genre qui ont
passé sous leurs yeux , l’impression ou l’opinion que ce ne sont
autre chose que des infdlralions séreuses, des œdèmes de la
pulpe nerveuse ; je m’appuierai surtout avec plaisir de l’auto-
rité des docteurs Barthez et Rilliel (1).
Maintenant il est certain qu’il existe dans la science quelques
observations de ramollissements blancs, ou plutôt sans rougeur,
et qui paraissent aroir suivi une marche tout à fait aiguë. .Te vais,
rapporter ici cpielques exemples de ce genre, car c’est mon de-
voir d’exposer les faits qui sont en contradiction avec mes opi-
nions, tout aussi bien que ceux qui cadrent le mieux avec mes
idées (2).
(t) « Dans ({uelques circonstances, disent-ils en faisant l’anatomie patho-
logique de l’hydrocéphalie aiguë, la substance cérébrale participe à l’hy-
tlrrqésie, cl elle e.st molle, crémeuse dans les parties qui l’avoi.sinent. Ainsi
ilans riiydrocéphalk; venu iculairc, les parois de ces cavilé.s, la voûte .i troi.s
piliers |)(;uvenl être ramollies et rede/yirt/iecs, soit sponlanémeul, .soit a la
suite de l'imbibilion du liquide ventriculaire. {^Trailc chn.qtie. cl pratique
lies malaJics des eiijitiils, l. i , p. 782, IS13. )
(2) Le cervçau peut encore se ramollir sous (luelques iuilucnccs spéciales ,
mais ([iii ne sauraient donner lieu à aucune altération que l’on piii.s.se coii-
l'ondre avec ci lles f[ue nous avons décrites : ainsi la conlu.sion (.lu ceneau ey
lüules les violences extérieures qui viennent à agir directeiucul ^ir cet r./-'
IX-OIOLLISSEMEKT TjLAKC.
477
Observation 119.— Perte de connaissance, résolution et msensibihlc
^c.uVales ; mort au bout d’un jour et demi. - Ramollissement de la
protubérance annulaire , blanche en dessus , grisâtre en dessous.
Une femme, âgée de trente- quatre ans,]ouissak depuis quel-
que temps d’une santé précaire, et se plaignait de douleurs
vagues dans la tète , etc. Le 21 mars, vers minuit, elle perdit
tout à coup connaissance, l’usage des sens et celui de la paiolc ,
elle resta dans cet état jusqu’au lendemain, où elle fut conduite
à rilôlel-Dieu. Elle était alors dans un profond assoupissement,,
la tète renversée en arrière, les ÿeux fixes et slrabiles, les pu-
pilles contractées et immobiles à l’aspect d’une bougie ; les mem-
bres paralysés cédaient à leur propre poids ; sensations presque
milles, sensibilité très-émoussée, cris plaintifs, stertor ; pouls na-
turel. Le 23, mêmeétat. Le soir, accroissement des symptômes.
Mort, la nuitsuivanle.
Aalopsie. — Le cerveau, proprement dit, n’offrait aucune al-
tération ; il n’y' avait que très-peu d’eau dans les ventricules la-
téraux ; mais la protubérance était profondément altérée clans
sa substance, qui se trouvait réduite en une sorte de bouillie
blanche à la partie supérieure, et grisâtre inférieurement. Le
cervelet ne pré.sentait aucune altération (1).
güue. Du reste, ce ramollissement, tout mécanique d’abord, ne tarde pas à
devenir inflammatoire si la vie se prolonge. ^
L’œdème du cerveau pourrait être pris, dans quelques circonstances, pour
un ramollissement général du cerveau ou d’un licmispbèrc. Ainsi , dans
la quatrième observation du mémoire de iM. llaikcm, plusieurs fois ciié dans
cet ouvrage, on voit qu’un bémisplière, au bout de quelques jours de mala-
die, était réduit presque en totalité en une substance molle, pultacée, très-
peu consistante, comme de la bouillie. Le volume de cet bémisplière était
supérieur à celui du côté opposé, «7 était extrdineinml injiliiv de sdrosiic, et
scs circonvolutions étaient dilatées et aplaties.
La gangrène du cerveau, cette altération dont l’e.visience, liormis quel-
ques cas de lésions traumatiques, est presque douteuse, car on n’en possédé
guère d’exemples autbentiques, doit s’accompagner également de ramollis-
sement. « La partie du cerveau gangrenée, dit Baillie, est de couleur rougt-
brunâlrc, cl n’a pas plus de 'consistance et de fermeté que la iioire la plus
pourrie. » ( Bailli», ylnat. /lalhoL, Irad. franc., sccl. xv, p. 421 .)
(1) Lallemand, dire 1, p. 60 (Extrait du Journal complémcuUÙrc du
ükl. des- SC uidd-, 4'^ cahier, 1818, p. 304. M. Bricbelcau .)
478
HAMOLLISSEMIIHT CÉRÉBUAL.
Observation 120. — Hémiplégie droite subite, perte de la parole ,
mort au bout de cinq jours. — Ramollissement sans changement de
couleur du corps strié gauche.
Une femme, âgée de soixante-treize ans, d’une bonne santé,
ne se plaignant jamais de la tête, sentit un jour, sans perdre con-
naissance, sa jambe droite fléchir sous elle, et elle tomba. On la
releva sur le champ •, elle était paralysée du côté droit. Le sur-
lendemain, hémiplégie droite complète j point de contracture,
conservation de la sensibilité. On assure qu’il n’a existé ni
raideur, ni convulsions. La parole est abolie ; l’intelligence pa-
raît bien conservée. Lorsqu’on lui demande où elle souffre, elle
porte la main à la joue droite. La bouche est déviée à gauche ;
les pupilles naturelles : les sens intacts. La langue est sèche et
rouge, le pouls dur à 80, la face pâle, la respiration fréquente
et sifflante. Une saignée est pratiquée et répétée le lendemain ;
le pouls était alors à 116, et la respiration plus fréquente. La se-
conde saignée seule se couvrit d’une couenne. Les deux jours sui-
vants, on observa des signes d’engouement du poumon, et la
malade succomba dans un état d’asphyxie, le cinquième jour,
u4utopsie. — Les grosses veines qui rampent entre les circon-
volutions sont gorgées de sang ; la pie-mère est injectée. Les
circonvolutions ne le sont point. Le corps strié du côté gauche
a perdusa consistance accoutumée. Le ramollissement, dont il est
le siège, commence à trois lignes au-dessous de sa surface exté-
rieure, et en occupe à peu près toute l’étendue. Il n’y a vérita-
blement que sa partie la plus superficielle qui ait conservé sa
consistance, et qui forme l’enveloppe d’une coque remplie d’une
bouillie, dans laquelle on retrouve la couleur ordinaire du corps
strié. On y distingue encore les deux substances grise et blanche.
Celle-ci est seulement d’une teinte moins brillante. Quelques
vaisseaux, isolés de la substance nerveuse et comme disséqués,
traversent les. parties ramollies, qui ne présentent elles-mêmes
aucune injection, aucune trace d’épanchement de sang. Les par-
ties environnantes sont parfaitement saines (1).
(1) Andral, Clinique medicale, t. v, p. 4b8.
N ■ «
kamollissement blanc.
479
0.s.nv.t,o» .1. .-Hémiplégi» gauche. Mort au bout deucuf jours.
— Ramollissement blanc de l’hémisphère droit.
Un homme de soixante-dix ans, javdimer, ti.s-fort et lobus e
pour son âge, est pris d’une violente céphalalgie et ^
plégie gauche. Il s’y joignit un délire presque continuel , et il
mourut dans cet état le neuvième jour. L hemiplegie demeuia
complète jusqu’à la ûn, et ne- s’accompagna jamais de contrac-
ture La sensibilité demeura intacte ; dans les derniers jours seu-
lement, elle parut un peu exagérée. ^
Autovsie. — \\ n'y a aucune injection dans le cerveau ni dans
les méninges. Au devant du centre ovale droit, ou trouve un
ramollissement blanc, de l’étendue d’une petite noix, se déta-
chant en flocons sous un filet d’eau. Le corps strié est tres-mol,
sans rougeur ni injection (1).
Obsebvatiok 122.— Céphalalgie, attaque apoplectiforme, hémiplégie
droite J mort le second jour. — Ramollissement général du cerveau.
Une femme de soixante-quatorze ans était aftectée d un can-
cer de l’utérus. Un jour elle se plaint de céphalalgie. Trois jours
après, elle tombe dans un état apoplectique avec paralysie des
membres droits, flasques et sans roideur ; la sensibilité persiste,
elle donne des signes de connaissance. Le lendemain, stertor,
assoupissement profond, mort.
Autopsie dix - huit heures après la mort. — Sérosité rouge,
abondante dans l’arachnoïde. Le cerveau s’affaisse sous son pro-
pre poids, et offre un état de ramollissement général. L hémi-
sphère gauche se trouve dans un état de ramollissement piesque
diffluent ; le droit est également ramolli partout, mais à un degie
moindre ; la substance corticale du lobe postérieur est moins ra-
mollie que la blanche ; il en résulte que ce lobe forme une sorte
de poche qui renferme la substance blanche en détritus. Paitout
I la couleur naturelle est conservée. La pie-mère enlève partout
(1) Shedel, Thèse inaugurale, 1828, n<> 73.
l■>■^.MOLUSSliMri^T cébéiuiAl.
la s uLsIaiicc coi licale. Le cei velct est remarquablement mol, sans
paraître altère dans sa texture (l).
Voici rjuatre observations qui paraissent des exemples aussi
certains que possible de ramollissement aigu sans rougeur. Si
trois de ces individus étaient septuagénaires, deux d’entre eux
étaient bien portants et robustes, et un quatrième n’avait que
trente-cpiatre ans. Supposerons-nous qtie si ces altérations n’ont
pas offert de rougeur sur le cadavre, c’est quelles existaient à
1 état latent, des une epoque antérieure à l’apparition des acci-
dents qui ont termine la vie, ou bien encore que les traces de la
congestion qui les avait accompagnées au moment de leur for-
mation avaient disparu tout à la lin de la vie ou après la mort?
Je ne pielends nullement que les choses aient dû se passer ainsi
Je me suis déjà expliqué relativement à cette dernière hypo-
thèse ; j ai dit que, sans en nier précisément la possibilité, je ne
pensais pas que la congestion cérébrale disparût après la mort,
comme le peuvent faire les injections vasculaires de certains or-
ganes. Quant aux ramollissements latents, j’ai dit et prouvé
qu’ils pouvaient facilement induii'e en erreur, touchant l’origine
d’altérations qui auraient existé pendant un certain temps sans
donner lieu à aucune manifestation de leur présence j mais ce
fait, aisé à constater dans certaines circonstances, n’est pas tou-
jours facile il appliquer à un cas donné ; aussi n’aurais je pas
même parlé de ces deux hypothèses, car on ne me reprochera ja-
mais de forcer les faits pour les plier à mes doctrines, si elles
n’avaient déjà été mises en avant, précisément par des personnes
f]ui ont soutenu l’existence d’un ramollissement primitivement
blanc, ou en ont rapporté des observations. Ainsi, M. Shédel,à
qui nous avons emprunté l’observation 122, dit positivement
qu’il pense que ce ramollissement était latent, au moins en par-
tie, et qu’il existait avant l’apparition des accidents observés.
D’un autre côté, nous trouvons à l’article Ramollissement du
ceri'eau, du Compendium de médecine pratique, le passage sui-
vant : «M. Dechambre n’a vu cpie dans un cas le ramollissement
partiel du cerveau débuter par des symptômes subits. La ma-
lade perdit instantanément connaissance, et fut prise decotivul-
(1) Sliedcl, Thèse cilve.
RAMOLUSSEMEWT BI.ANC. ^ ‘
sions (Ui côlé gauche. Quand ces spasmes eurent cessé, l’hémiplé-
gie était complète. Elle diminua rapidement en quelques jours,
puis se reproduisit à la suite d’une nouvelle attaque semblable,
pour persister enfin jusqu’à la mort. On ne trouva rien autre
chose à l’autopsie qu’un ramollissement blanc dans l’héimsphere
droit. Il est très-probable, dit M. Dechambre, qu’une forte con-
gestion sanguine, actuellement disparue, a été le point de dépait
de cette altération (1). « Je laisse à la sagacité du lecteur de dé-
cider si quelqu’une de ces hypothèses est applicable aux faits
précédemment cités, ou s’il faut voir, comme je suis tout disposé
à l’admettre, des exceptions réelles ou apparentes aux lois aux-
quelles se montre généralement soumis le ramollissement céré-
bral.
Voici quelques autres faits donnés comme exemples de ramol-
lissement blanc, et qui nous offrent bien moins de ceilitudc.
Observation i25. ■ — Attaques apoplectiformes légères; obtusion gê -
nérale des facultés. Perte subite de connaissance, paralysie du bras
droit ; mort au bout de trois jours. — Ramollissement blanc du lobe
antérieur gaucbc. .Altérations anciennes multiples des circonvolutions
(plaques jaunes).
Benoît, âgée de quatre-vingt-un ans, était très-sujette aux
étourdissements avec douleur de tête et perte de connaissance.
Deux fois, dans le courant de 1834, savoir, le 6 mai et le 16 no-
vembre, elle fut reçue à l’infirmerie pour des contusions, suites
de cliutes faites au moment de la perte de connaissance. Son in-
telligence était obtuse, son air hébété, ses réponses lentes; il y
avait affaiblissement général, mais point de paralysie. Il parait
que dans son dortoir on était obligé de la traîner dans un fau-
teuil.
Le 3 février, au matin, elle fut trouvée sans connaissance. Le
1 bras droit était paralysé et un peu rigide. Le pincement du bras
I ne détermine aucun mouvement, la figure n’exprime aucune
douleur ; mais la malade retire en haut l’épaule, du côté op-
posé. Perte complète de connaissance ; la face est pâle, la respi-
ration facile, le pouls lent, les urines involontaires
I
(1) ComycndiMm, t. i),pi iSy.
31
4Ô2
KÀM0L1.1SSEMEMT CÉRÉBEAL-
Le lendemain, coma plus profond. Le 5, même état. Mort la
nuit suivante^
Autopsie. — Ramollissement en bouillie pultacée sans chan-
gement de couleur du lobe antérieur gauche. La substance cé-
rébrale est diffluente. L’altération s’étend jusqu’à la membrane
du ventricule correspondant.
Un très-grand nombre de circonvolutions et d’anfractuosilés,
appartenant aux deux hémisphères, présentent à leur surface
des cicatrices couleur peau de daim, plus ou moins étendues,
avec perte de substance plus ou moins considérable (] ).
n est très-probable que ce ramollissement pulpeux, blanc»
était chronique : Benoit était dans un état qui annonce toujours
l’existence de lésions organiques profondes dans le ceiveau; il est
vrai de dire toutefois que les circonvolutions présentaient des al-
térations multiples, parfaitement suffisantes pour expliquer cet
état. On se rappelle que nous avons rangé dans la troisième forme
du ramollissement chronique des cas dans lesquels des ramol-
lissements chroniques du cerveau, après avoir manifesté leur
existence par des phénomènes plus ou moins caractéristiques, ou
même être restés à l’état latent, se présentent à l’autopsie comme
seule explication d’accidents aigus, bien tranchés, ayant pré-
cédé la mort. Peut-être l’observation de M. Cruveilhier devrait-
elle être rangée parmi ces faits.
Je ferai ici une remarque: M Cruveilhier professe la distinc-
tion du ramollissement rouge et du ramollissement blanc, et voit
là deux altérations d’origine et de nature différentes. Or, dans
son grand ouvrage d’anatomie pathologique, parmi un grand
nombre d’observations de ramollissement et d’altérations di-
verses du cerveau, recueillies presque toutes à la Salpétrière,
celle que nous venons de rapporter est la seule, au moins je
crois pouvoir l’affirmer, qui y soit présentée comme exemple
de ramollissement blanc aigu du cerveau, et encore offre-t-elle
au moins des doutes. Si le ramollissement ne se présentait pas
sous cette forme, seulement dans des cas exceptionnels, com-
ment se fait-il que, dans ce magnifique recueil d’observations,
on n’en trouve pas d’autres exemples?
(t) Cruveilhier, Anatomie pathologique, 20' livraison, p. 10.
lUMOLLISSEMJiPfT BLANC.
483
I Observation 124. — Hémiplégie droite. Mort au bout de vingt-qua-
I tre jours d'une pneumonie. “• Ramollissement blanc de 1 hemispberc
! gauche.
Une femme , âgée de cinquante-six ans , concierge , causait
I avec son mari^ lorsque tout a coup elle chancela et porta sa
I main à sa tête. On la fit asseoir ; elle avait perdu la parole et le
; mouvement dans le bras droit.
I Le second jour, le bras droit était paralysé du mouvement
j seulement , la bouche déviée à gauche, la langue à droite ;
; la parole était complètement abolie ; la malade avait toute sa
1 connaissance, et se tenait très-bien sur ses jambes j face colorée ;
i pas de céphalalgie , pas de fièvre ; signes d’une affection orga-,
i nique du cœur. Le lendemain, la jambe droite fut paralysée. Les
jours suivants , la sensibilité se perdit dans les membres privés
de mouvement-, ils devinrent en même temps le siège de dou-
leurs vives, et il survint de la céphalalgie 5 plus tard , il survint
I du dévoiement , de la fièvre , de la sensibilité abdominale , puis
i un état d’adynamie ^ enfin une pneumonie se développa , et la
! malade succomba levingt-quatrième jour sans rien offrir de nou-
; veau du côté du cerveau.
Autopsie. — Légère injection de ['arachnoïde / un peu de sé-
rosité sous' cette membrane ; sérosité assez abondante à la base
du crâne ; cerveau légèrement piqueté ; ramollissement blanc
de la substance médullaire dans l’hémisphère gauche au-dessus
du ventricule , large comme une pièce de trente sous , sans qu’il
y ait de rougeur à l’entour. Cette lésion était assez légère pour
que la plupart des personnes qui assistaient à l’autppsie n’aient
pas trouvé de rapport entre la lésion et les symptômes observés
jurant la vie ; les ventricules ne contiennent point de sérosité.
Le poumon droit est hépatisé dans sa plus grande partie ;
commencement de suppuration au sommet ; hypertrophie et
dilatation du ventricule gauche du cœur ; ossification des val-
vules aortiques • squirrhe commençant dû pylore (i).
La mort n’a pas eu lieu par le fait du ramollissement céré-
bral , mais bien d’une pneumonie grave survenue chez un sujet
(t) LiUrc, Journal hebdomadaire, l. i, p. 222.
ramollissement cérébral.
48
atteint d’une afl’ection organique du cœur. Le raïuollisseiuent
datait de vingt-quatre jours ; on n’avait rien observé de nouveau
du côté du cerveau dans les derniers temps de la vie. 11 est très-
possible que, dans ce cas, la rougeur, l’injection du rainollisse-
nient, aient disparu pendant la vie , peut-être meme sous l'in-
fluence du développement de rafleclion du poumon.
V oici maintenant deux observations dans lesquelles on voit
un ramollissement blanc du cerveau se développer en même
tempe qu’une méningite.
OBSEavATioN 120. — Suppuratiou des méninges. Ramollissement
blanc des couches optiques et des parties centrales du cerveau.
Un homme de vingt-huit ans , à la |uite d’une fièvre bilieuse,
fut pris d’un^p forte douleur de tête avec fièvre intense; la cé-
phalalgie lui arrachait des cris continuels , il s’y joignait un dé-
lire continu et un épislhotonos prononce. Il mourut dans cet
état au bout de quelques jours.
Julopsic. — Supputation dans la pie-mère , surtout à la base
du cerveau ; le cerveau est , en général , plus mou et plus in-
jecté que de coutume ; chacun de ses ventricules latéraux con-
tient environ deux onces de sérosité légèrement trouble et blan-
châtre, et leurs parois sont parsemées de ramifications vasculaires
gorgées de sang ; la voûte , le septum et les couches optiques
sont transformées en une substance pultacée , blanche, presque
diffluente , semblable à du fromage à la crème... (1).
ÜB8ERVAT10S 120. — Inflammation des méninges de la base du cer-
veau et du veqtricule gauche. Ramollissement blanc du corps strié.
Une femme de vingt-huit ans, plongée dans la misère, fut
prise de malaise avec céphalalgie. Le troisième jour, elle cessa de
parler. Le quatrième ,*assoupisseinent, agitation. Le cinquième»
trismus , impossibilité de [larler , conservation de la connais-
sance, paralysie avec contracture du bras gauche. Pdoit le sep-
lième jour dans le coma.
(1 ) Rajkem, Mémoire cild, obervalioul4% î
NÀTtRl DU RÀJIOLLISSBMENT.
Auiovsie. Suppuration des méninges de la base ; l’arachnoïde
du ventricule gauche était, dans une portion de son ctendue ,
épaissie, opaque, rouge et évidemment enüammee; sa partie
interne olFrait des stries rougeâtres ; les ventricules contenaient
tout au plus une demi-once de sérosité ; la pie-mere était injec-
tée à la face inférieure et aux faces latérales des hemisplieres
cérébraux. .
Le corps strié droit était ramolli vers sa partie anterieure; ce
ramollissement ne se prolongeait pas au-delà de quelques lignes
dans la pulpe cérébrale , qui , du reste , ne présentait point de
traces bien sensibles d’injection sanguine (!)•
Voici des exemples de ramollissement blanc du cerveau pris
dans des conditions bien diverses. Pensera-t-oii que quelques-
unes des hypothèses destinées à rendre compte de la nature du
ramollissement non inflammatoire leur soient applicables? Nous
voyons qu’ils se montrent chez des adultes comme chez des
vieillards , chez des individus débiles comme chez des sujets
robustes , accompagnés de signes de cijjigestion cérébrale
ou de méningite , ou comme une altération simple du cerveau.
Quoi qu’il en soit , acceptons-les comme dfi rares exceptions ,
et sur la nature desquelles nous serons sans doute un jour mieux
éclairés que maintenant.
§ VI.
La nature inflammatoire du ramollissement, considéré en
général, a été soutenue par plusieurs auteurs : ainsi MM.Briche-
teaii , Moulin , Pâtissier, llaikem , Georget , Foville , etc. ;
mais la plupart de ces écrivains avaient traité cette question trop
superficiellement , de trop loin , si je puis ainsi dire , pour
qu’elle pût se trouver jugée définitivement. J’en dirai autant de
M. Lallemand lui-même, car il est évident qu’il est un bon
nombre de points de l’iiistoire du ramollissement qui sont restés
en dehors de ses études. Quant à M. Bouillaud , il a traité cette
question avec une réserve fort louable, et , malgré ses tendances
bien connues , il s’est contenté d’exprimer la nécessité d’étude»
( I) Parent cl Martinet, de V Âracltiiitisj p. 12L
486
RÀMOtLlSSEMEKT CÉRÉBRAL.
plus complètes avant de pouvoir décider de la nature de tous
les ramollissements (I).
Les pathologistes anglais professent généralement les mêmes ■
doctrines qu’Abercrombie.
Suivant le docteur Bright , le ramollissement cérébral peut >
résulter de causes très- variées :
1° Par suite d’une obstruction de la circulation ( from oh- ■
structed circulation ) , la partie malade subit un changement i
analogue à la gangrène ; c’est là la forme la plus commune de =
la maladie ;
2o A la suite d’une congestion, la substance cérébrale éprouve :
\me lacération plus ou moins complète , et à cette classe peuvent i
se rapporter tous les cas dans lesquels la désorganisation est :
secondaire , et , jusqu’à un certain point , mécanique , dépen- ■
dant de la pression de tumeurs , ou d’un épanchement de séro-
sité , ou apoplectic dots.
3° Le ramollissement est le résultat d’une inflammation ( is •
produced hj injlammatory action (2).
Le docteur Carswell distingue dans le cerveau, comme dans ■
les autres organes : 1® un ramollissement par inflammation i
{from injlammation)', 2° un ramollissement par oblitération des ■
artères ( from oblitération of the arteries... )
Puis, plus conséquent avec cette doctrine que les autres au-
teurs, il étudie séparément ces deux espèces de ramollissement,
mais toutefois sans pouvoir indiquer une seule circonstance ana-
tomique ou symptomatique propre à les distinguer l’une de '
l’autre , si ce n’est la présence des vaisseaux malades eux-
mêmes. C’est ce que prouve le passage suivant : « Pour distin-
guer le ramollissement par oblitération du ramollissement
produit par l’inflammation , il est seulement nécessaire de re-
connaître la présence de l’état morbide des artères que nous
avons décrit : To distinguish soflening from oblitération from
softening produced by inflammation , it is only neccssary to
Hscertain the présence of the morbid State of the arteries ivhich
we hâve described. (3).- La seule différence qui existerait entre
(t) Bouillaud, Dict. de méd. cl de chirur. prat., l. xv, p. 793.
(2) Briglil , Medical reports, discases oj the hrain, t. n, p. t95.
(3) Carswcl, The cycloptedia of praclical mtdecine, vol. iv, p. 6, art.
lOFTKNINC.
487
nature dxj ramollissement.
le ramollissement par oblitération artérielle et le ramollissement
par inflammation , serait donc précisément cet état morbide des
artères. Une telle proposition ainsi présentée est logiquement
insoutenable.
Le docteur James Copland est passablement abstrait ; il ad-
met un ramollissement inflammatoire : «Les circonstances dans
lesquelles on l’observe , dit-il , ainsi à la suite des blessures et
des contusions , par la pression de tumeurs , etc. , et durant le
cours de maladies malignes , montrent qu il n’est pas produit
par une forme d’inflammation sthénique et de bonne nature,
mais cette espèce unhealthy, desorganising and diffusive , que
l’on observe chez les individus cachectiques ou chez ceux chez
qui la puissance vitale est diminuée. En même temps on ne
peut nier que l’absence de tout signe d’irritation inflamrnamire
ne doive le faire considérer comme la conséquence de la dimi-
nution et de la perte du pouvoir vital , et de la cohésion du
tissu affecté (1). •
Un savant écrivain , M. Rochoux » tout en admettant que le
ramollissement cérébral est de nature inflammatoire , a émis ,
touchant le développement de cette altération , plusieurs pro-
positions dont nous ne saurions admettre 1 exactitude.
■ Quoique recevant , dit-il, une enorme quantité de sang, le
cerveau n’en conserve pas un seul atome combine avec son
tissu 5 le courant non interrompu qui arrose chaque molécule de
la masse paraît uniquement destiné à faire naître le phénomène
comme électrique de l’innervation... •
«Les inductions auxquelles l’anatomie pourrait nous con-
duire presque seule , sont pleinement confiimees par l’observa-
tion pathologique , qui ne montre la rougeur du tissu nerveux
que dans deux cas : 1® lorsqu’il est le siège d’hémorrhagies
spontanées ; 2® quand il a éprouvé quelque contusion... •
« Une lecture attentive des observations destinées à prouver
l’existence de la rougeur dans !a première période du ramollis-
sement , m’a montré que cette disposition prétendue inflamma-
toire devait toujours être attribuée à une des deux causes ci-
dessus mentionnées... *
(t) JamPB Copland, Diction .nf prrœl. nirtlrc., l. i, p. 216.
58-8
BAMOr.LISSEMBNT CÉRÉBRAL.
« V absence de rougeur au début du ramollissement ne doit pas
nous empêcher de reconnaître sa nature inflammatoire... (1) >.
Les observations contenues dans cet ouvrage me dispensent
de toute réfutation de ce passage. Je pense qu’elles ne laisseront
aucun doute dans l’esprit de mon ancien maître touchant la
possibilité d’une rougeur par injection vasculaire du tissu céré-
bral enflammé , tout à fait semblable à celle qui s’observe dans
les autres tissus.
L’estimable auteur des recherches sur l’apople.xie paraît avoir
été induit en erreur à ce sujet par un cas d’encéphalite consé-
cutive à une nécrose du pariétal , dans lequel une perte de
substance d’une partie de cet os avait permis de suivre de l’œil
la marche de l’inflammation de la superficie du cerveau. On
avait vu la pulpe nerveuse passer à la suppuration sans avoir
jamais présenté d’injection ni de rougeur. Quelle que soit la va-
leur de cette observation comme fait isolé , il est évident qu’elle
ne saurait rien prouver relativement aux faits où des circon-
stances toutes différentes ont été rencontrées.
La seule induction qu’il me semble possible d’en tirer,
c’est c{ue les choses ne se passent pas , lorsque la pulpe nerveuse
est à nu , de la même manière que lorsqu’elle est renfermée
dans la boîte crânienne. ^
M. Récamier a émis , touchant la nature du ramollissement
cérébral , des idées toutes particulières , et qui n’ont jamais ,
que je sache , été publiées ; il les a seulement fait connaître dans
son enseignement oral. M. Lallemand écrivait, en 183o : « Cet
habile praticien (M. Récamier) regarde plus que jamais les
ramollissements du cerveau comme une altération sut generis ,
une dégénéi escence particulière , qu’il compare à certains ra-
mollissements de la rate ; il croit ces désorganisations indé-
pendantes de toute inflammation, et produites par une cause
générale, une maladie de toute l’écouomie, une fièvre ataxique,
nerveuse, maligne ou pernicieuse, qui se porte sur le système
nerveux, et spécialement sur le cerveau, détruit et désorganise
son tissu ; de là les ramollissements , les dégénérescences , les
foyers ataxiques X
(t) Uochoiix, toc. ci!., p. 303 et suiv.
(i) Lallemand, 2* letirr, p. tvy.
NATURE DU RA5I0DLISSEMENT. ^89
Le docteur Carswell dit aussi , en parlant du ramollissement
pâle du cerveau qui se montre fréquemment dans rhydrocé-
pliale , ou encore dans ces fievres où le cerveau est piimili\e
ment ou secondairement affecté : « M. Récainier a. décrit ce ra-
mollissement pâle du cerveau dans ses leçons cliniques de
l’IIôtel-Dieu de Paris , longtemps avant les travaux de Rostan ,
Lallemand et Abercrombie. Cet auteur regardait le ramollisse-
ment pâle comme la première condition des fièvres nerveuses
ou malignes ; aussi l’appelait-il ramollissement ou dégénérescence
ataxique , foyer ataxique (1). ■
Les faits auxquels faisait allusion le célèbre médecin de l’Ho-
tel-Dieu sont probablement d’un ordre tout diftérent de ceux
que nous venons d’étudier... ; cependant il est remarquable que
personne n’ait encore répété le même genre d’observations.
Je terminerai ce paragraphe en rappelant une théorie chimi-
que du ramollissement qui , malgré sa singularité , et peut-être
à cause de sa singularité , s’est présentée sous le patronage de
M. Magendie.
« M. Couerbe a trouve le cerveau composé de :
1° Graisse jaune pulvérulente stéaroconote.
2“ Graisse jaune élastique céphalote.
3® Huile jaune rougeâtre éléencéphol.
4” Matière grasse blanche de Vauquelin. cérébrote.
5“ Cholestérine.
« L’éléencéphol... dissout assez bien les autres matières du
cerveau qui lui donnent de la consistance.. Elle est isomère avec
la cérébrote.
U M. Couerbe, continue M. Magendie, pense que celte isomérie
peut servir à expliquer un phénomène physiologique fort im-
portant , le ramollissement de la pulpe cérébrale , car la cépha-
loie , ayant la même composition , peut , sous une influence
morbide , se métamorphoser en éléencéphol , dissoudre les au-
tres matières solides du cerveau , et , par lâ, en diminuer la
consistance (2). »
(1) Carswell, toc, cil., p. o.
(2) Magendie, Leçons sur le syslènie neiveux, t. 1, p. t(il .
490
RAMOLLISSEMEKT CÉRÉBRAL.
ARTICLE II
CAUSES DU RAMOLLISSEMENT.
Nous sommes arrivés maintenant à l’étude des causes directes
du ramollissement cérébral, de celles (]ui, indépendamment de
sa nature, et venant du dehors, font qu’il se développe dans un
moment plutôt que dans un autre.
Il est probable que cet ordre de causes existe réellement, au
moins dans le plus grand nombre des cas , et cependant, comme
1 a très-bien remarqué M. Andial, il est presque toujours impos-
sible de les saisir. Aussi ne puis-je, en aucune façon , combler
cette lacune, répondre à cette question : Quelles sont les causes
extérieures qui président au développement du ramollissement
cérébral ? ou plutôt je puis confirmer de mon expérience cette
proposition ; que dans presque aucun cas de ramollissement
cérébral, chez les vieillards en particulier, on ne peut apprécier
la cause de la maladie. Mes efforts pour obtenir quelques don-
nées sur ce point ont toujours été infructueux, et cela, non-
seulement pour les cas de ramollissement cérébral terminé par
la mort, mais encore pour ces cas de congestion cérébrale pas-
sagère que l’on observe assez fréquemment chez les vieillards, et
que j’ai rapprochés , comme on l’a vu , du ramollissement lui-
même.
§ 1-
L’âge avancé est-il une prédisposition à cette maladie? Bien
qu’il soit tout à fait impossible de résoudre cette question par
des relevés statistiques, à cause de l’inégale répartition des ma-
lades des différents âges dans les hôpitaux, ce n’en est pas moins
un fait incontestable. Il est certain que ce n’est que dans les
hospices de vieillards que l’on voit ce grand nombre de ramol-
lissements se développant spontanément, ou au moins en dehors
de toute cause extérieure appréciable ; mais cela ne veut pas dire
cependant que le ramollissement puisse être considéré comme une
affection sénile exclusive à la vieillesse.
Si l’on veut savoir l’influence de l’âge sur le développement
du rainollissèment, il ne faut tenir compte que de l’âge qu’a-
vaient les malades à l’époque de l’invasion de leur maladie. Or,
CAÜSES DU RAMOLLISSEMENT. ^9^
c’est là une précaution qui n’a pas été prise, que je sache, dans
la plupart des relevés faits sur ce sujet ; habituellement on prend
l’âee des individus à l’époque où on les observe et où, en gene-
ral, ils meurent : c’est bien pour le ramollissement aigu. Mais,
lorsqu'il s’agit de ramollissements chroniques, durant depuis
plusieurs années, une semblable manière de compter ne peut
qu’introduire des données fausses dans un tableau.
Voici un relevé de l’âge précis qu’avaient 55 individus obser-
vés par moi à la Salpétrière, à l’époque où le ramollissement
débutait ; j’ai assisté moi-même aux premiers accidents chez es
uns, et j’ai pu me procurer chez les autres des renseignements
certains. J’ai laissé de côté tous les cas qui pouvaient laisser
quelques doutes dans l’esprit.
De 30 à 40 ans . . • ^
De 40 à 50 • ■ • • I
De 50 à - -
De 60 à ^
De 66 à 70 . • • ^
De 71 à 75
De 76 à 80
De 80 à 87 ^
La majorité de la population à la Salpétrière, en laissant de
côté les aliénées, se compose de septuagénaires, car 75 ans est
l’âge 6xé pour l’admission des indigentes. Cependant il y a un
assez grand nombre d’individus plus jeunes, soit admis par
protection particulière, soit atteints de quelque affection incu-
rable. Notons que parmi ces derniers, il y a beaucoup de para-
lysies, c’est-à-dire de lésions anciennes du système nerveux, et
entre autres de ramollissements chroniques. Jajouteiai qui,
parmi les observations que j’ai laissées de cote en faisant ce re-
levé, il y en a un certain nombre qui ont trait a d anciennes pa-
ralysies, certainement antérieures à la vieillesse. Si je fais ces
réflexions, c'est que je crois nécessaire d’insister sur ceci : que,
si le ramollissement cérébral est réellement plus fréquent dans
un grand âge qu’aux autres époques de la vie , cependant il est
loin d’appartenir exclusivement à la vieillesse, et, par consé-
quent, ne peut en aucune façon être considéré comme une af-
ramollissement cérébral.
492
fection sénile, spécifique. On a remarqué sans doute que, dans
les divers chapitres de cet ouvrage, j’ai pris soin de rapprocher
de mes observations de vieilles femmes, des observations appar-
tenant à l’âge adulte, et même à la première enfance, afin de
montrer qu’à toutes les époques de la vie, le ramollissement re-
vêtait les mêmes formes anatomiques, et sans doute alors était
de même nature.
J’ai noté l’âge des malades de M. Rostan et de M. Andral, chez
lesquels 1 époque du début de la maladie a été indiquée. Ceux de
M. Rostan étaient tous fort âgés :
7 avaient de 80 à 87 ans. ^
8 de 70 à 78 ans.
4 seulement de 60 à 69 ans.
Toutes ces observations viennent aussi, comme on le sait, de
la Salpétrière.
M. Andral a recueilli ses observations à la Charité. Voici l’é-
poque du début du ramollissement chez 26 de ses malades :
4 avaient de 17 à 20 ans.
2 27 ans.
2 30 et 37 ans.
2 43 et 45 ans.
4 de 53 à 59 ans.
7 de 63 à 69 ans.
6 de 70 à 78 ans.
Je transcris ici le t.ableau qu’a dressé M. Andral, de l’âge de
153 individus affectés de ramollissement ; mais, en faisant re-
marquer que, sans doute pour la plupart, ces chiffres ne repro-
duisent que l’âge de la mort des malades, et non celui du début
de la maladie, chose importante à noter, puis(|u’il s’agit de ra-
mollissements chroniques aussi bien que de ramollissements
aigus.
De 15 à 20 ans
De 20 à 30
De ;10 à 40
10
18
11
CAUSES DU ramollissement.
De 40 à 50
De 50 à 60
De 60 à 70
De 70 à 80
De 80 à 89
Pour arriver à des proportions certaines ou à bien peu de
choses près, il faudrait pouvoir dresser sur une grande echelle
un tableau des ramollissements de toute la population indi-
gente de Paris ; il n’y a pas de doute qu’ils passent tous par
les hôpitaux ou par les hospices. Lorsque l’administration des
hôpitaux comprendra l’utilité de faire faire dans tous les sci -
vices des relevés officiels des m'aladies, il sera possible d ai ri-
ver à une foule de résultats de ce genre, dont on comprend
aisément l’intérêt et l’utilité.
Avant' de quitter cette étude de l’àge des malades affectés de
ramollissement, ’je dirai, de nouveau, que lorsque l’on compare
toutes les observations recueillies chez les individus de diffé-
rents âges, il est impossible de trouver, sous le rapport des
lésions anatomiques comme des formes symptomatiques, au-
cune différence notable entre celles qui appartiennent à la
jeunesse, à l’âge adulte, ou à la vieillesse.
49-^
19
27
34l
30
4
§ II.
Si l’on veut connaître l’influence que les saisons peuvent
exercer sur le développement du ramollissement, il faut,
comme pour l’âge , teirir compte de l’epoque du début de la
maladie et non pas de la mort. Voici le releve de 62 cas ob-
servés par M. Rostan ou par moi , un très-petit nombre par
M. Andral, dans lesquels cette époque a été indiquée ;
Décembre
3
Janvier
10
17
Février
Mars
7
Avril
3
13
Mai
3
494
RAMOLLISSEMENT CÉRÉBRAL.
Juin
J
Juillet
7 } 20
Août
6 !
Septembre
5 j
Octobre
5 5 13
Novembre
3
On voit que ces chiffres n’offrent pas de très-grandes dif-
férences pour les diverses époques de l’année ; cependant le
ramollissement paraîtrait un peu plus fréquent dans l’hiver
et surtout dans l’été. Ce résultat est d’accord avec la remarque
que j’avais faite et vu faire, en général, à la Salpétrière, que
les accidents cérébraux sont surtout communs lorsque la tem-
pérature est très-élevée ou très-basse. Voici le relevé d’un
nombre égal de cas d’hémorrhagie cérébrale ; 37 ont été ob-
servés par moi à la Salpétrière ; 34 par M. Andral et M. Ro-
choux. Ils nous donnent exactement le même diiffre pour léte
et pour l’automne ; mais au printemps, un chiffre supérieur
à celui de l’iiiver.
Décembre
5 cas 1
Janvier
3 — ) U
Février
6 - 1
✓
Mars
9 - 1
Avril
4 — ) 16
Mai
3 - (
Juin
8 - f
Juillet
9 — } 20
Août
3 - l
Septembre
^ " 1 .O
Octobre
8—13
Novembre
4 — \
5 in.
Le ramollissement atteint-il de préférence les individus qui
présentent le plus de faiblesse, d’appauvrissement de l’écono-
mie? Non, sans doute; et, si nous avons vu le ramollissement
se développer chez des vieillards secs et décrépits, nous avons
également noté chez beaucoup de nos malades l’embonpoint,
CAUSES DU RAMOLLISSEMENT.
495
la force, l’activité', enfin toutes les conditions d’une parfaite
santé, quelquefois même ce que l’on a appelé une constitution
apoplectique.
Je ne trouve indiqué d'une manière précise que dans 28 de
mes observations l’état général de mes malades, au moment où
le ramollissement s’est développé chez eux.
9 se trouvaient atteints d’affections graves ; 5 avaient une
affection du cœur; 2, un rétrécissement de l’orifice auriculo-
ventriculaire gauche ; 3, une hypertrophie ou une dilatation
considérable des cavités du cœur. Un autre malade était af-
fecté d’un cancer avancé de l’utérus ; un autre, d’une entérite
chronique ; chez deux autres enfin le ramollissement s’est mon-
tré pendant le cours d’une pneumonie. Dans tous ces cas, l’in-
vasion de la maladie fut rapide; dans tous le ramollissement fut
trouvé accompagné de rougeur, de tuméfaction ou d’infiltration
sanguine. Dans un d’eux seulement, où il y avait une hyper-
trophie et une dilatation générale du cœur très-considérable,
le ramollissement ayant passé à l’état chronique , on n’a plus
trouvé d’autres traces de rougeur primitive qu’une coloration
jaune du pourtour d’une infiltration celluleuse.
Sur 19 malades, dont la constitution a été décrite avec soin,
il y en a 8 qui avaient un embonpoint considérable ; 8 qui
étaient forts, bien portants, très-bien conservés pour leur âge ; 5
seulement, maigres et débiles. Je regrette de n’avoir point à
ma disposition de cltiffres plus nombreux ; je ne donne nulle-
ment ceux-ci comme indiquant une proportion exacte ; mais
cependant je leur attache beaucoup d’importance, parce qu’ils
prouvent que le ramolUssement ne se montre pas, en général,
plutôt lié à une constitution débile et détériorée, qu’à une autre.
MM. Delaberge et Monneret, croyant que le ramollissement
cérébral est une affection propre à la décrépitude (1), se plai-
gnent du vague des renseignements que l’on peut puiser dans
les auteurs ; ceux-ci se plaisant trop souvent à confondre les dif-
férentes espèces de ramollissements. M. Decharnbre, d’après les
renseignements qu’ils lui attribuent, n’aurait jamais observé le
ramollissementpartieZ chez les jeunes filles et les femmes adul tes
qui font en assez grand nombre partie'de la population de la Sal-
(1) £cc. c((,,p, 162.
UA.MüLMSSEMENT CÉIlÉlsnAL.
4 ()G
pétribe. Un sait maintenant que cet ouvrage ne renferme que
des exemples de ramollissements partiels, observés à tous les
âges de la vie, et que, jusqu’à nouvel ordre au moins, j’ai cru ne
devoir admettre, sauf exception, que le ramollissement partiel.
Je me contenterai donc de mentionner, toujours d’après les au-
teurs du Compendium ^ cette assertion deM. Dechanibre, si sin-
gulièrement en désaccord avec mon observation personnelle,
que le ramollissement général présente comme condition pro-
bable de développement : 1" l’existence d’un foyer liémorrha-
gique, 2° un état avancé de maigreur et de décrépitude sénile.
Il y a longtemps que l’on a remarqué le rapprochement du
ramollissement cérébral et des auciens foyers hémorrhagiques;
et cette circonstance est une de celles qu’on a le plus souvent in-
voquées pour appuyer la nature inflammatoire du ramollisse-
ment. Ce rapprochement, dans lequel nous croyons qu’en effet
on doit voir autre chose qu’une simple coïncidence, est infini-
ment moins fréquent qu'on ne l’a dit; car ce que l’on a présenté
comme de semblables exemples, ce sont presque toujours, comme
nous l’avons vu, des infiltrations celluleuses, environnées d’un
ramollissement pulpeux (Rochoux).
Suivant MM. Delaberge et Monneret, le ramollissement par-
tiel, lié à d’anciennes cicatrices, se montre au moins aussi sou-
vent chez les vieillards fortement constitués, à thorax large, à
chairs fermes et abondantes, que chez ceux dont le corps a subi
l’influence de l’atrophie sénile. Cette observation s’accorde peu
avec la théorie de ces mêmes auteurs, qui prétendent, à la même
page, que le ramollissement cérébral est une lésion propre à la
décrépitude^ car rien ne nous donne à entendre qu’ils reconnais-
sent dans ces différents cas une nature différente au ramollisse-
ment.
§ IV.
L’état du cœur chez les individus affectés de ramollissement
doit nous occuper maintenant : j’ai trouvé le cœur sain dans
toutes les observations de ramollissement que j’ai recueillies
chez les adultes, c’est-à-dire chez des individixs au-dessous de
50 ans. Voici quel était l’état du cœur chez 41 vieillards delà Sal-
pétrière; affectés de ramollissement cérébral :
CAUSES iJU li.VMOLLlSSEMEiNT.
k)7
Saiu
Hypertrophié . . »
Dilaté sans hyperlropbie o
Rétrécissement de i’oiifice auriciiio-ventriculaire
gauche, sans hypertrophie .... 2
28 t’ois.
8
Il ne faudrait pas attacher beaucoup d’importance à ces af-
i'ectious du cœur, dans la pathogénie du ramollissement, au
point de vue de la gêne de la respiration et de la circulation qui
les accompagnent. En effet, comme je n’ai jamais vu survenir le
ramollissement dans les cas ti ès-nombreux d’asthme et de dys-
pnées de toutes sortes que j’ai observés à la Salpétrière, j’tn
conclus naturellement que les troubles de la respiration n’exer-
cent pas par eux-mêmes une notable influence sur le développe-
ment de celte maladie. Mais, comme on a fait jouer à l’hypertro-
phie du cœur un grand rôle dans la production de l’hémorrhagie
cérébrale et aussi du ramollissement, nous nous arrêterons prin-
cipalement à cette circonstance.
Or, nous voyons que sur 4 1 cas de ramollissement chez des
vieillards, I hypertrophie du cœur s’est rencontrée dans le cin-
quième des cas.
.T’ai noté avec soin l’état du cœur chez 60 vieillards morts de
différentes maladies : j’ai trouvé le cœur sain chez 45; hyper-
trophié chez 15, c’est-à-dire dans le quart des cas. Je n’ai pas
noté dans ce' relevé les individus qui ont succombé aune af-
fection du cœur lui-même.
Dans 28 cas d’hémorrhagie cérébrale observés chez des vieil-
lards seulement, j’ai trouvé le cœur hypertrophié 11 fois, c’est-
à-dire dans un peu plus du tiers des cas.
A'oici donc le résultat de mon observation î
Chez les vieillards morts' de différentes maladies, ayant le
cerveau sain, hypertrophie du cœur dans le quart des cas ;
Chez les vieillards morts avec un ramollissement, hypertro-
phie du cœur dans le cinquième des cas ;
Chez les vieillards morts d’une hémorrhagie cérébrale, hy-
pertrophie du cœur dans un peu plus du tiers des cas.
D après ces proportions, il est permis de conclure, au nicins
dans la limite de ces faits, que l’hypertrophie du cœur n’a nas
exerce une grande influence sur la production du ramollissc-
32
498
RAMOLLISSEMENT CÉRÉBRAL.
ment, puisqu’elle a été rencontrée plus fréquemment chez les
individus morts de toutes sortes de maladies étrangères à l’en-
céphale, que chez ceux affectés de ramollissement. Pour ce qui
est de l’hémorrhagie, il en est autrement ; mais nous n’avons
pas à nous en occuper ici ; j’ai cru seulement que ce rappro-
chement ne serait pas sans intérêt.
L’état du cœur est noté dans 30 observations de la clinique
de M. Andral : le cœur a été rencontré hypertrophié 8 fois,
c’est-à-dire dans le quart des cas. Cette proportion est un peu
plus forte que la nôtre ; et il faut faire atîention qu’il s’agit ici
d’individus d’âges fort différents.
Maintenant nous allons trouver tout autre chose dans l’ou-
-yrage de M. Rostan : sur 18 cas, où il est fait mention de l’é-
tat du cœur , cet organe était hypertrophié 12 fois, c’est-à-dire
dans les deux tiers des cas. Toutes ces observations ont été
prises chez des individus fort âgés. Cette proportion est énorme.
Ce qu’il y a de singulier, c’est que M. Rostan ne semble pas
lui-même s’en être aperçu, car je n’ai pas vu qu’il signale nulle
part cette circonstance.
Ces faits sont bons à citer; mais je ne pense pas qu’il soit per-
mis d’en tirer aucune conclusion. Il n’est pas probable qu’ils re-
présentent une proportion exacte, puisque les 71 faits dus à M.
Andral et à moi nous fournissent un chiffre si différent, un
peu moins du cinquième des cas.
M Rostan admet comme causes du ramollissement toutes les
circonstances qui passentpour avoirquelqueinfluencesui les affec-
tions du cerveau : soled ardent , coups sur la tête, passions violen-
tes, chagrins, usage des alcooliques. Mais il a ]ilutot été conduit à
cela par l’analogie que par l’observation directe ; car, dans ses
observations comme dans les nôtres, on n’a presque jamais
noté aucune de ces cau.ses Remarquant que les prodromes du
ramollissement cérébral étaient surtout formés par des sym-
ptômes de congesiion, il a jugé que toutes les causes connues
de congesiion cérébrale devaient favoriser la production du ra-
mollissement Je crois bien qu'il a raison, et que ces causes
peuvent agir dans ce sens ; mais il n’en est pas moins certain que
le I amollissement se développe le plus souvent chez les vieil-
lards, en dehors de ces circonstances, comme de toute autre
cause appréciable.
traitement dû ramollissement*
49i)
CHAPITRE Xlll.
TRAITEMENT DU RAMOLLISSEMENT CÉRÉBRAL.
L’histoire du ramollissenieuL cérébral me paraît des plus pro-
pres à mettre en lumière l’influence que l’anatomie pathologique
peut exercer sur la thérapeutique. En effet, tant qu’ont dominé,
touchant la nature de cette maladie, les diverses opinions dont
nous avons essayé de démontrer l’inanité, il est évident que la
thérapeutique d’une affection considérée comme analogue à la
gangrène, comme spécifique, sénile, etc., a dû être toute néga-
tive ; les efforts du praticien devaient tendre à peu près exclusi-
vement à distinguer ces diverses espèces de ramollissements du
ramollissement inflammatoire, le seul qu’il pût raisonnable-
ment essayer de traiter ; et nous savons maintenant qu’aucune
tentative sérieuse n’a encore été faite, n’a pu être faite dans ce
sens.
S’il est vrai, comme je crois l’avoir démontré, que le ramol-
lissement cérébral, chez les vieillards aussi bien qu’aux autres
âges de la vie, soit toujours, sauf peut-être d’infiniment rares
exceptions, une affection inflammatoire, on doit présumer par
cela seul qu’il n’y a rien dans la nature de cette maladie qui
s’oppose à sa curabilité ; on trouve dans ce fait de pathogénie
une source d’indications que l’on, suivra sans doute avec plus de
méthode et de persévérance, que lorsqu’on traitait au hasard les
symptômes d’une affection sur la nature de laquelle nul ne
pouvait avoir aucune certitude.
Rappelons en quelques mots les circonstances qui doivent le
plus encourager le praticien dans le traitement du ramollisse-
ment cérébral, et sur l’étude desquelles nous nous sommes par-
ticulièrement appesantis.
Le ramollissement débutant par une congestion sanguine qui
précède toujours la de'sorganisation de la pulpe nerveuse, il est
sans doute un moment de la maladie où il sera possible, par
5U0
K A.MOLHS6KMJii\’ X C lîx, Éi) U A L .
un traitement actif, de pre'venir le développement de celle dés- '
orj>,anisalion.
L’ideutilé des symptômes rend infiniment probable, peut-être
certain, que beaucoup de cas où l’on a cru guérir une simple
congestion cérébraleou une méningite à son début, étaient des ra'
mollissements commençants, ou seraient devenus des ramollisse'
inents, si l’on n’avait an êlc à temps la marche de la maladie.
Le ramollissement , une fois développé , est susceptible, à
peu près à toutes ses périodes, de subir un travail de transfor-
inalioti ou de cicatrisation, après lequel tous les symptômes peu
vent disparaître complètement ou faire place à une infirinilé dé'
sonnais parfaitement compatible avec la vie et même avec la
santé. En l’absence même de ce travail de cicatrisation, les sym-
ptômes du ramollissement peuvent s’amender pendant un temps
illimité, de manière à faire croire à la guérison de l’altération
organique, à simuler par exemple la guérison d’un foyer hé-
morrhagique.
Le point important, il ne faut pas l’oublier, c’est que lera-
inoUissement, une fois développé, ne fasse plus de progrès en
étendue. H est certain cju’en général un ramollissemeut, demeu.
rant limité à un point primitivement atteint, si une fois le ma-
lade a résisté aux premiers accidents, a une tendance réelle et in-
cessante à la guérison, telle qu’on doit l’entendre, toutefois, à
propos dùme lésion organic|ue profonde. Les exemples de ce
.oenre, c|ue j’ai présentés dans le cours de cet ouvrage, paraissent
dus la plupart au travail de la nature. Est-il téméraire de pen-
ser que l’art puisse l’aider dans ses efforts, la suppléer parfois,
concourir enfin avec elle dans celte maladie comme dans tant
d’autres à ce qui est le but de notre science, la guérison?
Que l’on nç s’attende pas toutefois à trouver dogmatisée
dans ce chapitre l’histoire de la thérapeutique du ramollisse-
ment. Habitué, comme on a pu le voir, à me tenir autant que
possible dans la limite des faits soumis à ma propre observa-
tiQi^ Qix oflerts par d autres a mon éludé, je dois m arietei ici ,
car, pour tracer avec vérité, pour présenter avec certitude l his-
toire de la thérapeutique du ramollissement, je ne possède pag
encore de matériaux suffisants ; je n’y suppléerai pas par de
vains discours.
Si l’on admet les inO[iosilions que j’ai émises toudianl l’oii-
501
TP^AlTEMr.NT EU P, AAlOLLISSEAtENT.
crine du ramollissement, si l’on accepte les exemples que j’ai
réunis de transformation et de cicatrisation de la substance cé-
rébrale ramollie, on reconnaîtra que l’iiistoire du ramollisse-
ment cérébral a fait un pas dans une direction reellemçnt pra-
tique. Sans doute, c’est peu encore ; mais, si je n’ai pas réussi a
faire passer dans l’esprit du lecteur la conviction profonde ou
je suis, que l’art peut exercer une grande influence smr la pro-
duction, sur le développement et sur la terminaison du ramol-
lissement, au moins conviendra-t-on , je n’en doute pas, qu i y
a sigulièreinent à revenir sur ce caractère d’incurabdile et
de fatalité, dpnt on avait fait tristement l’apanage de cette
maladie.
Préoccupé, comme on l’a vu, pendant tout le cours des re-
cliercbes dont ce livre est l’exposé, de la néce.ssilé d’éclairer
d’abord et la nature et la symptomatologie du ramollissement,
je ne pouvais encore envisager cette maladie au point de vue^
de la thérapeutique ; telle devait être la marche naturelle a un
esprit qui ne voit dans l’empirisme que le fait du hasard, et ne
l’invociueque comme une nécessité dernière, .l’ai cru pouvoir ex-
poser dès à présent les résultats des recherches auxquelles je me
suislivré; je les déclare incomplets, ces résultats, en ce sens qu’ils
s’arrêtentpréciséinentlà oùl’on s’attend à trouver une conclusion
necessaire à ces études, une justification des propositions qu’elles
émettent, des dogmes ciu’elles soulèvent. Celte conclusion, lebut
de tous mes efforts sera de la présenter un jour comme complé-
ment de ce travail. Pénétré et logiquement et médicalement, de
son importance, si j’en entrevois les termes, je ne veux m l’ac-
cepter moi-même, ni la soumettre au jugement public avant
de lui avoir fait subir l’épreuve d’une expérience suffisante.
,îe sais leà'difficultés de celte élude ; mesurer les limites de la
yiuissance de notre art dans un cas donne, cheichei les lois de
riiarmonic qui doit présider à son inlervcnlion dans le travail
spontané et régulier delà nature, c’est un problème que des
conditions .spéciales peuvent environner ici de diffictdlés plus
grandes encore qu’aillcuvs ; mais quel esprit assez dépourvu
d’ardeur et de foi pour dénier la possibilité de remplir une lâ-
che à peine encore essayée ? car, je le demande, quels travaux
suivis ont encore eu pour but avoué d’arriver à la connaissance
ô02 HAMOLLISSBMRNT CÉRÉBRAL.
(lu traitement et des modes de curation du ramollissement cé-
rébral ?
Je me contenterai donc, dans ce chapitre, d’exposer les princi-
pales indications à remplir dans le traitement du ramollisse-
ment cérébral , et aussi un petit nombre de faits intéressants
pour cette étude.
Trois indications principales se présentent dans la thérapeu-
tique du l'amollissement considérée d’une manière générale :
Prévenir le développement d’un ramollissement chez un su-
jet prédisposé ;
Combattre les accidents causés par l’imminence ou l’appari-
tion d’un ramollissement ;
Surveiller la marche ultérieure de la maladie, et s’opposer à
toutes les circonstances qui pourraient venir entraver l’évolu-
tion anatomique du ramollissement, c’est-à-dire la tendance gé-
néralement favorable de la nature.
M. Rostan a parfaitement reconnu que les prodromes, que les
signes précurseurs du ramollissement (ce qu’il appelle impro-
prement première période de la maladie), tiennent à des con-
gestions cérébrales répétées; aussi a- 1- il donné pour les com-
battre des conseils thérapeutiques parfaitement logiques. Mais il
n’a pas su voir la liaison qui unit ces phénomènes de conges-
tion au ramollissement lui-même : celui-ci formé, la maladie
■paraît avoir pour lui changé de nature, et si des symptômes de
paralysie surviennent, c’est qu’alors ces phénomènes de conges-
tion ont fait place à un état d’asthénie. Il est singulier que cette
connaissance, facile à acquérir, du reste, de la nature de ces
signes précurseurs, n’ait pas mieux éclairé sur celle du ramollis-
sement lui-même. Il est cependant bien évident que ces phéno-
mènes d’apoplexie, de paralysie, sont précisément ceux qui an-
noncent le plus haut degré de congestion, et sans doute de
compression de l’encéphale.
11 importe donc beaucoup dans la médecine des vieillards, en
particulier, puisque c’est surtout chez des personnes âgces que
se réncontre cette maladie, de savoir que toutes les fois qu il se
fait une congestion sanguine vers la tête, il y a préparation, ten-
dance au ramollissement ou à la désorganisation partielle du cei-
Veau, peut-être imminence d’une semblable altération. Il im-
pwtc de ne pas ignorer que des lésions profondes de u^xture
r.nt
traitement DW RAMOLLISSEMENT.
peuvent exister clans le cerveau sans donner d’autres signes de
feur présence que quelques troubles insign.6ants et peu carac-
léristiques (les fonctions cérébrales.
M. Rostan a consacré un chapitre à l’hygiène pour le traite-
„,,nt préservatif ou prophylactique du ra.nolhsseiuent. .< Ce
lraitement,dit-.l avec beaucoup de raison, ne saurait etre base
que sur la connaissance des causes prédisposantes et des p •
dronies de la maladie, et l’obscurité qui règne sur ces prédis-
positions ne permet pas d’émettre à cet égard des principes qui
ne pourraient être que des conjectures. » H ue reste dcMic que
les prodrcmies dont l’appréciation puisse gu, dei le médecin ,
mais ces prodromes, étant constitués par des congestions ceie-
brales, ne nous éclaireni-ils pas sur les prédispositions elles-
mêmes, en nous montrant ciue le retour fréquent des conges-
tions au cerveau prédispose au ramollissement? Le traitement
prophylactique le meilleur ne sera-t-il pas aloi s celui qu‘ Pré-
servera le plus efficacement des coiigi'Slions au cerveau . Lette
manière de voir nous fournit déjà quelques données qui ne sont
pas, je crois, sans utilité. Maintenant quelles sont les circon-
stances qui, favorisant le relourdes congestions cérébrales chez
les vieillards, se trouvent influer ainsi indirectement sut a pio
duction du ramollissement? JS ous savons quelles nous échap-
pent dans la plupart des cas. Mais remontons plus haut ; n est-
ce pas la vieillesse elle-même ? Nous allons eiilrei, à ce sujet,
dans qiielques explications que l’on ne trouvera pas déplacées,
jé pense, dans ce chapitre.
11 est un cél-iain nombre de vieillards dont la constitution se
rapproche beaucoup de celle des adultes : par le développe-
ment du système musculaire, par l’intégrité de la conformation
du thorax et de la muiiuguse bronchique, par la vivacité des
allures et du caractère, et surtout peut-être par la conservation
des fonctions delà peau. Chezjccs individus la nutrition et
matose se font presque ausni rompléieinent que dans les âges
pivcédents, et des indications à peu près semblables se pré-
sentent, pour prévenir et combattre le développement des af-
fections aigues et inflammatoires.
Mais il est d’autres vieillards qui offrent des conditions toutes
différentes, des chair.s flasques ou environnées seulement d’un
tissu adipeux mou, la poitrine déformée, le rachis affaissé, l’in-
' '' ' nAMOLUSSRAIEKT CÉRÉbUAL.
tellujeiice affaiblie, les mouvements lents, et les membres babi-
ues comme 1 esprit à l’engourdissement du repos, les bronches
catarrhales, la peau enfin amincie, sèche et inhabile à remplir
ses Jonctions (l). *
Chez ces individus qui portent, en définitive , les caractères
spéciaux de la sénilité, la vie s’est en quelque sorte retirée de la
Peripherie ; elle n’existe plus que dans les deux points d’oii
son départ sera le signal de la mort générale, la poitrine et la
tete^ aussi ces individus meurent presque uniquement de
pneumonies ou d’affections cérébrales, et de ces dernières au
moins aussi souvent que ceux à col court, à embonpoint consi-
dérable, a physionomie animée, et qui passent pour avoir émi-
nemment la constitution apoplectique.
Ce retrait de la vie et de l’activité fonctionnelle qui en est le
principal apanage, de toute la périphérie, et sa concentration
dans les parties centrales, et surtout le poumon et le cerveau
(car 1 activité des fonctions abdominales s’éteint aussi de bonne
heuie) (2), s obsenent chez tous les vieillards, mais particulière-
ment chez les derniers qui sont comme le type de ce phéno-
intMic. On voit par là combien manque de justesse une doct- ine
qui, d’après l’aspect général d’un vieillard, s’efforce de préju-
ger de la nature des altérations qu’il présente, et hésite à rap-
procher l’idée d’inflammation et celle de l’état asthénique
qu’amène .si souvent la vieillesse.
Cette donne-e physiologique porte en même temps avec elle ,
«eme semble, quelques enseignements hygiéniques et théra-
peutiques. S il est vrai que la reelle disposition, qui existe dans
la vieillesse aux affections de l’encéphale et des poujnons, tienne
au retrait des iorce.s vitales, de la périphérie, et à leur concen-
tration dans les parties centrales, on voit quelles tendances or-
(1) Il est ircs-prohablc, comme on l’a dit depuis longtemps, et MM. Hour-
mann et Decliambre ont reproduit rccemiueut cette idée, tpie , chez les
v'tcill.irds, la supersécrétion haititiielln des broiiclies (catarrhe, bronclior ■
rlice, etc. ), a généralement pour luit de suj'ple'cr à rinactivité fouciiobnelle
de la peau.
('?) D’où l’affaiblissement des fonctions dige.slivcs. la diminution de l.a
f liylification, et, par suite de la mitrilion, la constipation,... rextrème ra-
reté des nfleclions îdtdominales aiguës, {f^oyez, sur ce sujet, Prus, Ménioire
sur /eç maladies des vieillards dans icsAIémoires de l’Académie de niédeeinel.
Tr.AlTEHKNT DU r,A:\rOT>I*lSSliiMEIvT.
CA)r>
j^aniques doivent être combattues, quelles fouctions excitées,
clans quel sens les moyens propbylacliques, les agents médi-
caux devront agir, quelle direction sera donnée à l’hygiène des
vieillards, encore si peu étudiée, à leur thérapeutique dont les
ressources ne sont encore cjue bien imparfaitement connues.
S’il importe de se préoccuper sans cesse de ces idées physiolo-
giques, qui doivent considérablement modifier le traitement
d’une même affection chez les différents sujets et surtout les dil-
férentsages, cependant il faut faire attention qu’au moment où
débutent d’une façon grave et rapide les symptômes d’un ra-
mollissement, c’est à cette altération elle-même qu’il faut im-
médiatement s’adresser, c’est la congestion, puis l’Inflammation
partielle de la pulpe nerveuse cpi’il faut d’abord combattre
aussi directement et aussi énergiquement que possible. Je re-
commande aux méditations des praticiens le fait suivant , dans
lequel l’action très-évidente du traitement me paraît propre
à encourager leurs efforts dans ce sens.
Observation 127. — Etourdissements, pertes passagères de connais"
sance, puis hémiplégie droite devenue graduellement complète ; cé-
phalalgie, troubles de rintelligencc et de la parole, douleurs vives dans
lesmemhres. Disparition de tous ces accidents- Persistance seulement
d’un peu de faiblesse dans la main droite.
Madame Garci, âgée de qnarante-lmit ans, a toujours mené
une vie très-active et assez misérable. Elle est maigre 'et d’appa-
rence assez chétive ; cependant elle affirme n’avoir jamais fait
de maladie et n’avoir jamais été saignée. Elle a quatre enfants.
Les règles viennent très-régulièrement et sont trés-abondantes
depuis plusieurs années. Elle était, il y a quelques années, su-
jette à des migraines fortes et fréquentes: il m’a été impossible de
me procurer à ce sujet des renseignements bien circonstanciés ;
seulement il paraît (]ue ces migraines ne s’accompagnèrent d’au-
cun autre phénomène morbide, cl ne semblaient pas influer no-
tablement sur l’état général de l’économie.
Ces migraines avaient notablement diminué de fréquence et
d’intensité, lorsrju'elles reparurent avec plus de violence , il y
a un an. Depuis cette époque, il arrivait quelquefois à la nîa-
lado, la nuit, d’être prise de mouvements involontaires dans les
ramollissement cérébral.
membies inférieurs, qui sautaient malgré elle ; elle éprouvait
aussi parfois la même chose dans le bras gauche. Lorsqu’elle
était debout, quelquefois elle ne sentait plus la terre sous ses
pieds. Elle éprouvait encore de temps en temps des étoiuflisse-
ments, et on croyait qu’elle allait tomber de haut mal. Voilà,
avec quelques douleurs vagues dans l’épaule et le bras gauche,
à peu près tout ce qu’elle aurait ressenti pendant plusieurs
mois.
Il y a deux mois, elle tomba sans connaissance, rue des Ar-
cis. On la rapporta chez elle, et elle reprit ses sens au bout d’une
demi heure. Une paraît pas que cette attaque se soit accompa-
gnée de paralysie. Depuis elle e.st encore tombée deux ou trois
fois à la suite de violents étourdissements; mais elle revenait
promptement à elle. Les membi es gauches venaient quelquefois
tout à coup à être pris de faiblesse : ainsi, quand elle marchait
ou lorsfju’elle travaillait; il lui fallait alors .s’asseoir, ou elle
laissait tomber son ouvrage ; mais cela se dissipait toujours au
bout d’une demi heure ou d’un quart d’heure. Du reste, elle
sortait toujours pour ses affaires, et cousait encore il y a quinze
jours. Pendant tout ce temps, elle souffrait de maux de reins,
de douleurs, surtout dans l’épaule et les membres gauches :
c’était un sentiment de froid profond, des douleurs vives. Il y
avait aussi une céphalalgie iniense et continue. On me rapporte
également que, depuis une (juinzaine jours, elle n’avait pas
toujours sa tête, disait des choses extraordinaires, riait sans
propos.
Il y a huit jours, à la suite d’un étourdissement sans perte de
connaissance, il est survenu de nouveau dans les membres gau-
ches une faiblesse cjui ne s’est point dissipée. Elle pouvait encore
mai cher et remuer sa main ; mais la paralysie avait fait des pro-
grès graduels et rapides. Depuis trois jours, il lui est impossible
de se soutenir. Je fus appelé jirès d’elle, le 16 janvier 1842.
Elle éiail jiâle, l’air un peu égaré, la bouche fortement déviee
à droite, les yeux déviés de ce coté sans pouvoir se diriger
dans un autre sens ; la langue se tirait droite et sans peine. Ea
parole était monotone, gênée; par instants elle le devenait
davantage, et la malatle sentait que sa langue l’cfusaitde se mou-
voir. Elle répondait à toutes les qnestionsavec beaucoup de pré-
cision, mais quelquefois cherchait long-temps ou répétait plu-
507
traitement du ramollissement.
sieurs fois la même chose ; elle riait machinalement. Les pu-
pilles, un peu dilatées à un jour faible, se resserraient à peine a
l’approche d’une lumière. /
Le membre supérieur gauche était complètement paralyse,
sans aucune raideur ; les mouvements du membre inferieur
étaient faibles et difficiles, surtout ceux des orteils. Mouvements
parfaitement libres à droite. . r, .
Elle éprouvait des douleurs vives dans le membre interieui
gauche : c’était comme si on lui suçait les os ; c’était une sen-
sation d’un froid profond qui court, et des engourdissements pé-
nibles. Elle avait éprouvé depuis quelques jours la même chose
dans le membre supérieur ; mais, depuis qu’il était tout à fait
paralysé, elle n'y ressentait plus rien. Elle souffrait seulement
beaucoup dans l’épaule et le long de l’omoplate ; le froid et le
contact de l’air augmentait beaucoup ces douleurs. Elle avait
souffert également, dans ces derniers.jours, du côte gauche de la
face; il lui semblait qu’il était enflé. La sensibilité cutanée était
partout normale. Il y avait une céphalalgie vive, continue,
siégeant toujours au sommet de la tête, sui la ligne médiane.
La déglutition était naturelle. Il n’y avait pas de constipation ;
l’émission des urines était volontaire. L’état général paiaissail
très bon : le pouls était ferme, régulier, médiocrement déve-
loppé, la peau naturelle, la langue normale; appétit, pas de
soif. (15 sangsues sous V oreille droite ; sinapismes^ compresses
imbibées d'eau vinaigrée sur latête ; limonade, bouillon).
17. Il n’a pris que sept sangsues à cause de l’impatience de
la malade. Elle me paraît dans le même état, bien qu elle se
trouve elle-même un peu mieux. [Poser le reste des sangsues ;
lavement avec trois gouttes d'huile de crolon).
18. Il y a un mieux notable. La malade se sent la tete déga-
gée, moins douloureuse ; ses idées sont plus nettes; ses réponses
. promptes, faciles. Elle remue un peu les orteils. Rien de nou-
veau, du reste. Les sangsues ont coulé tres-abondaininent ; le
lavement a produit peu d’effet [f^ésicatoire au col).
20. L’intelligence et la parole ont repris leur état normal.
La malade soulève un peu le membre supérieur gauche ; elle
n’y éprouvait aucune sensation depuis qu’il était entièrement
paralysé ; hier elle v a senti des douleurs vives, allant du coude
au poignet, et des fourmillements dans les doigts, ain.si que
508
RAAtOT,LlS5ElWI'.NT CÊra^EllAL.
dans le pied. Elle se soutient un peu sur ses jambes, et fait
meme un ou deux pas sans appui. La céphalalgie est assez vive ;
les douleurs des membres n’ont pas diminué {Prendre le matin
pendant quatre jours 15 grammes desuljate de soude).
Selles abondantes sans coliques. Le vésicatoire du cou est dou-
loureux et suppure abondamment. La marche devient tous les
jours plus facile. Il est survenu une bronchite qui fatigue beau-
coup la malade. Elle s’attriste ; elle demeure tout le jour assise
sur un fauteuil, quelquefois même la nuit.
26. Presque plus de céphalalgie, plus de dotdeurs dans l’é-
paule gauche. Pour la première fois, elle meut assez bien le
coude, le plie, porte l’avant-bras dans la pronation ; il ne se fait
encore aucun mouvement des doigts ni du poignet. Fourmille-
ments dans la main jusqu’au bout des doigts. Douleurs vives,
secousses pénibles et répétées de la jambe gauche; hier elle était
plus faible. Il est survenu à plusieurs reprises un peu d’embar-
ras dans la langue. Pouls naturel, assez développé. La malade
s’inquiète beaucoup. sons V oreille droite ; sina-
pismes aur poignets).
Les sangsues ont donné beaucoup de sang ; il y a eu soulage-
ment immédiat. Dès la nuit suivante, la malade s’est sentie la
tête dégagée, la langue plus libre {Faire des frictions sur le mem-
bre supérieur gauche avec un Uniment ammoniacal).
A février. Elle est gaie, et dit sentir tous les jours du mieux.
Elle marche bien ; elle porte la main à sa tète, et plie le coude
sans aucune difficulté; elle essaie, mais avec beaucoup de peine,
quelque.s mouvements depronation et de supination. Les doigts
demeurent immobiles ; cependant elle dit que, lorsqu’elle s’étire
dans son lit, sa main se ferme quelquefois avec tant de force que
ses ongles lui entrent dans la chair. Elle n’éprouve plus rien
dans la tète. Elle a quelques douleurs dans les membres,
les os, mais légères ; des rourmillements aux extrémités. Les
selles sont naturelles, l’appétit est très-grand, elle tousse tou-
jours. l'ille a suppriim: son vésicatoire.
8 février. Lorsqu’on introduit un corps quelconque entre les
doigts, ceux-ci se ferment avec assez de lorce ; mais ils demeu-
rent immobiles si la main est vide {Foser de nouveau un vésica-
toire à la nuque).
' ' I
TUAITEMEJXT eu IlAMOLLlSSEMENT. '3^*9
lo. Elle soulève sa chaulïeietle de la main gauche. Depuis
lors le mieux 'marche rapidement.
20 mars. Elle fait plus d’une lieue à pied sans se fatiguer beau-
coup. Les mouvements du bras gauche sont naturels, mais les
doigts n’ont pas encore recouvré toute leur force ; ils peuvent
nouer une rosette, mais c’est l’action la plus délicate qu’ils
puissent opérer. Il n’y aplus de douleurs, ni de fourmillements,
ni d’engourdiss,ements dans le côté gauche du corps, mais seu-
lement des douleurs rhumatismales auxquelles elle est sujette
depuis longtemps, qui se montrent également dans les quatre
membres, et que la malade trouve bien différentes de celles
qu’elle ressentait naguère dans les membres gauches. 11 n’y a
plus jamais de céphalalgie. Intégrité parfaite de l’intelligence et
de la parole. L’état général paraît également satisfaisant. La
bronchite s’est dissipée.
Elle était exactement dans le même état au mois d’août, .le
dois ajouter que, d’après les personnes qui vivent avec elle, ses
facultés intellectuelles et son caractère auraient conservé quel-
que ressentiment de sa maladie ; ainsi sa mémoire est affaiblie :
elle a souvent des absences, son humeur est bizarre.
.le ne l’ai point revue depuis la lin du mois d’août.
J’ai rapporté cette observation dans tous ses détails, afm que
la question du diaposticue laissât aucun doute dans l’esprit du
lecteur. Je crois que, malgré 1 absence de renseignements ana-
tomiques, 1 existence d un ramollissement est évidente ; non
seulement la marche des symptômes a été toutâ fait caracléris-
tique de cette maladie, mais encore il est facile de prouver
qu ils ne peuvent être rapportés à aucune autre chose crii’à un
ramollissement.
Serait-ce à une hémorrhagie ? Mais l’existence d’une hémi-
plégie, graduellement croissante et accompagnée de douleurs
vives dans les membres, suffirait pour éloigner d’une façon ab-
solue l’idée d’une semblable altération. Serait ce à une tumeur
du cerveau? Mats, dans cette hypothèse, comme on ne pourrait
se flatter d avoir guéri la tumeur elie-inêine, il faudrait bien ad-
mettre que les accidents que nous avons eu à combattre seraient
nos sous 1 influence d’un rainollisscnicul voisin de cette lésion
4
510
ramollissement cérébral.
oî(^anique, et dont on aurait arrêté les progrès, ce qui revien-
drait, comme on le voit, absolument au même ; seulement ce
serait une hypothèse toute gratuite et même fort improbable,
car, s’il eût existé une tumeur dans le cerveau, ces accidents ne
se fussent pas ainsi dissipés. Enûn il n’y a assurément aucune es-
pèce d’altération hémorrhagique ou inflammatoire des mé-
ninges, à laquelle on puisse être tenté d’attribuer les phéno-
mènes dont nous avons rendu compte.
11 est donc certain que nous avons eu affaire à un ramollisse-
ment, non seulement parce que les symptômes observés ont été
tout à fait caractéristiques de celte maladie, mais aussi parce qu’il
est impossible de les attribuer à aucune autre. La conviction du
lecteur, à cet égard, devra se baser moins encore sur les phéno-
mènes d’état de la maladie, c’est-à-dire ceux que nous avons
constatés à notre premier examen, que sur ceux qui ont accom-
pagné son développement, et même les légères traces qu’elle pa-
raît devoir laisser indéfiniment.
Quant au traitement, ses effets ont été des plus prononcés :
malgré la gravité des symptômes, malgré leur marche inces-
samment croissante, ils ont cédé avec une facilité inespérée aux
moyens employés, et je crois qu’il serait difficile de trouver un
fait qui mît mieux en évidence les rapports qui peuvent exister
entre un traitement et la disparition des accidents auxquels il
est opposé.
Je ne pense pas que la persistance d’un certain degré de fai-
blesse dans les doigts d’un membre, naguère paralysé, doive
nous empêcher de regarder ce fait comme un exemple de ra-
mollissement guéri. Sans doute, à l’époque où j’ai été appelé, il
s’était déjà produit dans un point de la pulpe nerveuse une dés-
organisation trop avancée pour qu il fût possible de la ramener
à son état normal. Une semblable circonstance, certainement
tout à fait au dessus des ressources de l’art, doit, du reste, d’au-
tant moins décourager le praticien, que les exemples de lésions
anciennes, cicatrices ou cavités du cerveau, trouvées chez des
individus entièrement débarrassés de tous accidents cérébraux,
sont, comme nous l’avons vu, trop fréquents pour que l’on ne
puisse conserver dans tous les cas l’espérance d’obtenir une gué-
rison plus complète encore que celle de la femme Garci.
Je ferai remarquer que dans ce cas, ce n’est pas la médecine des
traitement du ramollissement. 511
symptômes, mais celle de l’altéi ation anatomique que j’ai faite ;
il en a été de même dans le suivant :
Observation laS. — Hémiplégie survenue graduellement , anesthésie
incomplète, céphalalgie. — Diminution de tous les symptômes, retour
de la sensibilité, à la suite d’une application de sangsues.
Une femme, âgée de soixante-dix. ans, était entrée à l’infir-
merie de la Salpétrière, au mois d’octobre 1839, pour un em-
barras gastrique qu’un vomitif dissipa prornplemenl, lorsque je
m’aperçus qu’elle présentait des accidents cérébraux assez pro-
noncés, bien qu’elle ne se fût pas plaint d’elle même. Elle me
donna les renseignements suivants : elle avait commencé un an
auparavant à devenir sujette à de la céphalalgie, ou pliiiôt à un
sentiment pénible de pesanteur, siégeant aü sommet et au côté
gauche de la tête. En même temps la jambe droite avait com-
mencé à s’affaiblir ; elle la traînait en marchant ; plus tard la
faiblesse avait gagné le membre supérieur du même côté ; elle ne
portait son verre et sa cuiller à sa bouche qu’en tremblant ; il lui
était impossible de soulever un corps un peu pesant, et sa main
ne pouvait serrer que légèrement. Quelquefois ses doigts se rai-
dissaient et ne pouvaient plus se fermer. Elle éprouvait aussi
dans ses membres des engourdissements continuels, douloureux,
quelquefois des crampes légères, et une sensation de froid per-
manente ; de légers engourdissements se faisaient également
sentir dans le côté droit de la face et du tronc ; rien de sembla-
ble dans la moitié gauche du corps. La sensibilité au pince-
ment, à la piqûre avec une épingle, était inhniment moindre
dans les membres du côté droit que dans ceux du côté gauche.
La bouche n’était pas déviée, mais le sillon naso-labial gauche
beaucoup plus élevé que le droit. La parole avait un caractère
particulier de monotonie et de'lenteur qui avait fixé le premier
mon attention sur l’état du cerveau ; elle éprouvait de temps en
temps un peu de difficulté à s’exprimer. L’intelligence parais-
sait en bon état, seulement elle sentait que sa mémoire s’affai-
blissait. L’étal général s mblait assez satisfaisant ; mais la ma-
lade était maigre , le teint pâle ou plutôt un peu jaunâtre et
dépourvue de toute vivacité.
On posa trente sangsues aux apophyses mastoïdes.
Dès le lendemain il y avait un changement remarquable dans
512
llAMOLLlSSlC.ME^T CIÎUÉJUIAL.
1 état de cette lemine : la tète était beaucoup moins lourde, les
engourdissements des membres diminués: elle se sentait les
membres droits beaucoup plus forts, et, en effet, elle serrait bien
mieux de sa main droite ; enfin la peau avait recouvré toute sa
sensibilité.
Elle demeura encore quinze jours à rinfirmerie sans que cette
amelioration se démentît un instantj mais il ne nous fut pas
possible de la décider à y demeurer plus longtemps.
Il est bien a regretter que cette femme, insouciante comme
presque tous les vieillards des hospices, n'ait pas voulu rester
davantage à 1 iuûrmeriej il eût été curieux de voir jusqu’à quel
point un traitement méthodique eût pu rappeler l’intégrité de
ses facultés lesees. J’ai rapporté ce fait, tout incomplet qu’il soit,
à cause des conditions où se 'trouvait cette femme : son âge, sa
pâleur, sa maigreur, son peu de vivacité, la date de sa maladie
qui paraissait remonter à un an, la nature des accidents qui con-
sistaient en un simple affaiblissement sans pliénomènes doulou-
reux ni de réaction, rien ne semblait indiquer l’iililité des émis-
sions sanguines, et cependant une amélioration immédiate et
bien prononcée suivit l’emploi de ce moyen. C’est qu’il faut bien
SS convaincre que dans le plus grand nombre des cas le ramol-
lissement est une affection toute locale, d’autant plu^ indépen-
dante, pour ainsi dire, du reste de l’économie qu’elle est plus
ancienne, mais s’en isolant souvent même dès son principe ; et
cela est aussi vrai, en général, de la congestion qui en est le
point de départ, que du ramollissement lui-même-
Je termine ici ce chapitre que l’on trouvera encore trop long
en considérant le peu de choses qu’il contient. J’ajouterai seu-
lement, pour résumer mes idées sur ce sujet, que je crois que le
traitement du ramollissement doit être basé à la fois sur la con-
naissance de la nature de l’altération elle-même qui le constitue,
et des conditions physiologiques que présentent les individus
chez lesquels on l’observe. La nature du ramollissement, on
pensera peut-être qu’elle est suffisamment éclairée par les
études dont ce livre est l’exposé ■, quant à la seconde source
d’indications, je désire que l’on trouve (lignes de méditation les
courtes considérations que j’ai présentées à ce sujet dans les
pages précédentes.
«Amollissemenï chez les enfants.
010
APPENDICE.
DD nAMOLLISSBMENT CÉRÉBRAL CHEZ LES ENFANTS.
J’ai laissé, faute d’observation personnelle, une lacune dans
cet ouvrage en ne parlant pas du ramollissenient cérébral chez
les enfants. Je suis heureux de pouvoir y suppléer à l’aide de
l’article suivant, que MM. les docteurs Rilliet et Barthez ont
bien voulu me communiquer.
« Le ramollissement du cerveau, maladie si fréquente chez
les vieillards, plus rare chez Tadulte, l’est encore davantage dans
les premières années de la vie. Nous ne voulons pas dire cepen-
dant qu’on n’observe jamais chez l’enfant une diminution de
consistance partielle ou générale du tissu cerebial ; mais nous
prétendons c|ue , comme maladie idiopathique , sui generis,
ayant ses symptômes spéciaux et sa marche propre, le ramollis-
sement du cerveau chez l’enfant est une maladie tout à fait ex-
ceptionnelle. Nous n’avons rencontré de ramollissement que
dans les circonstances suivantes :
« l°Chez des enfants qui avaient succombé à des maladies de
nature très-différente, et dont les ventricules contenaient une
plus ou moins grande quantité de sérosité, la voûte à trois pi-
liers, le septum luciditvi, et quelquefois les parois ventriculaires
étaient ramollis dans une plus ou moins grande étendue ;
mais, comme nous avons cherché à le prouver ailleurs, cette lé-
sion, qui du reste ne s’était révélée pendant la vie par aucun
symptôme, n’était qu’un simple œdème.
" 2“ Dans des cas où le ramollissement était consécutif à des
lésions cérébrales anciennes, et s’était développé soit autour
d’elles, soit dans des points voisins. Ainsi nous avons vu la pulpe
cérébrale ramollie au-dessous de la. pie-mère enflammée, au-
tour des granulations, des tubercules cérébraux, des produits
accidentels, de l’induration de la substance cérébrale, des foyers
33
5i4
RAMOLLISSEMENT CÉRÉBRAL.
hémorrhagiques , etc. Dans tous ces cas , le ramollissement
était évidemment secondaire.
« Les différentes observations consignées dans les journaux
de médecine confirment presque entièrement le résultat auquej
nous sommes arrivés. za,
« Parmi les faits parvenus à notre connaissance, nous n’en
avons trouvé que deux qui nous paraissent des exemples incon-
testables de ramollissement idiopathique.
Observation. Ramollissement aigu du corps strié.
M Un enfant de trois ans, fort et bien portant, après avoir
passé une nuit très-tranquille et déjeuné avec appétit, fut pris
tout à coup de convulsions générales violentes. Le docteur Ni-
roch, appelé aussitôt, le trouva dans l’état suivant : yeux ha-
gards et immobiles, pupilles très-dilatées, pouls petit et fré-
quent, respiration entrecoupée et difficile, intelligence entière-
ment abolie.
« 11 demeura dans cet état pendant cinq heures ; alors tout le
côté droit du corps fut frappé de paralysie. Les membres gauches
s’agitaient violemment ; les yeux étaient loitemeut déviés à
gauche (deux applications de sangsues, calomélas, sans soulage-
ment). La nuit fut mauvaise. Le lendemain cependant il y eut
plus de calme -, l’enfant se dressa plusieurs fois sur son séant, et
donna quelques signes d’intelligencej l’hémiplégie paraissait
même avoir diminué. Mais cette amélioration apparente fut de
courte durée ; bientôt survinrent les signes précurseurs de la
mort et l’enfant succomba dans la nuit, quarante heures après
l’apparition des premiers symptômes.
« Autopsie. On trouva un ramollissement du corps strié
gauche, qui était réduit en bouillie, d’un rouge brun, n’offrant
plus aucune trace d’organisation. Toutes les autres parties de
l’encéphale et les différents organes de la poitrine et de l’abdo-
men étaient dans leur état normal {JVochenschrift für die ge-
samt JJeilk. m7, n» 11. Extrait des Archwes de Médecine). »
Jl J
RAMOLLISSEMÉJNX chez les EM'ANi'S.
OBsiiR<r4rioN. Pendaul U-énlC-liull heures, syiniUÙmes fugaces (icu cvi-
dents.Morl subite. = Ramollissement de la loialité du cervedU Cl du cer-
velet.
« Un enfant de trois ans, fort, bien portant, de facullcs pré-
coces, parût un soir, après dîner, légèrènient indisposé ; il se
plaignait un peu de la tête. Nuit agitée. Le lendemain, il se leva
comme à rordinaire, et ne présenta dans la journée que moins
d’appétit, un peu de céphalalgie, et quelcpiés vomissements ver-
dâtres. Le soir, sommeil calme, sans fièvre, face un peu pâle.
» La nuit fut calme, meilleure que la précédente. Le matin,
il vomit une ou deux fois ; on crut remarquer quelques indices
dé délire. A neuf heures, il survint de l’assoupissement; à onze
heures, cet assoupissement n’était pas très-profond ; on ne pou-
vait lui parler ni le toucher sans lui arracher des cris aigus : pouls
naturel, peau fraîche, intégrité des mouvements.il n’y avait
absolument que de l’assoupissement. Un moment après, comme
on allait lui mettre les sangsues, l’enfant expira tout à coup.
« Autopsie dix-sept heures après la mort. — Crâne volumi-
neux, bien ossifié. Sinus de la dure-mère gorgés de sang. A me-
sure qu’on incisait celte membrane, le cerveau s’échappait par
l’ouverture. Circonvolutions un peu aplaties. La portion d’a-
rachnoïde qui recouvre la convexité des hémisphères était
rouge, injectée; on n’y remarquait ni opacité ni exsudation.
Elle présentait surtout cette rougeur sur l’hémisphère droit, vers
le lobe moyen duquel elle était comme ecchymosée. Près de
cet endroit existaient deux taches blanches, irrégulières, ayant
à peu près un pouce dans leur plus grand diamètre. Ici Varach-
no'ide manquait., et la couleur blanche appartenait à la substance
corticale, qui était considérablement ramollie. Toute la sub-
stance du cerveau et du cervelet était dans un état de mollesse
tel qu’on ne pouvait la toucher sans la détruire. Il n’y avait pas
une goutte de sérosité dans les ventricules. On retrouva à la
face interne de la dure-mère, à l’endroit qui correspondait aux
deux taches blanches qui ont été notées, de la bouillie céré-
brale qu’on recueillait sur le scalpel. Le cerveau n’était point
injecté de sang. Rien dans la poitrine ni dans l’abdomen, si ce
n’est de la rougeur dans quelques points de la muqueuse iléale,
UAMOLLISSEMENT CÉRÉBRAL.
51 (S
et de rengorgement dans les glandes du mésentère (observation
empruntée au docteur Deslandes) (1). w
SuituntroisièinefaitcommuniquéparM.Durand, ancien interne
de 1 hospice des Enfunts-IVlaladesy avec abcès sigu du cerveau.
« Les autres faits , ajoutent MM. Rilliet et Barthez, insérés
dans les journaux de médecine, sous le titre d’encéphalite, de
ramollissement jaune, etc., appartiennent aux inflammations ou
ramollissements secondaires, et sont pour la plupart liés à des
affections organiques de l’encéphale (2). »
Il faut cependant ajouter aux observations rapportées par
MM. Rilliet et Barthez deux observations que j’ai empruntées à
MM. Lallemand et Raikein, de ramollissement aigu trouvé chez
un enfant de trois ans (3), et d’un an (4).
Billard parle d’uii l’amollissement du cerveau qu’il aurait as-
sez souvent rencontré chez les enfants nouveau-nés. « 11 est,
dit-il, une lésion propre à l’encéphale des nouveau-nés, et qui est
le résultat évident des congestions de cet organe. Je veux parler
d’une espèce de ramollissement local ou général, qui, loin de
présenter les caractères de rinflammation, offre au contraire
tous les signes propres à indiquer la décomposition, et l’on pour-
rait dire la putréfaction de l’organe.
<1 iJn enfant, affecté d’un endurcissement général du tissu
cellulaire, mourut le sixième jour après sa naissance sans avoir
présenté de symptômes cérébraux appréciables. Les organes
étaient généralement gorgés de sang ; les méjiinges étaient très-
injectées ; la pulpe cérébrale rougeâtre, réduite en une bouillie
floconneuse, qui s’écoulait de tous côtés lorsqu’on incisait l’a-
rachnoïde, et qui répandait partout une odeur sulfurée très-
prononcée. Ce ramollissement s’étendait jusqu’aux ventricules
(t) Celle ob.servalion, curieuse sous beaucoup de rapporls , pre'senlc en
parliculier une circonstance assez extraordinaire : je veux parler de celle
destruction partielle de la pie-mère et de l’aracbnoide. M. Littrë a rencon-
tre une semblable alleValion des mCniinges, au niveau de ramollisscmenls
aigus multiples sur un même licniispbcre. (Voyez Journal hebdomajairç,
t. 1, p. 212, 1828.) .Te n’ai moi-inèiuc jamais rien rcnconlr(! de semblable.
(2) Rilliet cl Barthez, Traite clinique et pratique des maladies des en-
fants^ t. 1 .
(3) Observation 8, p. 28.
(.j) Observation 12, p. 4"- ...
RAMOLLISSEMENT CHEZ LES ENFANTS. 51/
latéraux, où se irouvaltuae assez grande quantité de sang épan-
dU ;Te «s,e du «. veau était r„..oUi, et d'une couleut v.ola-
cée i mais il était loin d'élve diffluent comme lapaitie desl.e-
inispUères supérieure aux venincules.
<t On voit, ajoute Billard, que cette désorganisation generale
delà pulpe du cerveau était le résultat de son contact et de son
«Ange avec le sang épanché dans les vent,. cules, et .nfiitte
dans la substance propre du cerveau. Ce ra.noll.ssement .e-
.uarquable par sa couleur lie de vin, et par son odeur d h,d.<^-
Bène’sulfuré. est souvent le résultat du mélangé du sang avec la
substance du cerveau, car il y a presque toujours en ...en.e
tcrpsune hémorrhagie cérébrale. D’un autre cote, je sms porte
à croire que le ramollisse.nent peut précéder 1 hemo. rbag.c,
peut-être même y donner lieu, car je l’ai trouve plusieurs fois
sans épanchement sanguin. , r •
<t Le ramollissement dont je parle n existe quelquefois que
dans un seul lobe, quelquefois dans les deux ; tres-souvenl toute
la masse cérébrale est ainsi détruite : on ne trouve plus en ou-
vrant le crâne qu’une bouillie floconneuse, noirâtre et melangee
d’un grand nombre de caillots de sang et de flocons pulpeux.
Un fait très-particulier, c’est que les méninges restent toujoui s ,
étrangères à cette désorganisation ; la moelle alongee et la moelle
épinière demeurent le plus ordinairement intactes.
«J’ai trouvé ce ramollissement chez des nouveau-nes morts
presque immédiatement après la naissance, ce qui me portait a
croire qu’il avait eu lieu pendant le séjour de l’enfant dans 1 u-
térus. (!}. “ . ,
Le docteur James Copland (2) dit avoir remarque, comme
Billard, que le ramollissement cérébral était ires-frequent chez
les petits enfants, chez qui il précède souvent la naissance, et il y
a trouvé comme lui une odeur d’hydrogène sulfuré (5).
fl) Hillard, Traite des maladies des enfants nom>eau^nés , 3» édition ,
p. 6G7 et siiiv.
(2) J. Copland, Dicl. qf praciical medecine, t. i, p. SI.*).
(3) J’avais annoncé, page 209, une appendice sur l’élude microscopique
du raniollissemenl cérébral, mai.s je n’ai pu malheureusement me procurer
encore qu’une partie d’un irayail étranger, dout l’analyse devait faire l
sujet de cette appendice.
J a, ™ occasu,,, a» ctcr ol .U. p|„3ie„,^ foi» , ,,
»onrs de ce iravail, des olisoi vations cl des «i, inions de M le doc-
<en,. Declambre, rapponfe l-ar les amènes du Co,„pe„Æ„m A
medec,„e pratique (art. R*molusse.,e»i du enavEAu, année
1835 ). Cet estnnaUe confière n.> fait remarquer qq’il ne saura.!
accepter aujourd’hui l’entière responsalnlitédeces citations, com-
muniquées, d’ailleu,», à une époque oi, il ne possédait encoi e
(]iic des matériaux incomplets.
Je me fais un plaisir de rapporter ici cette déclaration , tout en
faisant observer à M. Decbambre que la forme donnée à ces cita-
tions ne Im permet pas d’en décliner entièrement la responsabilité,
tant qu’il n’en aura pas fait le sujèt d’une réclamation formelle. '
table des matières
Préface. . • • • • . . • •
Division du ramollissement
I
PREMIÈRE PARTIE.
RAMOIXISSEMENT AlGV.
CHAPITRE PREMIER.
Pag.
Anatomif PATHonoGiQUE DU ramolussbmert aigu
Aat. I. Caractères anatomiques du ramollissement aigu. . .
§ T. Siège . • '•
§ II. Consistance
Delà consistance normale du cerveau. • •
§ lll. Couleur. -,
Rongeur
De la coloration jaune dans le cerveau. . .
§ IV. Modifications dans la forme du cerveau. . .
§V. État du reste du cerveau et des méninges . .
Injection des méninges
Sérosité dans les méninges
Adhérences de la pLe-racre
Art. II. Observations. . • • u' '
§ l. Observations pour faire connaître le ramollisse-
ment aigu dans lasubstance médullaire, avec
injection , puis avec infiltration sanguine.
Odsebvatiors I — 8.
^ H. Observations pour faire connaître le ramollisse-
t
A
4
.5
7
7
10
i4
i6
1
i
20
22
25
00 VI
520
TABLE T)ES MATIÈRES.
ment aigu dans la substancecorticale, avec colo-
ration rose, puis avec infiltration sanguine.
OuSïKVATIOKS 9 — 17, °
CHAPITRE II.
ApPHltcliTION DES ALTÉBATlOîlS AMATOMIQUES DANS LE BAMOtUSSE-
>iH.\T Aine
§ 1. Congestion cérébrale
§ 11. Infiltration sanguine.
A. Observations d’infiltration sanguine , avec
conservation de la consistance normale du
cerveau. . •
Observations 18 — 5.2.
K. Observations d’infiltration sanguine, avec
augmentation de la consistance normale du
cerveau
Observations 20 — 26.
De l’induration primitive de la substance céré-
brale
C. Observations d’infiltration sanguine, avec di-
minution delà consistance normale du cerveau.
Observations 27 — 28.
§ 111. Inllammation
Delà rougeur dans le ramollissement cérébral.
Analy.se des observations de ramollissement
de MM. Roslan, Andral, Lallemand etRai-
kem , au point de vue de la couleur de la ,
substance cérébrale ramollie
CHAPITRE ni.
SvUPTÙMKS du KAW0I.LISSE.MENT AlfiU
A. .T. J. Ob.servations
S 1. Première forme {apoplectique). — A/faiblisse-
menl, ou abolition des fonctions cérébrales.
yl. Développement rapide ou instantané des
symptômes. .
ttn.^rBViTioN.s '>() — 7i(>.
table Ï)ES matières.
Pag-
B. Développement graduel des symptôme». . 106
OBSiHVA110."(S 37 — 58.
§ II. Deuxième forme (otaaîi^tte). Excitation ou per-
version des fonctions cérébrales. . io8
Obsurvahoks 38 — 44-
Abt. 11. Analyse des observations précédentes. , ; . . uS
§ I. Prodrômes • • . • 119
§ II. Début
§ 111. Troubles du mouvement
De la contracture - ^~7
S IV. Trouble» du sentiment. . . , i3o
§ V. Céphalalgie *55
§ VI. Troubles de l’intelligence «ôt)
§ VII. État de la face ^4^
§VIll.Etat de la parole i48
§ IX. Etat des sens. i48
De la contraction et de la dilatation de la pu-
pille
5 X. Circulation. iSo
§ XI. Respiration iSa
§ XII. Nutrition ‘53
5 XIII. Durée ■ •
§ XIV. Résumé. |56
CHAPITRE IV.
ApPBKCUTIOS OHS SVMPIÔMBS Dû BAMOLLISSBMEKT a ICO |58
§ I. Congestion cérébrale >5<)
Observations de congestion cérébrale. ... i6ô
OüSBBVATioiss 48 — 54.
§ II. Encéphalite >7®
CHAPITRE Y.
Diagnostic du bauou.issbmknt aigu >82
S l. Développement graduel des symptômes . . . ,i85
Congestion cérébrale »83
Hémorrliagie cérébrale *84
Hémorrhagie des méninges. ...... i8'(
TABLE DES MATIÈRES,
§ II. Début subit • . . . .
Diagnostic différentiel du ramollissement et de
rbémorrhagie cérébrale. ......
§ III. Forme ataxique. ......
Méningite. .
DEUXIÈME PARTIE.
RAMOLLISSEMENT CHRONIQUE.
CHAPITRE VI.
Anatomie pathologique du ramollissement chronique
Art. I. Première période du ramollissement chronique ; ^ramo/-
lissement pulpeuao)
■ De la suppuration dans le ramollissement. .
Recherches microscopiques sur le ramollisse-
ment
Ramollissement général du cerveau.
Observations 55 — 5j.
Observations de ramollissement pulpeux. .
Observations 58 — 64.
Art. 11. Deuxième période du ramollissement chronique. .
S I. Deuxième période du ramolli.ssement chroni-
que dans la couche corticale des circonvolu-
tions. [Plafiics jaunes des circonvolutions.). .
Observations de plaques jaunes des circonvolu-
tions
Observations 65 — 68.
§ II. Deuxième période du ramollissement chronique
dans la substance médullaire et les parties
profondes du cerveau [infiltration celluleuse).
Observations d'infiltration celluleuse .
Observations 69 — ^5.
Ce que l’on trouvedauslcç auteurs, relativement
à l’infiltration celluleuse
Infillrnlion celluleuse dans la moelle épinière.
Pag.
185
186
^97
>97
TOI
203
ao5
204
211
219
201
202
234
244
248
265
269
table des matières.
533
Pag.
§111. Etude des cavités propres au ramollissement,
^ comparées aus cavités hémorrhagiques. •
Examen des observations de Rocheux. • •
Des modifications que subit le sang dans les
• cavités hémorrhagiques
Aai, III. Troisième période du ramollissement chronique. (ü*s-
parition du tissu ramolli.) .... • •
5 l. Ulcérations des circonvolutions
Obsbhvatiohs 76 — 80.
§ 11. Disparition d’une partie de la substance mé-
dullaire . .
Obskbvatiohs 81 — 86.
270
271
280
385
285
295
Aar. IV. Siège .du ramolissement chronique, . . . • •
Rapprochement du siège du ramollissement
cérébral et de celui de l’hémorrhagie. • .
3o5
307
CHAPITRE VII.
lyHPT(^||ES DD B AMOLLISSEMENT CHRONIQUE * • 010
Aht. I. Considérations générales
DilEcultés de la séméiologie çérébrale. • . 3io
Lésions cérébrales sans symptômes. . . . âi2
Symptômes cérébraux sans lésions anatomi-
ques appréciables. 3^4
Congestion cérébrale-
Absorption de la sérosité crânienne. . . • 017
R.imollissement latent ^19
Abt. II. Etude spéciale des symptômes du r.Tmollissement chro-
nique. . . , • •
§ 1. Troubles du mouvement. 020
§11. Troubles du sentiment . .324
§ III. Céphabilgie 3a6
§ IV. Etat de l’intelligence 227
§ V. Troubles de la parole • . 529
§ VI. Etat des sens et des diverses l'onctions. . 329
§ VII. Marche et durée du ramollissement chro-
nique
table des matières.
52 5
Abt. III, Observations de ramollissement chronique.
§ I. Première forme. — Ramollissement marchant
par degrés successifs
Obseevatioks 87—92.
§ II. Deuxième forme. — Ramollissement débutant
subitement. (Début apoplectiformc.) . .
Observatiobs g3 — g6.
S III. Troisième forme. —(La mort survient à la
suite d’accidents aigus paraissant s’être déve-
é()î- loppés sous l’influence d’un ramollissement
chronique.)
Obskbvatioms 97 — 101.
^ Quatrième forme. — Ramollissement latent, ' .
City. ObsbAVATIONS 102 — 108.
CHAPITRE VIIT.
Diagnostic du rauollissbmebt chbonique
§ I.- Diagnostic du ramollissement chronique et de
l’hémorrhagie cérébrale
De la co-exislence d’un ramollissement chro-
nique et d’un ancien foyer hémorrhagique.
§ 11. Diagnostic du ramollissement chronique et des
tumeurs de l’encéphale
TROISIEME PARTIE.
CHAPITRE IX.
Dï ta CCBABlUTll BT DBS MODES DE GCBBISON OU K AMOLUSSBME.NT CÉ-
HéBBA I
(luéi'ison du ramollissement aigu . ....
Guérison du ramollissement pulpeux. ,
Des petites cavités des corps striés.
De l’induration de la substance céiébrale.-
De la guéilson de.s plaques jaunes des circon-
vohilions
TàBLE DÈS MÀTlÊlOiS.,
525
Pag.
De la guérison de l’infiltration celluleuse. . 4i4
Pertes de substance du cerveau
Cicatrices du ramollissement 42 1
Observations de guérison du, ramollissement
sans autopsie. 4a4
CHAPITRE X. ‘ '
J , "f ■ ■ ■
Ig LA MOHT DAHS LE HAMOLLISSE.UKÎIT. . . ’ .
- ; • l'
: 5 I. Mort par le cerveau • * •
§11. Mort par le poumon.
A. Congestion h3'postalique
B. Pneumonie bypostatique
C. Mode de développement de la conge.stion
et de la pneumonie hyposlatique . . . -
D. Symptômes de la congestion et de la pneu*
i monic hyposlatique. .
I § 111. Mort par les escares
43a
434
434
436
458
440
446
i
I
1
’aONOSTlC DU SAUOLLISSEMBKT,
CHAPITRE XI.
^ ./i C
1 ■ ■■
CHAPITRE XII.
)b LA îUrUaE El DE L ÉTIOLOGIE DO BAMOÏLlSSEMBHt . ..... 4^0
Aht. I. Nature du ramollissement. — Examen des opinions des
auteurs sur ce sujet 45o
§ I. Ramollissement considéré comme une altéra-
ration asthénique, analogue à la gangrène. . 45i
De l’ossification des vaisseaux du crâne . . . 456
Des rétrécissements des orifices du cœur, consi-
dérés comme cause du ramollissement. . 45y
De la ligature de la carotide 46o
§ 11. Ramollissement considéré comme une altéra-
tion sénile, spécifique 463
62b' l'AlillE^DÉS MATIÈUÈS.'-
• 1
f
S III. Ramollissement considéré comme uiie lésion
scofbntiqfné
■ • S IV . ConCÏusîonr
§ V, Bu ramollissement blanc
• • • • Observations présentées comme exemples de ra-
mollissements primitivement blancs.
OssEBVATions riQ — 126.
§ I^I» Quelques doctrines touchant la nature du ramol-
lissement
Aar. II. Causes du ramollissement.
§ I. Age.
^ II. Saisons.
§ III. Constifution et étal anléiieur deu malades af-
fectés de ramollissement.
ff •
. . IV. Etat du cœur. ^
^ . Hypertrophie du Cœur. ^
- • 'g.’ii -iie ■
, : II. -i.‘.
CHAPITRE XIII. .1
TbAIIEMEXI ou BAMOULlSSEUEnZ.
l’ag.
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499
APPENDICE .
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Ou EAMOLLISSEHENX CHEZ UES ENFANTS.
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